Lettre de Chapelle au duc de Nevers (« Encore que dans votre lettre ultime »)

Deuxième lettre au duc de Nevers
Chapelle


LETTRE II AU DUC DE NEVERS
Sur le même sujet, en réponse à une lettre en vers
dont toutes les rimes étoient en ime et en ors.

Encor que dans ta lettre ultime
Tu consommes si bien tout l’ime
Et si bien épuises les ors,
Cependant, Duc poétissime,
Loin de nous étonner, c’est lors
Que la troupe scarronissime
Des quatre nouveaux Amidors
T’en écrit lettre pleinissime,
Sans fouiller du sieur Dès-Accords
Le volume bigarrissime1.
Par là tu vois que mieux records
Du style macaronissime
Que du patois sauvagissime
Des Fouilloux et de leurs consorts ;
Nous montons moins nos Brilladors
Que le cheval volucrissime
Qui de son pied fit jaillir hors
Cette source fécondissime
Où tant burent les Fracastors.
Et, quant à ce que tu nous mors
Sur notre retraite chronime,
Songe que Fabius Maxime,
Le roi de tous les cunctators,
Par sa conduite lentissime,
Nous donne exemple sagissime
D’empêcher le sérénissime
D’aller sitôt mettre dehors
Son visage écarlatissime.
De plus, à nos vieux corridors
Nous joignons salon amplissime,
Où, selon l’art vitruvissime
Brilleront lapis et marmors,
Tels qu’en ce temple sanctissime
Où l’on offroit avec l’azyme
Toutes bêtes hormis les porcs,
Avant qu’à sac funditissime
L’eût mis la main profanissime
Et plus que sacrilégissime
Des fiers Nabuchodonosors.

Mais pourquoi, Duc pindarissime,
Dans notre état tranquillissime
Veux-tu faire des Galaors
De ton couple népotissime2 ;
Dans le temps opportunissime
Tu le verras audacissime
S’affourcher sur des pilladors ;
Et dans cette ardeur qui l’anime,
Pousser la gent à tapabords
Jusqu’au fleuve rapidissime,
Où régnoient les Bétlen-Gabors3.
Par quoi, baron loquacissime4,
Si le premier tu ne démors
De ta rage opiniâtrissime
À tant rimailler en issime,
Nous t’envoyerons vingt recors
Et du sergent rapacissime
Tous les ordinaires supports
Sceller ta bouche copronyme
Et te conduire par Gisors
Aux lieux où le bartholissime
Modèle de tous les Médors
Se feroit fait Catonissime
Pour terminer son ostracime,
S’il eût eu les fermes conforts
De ton grand duc Sénéquissime5.



1. Les Bigarrures du seigneur Des-Accords.

2. De ton couple de neveux, le duc et le chevalier de Bouillon.

3. Bétlen Gabor, vaïvode de Transylvanie.

4. Moriez, baron de L’Arsée. V. la note 4 de la page 105.

5. Le duc de Nevers lui-même.