Livre pour l’enseignement de ses filles du Chevalier de La Tour Landry/Préface


PRÉFACE.



Le livre du chevalier de La Tour a joui d’une grande vogue au moyen âge. Souvent transcrit par les copistes, il obtint de bonne heure les honneurs de l’impression. Publié d’abord par le père de la typographie angloise, le célèbre Caxton, qui l’avoit traduit lui-même, il fut, neuf ans après, traduit et imprimé en Allemagne, où il est resté au nombre des livres populaires. Moins heureux en France, le livre du chevalier de La Tour n’y eut que deux éditions, de la première moitié du seizième siècle, connues seulement des rares amateurs assez heureux pour en rencontrer un exemplaire, assez riches pour le payer un prix exorbitant.

En publiant une nouvelle édition de ce livre, nous n’avons pas en vue son utilité pratique. Nous voulons seulement mettre dans les mains des hommes curieux des choses du passé un monument littéraire remarquable, un document précieux pour l’histoire des mœurs. Il est piquant et instructif, en se rappelant comme contraste les lettres de Fénelon sur ce sujet, de voir ce qu’étoit au XIVe siècle un livre sur l’éducation des filles.

I
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La famille du chevalier de La Tour Landry.
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Mais, avant de parler de l’œuvre, il convient de parler de l’auteur, et de rassembler les dates et les faits, si petits et si épars qu’ils soient, qui se rapportent à sa biographie, à celle de ses ancêtres et de ses fils : car, si son nom existe encore, l’on verra que sa descendance directe s’est bientôt éteinte, circonstance qui, en nous fixant une limite rapprochée de lui, nous obligeoit par là même d’aller jusqu’à elle, pour ne rien laisser en dehors de notre sujet. Cette partie généalogique sera la première de cette préface ; nous aurons à parler ensuite de l’ouvrage lui-même, des manuscrits que l’on en connoît, et enfin des éditions et des traductions qui en ont été faites : ce seront les objets tout naturels et aussi nécessaires de trois autres divisions.

Pour la première, deux généalogies manuscrites, conservées aux Manuscrits de la Bibliothèque impériale[1], et qui nous ont été communiquées par M. Lacabane ; le frère Augustin du Paz, dans son Histoire généalogique de plusieurs maisons illustres de Bretagne, Paris, Nic. Buon, 1621, in-f° ; Jean le Laboureur, dans son Histoire généalogique de la maison des Budes, Paris, 1656, in-f°, à la suite de l’histoire du maréchal de Guébriant ; le Père Anselme ; Dom Lobineau et Dom Morice, dans les preuves de leurs deux Histoires de Bretagne, contiennent des renseignements précieux ; mais il ne suffiroit pas d’y renvoyer, il est nécessaire de les classer et de les rapprocher.

Et d’abord, le lieu de Latour-Landry, — siège de la famille, et qui, après avoir dû recevoir son nom de son château seigneurial et du nom d’un de ses membres, en est devenu à son tour l’appellation patronymique, — existe encore sous ce nom dans la partie de l’ancien Anjou, limitrophe du Poitou et de la Bretagne, qui forme maintenant le département de Maine-et-Loire. Il se trouve dans le canton de Chemillé, à 27 kil. de Beaupréau, entre Chollet, qui est à 20 kil. de Beaupréau, et Vezins, éloigné de 26 kil. du même endroit. Autrefois, le fief de Latour-Landry étoit « sis et s’étendant sur la paroisse de Saint-Julien de Concelles[2] », qui est à 15 kil. de Nantes, canton de Loroux, dans la partie bretonne du département de la Loire-Inférieure. Les restes du donjon des seigneurs subsistent encore maintenant, me dit-on, à Latour-Landry, notamment une grosse tour très ancienne, dont on fait, dans le pays, remonter la construction au XIIe siècle, et je regrette de ne pouvoir en donner de description[3].

Les généalogies manuscrites commencent par le Latour-Landry du roman du roi Ponthus, roman sur lequel nous aurons à revenir plus tard, et comme, se fondant sur Bourdigné, elles mettent en 495 la descente fabuleuse en Bretagne des Sarrasins, contre lesquels ce Latour imaginaire se distingua à côté du non moins imaginaire Ponthus, le généalogiste continue fort naïvement en disant que « la chronologie, qui souvent sert de preuve pour connoître le degré de filiation, fait juger que ce Landry peut avoir été le père de Landry de Latour ! vivant en 577, et maire du palais sous Chilpéric Ier.» La copie de d’Hozier ne va pas si loin ; elle se contente de le croire son grand père. Il n’est pas difficile maintenant de dire quelque chose de plus historique.

Ainsi, je croirois membre de la famille de Latour l’Etienne de La Tour, Stefanus de Turre, qui figure comme témoin dans une pièce de 1166[4], et dans une pièce de 1182[5], dans ce dernier cas avec le titre, concluant pour notre supposition, de sénéchal d’Anjou. En 1200, un Landry de La Tour, sire dudit lieu, de lIsle de Bouin, de Bourmont, de la Cornouaille, etc., eut procès à raison du tiersage de Mortaigne, à cause de l’Isle de Bouin[6]. Vingt ans après, on trouve un personnage de ce nom, et déjà avec le prénom de Geoffroy ; au mois de mai 1220, le jour de la Trinité, un Geoffroy de La Tour est entendu à Nantes à propos du ban du sel, que se disputoient le duc de Bretagne et l’évêque de Nantes[7]. Trente ans après, un autre Landry de Latour échangea cette terre, déjà nommée, de l’Isle de Bouin, avec le sieur de Machecou, contre celle de Loroux-Bottereau ; et, vers la fin de ce même siècle, nous retrouvons un autre Latour, encore avec le prénom de Geoffroy ; car « Geuffrey de la Tor, escuier », figure avec Olivier de Rogé, Bernabes, seigneur de Derval, Guillaume de Derval et autres, dans une convention passée entre le duc de Bretagne Jean II et les nobles, par laquelle il consent à changer le bail et garde-noble en rachat ; la pièce est datée de Nantes « le jour du samedi avant la feste Saint-Ylaire, en l’an de l’incarnation mil deus cent sessante et quinze (1276), o meis de janvier[8]. »

C’est ici seulement que nous arrivons à une filiation reconnue ; les deux généalogies manuscrites donnant pour père à notre auteur un Geoffroy, il faut croire que c’est lui dont il s’agit dans une reconnoissance du nombre des chevaliers, écuyers et archers que les seigneurs de Bretagne doivent à l’ost du duc, faite par eux à Ploermel le jeudi après la mi-août 1294, où l’on trouve cet article parmi ceux compris sous le chef de la Baillie de Nantes : « Monseur Geuffroy de La Tour e Guillaume Botereau e Mathé de la Celle recongneurent qu’ils devoient un chevalier d’ost, c’est assavoir le tiers d’un chevalier, par la raison de leur fiez dou Lorous Botereau.[9] » Ce Geoffroy est donné comme seigneur de La Tour Landry, de Bourmont, de la Galonière, du Loroux-Bottereau, de la Cornouaille, et comme ayant été présent en 1302, « le jeudy après la Saint-Nicolas d’esté », au mariage de Jean de Savonnières. C’est à lui aussi que se doit rapporter ce fait, consigné dans Bourdigné[10], qu’en 1336, un Geoffroy de La Tour Landry étoit au nombre de ceux qui suivirent le comte d’Anjou dans sa guerre avec les Anglois et s’y conduisirent avec le plus de courage. Notre auteur parle deux fois de son père[11], mais malheureusement sans autrement le dénommer, et par conséquent sans apporter à l’assertion, très acceptable d’ailleurs, des généalogies, l’autorité irrécusable de son témoignage de fils. On a vu que je n’ai pas osé attribuer à ce Geoffroy la mention d’un Geoffroy en 1276. C’est par la considération que de 1276 à 1336 il y a soixante ans, et qu’en ajoutant les années nécessaires pour être partie dans un acte aussi important que celui de la première date, on auroit un âge de bien plus de 80 ans, acceptable en soi, mais dans lequel il est peu ordinaire de se distinguer par des exploits guerriers. Il faudroit, de plus, qu’il eût eu tout à fait dans sa vieillesse notre auteur, qui, comme on le verra, n’étoit pas le dernier de ses enfants, et n’est pas mort avant la fin du quatorzième siècle.

Je ne puis donner le nom de la femme du père de notre auteur ; mais je dois au moins faire ici un rapprochement. Dans son livre, il parle, à un endroit[12], de sa tante, Mme de Languillier, « dont le seigneur avoit bien mil vc livres de rente » ; puisqu’elle étoit sa tante, elle pouvoit être la sœur de sa mère, ce qui ne nous paroît pas donner son nom. Il faudroit pour cela que M. de Languillier fût son frère ; mais, à voir la façon dont notre chevalier loue la douceur de la femme et parle du mari comme étant « à merveille luxurieux », j’avoue avoir peine à croire qu’il eût cité cet exemple, si celui qu’il blâme eût été, non pas le beau-frère, c’est-à-dire un étranger, mais le propre frère de sa mère ; si, au contraire, celle ci est la sœur de la femme si digne d’être un modèle d’affection et de bon sens, le choix est très naturel[13]. Mais, je le répète, cette conclusion, que je crois la plus probable, ne nous donne pas le nom de la mère de notre Geoffroy.

En tout cas, celui-ci ne fut pas le seul enfant : car la généalogie manuscrite place comme second fils un Arquade de Rougé, en nous apprenant, de plus, qu’il épousa Anne de la Haye Passavant[14], fille de Briand de la Haye et de Mahaud de Rougé, sœur aînée de Jeanne de Rougé, et toutes deux filles de Bonnabes de Rougé. Ceci est pour nous très curieux ; car, — comme on verra que notre Geoffroy épousa cette Jeanne de Rougé, sœur cadette de Mahaud, — Anne de la Haye, fille de Mahaud de Rougé, sœur aînée de Jeanne, se trouvoit, en épousant Arquade, avoir sa tante pour belle-sœur. On pourroit en inférer aussi que, les deux belles-sœurs étant sans doute à la distance d’une génération, Arquade étoit beaucoup plus jeune que Geoffroy, son frère aîné.

La mention la plus ancienne que nous trouvions de notre auteur nous est donnée par lui-même. Il raconte dans son livre la conduite des seigneurs qui se trouvoient avec le duo de Normandie, depuis le roi Jean, au siège d’Aguillon, petite ville d’Agenois, située au confluent du Lot et de la Garonne. Comme Froissart[15] a parlé longuement de ce siège, qui, commencé après Pâques de l’année 1346, cette année le 16 avril, fut levé au plus tard le 22 août[16], il en faut conclure que notre Geoffroy, qui en parle comme un témoin, étoit déjà en état de porter les armes. Nous sommes après cela long-temps sans le rencontrer. Au premier abord, on seroit disposé à le retrouver en 1356 dans le sire de La Tour que Froissart[17], et que le prince Noir dans sa lettre à l’évêque de Worcester sur la bataille de Poitiers[18], mettent au nombre des prisonniers faits par les Anglois ; mais comme Froissart, dans son énumération des seigneurs présents à la bataille, qu’il donne un peu avant[19], met un sire de La Tour parmi les nobles d’Auvergne, il est probable que c’est de celui-là qu’il s’agit[20], et non pas du nôtre, qu’il auroit certainement mis parmi les nobles de Poitou. Mais c’est bien lui qui figure le 13 juin 1363 dans « la monstre de M. Mauvinet, chevalier, et des gens de sa compagnie, sous le gouvernement Monsieur Amaury, comte de Craon, lieutenant du roy ès pays de Touraine, Anjou et Poitou. » On y trouve le nom : « Monsieur Gieffroy de La Tour », suivi de la mention relative à l’objet de la montre : « cheval brun ; ix escus[21] ».

C’est, comme on le verra, en 1371 et 1372 qu’il a composé son livre ; à cette époque, il étoit déjà marié depuis assez long-temps pour avoir des fils et des filles dont l’âge demandoit qu’il eût à écrire pour eux des livres d’éducation. L’époque de son mariage est inconnue ; mais on sait très bien le nom de sa femme. C’étoit[22] Jeanne de Rougé[23], dame de Cornouaille, fille puinée de Bonabes de Rougé, seigneur d’Erval[24], vicomte de la Guerche, conseiller et chambellan du roi[25], et de Jeanne de Maillé, dame de Clervaux, fille elle-même de Jean de Maillé, seigneur de Clervaux, et de Thomasse de Doué ; la sœur aînée de Jeanne, c’est-à-dire Mahaut de Rougé, eut, comme on l’a vu, une fille, nièce de Jeanne, qui épousa Arquade de La Tour Landry, beau-frère de celle-ci. Nous aurons encore quelques mentions à faire de Jeanne de Rougé, mais nous préférons les laisser à leur ordre chronologique.

En 1378, Geoffroy envoya des hommes au siège de Cherbourg ; mais il n’y fut pas lui-même, car, dans l’acte du « prêt fait à des hommes d’armes de la compagnie du connétable, par deux lettres du roi du 8 et 13 octobre 1378, pour le fait du siège de Chierbour », on lit à la suite de l’article M. Raoul de Montfort : « Pour M. de La Tour, banneret, un autre chevalier bachelier et onze escuiers, receus en croissance dudit Montfort, à Valoignes, le 18 nov. ; à lui, dccxiv liv.[26] »

Il est probable qu’en 1379, Jeanne de Rougé, femme de Geoffroy, a été gravement malade, car, le 20 octobre de cette année[27], elle fit son testament, institua ses deux exécutrices testamentaires Jeanne de Maillé, sa mère, et dame Huette de Rougé, sa sœur, dame de Roaille, et choisit sa sépulture dans l’église Notre-Dame-de-Meleray, au diocèse de Nantes, auprès de la sépulture de son père[28].

En 1380, il résulte de la pièce suivante que Geoffroy prit part à la guerre de Bretagne : « Nous, Jean de Bueil, certifions à tous par nostre serment que les personnes ci-dessous nommez ont servy le roy nostre dit seigneur en ses guerres du pays de Bretagne, en nostre compaignie et soubs le gouvernement de M. le connétable de France, par tout le mois de février passé... M. Geuffroy, sire de La Tour, banneret... Donné à Paris, le 30 avril, aprez Pasques 1380[29]. » Trois ans après, nous trouvons aussi le nom de Geoffroy dans « la monstre de Monsieur l’evesque d’Angiers, banneret, d’un autre chevalier banneret, huyt autres chevaliers bacheliers et de trente et cinq escuiers de sa compagnie, reçeus ou val de Carsell le ije jour de septembre, l’an 1383. » Elle commence : « Ledit Monsr l’evesque, banneret. — Mess. Geuffroy de La Tour, banneret, etc.[30]»

En 1383, la femme de Geoffroy de La Tour Landry vivoit encore : car, dans cette année même, son mari acquit avec elle le droit que Huet de Coesme, écuyer, avoit au moulin de Brifont ou de Brefoul, assis à Saint-Denis de Candé[31]; mais elle mourut avant lui, car il épousa en secondes noces Marguerite des Roches[32], dame de la Mothe de Pendu, qui avoit épousé en premières noces, le 28 mars 1370, Jean de Clerembaut, chevalier[33]; comme on verra que les enfants des premiers mariages de Geoffroy et de Marguerite des Roches se marièrent entre eux, il n’est pas sans probabilité de penser que ce mariage tardif eut pour raison le désir de mêler complètement les biens des deux familles, et qu’il précéda les mariages de leurs enfants, ce qui le reporteroit avant l’année 1389.

En prenant cette date comme la dernière où nous trouvions Geoffroy, — et il est probable que les mariages de ses enfants avec ceux de sa seconde femme, qui sont postérieurs, se firent de son vivant, — il seroit toujours certain qu’il a vécu sous les règnes de Philippe VI de Valois, de Jean II, de Charles V et de Charles VI ; mais je ne puis dire en quelle année il est mort, car je ne crois pas qu’il faille lui rapporter la mention du « Geoffroy de La Tour, esc., avec dix-neuf autres », cités[34] parmi les capitaines ayant assisté au siège de Parthenay, qui fut fini au mois d’août 1419. Outre la qualité d’écuyer, tandis que depuis longtemps Geoffroy est toujours qualifié de chevalier banneret, les dates seroient à elles seules une assez forte raison d’en douter ; en effet, les années comprises entre 1416 et 1346, première année où il soit question de Geoffroy, forment un total de 73 ans, et, comme au siège d’Aiguillon, en 1346, on ne peut pas lui supposer moins de vingt ans, il faudroit admettre qu’il se battoit encore à 93 ans, ce qui est à peu près inadmissible. Il faut croire que c’est un de ses fils. On n’en indique partout qu’un seul ; mais il est certain qu’il en a eu au moins deux, puisque, dans son livre, nous le verrons mentionner plusieurs fois ses fils. Pour terminer ce qui le concerne, j’ajouterai que la généalogie manuscrite le qualifie de seigneur de Bourmont, de Bremont et de Clervaux en Bas-Poitou, et que Le Laboureur[35] le qualifie de baron de La Tour Landry, de seigneur de Bourmont, Clermont et Frigné, et de fondateur de Notre-Dame-de-Saint-Sauveur, près de Candé, ordre de Saint-Augustin. La Croix du Maine, I, 277, le qualifie de sieur de Notre-Dame de Beaulieu, ce qui est vrai, tirant sans doute ce titre du propre livre de notre auteur[36]. Nous ne doutons pas qu’il ne se trouve plus tard d’autres mentions relatives à Geoffroy. Dans d’autres histoires généalogiques, mais surtout dans des pièces conservées aux Archives de l’Empire et aussi dans celles d’Angers, il est impossible qu’il ne s’en trouve pas incidemment de nouvelles mentions ; mais il auroit fallu trop attendre pour avoir tout ce qui peut exister, et ce premier essai pourra même servir à faire retrouver le reste.

Nous pourrions arrêter ici ces détails généalogiques ; mais il est difficile de ne pas dire quelques mots de ceux-là mêmes pour lesquels Geoffroy avoit écrit, et, comme sa descendance mâle s’est éteinte au bout d’un siècle, de l’indiquer jusqu’au moment où le nom, encore existant, de La Tour Landry, a été transporté dans une autre famille par un mariage. Sur toute cette descendance, M. Pichon a trouvé dans des pièces manuscrites les plus curieux et les plus abondants détails, notamment toute la procédure de l’enlèvement d’une La Tour Landry ; il a tous les éléments d’une étude de mœurs historiques très intéressante et qu’il seroit malheureux de ne pas lui voir exécuter. Pour notre sujet, qui se rapporte plus particulièrement à Geoffroy et à son œuvre, quelques indications suffiront.

Charles de La Tour Landry se maria deux fois, d’abord à Jeanne de Soudé[37] ensuite, le 24 janvier 1389[38], à Jeanne Clerembault, fille de Marguerite des Roches, seconde femme de Geoffroy, cette fois avec la clause que, si Jeanne Clerembault demeuroit héritière de sa maison, Charles et ses hoirs, issus de ce mariage, porteroient écartelé de La Tour et de Clerembault, ce qui n’arriva pas, parce que Gilles Clerembault, frère de Jeanne, devenu beau-frère de Charles de La Tour, continua la postérité. La généalogie manuscrite fait mourir Charles de La Tour au mois d’octobre 1415, à la bataille d’Azincourt, et, en effet, nous trouvons « Le seigneur de La Tour » dans « les noms des princes, grans maîtres, seigneurs et chevaliers franchois qui moururent à la bataille d’Azincourt », donnés par Jean Lefebvre de Saint-Remy à la suite de son récit[39]. Nous avons déjà parlé[40] d’un Geoffroy de La Tour, figurant au siège de Parthenay en 1419 et probablement fils de l’auteur des Enseignements. Peut-être faut-il encore regarder comme un autre de ses fils un Hervé de La Tour, qui servoit comme gendarme en novembre 1415 dans la compagnie d’Olivier Duchâtel, en décembre de la même année dans celle de Jehan du Buch ; en juin 1416 dans celle de Jehan Papot[41]. Cependant nous trouvons à la fin de la traduction de Caxton, dont nous dirons plus tard la scrupuleuse exactitude, cette phrase : as hit is reherced in the booke of my two sonnes, absente de nos manuscrits, mais qui devoit se trouver dans celui suivi par Caxton, et établiroit qu’en 1371 notre auteur n’avoit que deux fils.

Quant aux filles, elles doivent avoir été au nombre de trois ; en effet, si aucun des manuscrits que nous avons vus ne paroît avoir appartenu à Geoffroy, — et il seroit difficile d’en être sûr, à moins d’y trouver ses armes et celles de Jeanne de Rougé, ou même de Marguerite Desroches, — toutes les fois qu’il y a une miniature initiale, on y voit toujours trois filles, et il n’est pas à croire que cette ressemblance ne soit pas originairement produite par une première source authentique. Malheureusement je n’en puis nommer qu’une, Marie de La Tour Landry, qui épousa en 1391[42], le 1er novembre[43], Gilles Clerembault, fils de la seconde femme de Geoffroy et frère de la femme de Charles, fils de Geoffroy. Gilles Clerembault étoit chevalier, seigneur de la Plesse, et n’eut pas

  1. Toutes deux portent en tête une mention de forme un peu différente, mais de laquelle il résulte qu’elles ont été copiées sur la notice manuscrite, dressée par feu messire René de Quatrebarbes, seigneur de la Rongère, et communiquée au mois de mai 1692 par M. le marquis de la Rongère, son fils. Dans l’une, cette mention est de la main de d’Hozier, qui l’a signée, et qui a fait d’évidentes améliorations ; elle est paginée 129 à 156. Comme chacune de ces copies contient des renseignements particuliers, nous désignerons la copie du cabinet d’Hozier, comme étant la plus complète, par Généal. ms. 1 ; et l’autre, qui n’est pas copiée jusqu’au bout, par Généal. ms. 2. Quand nous citerons sans numéros, c’est que le fait se trouve dans les deux.
  2. Du Paz, 660.
  3. On voit encore aussi à Vezins les restes d’un hôpital fondé par un Latour Landry, et aujourd’hui en ruines.
  4. Dom Lobineau, Preuves, in-f°, 1707, col. 271 ; et Dom Morice, Mémoires pour servir de preuves à l’histoire de Bretagne, in-fol., 1742, col. 657.
  5. Dom Lobineau, Preuves, col. 316; et Dom Morice, Preuves, I, col. 689.
  6. Généal. ms. 1.
  7. Dom Lobineau, Histoire, I, 215 ; Preuves, col. 377 ; et Dom Morice, Histoire, I. 1750, p. 150 ; et Preuves, I, col. 847.
  8. Dom Lobineau, Histoire, I, 272 ; Preuves, col. 426 ; — et Dom Morice, Histoire, I, p. 206 ; et Preuves, I, col. 1039.
  9. Dom Lobineau, Hist., I, p. 282 ; Preuves, col. 438 — et Dom Morice, Preuves, col. 1112.
  10. Hystoire agrégative des annales et chroniques d’Anjou, par Jehan de Bourdigné, 1529, in-fol., goth., f. cviij r.
  11. Pages 27 et 227 de cette édition.
  12. Chap. 18, p. 37.
  13. J’ajouterai que ce nom de Languillier est encore un nom de ces provinces : car je trouve dans le Père Anselme, II, 453 A, au commencement du XVIe siècle, il est vrai, mais je ne prends le nom qu’au point de vue topographique, un Guy de Sainte-Flaive, seigneur de Sainte-Flaive en Poitou et des baronnies de Cigournay, Chatonay, le Puy-Billiard et Languillier.
  14. Elle portoit d’or, à deux fasces de gueules, à l’orle de merlettes, posées 4 en chef, 2 en fasce et 3 en pointe. — Généal. mss.
  15. Ed. Buchon, t. I, liv. i, part. 1re, p. 212-63.
  16. Histoire du Languedoc de Dom Vic et de Dom Vaissette, livre xxxj, § 18 à 22 ; éd. in-fol., t. IV, p. 259-62 ; éd. in-8º, t. VII, p. 161-3.
  17. Froissart, éd. Buchon, liv. i, part. ij, chap. xlij, tome I, p. 351.
  18. Archœologia Britannica, in-4º, I, p. 213; et Buchon, I, 355, à la note. — Le prince de Galles le met parmi les bannerets ; et c’était aussi le titre du nôtre, ce qui rendroit l’erreur encore plus facile.
  19. Froissart, Ibid., ch. xl, p. 350.
  20. C’est de lui encore qu’il est question dans le grand poème de Bertrand Du Guesclin, par Cuveliers, comme étant l’un de ceux qui se joignent au duc de Berry (1372) pour aller faire le siège de Sainte-Sevère,
    Le signeur de La Tour en Auvergne fivé.
    Plus loin on l’appelle
    Le signeur de La Tour qu’en Auvergne fut né.
    (Collect. des docum. inédits, Chronique de Du Guesclin, publiée par M. Charrière, II, p. 214 et 221, vers 19,604 et 19,788.) Il est encore nommé page 224, dans la variante mise en note.
  21. Dom Morice, Preuves, I, col. 1558.
  22. Son père avoit déjà voulu le marier, mais le mariage avoit manqué. Voy. les Enseignements, chap. 13, p. 28-9 de cette édition.
  23. Genéal. mss. ; Du Paz, p. 85 ; Le Laboureur, p. 80.
  24. Voy., sur la terre de Derval, Du Paz, p. 166.
  25. Le Laboureur, p. 80.
  26. Dom Morice, Preuves, II, col. 391.
  27. Du Paz, 167, qui appelle Jeanne de l’Isle la mère de Jeanne de Rougé.
  28. Mort deux ans après, en 1377 (Du Paz, p. 656). Un autre Messire Bonnabet de Rougé est indiqué par Bouchet (Annales d’Aquitaine, quarte partie, folio xiv, comme tué à la bataille de Poitiers le 19 novembre 1356, et enterré chez les frères mineurs de Poitiers. Les armes de Rougé sont de gueules, à une croix pattée d’argent ; elles se trouvent dans l’armorial de Jean de Bonnier, dit Berry, héraut d’armes de Charles VII. (Fonds Colbert, n° 9653.5.5.)
  29. Dom Morice, Preuves, t. I, col. 244.
  30. Collection Decamps ; Mss, B. I. Cette mention nous a été donnée par M. Jérôme Pichon, qui, dans une note de son excellent Ménagier de Paris, avoit annoncé l’intention de publier une édition des Enseignements ; c’est à lui aussi que nous devons l’indication d’Augustin Du Paz, à qui nous aurions pu ne pas songer.
  31. Généal. ms.
  32. Généal. ms.
  33. Anselme, VII, 583 D. — Clerembaut portoit burelé d’argent et de sable, de dix pièces. Généal. mss.
  34. Dom Morice, Preuves, II, col. 991.
  35. Il l’appelle Georges ; mais il ne s’agit pas d’un autre, puisqu’il lui donne Jeanne de Rougé pour femme et Charles pour fils.
  36. Cf. notre édition, p. 79
  37. Généal. ms. 2.
  38. Généal. ms. 2. La Gén. 1 ne parle pas du nom de sa première femme. — Anselme, VII, 583 D.
  39. Ed. Buchon, dans le Panthéon, ch. lxiv, p. 402. — Monstrelet le cite aussi ; Paris, 1603, in-fol. I, 230 V°.
  40. Voy. p. xvij.
  41. Dom Morice, Preuves, II, col. 911, 913, 923.
  42. Généal. mss.
  43. Anselme, ut supra.