Michel Lévy frères (p. 147-151).
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XXIX


Montpellier, hôtel Nevet, 17 avril.


Chère Présidente,


J’adresse aujourd’hui à votre neveu la lettre pour M. Patin. Je pense qu’on ne pourrait avoir un examinateur plus bienveillant.

Quant à l’autre affaire, elle est plus difficile, et je ne pourrai y travailler qu’à mon retour à Paris, c’est-à-dire au commencement du mois prochain. La chose, malheureusement, exige le concours d’au moins deux ministres, sinon trois. Le ministre de l’instruction publique, auquel je m’adresserai, et qui a de la bienveillance pour moi ; puis, — et c’est là le hic, — le ministre des Affaires étrangères, que je ne connais pas du tout, mais qui a la réputation d’être très-aimable pour les jolies femmes et sur lequel vous ne pouvez manquer d’exercer une grande influence. Il se peut, de plus, qu’il faille encore que M. de Budberg dise son mot. Mais je commencerai par le ministre de l’instruction publique, et je saurai de lui, mieux que je ne le puis ici, ce qu’il faut faire et ce qu’il faut espérer.

Je suis ici pour mes poumons. On les traite d’une drôle de façon. Votre infortuné secrétaire est enfermé dans une boîte en fer où il y a deux fauteuils. Il s’assied sur l’un avec une chaufferette sous ses pieds, puis une machine à vapeur pompe dans la boîte de l’air qui s’y comprime au point de faire tinter les oreilles assez désagréablement. J’y reste deux heures, regrettant fort que vous ne soyez pas sur l’autre fauteuil. Cependant, le temps passe assez vite sinon d’une manière amusante, et je m’endors assez souvent. Je m’en trouve assez bien jusqu’à présent. On m’en a rapporté des effets merveilleux, et je compte pousser l’expérience jusqu’au bout. Guy Patin disait qu’en fait de découvertes médicales, il fallait se hâter de les prendre pendant qu’elles guérissaient.

Mille remercîments de la jolie photographie que vous m’avez envoyée. Cette aigrette me plaît, mais j’aurais mieux aimé une robe moins janséniste. Je suppose que vous avez passé un carnaval fort gai à Rome. Le mien a été des plus tristes. Avant de quitter Cannes je suis allé faire visite à Madame Gavini. J’y ai trouvé Miss Alison, qui vient d’hériter de six ou sept mille livres sterling de rente, et qui va épouser, comme je crois vous l’avoir dit déjà, un M. Grégory, peu jeune, membre du Parlement. Elle m’a dit qu’à Nice elle avait passé l’hiver à déjeuner en ville, puis luncher, avec bal à la suite du lunch, dîner, bal, souper et quelques visites ou parties de campagne dans les entr’actes. Cela m’a paru lui avoir fait beaucoup de bien.

Adieu, chère Présidente ; je vous souhaite tout le bonheur possible sur cette terre.

Veuillez faire mes compliments au Vésuve.