Livre pour l’enseignement de ses filles du Chevalier de La Tour Landry/Chapitre 28



Chappitre XXVIIIe
De celles qui ne font que jengler aux esglises


Un autre exemple vous diray de celle qui loquençoit et jengloit à l’esglise quant elles doivent ouir le divin office. Il est contenu ès gestes de Athènes que un saint hermite estoit, preudons et de sainte vie. Si avoit en son hermitage une chapelle de saint Jehan. Si y vindrent les chevaliers, les dames et damoiselles du païs en pelerinaige, tant pour la feste comme pour la sainteté du preudomme. Si chanta l’ermite la grant messe, et, quant il se tourna après l’euvangille, si regarda les dames et damoiselles et plusieurs chevaliers et escuiers, qui bourdoyent et jengloyent à la messe et conseilloient les uns aux autres. Si regarda leur folle contenance, et vit à chascune oreille de homme et de femme un ennemy moult noir et moult orrible qui aussy se rioyent et jengloyent d’eulx et escripvoient les parolles que ils disoient. Ces ennemis sailloient sur leurs cornes, sur leurs riches atours et sur leurs cointises, aussi comme petiz oiselez, qui saillent de branche en branche. Sy se seigna li preudomme et se esmerveilla. Et quant il fut à son canon, aussy comme en la fin, il les ouy flater et parler, et rire et bourder. Sy fery le livre pour les faire taire, mais aucuns et aucunes y avoit qui se teurent point. Lors dist : « Beau sire Dieux, faictes les taire et faictes congnoistre leurs folies. Lors tous ceux qui se rioient et qui jengloient se prindrent à crier et à braire, hommes et femmes, comme gens demoniacles, et souffroient si grant doulour que c’estoit piteuse chose à ouïr. Et quant la messe fut chantée, le saint hermite leur dit comment il avoit veu les ennemis d’enfer eulx rire des mauvaises contenances qu’ilz faisoient à la messe, et après leur dist le grant péril où ilz cheoyent de parler et de y bourder, et la grant pechié où ilz entroient, comme à la messe et ou service de Dieu nulz et nulle n’y doit venir fors pour le ouïr humblement et devotement et pour adourer et prier Dieu. Et après leur dist comment il veoit les ennemis saillir et sauteler sur leurs cornes et sur les attours de plusieurs femmes, c’estoit à celles qui tenoient parolles et contens aux compaignons et à celles qui pensoient plus en amourettes et aux deliz du monde que à Dieu, pour plaire et avoir les resgars des musars. Sur celles y veoit les ennemis espinguer ; maiz sur celles qui disoient leurs heures et estoient en leur devocion, il n’y estoit pas, combien que il y en avoit d’assez cointes et bien parées ; car il tient le plus au cuer. Et après leur dist que celle qui se cointissoient pour mieulx estre regardées et y prenoient plus grans plaisances que au service de Dieu, donnoient grant esbat à l’ennemy. Après si advint que ceulx et celles qui cryoient et estoient tourmentez, que les femmes getterent leurs cornes, leurs atours et leurs cointises comme toutes forcennées ; et toutesfoiz firent illecques leur neufvaine, et au chief de IX jours, à la prière du saint hermite, ils revindrent en leurs sens, et furent bien chastiez dès là en avant de parler ne de jengler ou service de Dieu. Pour quoy il y a cy bon exemple comment nul ne nulle ne doit parler ne destourber le divin office de Dieu.