Lettres inédites de quelques oratoriens

La bibliothèque de Carpentras possède, parmi ses nombreux et précieux recueils manuscrits, deux volumes de lettres autographes écrites, de 1669 à 1712 par divers savants au célèbre magistrat bibliophile Louis de Thomassin, seigneur de Mazaugues[1]. Dans ces volumes, qui sont classés sous le n°435, ont été réunies (tome I) sept lettres du P. Thomassin, une du P. Le Brun, une du P. Lelong et (tome II) diverses lettres du P. Bouret, du P. Mignot et du P. Vinot. Comme les lettres du P. Thomassin à son parent — ou plutôt à ses parents, — car une lettre au père de Louis[2] se trouve mêlée à celles qui sont adressées à Louis lui-même, ne présentent pas toutes un égal intérêt, je me suis contenté d’en reproduire trois en entier, et j’ai choisi quelques passages seulement des quatre autres. Je n’ai cru devoir accorder les honneurs de l’in extenso qu’à une seule des lettres du tome II, laquelle renferme quelques renseignements bibliographiques dignes d’attention. Parmi les lettres des confrères de l’auteur de l’Ancienne et Nouvelle discipline de l’Église, on remarquera celle du savant père Lelong, qui paraîtra surtout importante aux philologues. À la suite de la correspondance des prêtres de l’Oratoire avec MM. de Mazaugues, on trouvera un petit billet d’un autre Oratorien, l’abbé Papon, l’historien de la Provence, billet adressé à l’abbé de Saint-Véran, qui fut le premier conservateur de la magnifique bibliothèque donnée par son oncle, Mgr d’Inguimbert, à la ville de Carpentras.


I

À Monsieur, Monsieur Thomassin, sieur de Mazaugue, conseiller en la chambre des comptes d’Aix


À Paris, ce 12 septembre[3]
Monsieur mon Cousin,

La grace de nostre Seigneur à jamais. C’est par là que nous commençons toutes nos lettres, et dans cette rencontre, il est difficile de commencer autrement. Car dans une si extreme affliction, et dans une si estrange perte, quelle consolation hors de la grace de Dieu, qui nous a faict jouyr si long temps d’un si grand bien, et qui ne nous en a privez, que pour nous apprendre à ne rien aimer dans le monde que par rapport au ciel et dans les veües de l’éternité ! Il est de vostre bonté, Monsieur mon cousin, de continuer aux enfans du defunct[4] la mesme charité et la mesme amitié, que nous avions pour luy, et à apprendre par vostre exemple à messieurs vos enfans à regarder tous leurs cousins et tous ceux de la famille, comme leurs freres. C’est ceste amitié chrestienne qui faict la meilleure partie du bonheur de la vie presente, et qui nous fait le plus meriter la felicité de l’autre vie. Messieurs vos enfans ne m’ont aucune obligation de l’amitié et de l’estime que j’ay pour eux. C’est un pur effect de la justice que je leur dois, et de mon inclination pour des personnes aussi aymables et aussi accomplies qu’ils sont. Le cousin Henry porte sur le visage une partie de la douceur et de la beauté de son esprit[5]. Monsieur de Nazaugues a toutes les inclinations si réglées, et une maturité d’esprit si grande, qu’il n’est pas possible [de le connaître] sans l’estimer et l’aimer beaucoup[6]. Le cousin d’Espin est bien né, mais il est à plaindre dans une profession qui l’engage avec de la jeunesse tres corrompue[7]. Les querelles où il est souvent embarrassé nous donnent un peu sujet de craindre pour sa vie et pour son salut. Vous estes pere, Monsieur mon cousin, et vous estes un pere chrestien. Le premier compte que Dieu vous demandera, ce sera de l’éducation de vos enfans, et des professions que vous leur aurez procurées, propres à leur salut eternel. Car nous ne vivons que pour mourir, et par la mort entrer dans une felicité ou une peine eternel. M. le president de la Garde ne jouit a présent que de ce qu’il a fait pour Dieu et pour l’eternité. Pardonnez l’excez de mon amour pour vos enfans, qui m’a peut estre fait perdre le respect pour vous. Ce n’a pas esté mon dessein, mais bien de vous tesmoigner avec sincerité que je suis, Monsieur mon cousin, vostre tres humble et obeissant serviteur et cousin.

L. Thomassin[8].

II

À Monsieur, Monsieur de Mazaugues, à Aix


À Paris, ce 3 mars 1671.
Monsieur mon Cousin

La grace de Nostre Seigneur à jamais. Je fais ce que je puis pour me persuader que les charmes de la patrie ne vous feront pas oublier l’amitié que vous m’avez promise à Paris. Mais j’ay cru enfin que le plus seur estoit de vous renouveler de temps en temps les asseurances de mes respectz et de vous demander la continuation de vos bontez et quelque place dans vostre cœur. Je vous demande par grace et par justice vostre amitié. Car encore que je ne la merite pas d’ailleurs, je la merite au moins par l’estime et l’amour que je conserve inviolablement pour vostre personne. M. Cramoisy m’a chargé de vous faire ressouvenir des 420 livres que vous luy devez pour l’histoire Byzantine[9], et il vous prie de les donner à Laurent Anisson, libraire de Lyon, ou à celuy qui vous presentera une lettre de change de sa part. Car Anisson luy a écrit que vous en ayant présenté ou fait presenter une, vous aviez repondu que vous ne sçaviez ce que c’estoit. J’ay assuré Cramoisy qu’il falloit qu’il y eût eu quelque méprise et qu’on se fut addressé à quelque autre de vostre mesme nom[10], et je luy ay de nouveau repondu de son payement. Ayez donc la bonté, Monsieur mon cousin, de nous faire sçavoir au plustost que vous aurez acquité cette dette, ou envoyez icy une lettre de change pour toucher l’argent à Paris. Au reste, Monsieur mon cousin, je suis tout à vous, et vous pourrez disposer de moy comme d’une personne qui vous est toute acquise, estant, Monsieur mon cousin, vostre tres humble et obeissant serviteur.

L. Thomassin, prestre de l’Oratoire.

III

Au même.


À Paris, ce 3 fevrier.
Je presume que vous estes revenu de Rome encores plus homme de bien que vous n’y estiez allé, puisque le bon Dieu a payé vostre peine d’une fievre quarte. Car les maladies et les affections sont des faveurs du Ciel pour les justes, qui apprennent par là à moins aymer le monde, et à se préparer à bien finir une vie qui ne nous est donnée que pour nous en procurer une autre sans fin. Je sçay bien que la fievre quarte est plustost une marque de longue vie que d’une prochaine mort, mais la maladie quelle qu’elle soit, est tousjours un avant coureur de la mort, qui s’approche toujours, quelque loin qu’elle puisse estre. La joye du cœur est le meilleur remède contre la fièvre quarte. Plus on est homme de bien, plus on a de veritable joye dans le cœur. Si les asseurances de mon amitié pour vous, pouvoient vous donner assez de joye pour guérir vostre fievre, cette lettre vous rendroit une parfaite santé. J’écris à Monsieur vostre pere la mesme chose que je vous dis avant vostre depart de Paris touchant le tres aymable cousin Henry. Je n’ay pas pu refuser ce temoignage à ma conscience. Apres cela, quelque party qu’il prenne, j’en seray content. Embrassez et baisez de ma part ce tres aymable frere, et soyez tousjours asseuré que je suis tout à vous, Monsieur mon cousin.
Vostre tres humble et obeissant serviteur,
L. Thomassin[11]

IV


Monsieur, je suis tout à fait mortifié de repondre si tard à la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire. Un voyage que j’ai fait en Normandie en est cause, parce que la lettre a couru bien des villes de Normandie et n’est revenue à Paris qu’après mon retour. Rien n’est plus obligeant que les offres dont vous m’honorez et les recherches que vous avez pris la peine de faire pour me donner quelque eclaircissement. Je voi bien que ce sont là des effets de cette humeur bienfaisante que le public connoit en vous, Monsieur, depuis si longtemps, et à laquelle nous devons le grand et bel ouvrage du pere Pagi[12]. La Provence auroit-elle jamais pu produire un tel ouvrage sans la riche bibliothèque que vous avez si genereusement formée avec tant de soins et de recherches. Vous voudrez bien, Monsieur, que pour vous en temoigner ma reconnoissance, je me joigne aux Provençaux et à tous les gens de lettres qui vous doivent, pour cela, des remercîmens et des homages.

Le Pere Pagi a parlé du Cœmetarium nolanum dans des lettres particulières que j’ai veuës et il doit en avoir parlé au 2e tome de sa critique. Il faut que ce traité du cimetière de Nole se soit egaré dans votre bibliothèque ou que le P. Pagi l’eut eu d’ailleurs. Quoi qu’il en soit, je viens de le trouver dans la bibliothèque du Collège des Jésuites, nos voisins. Andrea Ferraro, Del Cemeterio Nolano ou Napoli, 1644, in-4o, et par la courtoisie que les bibliothécaires de Paris ont les uns pour les autres, aussi bien que pour les gens de lettres, ce livre sera en ma disposition quand je voudrai. Je suis fâché de la peine que je vous ai donné et je vous rends mille et très humbles graces de toutes les bontez que vous me faites la grace de me temoigner.

J’ai trouvé en arrivant des premières feuilles de la critique du P. Pagi, que J. A. Chouet, libraire de Geneve, m’a envoyé, en me marquant que nous aurions dejà ici les quatre tomes si l’on avait entierement les indices. Il est à souhaiter que le R. P. Pagi neveu finisse bientot ces tables, si elles ne le sont pas encore. Je ferai prendre plusieurs exemplaires de cet ouvrage à divers amis qui voudraient déjà l’avoir. Je souhaiterois, Monsieur, de pouvoir vous être utile à quelque chose, ayant l’honneur tres sincerement et avec beaucoup de respect, Monsieur, d’être vostre tres humble et tres obéissant serviteur.

Le Brun, prêtre de l’Oratoire[13].

À Paris, à Saint-Magloire, le 28e octobre 1704.


V

À M. de Mazaugues, ancien conseiller du parlement, à Aix[14].


Monsieur, le reverend Père Lambert, qui est de vos amis et qui a bien voulu se charger de celle-ci, m’a fait connoître que vous ne trouviez pas mauvais que je prisse la liberté de vous écrire. Je le fais à l’occasion d’une lettre insérée dans la seconde partie du recueil des pièces fugitives[15] ; on parle dans cette lettre d’une traduction du N. Testament en langue vulgaire provençale[16] que vous avez découvert. M. Simon, dans son histoire critique des versions du N. T. avoit dit qu’on trouvoit encore en Provence de pareilles traductions, mais il n’indiquoit pas les lieux où on les conserve. Ce que je souhaiterois sçavoir de cet exemplaire cy, premièrement la grandeur du volume et entre les mains de qui il est ; 2o si je ne pourrois pas avoir copie de quelques versets, par exemple du second chapitre de S. Mathieu, du 1er chapitre de l’épître de S. Paul aux Romains, du commencement de l’évangile de S. Jean, les premiers versets du livre des proverbes et de l’ecclesiaste. Ces extraits me serviront à connoître si les exemplaires de la Bible qui sont dans la bibliothèque du roi sont en provençal ou en langue catalane, comme l’assure M. Simon[17]. Si vous le trouvez bon, je joindray icy l’oraison dominicale en vaudois que j’ay tiré de l’histoire des Vallées écrite par Jean Leger : O tu lo nostre payre, local siès en li cel ; lo tio nom sia sanctifica, lo tio regne venga, la toa volunta sia fayta, en ayma illi es fayta al cel, sia fayta en la terra : Dona nos lo nostre pan quotidian enchoy : Pardonna a nos li nostre debit, o pecca, coma nos perdonnen a li nostre debitor ô offendadors : non nos amenar en tentation, ma desliora nos del mal amen[18].

S. Mathieu, 15, verset 8. Aquest pople honora mi cum labias ; ma lo cor de lor es long de mi, ma illi colon mi sensa raison, enseignant las doctrinas et li commandament de li hommes.

Voicy encore un passage de l’épître aux Hébreux, chap. onze : Es una subsistentia de las cosas da esperar e un argument de las non appareissent.

Voicy comme ils enoncent les titres des livres de l’Écriture. Lo libre de li psalmes, Proverbis de Salomon, Evangeli de S. Matheo, Actes de li apostols, l’Apocalis de san Joan.

Je prens la liberté de vous marquer ces passages et de vous prier de les confronter avec l’exemplaire que vous avez découvert ; vous connoîtrez s’il est véritablement des Vaudois, qui n’ont pas eu sans doute plusieurs traductions.

Oserois-je encore vous prier de me communiquer les autres decouvertes que vous avez fait ou que vous ferez dans la suite sur les bibles ; comme je travaille sur cette matière, j’ay recours aux sçavants afin qu’ils me fassent part de leurs lumières. Ne seroit-il rien resté à Aix de tout ce que le sçavant et curieux Peiresc avoit ramassé avec tant de soin.

J’ay veu à la bibl. du Roy les pentateuques samaritains ; s’il y a de pareilles curiosités en vos quartiers, accordez moy la grâce de me les indiquer. Si je puis de mon costé vous être utile icy, je le feray avec beaucoup de joye, en tout ce que vous m’ordonnerez. Je suis très respectueusement,

Monsieur,
Votre très humble et très obéissant serviteur.
Lelong, prêtre de l’Oratoire.

De Paris, ce 1er octobre 1705.


VI

Monsieur, Monsieur de Masaugues Thomassin, À Aix.


Je vous envoie par M. Michaelis un livre en trois volumes que j’ay mis dans mes balots à Paris, et que j’ay receu depuis cinq ou six jours. C’est un présent que le R. P. Bordes[19] vous fait, Monsieur, pour n’être pas dans votre belle bibliothèque[20], et qui sort seulement de la presse, quoyque la première feuille marque qu’il est imprimé depuis deux ans[21]. Ce Pere l’a composé sur les mémoires de feu le R. P. Thomassin[22] et le dernier volume, qui est le supplément, est tout entier de sa façon, comme vous pourrez voir. Il étoit juste qu’aiant tous les ouvrages de ce cher et illustre parent, vous eussiez encore celuy-cy, qui sera suivi de quelque autre, si la santé chancelante dudit P. Bordes luy peut permettre d’examiner le reste des mémoires et leur donner une forme pour les faire imprimer. J’eusse bien souhaité d’avoir eu l’honneur de vous voir en passant par Aix, où je ne fus qu’une matinée, mais on me dit que vous étiez encore à vostre maison de campagne. Faites moy la grâce, Monsieur, de me continuer vostre chere amitié et d’estre convaincu que je suis avec un sincère respect et un attachement inviolable vostre très humble et très obéissant serviteur.

Mignot, prêtre de l’Oratoire[23].
À Marseille, le 17e décembre 1705.

VII

À Monsieur, Monsieur l’abbé de Saint-Véran, directeur de la Bibliothèque de Carpentras, À Carpentras[24].


Arles, le 2 avril 1781.

J’ai passé, Monsieur, si précipitemment à Avignon, que je n’ai pas eu le tems de vous donner de mes nouvelles ; j’ai remis au frere Jean de l’Oratoire la copie des lettres de Holstenius[25] au P. Morin[26], et de celles que ce pere lui ecrivit. Il n’y en avoit point du P. Amelot[27]. On m’avoit mal instruit. Je suis enchanté d’avoir eu cette occasion de seconder vos talents et votre amour pour les lettres. Je vous prie de croire que je me ferai toujours un plaisir de vous donner des preuves de l’estime et de l’attachement avec lesquels j’ai l’honneur d’etre, Monsieur, votre très humble et très obeissant serviteur.

Papon, de l’Oratoire[28].

Si vous me faites l’honneur de m’écrire, je vous prie de m’adresser votre lettre à Marseille[29].


  1. Baptisé à Aix le 29 mai 1647, mort en cette ville le 11 avril 1712, selon Lambert (Catalogue descriptif et raisonné de la bibliothèque de Carpentras, 1862, t. I, p. vi, note 3), le 20 du même mois, selon Roux-Alpheran (Les rues d’Aix, 1847, t. I, p. 75). Louis de Thomassin ne mourut ni le 11 ni le 20 avril mais bien le 19, comme me l’apprend M. le marquis de Boisgelin, si profondément versé dans la connaissance de l’histoire de la noblesse provençale, et auquel je dois bien d’autres précieux renseignements. « Je me suis assuré moi-même, » m’écrit mon aimable correspondant, « de la date de la mort de Louis Thomassin de Mazaugues. Roux-Alpheran, ordinairement si exact, n’a vu que la date de la sépulture, sans faire attention à la mention mort hier. »
  2. Le père de Louis s’appelait Alphonse Thomassin de Mazaugues. Il fut conseiller en la cour des comptes, aydes et finances de Provence, et fut enseveli le 28 juillet 1679, dans le tombeau de sa famille, en l’église des Capucins d’Aix, tombeau où devait être aussi enseveli Louis de Thomassin
  3. Le millésime manque, comme à toutes les autres lettres, moins une, du P. Thomassin Je place celle-ci en tête du petit recueil, d’abord parce qu’elle est adressée au père du futur conseiller au parlement de Provence ; ensuite parce que, comme nous l’apprend la date du décès dont il y est question (voir la note suivante), elle est de 1670, par conséquent antérieure aux lettres II et III.
  4. Ce défunt, qui est appelé plus loin le président de Lagarde était François de Thomassin, seigneur de Lagarde, conseiller, puis président aux enquêtes du parlement de Provence. Il fut enseveli en l’église de l’Oratoire d’Aix, le 26 août 1670. Il était fils de Joseph de Thomassin, dont le frère, Alexandre, était père d’Alphonse, seigneur de Mazaugues Par conséquent, le président de Lagarde était le cousin germain de celui à qui la présente lettre est adressée.
  5. Le cousin Henri était un frère de Louis de Thomassin, seigneur de Mazaugues. Les généalogistes ne le connaissent pas et ils ne mentionnent, parmi les enfants du conseiller à la cour des comptes, que : 1o Louis ; 2o Jean-Baptiste, officier aux gardes françaises, qui fut consul d’Aix en 1701 ; 3o Louise (alias Françoise), qui épousa Louis Esmur de Moissac ; 4o Honorée, qui épousa Antoine Maurel de Volonne.
  6. Il s’agit là de Louis de Thomassin, le correspondant de notre Oratorien
  7. Ce cousin d’Espin ne serait-il pas Jean-Baptiste de Thomassin, mentionné sous le no 2 dans la liste que l’on vient de voir des enfants du conseiller à la cour des comptes ? Ce qui m’enhardirait à le croire, c’est que le docte Oratorien a bien l’air de faire allusion à la profession militaire, quand il parle d’une position féconde en querelles et en autres dangers. Le nom d’Espin, que l’on trouve parfois écrit des Pins, devait être un nom de terre, ou plutôt d’une portion de terre, car M. le marquis de Boisgelin ne connaît en Provence aucune seigneurie d’Espin ou des Pins, et il présume que c’était quelque ferme dépendant de la terre de Mazaugues, aujourd’hui commune du département du Var, arrondissement de Brignoles, canton de Roquebrussanne.
  8. Sur l’éminent théologien qui, comme son cousin, s’appelait Louis de Thomassin, et qui, né à Aix le 28 août 1619, mourut à Paris le 24 décembre 1695, on peut consulter tous les recueils biographiques, et on pourra consulter bientôt le cinquième et dernier fascicule de l’excellent Essai de bibliographie Oratorienne par le P. Ingold. En attendant, indiquons les Remarques sur les conciles par le P. Thomassin que possède la bibliothèque de Carpentras en quatre volumes in-4o manuscrits (no 168).
  9. Byzantinæ historiæ scriptores varii, Paris, in-folio, 1648 et années suivantes. Voir la description détaillée de la collection dans le Manuel du libraire (tome I, col. 1435 et 1436).
  10. La charitable interprétation du P. Thomassin est la bonne : son cousin n’était point de ces bibliophiles qui paient moins facilement qu’ils n’achètent.
  11. Dans la lettre suivante, écrite à Paris, le 17 juillet, le P. Thomassin donne à son cousin les plus sages conseils, exprimés d’une façon charmante. Il lui dit que « l’amour de la retraite, de l’estude et de la prière, est le moyen le plus assuré pour vivre content en ce monde, et ne perdre pas la félicité que nous esperons dans l’autre. » Il ne veut pas que l’on s’abandonne « au torrent de la corruption du monde ». Il insiste pour que son cousin, afin d’éviter « ces pas glissans », se réfugie dans « l’estude et la campagne. » Il lui recommande la patience, la douceur, la complaisance, qu’il faut dit-il, « pousser jusqu’à l’infini ». « Le bonheur de cette vie », ajoute-t-il, « n’est pas dans l’abondance des biens et des honneurs, mais dans cette forte disposition de l’âme, qui prend tout en bonne part, qui s’accommode à tout, qui ne se trouble et ne s’inquiète de rien, qui reçoit tout avec joye et avec egalité d’esprit ». — Nous retrouvons d’autres excellents conseils dans une lettre du 28 juillet : « Nous apprenons », écrit-il de Paris à son cousin, « durant le temps des maladies à bien user de la santé, et il faut apprendre durant la santé, à profiter des maladies. » Le P. Thomassin donne là cette définition de la vie : « Ce n’est qu’un peu de fumée qui se dissipe en tres peu de temps. » Il fait ensuite l’éloge de la gaité : « La tristesse doit estre reservée tout entiere pour nos pechez, et elle n’est bonne qu’à cela. Hors de là elle nous gaste le corps et l’ame… Il n’y a rien de si gai que la vertu et la pieté. » La dernière lettre (f° 132) est une lettre de félicitation sur le mariage de M. de Mazaurgues : « Je prie N.-S. qu’il vous donne à vous et à madame vostre femme une heureuse lignée, qui soit riche encore plus en piété et en vertu, qu’en gloire et en biens, car ce monde n’est qu’une ombre qui passe, et nous passerons avec lui, si la religion et la vertu ne nous procurent des biens permanens et une gloire sans fin. J’ay appris avec bien de la joye que vous goustiez les douceurs d’une vie reglée et chrestienne, et que nous devrons esperer au plustost la benediction de vostre mariage ». Louis de Thomassin avait épousé, le 20 juillet 1676, Gabrielle de Seguiran, fille de Raimond de Seguiran, seigneur de Bouc, premier président en la cour des comptes, aydes et finances de Provence.
  12. Ant. Pagi Critica in universos annales ecclesiastici Baronii, Anvers (pour Genève), 1705, 4 vol. in-folio. On garde 19 lettres d’Ant. Pagi à Mazaurgues dans le tome premier du recueil 435. Sur les deux Pagi, l’oncle et le neveu, voir les articles de Moréri, de Chauffepié, de Nicéron, surtout le recueil de Bougerel : Mémoires pour servir à l’histoire de plusieurs hommes illustres de Provence.
  13. Sur le P. Lebrun, né à Brignolles en 1661, mort à Paris (St-Magloire) le 6 janvier 1729, voir l’Essai de bibliographie oratorienne, p. 73-76.
  14. Je dois de grands remercîments à deux de mes bons amis, aussi savants qu’obligeants, M. G. Barrès, conservateur de la bibliothèque d’Inguimbert, qui a bien voulu transcrire cette lettre, et M. C. Chabaneau, professeur à la faculté des lettres de Montpellier, qui a bien voulu l’annoter.
  15. Pièces fugitives d’histoire et de littérature, 1704, 2e partie, p. 270. La lettre dont parle le P. Lelong, datée d’Apt le 12 janvier 1704 est de Remerville de St-Quentin, personnage connu, ainsi que Pierre de Chasteuil Gallaup, dont il fut l’ami, comme provençaliste, et sur lequel on peut lire une intéressante notice de M. l’abbé Paul de Terris, vicaire général de Fréjus : Joseph-François de Remerville. Etude biographique, critique et littéraire. (Avignon, Seguin 1881, grand in-8o de 64 pages).
  16. Ce sont bien là en effet les termes de l’auteur de la lettre ; mais cette traduction n’est pas en pur provençal. Elle est en vaudois. C’est un des quatre mss. aujourd’hui connus de la traduction vaudoise des livres saints, et peut-être en est-ce le plus ancien. Les trois autres sont ceux de Grenoble, de Zurich et de Dublin. On trouvera, la description de ces derniers dans Gilly The romaunt version of the Gospel according to St Johan (London 1848), p. XVII, XLIX, et LV, et dans Muston, l’Israel des Alpes (Paris 1831), f. IV et p. 95-6. Il devrait y en avoir un cinquième à Cambridge, s’il est vrai que les mss. qu’y déposa Morland en 1658 sy y trouvent encore. Voy. Léger, I, 21-22. Quant au ms. de Mazaugues, que Gilly et Muston n’ont connu que par le P. Lelong, et qu’ils croyaient être encore à Aix, il est aujourd’hui conservé à la bibliothèque de Carpentras où il porte le no 9. Une description assez détaillée s’en trouve dans le catalogue de Lambert, I, 4-8. Elle est accompagnée de quelques extraits de l’Evangile de saint Mathieu et de celui de saint Jean.
  17. Les versions de la Bible que possédait alors la bibliothèque du roi et que possède encore la bibliothèque nationale sont en provençal ou en catalan. On ne connait aucun texte vaudois dans cet établissement.
  18. On voit par l’article consacré, dans la Bibliotheca sacra du P. Lelong p. 399. au ms. de Mazaugues, article qui doit contenir en substance la réponse qui lui fut faite, que ce texte de l’oraison dominicale se retrouve en effet identiquement, à deux mots près, dans le ms. en question. Il en est sans doute de même des autres passages cités après celui-ci. Voici du reste cet article en entier. Il tiendra lieu ici de la réponse de Mazaugues.

    « Novum testamentumad usum Valdensium, sc. quatuor Evangelia, septem Epistolæ canonicæ, quatuordecim Epistolæ Sancti Pauli et Actus Apostolorum. Deinde Proverbia Salomonis, Ecclesiastes, Canticum canticorum, priora decem capita libri Sapientæ et quindecim priora Ecclesiastici. Codex spissus in-4o integer, in quo nihil deest, in membranis a quadringentis annis circiter exaratus, at versio antiquior, sicut ad me scripsit D. Thomassin de Mazaugues filius senatoris Aquensis, pene quem extat hoc exemplar, quod usui Valdensibus fuisse, multis probari potest argumentis præsertim ex oratione dominica, quæ eadem est duobus verbis duntaxat mutatis ac in codice Johannis Léger, pag. 40. Hist. Valdensium. Hoc exemplar etiam describit Epistola D. Remerville de Saint-Quentin, scripta anno 1704, et edita in collectione quæ vulgo dicitur « Pièces fugitives d’histoire et de littérature », 2a parte anni 1704, p. 270 ».

  19. Le P. Charles Bordes, oublié dans tous tes recueils biographiques, depuis celui de Moreri jusqu’à celui de M. Lud. Lalanne, et omis par le P. Ingold, naquit à Orléans et mourut en 1706. Ce fut l’éditeur du Recueil des oraisons funèbres de Mascaron (Paris, 1704 in-12). Il servit de secrétaire au P. Thomassin.
  20. Traité dogmatique et historique des édits et autres moyens dont on s’est servi pour établir et maintenir l’unité de l’Eglise (3 vol. in-4o)
  21. Ce détail était inconnu des bibliographes. Il faudra désormais remplacer partout la fausse date 1703 par la date réelle 1705.
  22. On croyait généralement que les deux principaux volumes du Traité avaient été rédigés par Thomassin. (Voir par exemple, l’article qui lui est consacré par Tabaraud dans la Biographie universelle). D’après le formel témoignage du P. Mignot, ami du P. Bordes, il faut attribuer cette rédaction au secrétaire du P. Thomassin, celui-ci n’ayant fourni que les matériaux.
  23. J’ai le regret de ne pouvoir rien dire du P. Mignot. Sur le P. Bouret, qui résidait à Arles, et qui empruntait (lettre du 24 novembre d’une année incertaine, fo 357), divers livres à M. de Mazaugues, notamment l’Histoire des ourages des savants de Basnage, voir la Notice du P. Ingold sur le P. Bougerel, page 30, note 1. Je relève dans une lettre de ce même oratorien (du 30 janvier 1699, fo 355), cette terrible tirade contre la morale relâchée : « Nous sommes ici [Arles] en un climat d’où les nouvelles n’approchent qu’apres avoir esté mouiller l’ancré chez vous. Le docteur ultramontain a grand peur qu’on ne rétrécisse trop la voye du ciel. C’est grand pitié que la littérature de ces sortes de savans. Ils consument leur temps et leur vie à se remplir des sottises de leurs casuistes, et croyent avoir rendu de merveilleux services à l’Eglise quand ils l’ont honnie des ordures d’une morale, dont les bons Turcz seroient souvent scandalisez, comme disait M. Godeau. »
  24. Voir sur l’abbé T. D. Fabre de Saint-Véran les notes dont le docteur Barjavel a entouré le Mémoire historique sur la vie et les écrits de Dom M. d’Inguimbert, évêque de Carpentras par le neveu maternel de ce prélat (Carpentras, 1859, in-8o), Le Mémoire de l’abbé de Saint-Véran n’a malheureusement été tiré qu’à 57 exemplaires et est depuis longtemps introuvable.
  25. Tout le monde connaît Holstenius (Lukas Holste), surtout depuis que Boissonade a publié le recueil des lettres de cet érudit allemand (Paris, 1817. in-8o). J’essayerai de faire un peu plus connaître encore le bibliothécaire du Vatican, quand je publierai les nombreuses et importantes lettres qui lui furent écrites par Peiresc.
  26. Sur le P. Jean Morin (né à Blois en 1591, mort à Paris le 28 février 1659), voir l’Essai de bibliographie oratorienne (p. 112-116). On trouvera, quelques détails sur le séjour à Rome du P. Morin en 1639 et sur le bon accueil que lui fit le cardinal Barberin dans une lettre de J. J. Bouchard au P. Petau, du 12 juillet 1639, publiés à la suite des Lettres inédites écrites de Rome à Peiresc (no III des Correspondants de Peiresc) (Paris, A. Picard, 1881, pp. 64-65).
  27. Le P. Denys Amelote (né à Saintes en 1606, mort à Paris le 7 octobre 1678). Voir l’Essai déjà si souvent cité et que l’on ne saurait trop citer, tant les renseignements sont exacts et précis (p. 7-9). Relevons-y pourtant un petit péché d’omission : le P. Ingold n’a pas mentionné Trois lettres inédites du P. Amelote publiées dans le Bulletin du bouquiniste du 15 mai 1874 (p. 275-278).
  28. Jean Pierre Papon naquit en janvier 1734 à Puget-Theniers, près de Nice, et mourut à Paris en janvier 1803. Le P. Ingold ne s’est pas occupé de lui dans son Essai. À défaut du savant bibliographe, citons un autre bibliographe bien recommandable, Quérard, qui dans la France litteraire (tome VI, pp. 586, 587) a fort exactement énuméré les nombreuses publications de l’historiographe de Provence.
  29. Le billet autographe du bibliothécaire de la ville de Marseille appartient au second volume de la collection Tissot, volume entierement composé de lettres originales écrites par divers personnages à l’abbé de Saint-Véran.