(1p. 179-181).

LXXI

Paris, samedi soir, 23 juin 1843.
Je commençais à être fort en peine de vous. Je craignais que l’humidité ne vous eût fait mal et je me reprochais de vous avoir raconté si longuement cette sotte histoire. Puisque vous ne vous êtes pas enrhumée et que vous n’avez pas eu de colères rentrées, je puis à mon tour me rappeler avec bonheur tous les moments que nous avons passés ensemble. Je trouve comme vous que, ce jour-là, nous avons été plus parfaitement — si parfaitement peut comporter du plus ou du moins — heureux que jamais. À quoi cela tient-il ? Nous n’avons rien dit ni fait d’extraordinaire, si ce n’est de ne pas nous quereller. Et remarquez, s’il vous plaît, que c’est de vous que les disputes viennent toujours. Je vous ai cédé sur une infinité de points, et je n’ai pas été de mauvaise humeur pour cela. Je voudrais bien que le bon souvenir que vous gardez de cette journée vous profitât pour l’avenir. Pourquoi ne me dites-vous pas tout de suite ce que vous expliquez dans votre lettre tellement quellement, mais avec une certaine franchise qui me plaît ?
 

Je suis flatté que mon conte vous ait amusée ; mon amour-propre d’auteur s’est offensé pourtant que vous vous soyez contentée de l’analyse assez décousue que je vous en ai faite. J’espérais que vous auriez demandé à le lire ou à l’entendre. Mais, puisque vous ne voulez pas, il faut en prendre son parti. Néanmoins, s’il faisait beau mardi, qui nous empêcherait de nous asseoir tous les deux sur nos siéges rustiques, et moi de vous faire la lecture ? Il y en a pour une heure. Le mieux, c’est de nous promener tout bonnement. Le voulez-vous ? Le programme sera de ne pas se disputer. Écrivez-moi vos intentions suprêmes. J’ai reçu madame de M*** et ses filles, florissantes toutes les trois. Rien de fixé pour mon départ. Il est fort prochain suivant toute apparence, mais pourtant ce n’est pas à un adieu définitif qu’il faut vous attendre.