Lettre de Joseph Royal à Alphonse Desjardins 1874-08-03
Il y aura demain un mois que vous m’avez écrit ; votre lettre est la sous mes yeux depuis sa reception. C’est vous dire quel intérêt je porte et à ce que vous m’y dites et aux sentiments dont vous voulez bien m’honorer. Non, mon cher, ne m’appelez pas encore M. le Premier : ce serait prématuré de plusieurs mois, de plusieurs années peut-être, pour ne rien dire de plus.
Donc, nous n’aurons pas l’amnistie, d’après ce que vous me garantissez. Je l’ai toujours cru depuis deux ans, et ce que vous me mandez ne me confirme
Mais, alors, que veulent-ils donc faire ? Et s’il en est ainsi, à quoi donc, me disait l’autre jour Mgr. P., nous servirait-il de réélire Riel, si ce n’est pour l’exposer à le faire expulser de nouveau et à laisser notre population, notre cause et nos intérêts sans représentant direct dans les Communes ? pour une autre armée et peut être davantage ?
Cette grave question doit être décidée cette semaine pour nous tous.
Il est très possible que j’aille vers la fin du présent mois au Canada pour affaires. J’aimerais beaucoup entr’autres choses à causer avec Chapleau de nos procès. Cependant, je vois par une dépêche de samedi que le Cabinet de Québec est en pleine dissolution, et il est fort possible que notre ami soit retenu chez lui pour le mois d’Octobre.
Avez-vous vu le Foyer Canadien du 21 juillet ? Avez-vous remarqué un article de M. Houde plein d’injustes et odieuses défiances envers M. Dubuc ? Avez-vous été frappé de l’usage du mot de gouvern.t respons. et de l’ignorance qu’on y déploie — ignorance ou mauvaise foi, je ne sais laquelle ? Puis, dans une autre colonne, on signale le passage de M. Riel à Worcester… Cet article injurieux, faux, égoïste et injuste nous a fait beaucoup de peine, d’autant plus que dans les courses électorales que nous fesons en ce moment, nous avons rencontré les mêmes défiances et les mêmes arguments dans la bouche de plusieurs de nos métis les plus intelligents. Est-ce qu’il y aurait un mot d’ordre ?
En vérité, nous ne savons que faire. En tout cas, Mgr. et M. Ritchot sont là avec nous pour aviser, et nous ferons pour le mieux et pour le plus grand bien de notre parti, de notre cause, de notre population, de ses intérêts présents et futurs. Soyez sûr de cela.
Permettez-moi de vous témoigner la satisfaction profonde que j’ai éprouvée de ne pas me voir confondu avec Clarke et Cie par vous et nos amis dans les derniers événements. Je vous avoue que je craignais. Merci de m’avoir jugé ainsi.
Mes respectueuses amitiés à M. Lamande et croyez-moi toujours votre sincère et dévoué