Livre pour l’enseignement de ses filles du Chevalier de La Tour Landry/Chapitre 54



Chappitre LIIIIe
De la femme Loth


Un exemple vous diray de la femme Loth, que Dieux avoit gettée de Gomorre, elle et son seigneur, et troix de ses filles, et Dieu luy avoyt deffendu qu’elle ne regardast point derrière elle ; mais elle n’en fist riens, ainçoys y regarda, et pour ce devint comme une pierre, tout aussy comme Saint Martin de Verto, quant il fist fondre la cité de Erbanges, qui estoit en l’eveschié de Nantes, laquelle fondy par le pechié de luxure et d’orgueil, aussy comme fist la cité dont Loth fut sauvé, c’est de Gomorre, Sodome, et autres V cités que Dieu fist ardoir par feu de souffre jusques en abysme, et devindrent lac et eau, et furent tous perilz, et la cause fut tout pour le vil pechié de luxure, que ja ne fait à nommer, qui put tant ordement que la pueur en va au ciel et bestourne tout le ciel et toute l’ordre de nature. Sy en furent VII cités arses de fouldres puans pour ce que ilz usoient de l’orde ardeur du feu de luxure. Car qui le povoit faire si le faisoit et s’en efforçoyt de le faire, sans y garder loy ne raison de nature, et tout aussy comme leurs cuers estoient ars et espris de celluy vil perchié et feu de luxure, nostre Seigneur les ardy eulx et tous leurs biens par fouldres de feu et de souffre, qui tant est horrible et puant. Et ainsi, l’une chaleur attrait l’autre, et ce fut la vengence et la pugnicion de Dieu le père. Si est bel exemple comment l’en se doit garder du feu de luxure fors du fait de mariage, qui est commandement de Dieu et de sainte Église. Après ce que la femme Loth regarda derrières elle pour veoir le tourment des pecheurs qui perissoient par celluy feu de fouldre, et si fist contre le commandement de Dieu et la deffense qui luy avoit esté faite, et fust signifiance à ceulx que Dieux delivre de peril et oste par fois de pechié mortel, c’est à ceulx à qui il donna grace de eulx confesser et de repentir, et quant ilz sont nettoiez et confessez, et que l’en leur a deffendu qu’ilz ne regardent point derrière eulx, c’est à dire que ilz ne retournent plus en pechié et que ilz se gardent nettement dorenavant, et puis ilz retournent arrière à leur pechié, ou en fait ou en dit, et se remettent arrières au peril et en l’ordure où ilz estoient, tant que ilz devendront pierre, et neant, et plus que neant, si comme elle fist. Je vouldroye que vous sceussiez l’exemple de la dame qui laissa son seigneur, qui estoit moult bel chevallier, et s’en ala avecques un moigne, et les frères d’elle la poursuyvoient, et la quistrent tant qu’ilz la trouvèrent la nuit couchiée avecques le moigne. Si coppèrent les choses du moigne et les jettèrent au visaige de leur suer, et puis les mistrent tous deux en un grant sac, et grant foyson de pierres dedens, et les jettèrent en un estanc, et ainsi furent tous deux perilz ; car de mauvaise vie mauvaise fin : car c’est un pechié qui convient que une fois soit sceu ou pugny.