Les vitraux du Moyen âge et de la Renaissance dans la région lyonnaise/0-2 - Introduction

LES VITRAUX
DU MOYEN ÂGE ET DE LA RENAISSANCE
DANS LA RÉGION LYONNAISE




INTRODUCTION
L’ART DU VITRAIL ET LES VERRIERS LYONNAIS




L. B. del.
Fig. i — Vie de Lazare
Vitrail de l’abside de la Cathédrale de Lyon, xiiie siècle.

L’ART du vitrail est un art aussi français que l’architecture dite « gothique ». Dès le onzième siècle, le moine allemand Théophile reconnaissait la supériorité des ouvriers de la Gaule, in hoc opere perttissimi ; et, à l’époque de saint Louis, la renommée de nos artistes du verre s’étendait dans toute la chrétienté. Jusqu’à l’apogée de la Renaissance, les églises du royaume de France, toujours plus légères et plus aériennes, s’enrichirent à l’envi de ces clôtures splendides qui constituaient des peintures transparentes. La France, à elle seule, possède plus de vitraux des belles époques que l’Allemagne, l’Angleterre, la Belgique. l’Italie et l’Espagne réunies. Il suffit de citer les cathédrales de Chartres. de Bourges, de Tours, du Mans, de Troyes, d’Auxerre, de Sens et de tant d’autres villes ; la Sainte-Chapelle de Paris, toutes les églises de Rouen et de Troyes.

Mais, en dehors de ces vastes et somptueux ensembles, dus le plus souvent à des munificences royales, princières, religieuses ou corporatives, quelle prodigieuse floraison de verrières n’admirons—nous pas encore dans ces très nombreuses et modestes églises ou chapelles rurales de la Champagne, de l’Île-de-France et aussi de la Bretagne !

Ce sont ces innombrables verrières qui, avec les tapisseries à sujets sacrés ou profanes, représentent la plus grande partie de la peinture monumentale dans notre pays pendant le Moyen Age et le commencement de la Renaissance. Toutes méritent, à des titres divers, d’attirer l’attention des chercheurs ; elles offrent des documents à l’étude des costumes, de la symbolique, de l’iconographie, à l’histoire même de la France.

Nous n’avons pas la prétention de faire ici l’histoire du vitrail en général. Cette étude a été souvent faite, et bien faite. Sans parler des pionniers qui ont frayé la voie. comme 'Emeric David, de Caumont, Langlois, Brongniard, il suffit de rappeler Viollet-le- Duc, Labarte, de Lasteyrie, Olivier -Merson, Ottin et, plus récemment, Lucien Magne et Émile Mâle[1].

Nous nous bornerons quant à nous à rappeler sommairement les caractères principaux du vitrail à ses différentes époques, en insistant sur les particularités de technique et de style propres à notre province, pour n’avoir pas à y revenir lorsque nous aborderons la description (les œuvres.


Lantiquité gréco-romaine a connu les vitrages de verre. Des fragments de vitres ont été trouvés à Pompéi. Dans notre région même, les fouilles de Trion, à Lyon, ont mis au jour des débris de verres soufflés en tables à la manière de nos verres à vitres. Mais ces verres sont incolores. Les verres de couleur paraissent avoir été employés. dans l’antiquité, moins à garnir des baies qu’à revêtir des parois. comme des marbres ou des mosaïques : des fragments de semblables revêtements ont été trouvés à Lyon même, parmi les remblais qui recouvraient des tombeaux du siècle d’Auguste. Le verre est employé de même avec la nacre, le lapis-lazuli, le porphyre, dans des incrustations décoratives du temps de Justinien à Revenue et à Parenzo. Il est possible que, dès lors, les verres de couleur aient été utilisés, concurremment avec l’albâtre, pour garnir les petites ouvertures des châssis de marbre découpé, de bois ou de bronze, qui étaient placés dans les fenêtres, à la façon d’un grillage massif. Fortunat, évêque de Poitiers, décrit l’éclat des fenêtres aux vives couleurs. Mais rien ne permet de croire que, déjà au sixième siècle, ces mosaïques de verre fussent disposées de manière à former des figures ou des groupes animés. Labarte s’est trompé lorsqu’il a vu une allusion à des vitraux dans la description que Sidoine Apollinaire nous a laissée de l’église des Macchabées, construite à Lyon par saint Patient, vers 450 :

fig. 2. — Châsse de Séry-lès-Mézières
Restitution du panneau vitré par M. Socard.
Ac sub uersicoloribUs figuris
Vernans herbida crusta saphiratos
Fleclit per prasinum vitrum lapillos.

Ces petites pierres « bleues », ce « vert d’un ton printanier » qui composent des figures variées, ce sont les cubes d’une mosaïque d’abside, pierres de couleur et émaux vitrifiés. Il en est de même des verres aux couleurs variées comme les fleurs des prairies que Prudence décrit au quatrième siècle dans la basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs.

Le vitrail, mosaïque transparente, n’a dû apparaître qu’après la décadence des mosaïques de revêtement. La plus ancienne mention parfaitement claire de vitraux de couleur formant des « histoires », c’est-à-dire des dessins variés, remonte à la fin du dixième siècle. Au témoignage de Richer Adalbéron, évêque de Reims, qui siégea de 969 à 988, il enrichit sa cathédrale de véritables verrières : fenestris diversas continentibus historias.

La condition nécessaire du développement de l’art du vitrail était l’emploi d’une technique qui permit d’assembler dans le vide d’une baie des morceaux de verre découpés de manière à dessiner les silhouettes les plus variées. Cette technique fut celle de la mise en plombs. Des observations toutes récentes permettent d’affirmer que le plomb fut employé pour l’assemblage des verres de couleur dès l’époque carolingienne. Une châsse du neuvième ou du dixième siècle, découverte en 1878, dans le cimetière de Sery-les-Méziéres, près Saint-Quentin, était ornée d’un panneau vitré dont les fragments, au nombre de vingt-six, ont été reconstitués en 1909 par M. Socard, peintre-verrier (fig. 2). Celui-ci a pu démontrer que l’ensemble des fragments, de couleur verte ou jaune, composait une grande croix pattée, cantonnée de fleurons et dont les bras tenaient suspendus l’Alpha et l’Oméga. Ces morceaux étaient réunis au moyen de plombs coulés, dont un fragment s’est conservé intact[2]. Il est probable que les plombs ont été employés tout d’abord pour enchâsser des morceaux de verre découpés et assemblés de manière à dessiner des figures géométriques : le verre mis en plombs a dû succéder immédiatement aux verroteries et aux grenats sertis dans les orfèvreries cloisonnées à jour des époques mérovingienne et wisigothique.

Dès le onzième siècle, l’emploi des vitraux en verres de couleur mis en plombs est entré dans le formulaire des ateliers monastiques, tant en Allemagne qu’en France.

Le moine Théophile, en écrivant son célèbre traité « Diversarium aritum schedula, consacre tout le deuxième livre de son ouvrage à la fabrication du verre et à celle des vitraux. Il expose exactement la façon de souffler le verre en plateaux circulaires, ou « boudines » et même en cylindres destinés à être étendus, à peu près comme on procède encore de nos jours. Il explique aussi les méthodes pour le colorer. Puis il entre dans tous les détails de la fabrication des vitraux, depuis le dessin, œuvre de l’artiste, exécuté sur une table de bois enduite de craie, à l’aide d’une pointe de plomb, jusqu’à la coupe du verre, au moyen d’un fer rouge qui déterminait une fêlure suivant le tracé relevé sur la table[3]. Il expose en détail la fabrication des grisailles vitrifiables employées pour le trait et la demi-teinte et décrit minutieusement le travail de peinture proprement dite. La construction du four, la cuisson, la préparation des vergettes d’assemblage en plomb fondu dans les lingotières ou aminci au rabot, le montage, la soudure et, enfin, la mise en place sont successivement passés en revue.

Le procédé enseigné par le moine Théophile est le même que celui décrit par Léon d’Ostie, à propos des grands travaux que l’abbé Didier fit faire au Mont-Cassin, vers la fin du onzième siècle : les fenêtres de la nef de la grande église furent garnies de verres assemblés dans des plombs et maintenus par une armature de bois renforcée de fer[4]. Ce même procédé a dû être employé à l’exécution des cinq verrières dont l’archevêque de Lyon, Hugues Ier (mort en 1106) décora l’ancienne église Saint-Étienne, alors sa Cathédrale[5]. Il se perpétue, sans aucune modification, à travers tout le Moyen Âge, et suffit à la création des plus merveilleux chefs-d’œuvre.

Fig. 3. — Église du Champ (Isère)
Vitrail du xiie siècle (détail).

Quelle était la décoration des verrières du dixième et du onzième siècle, à Reims ou au Mont-Cassin ? Il se peut qu’elles n’aient représenté que des motifs très simples, géométriques ou végétaux. Une véritable révolution s’accomplit dans l’art chrétien, lorsque la figure humaine fut transportée de la paroi dans la fenêtre, et de la mosaïque ou de la Fresque sur le vitrail. Comment et où s’accomplit cette révolution

Nous l’ignorons encore. Il semble qu’elle ait coïncidé avec les progrès décisifs de l’architecture voûtée ; elle se trouve réalisée dans le premier quart du douzième siècle. L’église où nous trouvons les premiers vitraux qui forment tout un enseignement théologique en images lumineuses est aussi celle où, pour la première fois, le nouveau système des voûtes « d’ogive » a été appliquè à un édifice très grand et très riche : c’est la basilique de l’abbé Suger, à Saint-Denis. Il reste des vitraux donnés par Suger, vers l140, quelques panneaux, dont l’un porte l’effigie du célèbre abbé.


Les plus anciens vitraux du douzième siècle nous apparaissent déjà dans toute la splendeur de leur coloration harmonieuse et puissante, témoignant d’une technique très avancée.

On peut citer parmi les plus remarquables après ceux de Suger à Saint-Denis : les apôtres de l’Ascension, la fenêtre de saint Gervais et saint Protais, au Mans ; la Vierge de l’église de la Trinité, à Vendôme ; les verrières de la galerie du chœur, à l’église Saint-Remy, de Reims ; plusieurs sujets provenant de Châlons-sur-Marne et actuellement conservés au Musée des Arts décoratifs ; la grande verrière de la Passion, de Poitiers ; celle de la façade de la cathédrale de Chartres et celle de la nef de la cathédrale d’Angers. Un très précieux vitrail du douzième siècle est encore conservé dans la modeste église du Champ, au centre de la vallée du haut Grésivaudan (Isère) (fig. 3). Enfin notre cathédrale lyonnaise de Saint-Jean nous offre dans la verrière de saint Pierre un beau spécimen de l’art du douzième siècle.

À cette époque, où les monastères étaient à peu près le seul refuge des sciences et des arts, la tradition byzantine se reflète sur les verrières. La simplicité des compositions et des mouvements, l’expression calme des figures sont inspirées d’un sentiment religieux très profond. Les sujets, généralement de petite dimension et inscrits dans des médaillons, s’enlèvent en coloration franche, mais toujours harmonieuse, sur des fonds, parfois d’un rouge éclatant et marbré, le plus souvent d’un bleu légèrement violacé, d’intensité variée.

À côté de ces vitraux chaudement colorés, le douzième siècle en a produit de très différents. En effet, une délibération du Chapitre général, en 1134, interdit l’emploi des verres de couleur dans tous les monastères soumis à la règle de saint Bernard. Les vitraux devaient être « de couleur blanche, sans croix ni ornements ». Obéissant à l’austère influence du grand réformateur de leur ordre, les moines cisterciens durent se contenter, pour clore les fenêtres de leurs monastères, de combinaisons géométrales en entrelacs et formées par la mise en plombs, en verres incolores et à l’exclusion de toute figure[6].

Parmi les vitraux de ce type, on peut citer ceux de Pontigny (Yonne), d’Aubazine (Corrèze), de Bonlieu (Creuse), ce dernier encore monté dans ses anciens plombs, et des fragments curieux, et très bien conservés, dans l’église peu connue de l’abbaye de Noirlac (Cher). Ajoutons, enfin, ceux de l’abbaye de la Bénisson-Dieu, dans le Forez, dont nous aurons à nous occuper.


Jusqu’ici la tutelle monastique avait réglementé toute manifestation artistique, mais nous voici au moment du grand réveil de notre art national, et nous allons assister à l’érection de ces admirables édifices, cathédrales ou simples églises, qui attestent encore aujourd’hui le génie des constructeurs du treizième siècle.

Les traditions romanes et byzantines tendent à disparaître dès la fin du douzième siècle et les imagiers, les verriers, les miniaturistes créent tout un art nouveau et vivant, en empruntant à la nature leurs motifs d’ornementation. La figure humaine, dans le vitrail, est traitée avec moins de convention, avec plus de vérité, plus de réalisme, dirions-nous, et fait songer parfois à la statuaire des cathédrales. Les fenêtres qui, dans les églises romanes, étaient de dimensions restreintes, s’élancent et se multiplient ; les rosaces immenses, aux découpures innombrables, de construction déconcertante, ajourent les transepts et les façades. Dans ses parties supérieures, la cathédrale présente l’aspect d’une colossale claire-voie.

Le maître de l’œuvre appelle alors à son aide les verriers, qui viennent de se grouper en corporation, ainsi que tous les autres corps de métiers et, de toutes parts, les ateliers se multiplient, produisant, dans une noble émulation et à proximité du monument à décorer, ces immenses et éblouissantes clôtures translucides.

La composition des verrières des basses nefs et des chapelles absidales présente, en général, la disposition des médaillons dits « légendaires », à fonds bleu ou rouge s’enlevant sur d’étincelantes mosaïques qu’entourent de riches et larges bordures à feuillages. Les armatures de fer, forgées suivant le contour des médaillons, forment comme le squelette du vitrail et contribuent, par leurs silhouettes noires, à donner de la fermeté à la composition, qui, à distance, n’est jamais confuse. Aux fenêtres supérieures de la grande nef, des transepts et de l’abside, sont réservées les hautes figures en pied qui souvent, comme à Bourges, à Chartres et à Lyon, atteignent des proportions colossales.

L’un des principaux mérites des vitraux de cette brillante époque est de se rattacher avec une parfaite harmonie à l’édifice qu’ils décorent. Le verrier ne cherche pas à faire une œuvre individuelle, destinée à être examinée isolément ; son but est de concourir, sous la direction unique du maître de l’œuvre, ainsi que tous les artistes appartenant à d’autres corps d’état, à l’ornementation du monument. Non seulement, par une judicieuse et harmonieuse distribution des couleurs, il illumine l’intérieur de la cathédrale d’un jour à la fois mystérieux et splendide qui ajoute à la sévérité grandiose de l’architecture, mais encore il aspire, comme l’imagier, à présenter l’enseignement des vérités fondamentales de la religion, les récits de la Bible, les vies des saints et, parfois, il exprime des idées théologiques plus savantes et plus compliquées que celles que développent les sculptures des façades. Le vitrail de la Rédemption, à Saint-Jean de Lyon, nous en fournira un exemple.

La quantité prodigieuse des verrières des treizième et quatorzième siècles qui décorent les cathédrales et bon nombre d’églises rurales pourrait faire croire qu’elles étaient exécutées à bas prix. Mais si bas que fût alors le taux moyen des salaires, le travail matériel était toujours considérable : il n’est pas rare, en effet, de compter, dans un panneau d’un mètre superficiel, jusqu’à cinq ou six cents morceaux de verres coupés minutieusement au fer rouge et à l’égrugeoir. Le montage dans les plombs non laminés, comme de nos jours, mais fondus ou péniblement poussés au rabot, représentait une énorme dépense de temps.

Ce n’était donc pas trop des ressources des corps de métiers pour l’offrande d’un vitrail, comme à Bourges, à Chartres, à Auxerre et en nombre d’autres églises. Les princes, les chanoines, les évêques donnaient à leur cathédrale une verrière, une rose et s’y faisaient représenter à genoux, comme on le voit à Saint-Jean, par exemple. L’archevêque Renaud de Forez est figuré dans une des fenêtres de l’abside, et le doyen du chapitre, Arnould de Colonges, dans la rosace du transept nord (fig. 4). Tous deux tiennent dans leurs mains la représentation du vitrail qu’ils ont offert.

Les vitraux du treizième siècle subsistent encore en très grand nombre dans la plupart de nos cathédrales et églises du Centre et du Nord. Entre toutes, c’est Chartres qui conserve l’ensemble le plus prodigieux de peintures translucide, couvrant une surface de plusieurs milliers de mètres carrés, et réparties en cent-vingt-cinq grandes fenêtres et cent-six roses ou rosaces.

Moins favorisée, comme nous l’avons déjà dit, notre région du Sud-Est est aujourd’hui relativement pauvre en vitraux du treizième siècle. Ceux de la cathédrale de Lyon seuls nous ont été conservés ; mais en revanche, leur intérêt est de premier ordre.

Fig. 4. — Le Doyen du Chapitre, Arnould de Colonges, offre la rose septentrionale
Cathédrale de Lyon, xiiie siècle

C’était, en effet. l’époque « où. sous le gouvernement d’un archevêque qui fut peut-être le plus grand prélat du temps, Renaud de Forez, le commerce, les métiers. les arts avaient pris tout le développement que comportait une ville fort heureusement située, mais placée, d’autre part, dans des conditions difficiles et, rien qu’à voir la partie de l’œuvre de la cathédrale due à cet archevêque et ce qui reste des vitraux dont il fut le donateur, on a le sentiment de l’étendue et de l’éclat d’un mouvement artistique bien fait pour nous étonner[7] ».

Les auteurs des vitraux du treizième siècle qui décorent notre cathédrale sont restés inconnus et rien ne peut nous renseigner sur leurs noms et leurs origines. Les corporations de verriers transportaient souvent leurs fourneaux de ville en ville, comme l’indique la signature d’un verrier de Chartres, qu’on lit sur un vitrail du treizième siècle dans la cathédrale de Rouen : Clemens vitrearius camulensis magister. Mais une des raisons qui tendraient à nous faire croire que les vitraux de Saint-Jean seraient l’œuvre d’artistes lyonnais, c’est que ceux du douzième et du treizième siècle diffèrent notablement, pour le style. de ceux du nord de la France. Ainsi l’influence gréco-byzantine, que nous voyons disparaître partout ailleurs avec les dernières années du douzième siècle, persiste à Lyon dans les vitraux comme dans les sculptures et les incrustations décoratives[8].

fig. 4. — Saint Pierre
Vitrail de l’abside de la Cathédrale de Lyon, xiiie siècle (Fragment.)


Les vitraux du quatorzième siècle sont au moins aussi rares dans notre région que ceux du treizième, puisque nous ne pouvons citer que la fenêtre centrale du haut de l’abside et la grande rose de la façade de la cathédrale, exécutée par Henry de Nivelle de 1393 à 1394[9]. Nous savons cependant que l’art de la peinture sur verre était florissant à cette époque à Lyon, et que même les fours pour la fabrication du verre y étaient en pleine activité, comme l’indique une ordonnance de Philippe VI, datée de 1347. Vers 1335, Étienne de la Balme, chantre de Saint-Paul, lit faire de nouvelles verrières dans la nef de la cathédrale. En 1342, le sacristain Jean de Chatelard en fit faire deux autres à la suite. En 1394, le trésorier Guillaume Foreys en lit placer trois nouvelles au nord de l’église.

À partir du quatorzième siècle, les noms des verriers lyonnais commencent à être connus et ils semblent avoir été nombreux à cette époque. M. Natalis Rondot, qui s’est attaché aux recherches de ce genre avec une ténacité et une compétence qu’on ne saurait trop louer, a relevé les noms de vingt-six de ces artistes pour la seconde moitié du quatorzième siècle seulement[10].

Il est vrai que les travaux confiés aux « voirricrs, verrers, verrassours », ainsi qu’on les trouve mentionnés dans les anciens chartreaux de l’impôt, ne consistaient pas toujours dans l’exécution de verrières historiées destinées aux églises ou aux chapelles. Leurs attributions plus modestes les assimilaient souvent aux simples vitriers de nos jours. On les voit occupés à vitrer les fenêtres des demeures seigneuriales ou bourgeoises à l’aide de simples vitreries mises en plomb et enrichies, parfois, d’armoiries ou de petits sujets reproduisant des scènes d’amour ou de chevalerie. Ils garnissent de verre les lanternes, les tableaux et les reliquaires. Parfois encore, ils remplissent les fonctions de peintres sur panneaux de bois, sur toile ou sur mur.

La matière première de leur art était encore assez rare et d’un prix tellement élevé que, le plus sourient, on se contentait à Lyon de garnir les châssis ou les fenêtres avec du papier huilé. Cet usage s’est conservé jusqu’au seizième siècle et même au delà, et il était tellement général que les fenêtres du Consulat même n’avaient pas d’autre garniture en 1542.

Une des causes qui rendit, d’ailleurs, l’usage du vitrail plus rare à cette époque, fut la situation précaire de la France, alors ruinée par la guerre de Cent Ans, les soulèvements de la Jacquerie dans le Nord, la peste, etc., conditions peu favorables au développement des arts.

À dater du quatorzième siècle, le vitrail tend à se modifier. Le parti pris de hiératisme du douzième et du treizième siècle disparaît ; le modèle se précise par l’emploi de teintes fondues, imitées de la peinture italienne. Les artistes utilisent des pièces de verre de plus grandes dimensions ; les sujets en médaillons deviennent de plus en plus rares et les figures en pied, isolées, sont encadrées et surmontées d’ornementations connues sous le nom générique d’« architectures ». Ce ne sont plus, déjà, les mosaïques de la précédente époque ; ce ne sont pas encore des tableaux. Ce sont de grandes peintures claires et translucides.

La découverte du jaune de cémentation, obtenu par l’emploi du chlorure d’argent, apporte une grande facilité dans l’exécution en permettant de simplifier la mise en plomb et d’obtenir sur une pièce de verre incolore des effets de jaune d’intensités variées, principalement dans les architectures et les broderies des vêtements : mais ce fut au détriment de la puissance de l’effet décoratif à distance.

Déjà même commencent à apparaître ces procédés de métier destinés à faciliter la main-d’œuvre, qui furent adoptés partout au siècle suivant et dont l’abus contribua à la décadence rapide de l’art du vitrail. La gravure, à l’aide de l’émeri, du burin ou de la molette, des verres de couleur plaqués sur blanc, apporte encore à l’artiste de nouvelles ressources et lui permet d’obtenir des dessins délicats en blanc sur du rouge, du bleu, du vert et du violet, sans recourir au découpage et à la mise en plomb.


Le quinzième siècle marque une évolution rapide.

Les artistes d’alors se sont déjà affranchis de la direction du maître de l’œuvre et semblent travailler moins pour l’édifice que pour leur propre réputation. Au lieu de ces éblouissantes mosaïques, diaprées des plus vives couleurs et en parfaite harmonie avec la ligne architecturale, ils adoptent, autour des personnages s’enlevant sur de riches draperies damassées. un parti ornemental d’architectures, souvent envahissantes. et où dominent le blanc et le jaune d’argent. Ces architectures ne sont que la reproduction de l’exubérance des pinacles, des clochetons et des gables qui prédominait dans les constructions de cette époque. Elles ont. avec leur ton d’or. une richesse d’orfèvrerie « flamboyante ». Leurs surfaces claires répandent dans l’édifice une lumière plus abondante et rendue plus nécessaire par la vulgarisation de l’office sacré due à l’imprimerie. Le dessin se perfectionne ; les formes sont étudiées sur le corps humain, le modèle des draperies sur nature et, enfin, la perspective va bientôt apparaître dans le vitrail. Mais ce progrès est un danger pour l’art sévère du verrier, et la décadence est proche.

À cette époque, les artistes verriers étaient nombreux dans notre région et nous sommes renseignés sur plusieurs de leurs travaux, dont quelques-uns existent encore. Ils ajoutaient à leurs attributions celle de peintre et, comme les distinctions établies aujourd’hui entre l’artiste, l’artisan et l’ouvrier n’existaient pas, nous les voyons, d’après les comptes de la ville. occupés aux plus humbles besognes décoratives et peignant pour le Consulat des bannières, des arm0iries, des statues et même des ornements d’or sur des vêtements pour les personnages des « mystères » à l’occasion des fêtes publiques et surtout des entrées de souverains.

Grâce aux patientes recherches de MM. Guigue et Natalis Rondot, on a découvert cent-soixante-treize noms de peintres verriers lyonnais dans les archives et les anciens chartreaux de l’impôt, depuis 1350 jusqu’à la fin du seizième siècle. Nous ne rappellerons que les plus connus et, surtout, ceux auxquels on peut attribuer des œuvres qui nous ont été conservées ou décrites.

Pierre Saquerel, souvent désigné sous le nom de Péronnet, succéda comme peintre et verrier de la cathédrale et de l’église Saint-Encans, le 27 mai 1400, à Henry de Nivelle qui avait exécuté la grande rose de la façade[11].

Jannin Saquerel remplit les mêmes fonctions en 1415 et 1416.

« Le 23 février de cette dernière année, le Chapitre ordonne un de 10 florins en sa faveur, à raison des verrières qu’il avait établies dans la cathédrale, au-dessus de la Chapelle des prêtres perpétuels[12]. »

Fig. 6 — Saint Georges. — Saint Julien
Vitraux du chœur d’Ambierle (Loire), xvie siècle (détail)

En 1401, Saquerel avait exécuté les deux verrières et la rose de l’ancienne chapelle Saint-Jacquesme, voisine de l’église Saint-Nizier pour le compte du Consulat, car c’est dans cette chapelle que se tenaient les assemblées consulaires[13].

Laurent Girardin, nommé peintre et verrier de la cathédrale le 30 mars 1441, fut l’auteur du vitrail de la chapelle Saint-Michel, chapelle édifiée dans la primatiale en 1448. De cette verrière il reste encore toute la partie supérieure.

Jean de Juys, maître peintre et verrier, exécute encore, en 1457, pour la chapelle Saint-Jacquesme une nouvelle verrière au prix de 13 livres[14].

Nous savons que l’archevêque Amédée de Talaru, 1415-1443, fit don à l’église Saint-Étienne — détruite plus tard par la Révolution — de superbes vitraux placés dans les fenêtres du chœur et représentant le martyre de saint Étienne. Ces verrières, que l’on estimait supérieures à celles de Saint-Jean, furent anéanties par les calvinistes.

En 1471, Jean Prevost, nommé le 25 septembre de la même année maître peintre et verrier de l’église Saint-Jean, peint et dore le Père Éternel situé au sommet du pignon de la façade. En 1488, il peint l’horloge placée dans la cathédrale.

Fig. 7. — Saint Apollinaire
Église d’Ambierle (Loire). Virtail de l’abside, xve siècle (détail).

En 1498, Pierre de la Paix, dit d’Aubenas, maître peintre et verrier de l’église Saint-Jean, livre plusieurs verrières pour la cathédrale et l’hôtel de ville de Lyon. C’est lui qui, très probablement, exécuta, de 1501 à 1503, les vitraux de la chapelle des Bourbons.


La solidité des traditions professionnelles, maintenues pendant les siècles du Moyen Age et qui subsistèrent, de fait. jusqu’à la Révolution, s’explique par la puissance de l’association. Dans les temps les plus reculés, les corps de métiers s’étaient constitués en groupements, dont on retrouve la trace à Lyon déjà sous la domination romaine.

Au treizième siècle, les corporations embrassaient presque tous les corps d’état, comme on le voit par la réglementation générale qu’en fit le prévôt des marchands de Paris, Étienne Boileau. Mais la première mention que nous trouvons de la corporation des peintres verriers lyonnais, à laquelle s’étaient adjoints les sculpteurs et les peintres, ne remonte qu’à la fin du quinzième siècle. C’est en décembre 1496, que Charles VIII confirma les statuts de cette corporation, qui semblent avoir été rédigés par son peintre attitré, Jean Perréal (Jean de Paris). « Déjà Charles VIII avait concédé aux corps de métier de Lyon, par lettre patente du 14 décembre 1486, la pleine liberté du travail et du commerce. L’intérêt de la cité avait fait prévaloir le régime de la liberté[15]. »

Au nombre des fondateurs suppléants de la corporation, nous retrouvons plusieurs de nos verriers lyonnais[16] : Jehan Blic, Dominique du Jardin, Claude Cugnet, Pierre de la Paix, etc. Ce règlement de 1496 comprend quatorze articles. Quatre sont relatifs à l’administration spirituelle et temporelle de la corporation, érigée en confrérie sous le patronage de saint Luc et comportant, par conséquent, suivant l’usage général, certaines obligations religieuses.

L’admission dans la corporation assujettissait encore à un versement d’entrée de quinze deniers tournois et à l’exactitude aux devoirs administratifs de la Confrérie, tels que l’élection des prud’hommes, qui se faisait alors dans l’église des Cordeliers.

Les dix autres articles sont relatifs à l’art et à la profession du peintre verrier. Ils énoncent d’abord les conditions du « chef-d’œuvre » nécessaire à l’admission au rang de maître et dont l’article 5 énumère minutieusement tous détails, aussi bien pour les dimensions que pour les opérations successives du métier : une sorte de « mise en loge », comme on dirait aujourd’hui[17].

Le contrôle de la Corporation s’exerçait sur tous les détails des travaux, fournissant ainsi aux clients la plus complète garantie[18].

Le règlement prévoit jusqu’aux cas exceptionnels, tels que fêtes improvisées pour entrées de roi ou de seigneurs, et prémunit contre toute réclamation les travaux exécutés dans ces conditions de hâte forcée.

La solidité et le fini du travail étaient l’objet d’une surveillance trop oubliée aujourd’hui, et tout travail était sévèrement contrôlé avant sa livraison au client[19].

Une fois parvenu au rang de maître, le verrier était libre de prendre tous les ouvriers et apprentis nécessaires à ses travaux et il devait à ceux-ci l’appui bienveillant de son expérience et de son crédit pour les faire admettre à leur tour aux épreuves du compagnonnage, du chef-d’œuvre et de la maîtrise.

Enfin, les derniers articles contiennent des sanctions pénales en cas de faute et les réserves nécessaires aux droits des veuves, suivant les usages communs à toutes les corporations[20].

La lecture de ces statuts explique amplement comment l’art du vitrail a trouvé, dans une exécution parfaitement soignée en tous ses détails, des éléments de durée qui paraissent inconciliables avec la fragilité de la-matière employée. Jusqu’à l’époque de la décadence, dans la seconde moitié du seizième siècle. on retrouve cette facture consciencieuse dans tous les arts concourant à la décoration architecturale[21].


Dès le début du seizième siècle la révélation de l’art italien, nourri de l’art antique, devait altérer rapidement et profondément l’art français. Les peintres verriers suivirent le mouvement et entrèrent dans une voie nouvelle. Les artistes tendent à se rapprocher de la nature et ne tardent pas à transformer le vitrail en un simple tableau. Le seizième siècle nous a légué des œuvres de tout premier ordre et qu’on n’a pas dépassées depuis. Mais ces œuvres, admirables en elles-mêmes comme perfection du dessin et harmonie de la coloration, ne sont plus les claires-voies éclatantes des époques antérieures, inséparables du monument qu’elles décorent. La composition devient indépendante des contours de la baie : celle-ci n’est plus qu’un cadre et le sujet traverse sans pitié le meneau malencontreux qui gêne son développement.

Les verriers de la Renaissance sont des peintres souvent prestigieux ; sous leur pinceau le modelé, notamment, atteint une perfection suprême. Les procédés techniques bénéficient de certaines améliorations. La récente découverte des propriétés du diamant pour couper le verre et, aussi, l’invention des tire-plombs apportent à l’exécution des facilités nouvelles. Aussi les verriers semblent-ils se jouer des difficultés du métier : ils compliquent les coupes à plaisir et vont jusqu’à incruster, à plombs vifs, des fragments de verre de couleur dans des parties teintées différemment, surtout dans les fonds bleus des architectures. On voit de curieux exemples de cet artifice dans les vitraux de la chapelle des Bourbons à la cathédrale de Lyon, dans ceux de l’Arbresle, de Rochefort et de Villefranche.

En revanche, la mise en plombs devient moins compliquée et l’on en arrive bientôt à peindre sur des pièces de verre blanc, souvent d’assez grandes dimensions, avec des grisailles et des émaux appliqués à la surface. Les verriers exécutent même en grisaille de petits tableaux d’une finesse extrême, rehaussés de jaune d’argent, et dont les carnations sont obtenues par de légers glacis d’un ton rouge Capucine très clair, à base d’oxyde de fer, désigné encore aujourd’hui sous le nom de « Jean Cousin » qui en fit, dit-on, le premier emploi (fig. 9). C’est ainsi qu’ont été peints les célèbres vitraux de la chapelle de la Bastie en Forez.

Avant le quinzième et surtout le seizième siècle, les sujets des vitraux étaient exclusivement religieux ; Les donateurs, soit particuliers, soit collectifs, comme il arrivait souvent pour les corps de métiers ou confréries, laissaient le souvenir de leur pieuse libéralité sous la forme discrète d’une inscription ou d’une armoirie ; parfois même on représentait les travaux de la corporation. Mais l’amour de l’ostentation finit par l’emporter et bientôt ce ne fut plus à des scènes sacrées, mais aux blasons armoriés des fastueux bienfaiteurs que furent consacrées des fenêtres entières, ou, tout au moins, leurs parties les plus en vue. Les vitraux de l’Arbresle, de Rochefort, de Saint-André d’Apchon, de Brou, sont autant d’exemples de ces « vitraux de présentation ».

Pour cette période, les noms d’un certain nombre de verriers lyonnais, ainsi que quelques-unes de leurs œuvres nous ont été conservés et sont mentionnés dans les archives. Parmi ceux que M. N. Rondot[22] a relevés, bornons-nous à citer Jean Chappeau, maître verrier de la cathédrale en 1527 et 1528. Il était également maître peintre ; Jean Rameau, peintre et verrier, en 1529, était « juge des sotz » ; Nicolas Droguet (1506), maître verrier, a fait pour la chapelle du Saint-Esprit du pont du Rhône des verrières ornées d’écussons armoriés ; Antoine Noisins, verrier (1515-1520), aurait travaillé aux vitraux de l’église de Brou ; Jacques Blich (1515-1524), peintre et verrier ; Salvator de Vidal, maître peintre et verrier, était verrier de la cathédrale en 1537 ; le même titre se trouve à côté du nom de Pierre Royer (l517-1518), de Jean Decrane (1518—1562), de Nicolas Durand (1545-1589), ce dernier ayant peint, en outre, des vitraux avec écussons armoriés pour l’hôtel de ville. Pierre Henricard (1550-1561), peintre et verrier, refit pour le compte des Réformes les vitraux de Saint-Étienne détruits par eux : il confectionna 140 pieds de « verrines » qui lui furent payées 140 livres[23], Noël Torturel (1558-1593), maître peintre et verrier « fort pouvre de biens et riche de cinq pouvres enffans » ; Bertin Ramus (1575-1594), peintre et verrier, est chargé par le consulat,

Fig. 8. — Le Couronnement de la Vierge.
Église de Brou. Vitrail du xvie siècle (détail).

en 1582, de l’exécution des vitraux de la chapelle Saint-Roch. construite en 1581 en accomplissement d’un vœu fait par les consuls de Lyon pour obtenir la cessation de la peste. Elle s’élevait sur l’une des terrasses de Choulans, dominant la Quarantaine. Moyennant cent trente écus d’or au soleil. Bertin Ramus s’engage à livrer « trois victres avec leurs ferrures et treillis de fil d’archal auxquelles victres serait dépeinct, scavoir : en celle du milieu, un grand crucifix avec les ymaiges de Nostre Dame, de saint Jehan et (le Marie Magdeleyne et autres les ymaiges ou effigies de S. Roch et de S. Sébastien avec aussi les arinoyries de Mgr liArchevéque (Pierre d’Épinac), de Mgr de Mandelot et de la ville[24] ». En 1533, Bertin Ramus fait encore les vitraux. « es fenestrages du corps neuf de l’hôtel de ville ».

La transformation du vitrail en un tableau, l’oubli des lois fondamentales des conventions décoratives ne furent pas la seule raison de la décadence de ce grand art. Cette décadence est précipitée par les guerres religieuses et les troubles de la Ligue dès le milieu du seizième siècle. Dans nos provinces du Lyonnais et du Forez, les bandes calvinistes, sous le commandement du baron des Adrets, pillent et saccagent nos églises et nos monastères. Partout déprédations et massacres : les statues sont mises en pièces, les vitraux défoncés, les tombes profanées. Une grande partie des richesses artistiques que les siècles précédents avaient amassées sombrèrent dans le naufrage « de la prise de Lyon en 1562 par ceux de la Réforme ».

Fig. 9 — Vitre peinte en grisaille, rehaussée de jaune à l’argent
Provenant d’une maison de Beaujeu (Rhône), xvie siècle.

Les églises furent longues à réparer leurs ruines : cependant les progrès réalisés par la fabrication du verre blanc et de la glace permirent de revitrer rapidement et à peu de frais les édifices religieux, comme, par exemple, la chapelle des Pénitents blancs du confalon de Saint-Bonaventure[25]. Mais la plus grande partie des œuvres des anciens maîtres verriers avait disparu pour toujours.


Au dix-septième siècle, les travaux deviennent plus rares pour les peintres verriers, surtout sous le règne de Louis XIII, pendant lequel la fabrication du verre de couleur avait à peu près disparu du royaume. Pour les églises, comme pour les habitations privées (fig. l0), on se contentait, le plus souvent, de vitreries, mises en plombs, aux combinaisons géométriques généralement en losanges, en croix de Saint-André ou même en rectangles.

Les grands privilèges accordés jadis aux peintres verriers tombaient en désuétude, tandis que la peinture à l’huile prenait toujours plus de laveur. Il y a lieu de constater avec M. Lucien Magne que « la décadence de l’art du verrier coïncide avec l’application des émaux au vitrail. sous Henri II. Ce procédé nouveau qui semblait devoir accroître les ressources du peintre verrier en lui fournissant le moyen de réaliser toutes les nuances, sans être astreint à l’obligation des plombs, fut une cause de nouvelles erreurs ».

Enfin les règnes de Louis XIV et de Louis XV virent l’agonie de ce grand art du Moyen Âge. Devenu un simple article commercial, le vitrail d’église ne se compose plus guère, pour les grandes surfaces, que de combinaisons géométrales en vitreries blanches montées en plombs. Parfois, on y adapte encore de grandes figures émaillées sur verre blanc, mais sans caractère et lourdement exécutées ; tels les grands personnages rapportés dans les fenêtres hautes de l’abside de l’église Saint-Maurice, à Vienne (Isère). Les bordures ne sont plus que des torsades, des combinaisons de fleurons, nuancés de jaune à l’argent, comme à la chapelle du château de Versailles, ou encore des guirlandes de feuillages émaillés sur verre blanc avec des touches de rouge capucine. L’église de Neuville-sur-Saône nous offrira un intéressant exemple de ce dernier parti.

Les peintres verriers n’étaient donc plus, à proprement parler, que de simples vitriers. Mais ils conservaient encore le régime corporatif, transformé en confrérie, bien que les privilèges des corporations fussent amoindris et la liberté du travail plus étendue par les ordonnances royales.

Le règlement des a maîtres vitriers, peintres sur verres de la ville et fauxbourgs de Lyon a approuvé par le Consulat en 1724, a été en vigueur jusqu’à la Révolution et on y retrouve les grandes lignes de celui de 1496. Les obligations d’ordre religieux y sont maintenues ; par contre, la juridiction a définitivement passé des mains de l’autorité épiscopale à celles de la prévôté des marchands, et c’est de cette autorité purement laïque que dépendent les permis de réunions de la corporation. L’apprenti orphelin tombe en tutelle de la corporation qui pourvoit à la surveillance de sa conduite et de son instruction. Le nombre des apprentis est réduit à un seul par atelier. Diverses précautions sont prises contre certaines manifestations d’indépendance déjà en germe chez l’ouvrier, comme aussi contre toute manœuvre pouvant aboutir à une concurrence déloyale. Les garanties relatives à la capacité professionnelle sont maintenues aussi rigoureusement qu’au Moyen Âge. Cette capacité professionnelle est présumée suffisante chez les fils de maîtres et réglementée par un article spécial[26].

Fig. 10. — Étage supérieur de l’hôtel d’Horace Cardon, libraire lyonnais.
Construit en 1547, rue Mercière, n° 28. L’une des fenêtres a conservé son ancienne vitrerie en losanges montés en plombs.

Les intérêts et de la corporation locale sont soigneusement sauvegardés contre l’envahissement des étrangers, doivent conquérir leur droit de cité par six années de services ininterrompus et ne peuvent parvenir à la maîtrise lyonnaise qu’après un minutieux examen de capacité.

Toute condamnation infamante exclut de la maîtrise et la ferme au compagnon, et à l’apprenti : la complicité et même les simples relations avec le coupable sont punies par de sévères amendes.

Même en faveur de certains cas intéressants, la corporation ne se départ pas de cette jalouse défense de ses privilèges : c’est ainsi, par exemple, que les droits d’une veuve sont abolis lorsqu’elle se remarie, sauf le cas où elle se remarierait à un compagnon verrier, qui devrait, d’ailleurs, fournir des garanties suffisantes pour jouir des privilèges corporatifs. L’assistance charitable n’était pas oubliée : par exemple, on levait, en faveur des confrères malheureux ou infirmes, l’interdiction faite aux maîtres de donner à travailler en dehors de leur atelier.

Le règlement établit aussi de sévères précautions contre la concurrence des irréguliers et des nomades. pressés par les besoins d’une vie déréglée et prêts à faire à tout prix un travail qui exige toujours des soins sages et prudents[27].

Le noble souci de l’amour-propre du métier et la préoccupation honorable des garanties sérieuses dues au client se trahit par de nombreuses et minutieuses dispositions ; puis le règlement finit par une série d’articles relatifs à l’administration de la Confrérie et, par conséquent, moins intéressants au point de vue spécial qui nous occupe qu’à celui de l’étude générale du système corporatif.

Comme la plupart des autres corporations de Lyon, celle des peintres verriers et vitriers avait sa chapelle dans l’église des Cordeliers. Au dix-septième siècle, on comptait ainsi une trentaine de chapelles ou d’autels, soigneusement entretenus aux frais des corporations. Celle des peintres et verniers se trouvait primitivement dans le collatéral droit près du chœur, sur remplacement de la chapelle actuelle de Saint-Joseph. En 1619, la Confrérie fut transportée à la chapelle de l’Annonciade construite par Simon de Pavie, où l’on voit encore l’inscription de son tombeau. Elle passa alors sous le patronage de saint Luc et de saint Clair. Cette chapelle, la troisième dans le bas-côté gauche, actuellement dédiée à saint François d’Assise, a conservé jusque vers 1840 un vitrail aux armes de la corporation des verriers : d’azur à l’étoile d’argent et trois diamants d’or. Deux écussons latéraux contenaient les outils employés par les vitriers : le diamant, le fer à souder, le marteau, la tringlette, le couteau, le compas[28] (Fig. 11).

Fig. 11. — Vitrail de la Chapelle de la Corporationdes Vitriers
Dans l’égtise des Cordeliers, à Lyon[29].

{{Lettrine|L|lignes=3|a destruction de nos vitraux fut, en partie, le résultat du fanatisme religieux des calvinistes ; mais elle fut continuée de façon systématique par les chanoines du dix-septième et du dix-huitième siècle, sous le prétexte que les verres de couleur obscurcissaient les églises et qu’ils gênaient la lecture des offices. Les verrières des douzième et treizième siècles étant les plus colorées, les plus intenses, ce sont elles qui eurent le plus à souffrir. L’abbé Lebeuf, qui écrivait son Histoire de Paris au moment où se commettaient ces actes de vandalisme, nous rapporte qu’« il existait, dans la seule étendue du diocèse de Paris, plus de quarante églises où l’on voyait encore, en 1754, des vitres du treizième siècle, sans comprendre celles où l’on avait remplacé les vitres peintes par vitres blanches ».

Le clergé se charge lui-même de consommer la ruine de ces innombrables témoignages de la grandeur religieuse des siècles passés.

On rencontre même un peintre verrier, Pierre Le Vieil, qui, tout en s’indignant contre les mutilations que subissaient, de son temps, les vitraux de Saint-Merri, avoue, dans son traité de la peinture sur verre[30], avoir démoli lui-même, en 1741, les derniers vitraux du treizième siècle qui décoraient encore le chœur de Notre-Dame de Paris, pour les remplacer par des vitres blanches, afin de fournir plus de lumière aux chanoines. Le vandalisme des Chapitres dépassait celui des calvinistes du seizième siècle : ceux-ci ne s’attaquaient qu’aux sujets à portée de leurs atteintes, tandis que les premiers détruisaient méthodiquement les verrières les plus élevées, à grands renforts de dispendieux échafaudages.

Mais, outre ces mutilations, nos vitraux étaient souvent victimes de restaurations presque toujours extrêmement maladroites, ce qu’expliquent la désuétude et l’oubli dans lesquels était tombée la pratique du vitrail. Dans notre région, en particulier, les restaurations ont dû, apparemment, être exécutées par des maçons, car les pièces de verre blanc destinées à combler les vides sont rarement assujetties par des plombs, mais souvent avec du simple mastic et même du mortier. Ces « restaurateurs » d’un nouveau genre ne se préoccupaient guère de voir une tête ou une draperie prendre la place d’une architecture ou d’un ornement ; ils professaient pour la couleur un mépris égal et le résultat de leur intervention aboutit aux mélanges les plus disparates, aux plus déconcertantes inharmonies.

Au lendemain de la tourmente révolutionnaire, l’établissement du Concordat rendit nécessaire la réparation de tant de ruines. L’art du vitrail avait totalement disparu et l’on en était réduit, comme à la fin du dix-huitième siècle, à de misérables travaux de vitrerie. Bien plus, sous prétexte de réparer, on continuait à détruire. C’est ainsi que, parmi tous les devis et mémoires produits pour la restauration de la cathédrale de Lyon, entreprise en 1802, lors du rétablissement du culte, nous trouvons que « le raccommodage en verres de couleurs de tous les vitraux qui sont au fond du chœur, depuis le bas jusqu’en haut, et dont plusieurs sont à refaire à neuf », fut confié pour la somme de “2.000 francs à un nommé Ferrus qui, à sa qualité de maître couvreur, joignait aussi celle de destructeur patenté des anciens vitraux. Comme il le déclare lui-même, cette prétendue restauration consiste à ; démolir les verrières des chapelles latérales et à prendre les verres de couleur pour boucher tant bien que mal les vides.- des verrières du chœur[31].

Beaucoup d’églises de la région ont longtemps conservé des spécimens de ces vitreries aux couleurs criardes et aux combinaisons de mise en plombs souvent très compliquées. Un vitrier lyonnais, nommé Lesourd, de 1818 à 1845, était maître dans la confection de ces mosaïques. Il vitra la plupart des églises de Lyon, entre autres celles de Saint-Irénée, de Saint-Just, de Saint-Vincent, de Saint-Polycarpe, etc. L’antique église saint-Paul de Lyon — que l’architecte Decrenice, en 1780, ne craignit pas de mutiler, sous prétexte de restauration, faisant d’un édifice du plus pur roman une sorte de temple néo-grec — reçut des vitraux vers 1820. Lesourd exécuta dans la baie centrale de l’abside une grande croix blanche entourée de rayons d’or et accostée de tiges de roses, s’enlevant sur un fond bleu. De très nombreux fragments de verres de couleur montés en plombs donnaient à distance l’impression de gemmes enchâssées dans la croix. Cet ensemble, qui n’était point dénué de caractère, en raison de la simplicité et de la franchise du parti, caractérisait fort bien la technique employée à l’époque. À ce titre, il méritait d’être sauvegardé. Il fut détruit lors de l’agrandissement des fenêtres de l’abside pendant les dernières restaurations de 1900. Toutes nos démarches pour en retrouver les débris ont été inutiles.

Voici un autre exemple emprunté à l’ancienne collégiale de Montbrison (fig. l2). Comme dans tous travaux similaires, on n’y saurait trouver aucune trace de peinture. On avait perdu jusqu’à la notion de la vitrification et, pour accuser plus franchement certaines délicatesses du dessin, comme par exemple les détails des ornements de la mitre, que la mise en plombs ne pouvait donner, on allait jusqu’à souder des ailes de plomb qui, débordant sur la surface du verre, complétaient le dessin, dans une certaine mesure, par un effet de silhouette.

Si les fourneaux des peintres verriers étaient éteints en France, les procédés n’en étaient pourtant point perdus et leur tradition nous en était conservée par les écrits de Théophile, Neri, Félibien, Pierre Le Vieil, etc. D’autre part, les ateliers de Hollande et d’Angleterre poursuivaient interruption leurs travaux.

Malgré les terreurs de la Révolution qui sévissait dans notre pays, un homme de cœur, Alexandre Lenoir, avait courageusement entrepris de sauver de la destruction les chefs-d’œuvre de notre sculpture nationale et de l’art du vitrail en particulier. La collection de vitraux anciens qu’il réunit dans l’ancien couvent des Petits Augustins, aujourd’hui l’École des Beaux Arts, fut, assurément, l’enseignement le plus utile à la restauration de l’art du vitrail qui allait s’accomplir en même temps que renaissait la science archéologique, sous l’impulsion des Vitet, Langlois, du Sommerard, Didron et surtout de Viollet-le-Duc.

De nombreux ateliers se créent alors en France, et l’ère des restaurations intelligentes commence à la Sainte-Chapelle de Paris, à Chartres, à Bourges, à Sens, etc., par des artistes tels que Gérente, Lusson, Coffetier, Ondinot, etc.

Ce fut à cette époque que les vitraux de la cathédrale de Lyon subirent une première réparation par Thibaud, sur l’initiative du Cardinal de Bonald. Plus tard, ceux de l’Arbresle étaient confiés à Lobin, ceux d’Ambierle et de Saint-André-d’Apchon à Bonnaud.

L’étude consciencieuse du Moyen Âge avait enfin porté ses fruits : on ne se contentait plus de boucher les trous avec des fragments de verre pris au hasard, et on ne négligeait aucun effort pour restituer la pièce ancienne dans son état primitif. Ces efforts étaient complexes : outre l’analyse minutieuse des sujets représentés, il fallait encore tenir compte des modifications successivement apportées aux procédés de fabrication ; il fallait suivre les traces des restaurations entreprises à chaque époque, et qui se traduisaient par des pièces rapportées sans souci du dessin et de la coloration primitive, des légendes inscrites au hasard, des figures placées à contre-sens et l’interversion des sujets dans les vitraux à médaillons légendaires.


Le nombre des anciennes verrières diminuant de jour en jour, leur conservation devrait être l’objet d’une sollicitude d’autant plus constante. Si nous n’en trouvons plus, dans le Lyonnais, que des vestiges aussi rares, il ne suffit pas d’en rejeter la faute sur les guerres de religion et sur la Révolution, mais il faut trop souvent accuser aussi l’ignorance et la négligence de ceux qui sont constitués les gardiens naturels et responsables de ces trésors du passé. il serait aussi pénible qu’inutile de chercher à faire ici une nomenclature des faits de vandalisme dont notre région eut à souffrir ; du moins, les progrès dans l’esprit public du sentiment de respect pour le passé pouvaient-ils faire espérer que de tels abus n’étaient plus à craindre de nos jours.

Or, il n’en est pas encore ainsi. Le remplacement par des vitraux modernes, dans le courant du siècle dernier, des très intéressantes peintures qui décoraient jusqu’alors la plupart des baies de la collégiale Notre-Dame des Marais à Villefranche-sur-Saône, est, malheureusement, loin d’être le seul exemple de ce vandalisme. En 1873, les précieuses verrières de l’abside de l’église de Cézériat (Ain), non loin de Brou, vraisemblablement de la même époque que celles de célèbre église de Marguerite d’Autriche, peut-être du même atelier, furent enlevées sur l’ordre exprès du Conseil de fabrique, pour être remplacées par de très médiocres productions modernes. Fort heureusement, ces trois verrières furent sauvées et figurent actuellement au Musée historique des Tissus de la Chambre de commerce de Lyon.

Voici un autre cas de vandalisme perpétré dans une charmante église des environs de Lyon, aux bords du Rhône, celle de Montluel (Ain). Vers 1885, nous avions admiré dans une très élégante chapelle latérale de cette église, de la plus pure Renaissance, une remarquable verrière, assez complète, quoique un peu détériorée, mais dont la restauration eût été relativement facile. Faute de temps, nous dûmes remettre à une autre visite le projet de la dessiner, et nous revenions, moins de deux ans plus tard, dans l’intention d’en faire un relevé exact. Quel ne fut pas notre étonnement de voir, à la place de l’ancien vitrail, une interprétation de l’apparition du Sacré-Cœur, exécutée de fraîche date. Dans le désir de retrouver au moins les débris de la verrière ancienne, nous ouvrîmes une enquête qui ne tarda pas à nous éclairer sur le sort qui leur avait été fait. Les panneaux avaient été relégués dans les combles, au-dessous des cloches, où il nous fut facile de retrouver un monceau informe de verres pilés et de plombs arrachés, piétinés consciencieusement par le sonneur. Malgré le travail le plus patient, nous n’avons pu parvenir à en assembler quelques fragments. Plusieurs têtes, d’une exécution charmante ; et certains détails de costume, admirablement traités, voilà tout ce qui restait de cette grande verrière à trois baies, retraçant, autant que nos souvenirs peuvent être fidèles, une scène de bataille où figuraient de nombreux hommes d’armes (probablement la victoire de Constantin).

Le vitrail de Rochefort, près de Saint-Martin-en-Haut, charmant morceau du quinzième siècle, faillit, il y a peu de temps, tomber entre les mains d’amateurs de curiosités archéologiques. Et n’avons—nous pas vu, naguère encore, dans l’une de nos principales églises lyonnaises, une tentative de mutilation s’en prendre aux superbes vitraux modernes de Steinheil, sous prétexte de donner plus de lumière à l’édifice dont ils constituent la plus riche parure ? Actuellement, comment sont traitées les très belles verrières de la Sainte-Chapelle du Palais à Chambéry ? Il ne se passe pas de jour que l’on ne relève des débris de tête, de draperies tombant sous l’action du vent et, plus encore, des grêles de pierres des gamins. La restauration de ces vitraux, déjà difficile, demain sera impossible.

La destruction aveugle de ces œuvres d’art du passé ne saurait être imputée qu’à une ignorance barbare qu’on s’étonne de rencontrer encore de nos jours. Devant la possibilité des plus coupables pratiques, on ne peut souhaiter que l’intervention des moyens légaux de préservation, et, d’abord, le classement d’office des vitraux anciens, qui sont des monuments historiques, au même titre que les édifices dont ils font partie.

Fig. 12. Église Notre-Dame on Montbrison (Loire).
Vitrail du commencement du xixe siècle (fragment).

Pl. ii
cathédrale de lyon
Phototypie Berthaud
Cl. L. Bégule.
vue intérieure de la nef
  1. Plus anciennement Le Vieil, en 1774, avait publié son Histoire de la peinture sur verre, ouvrage précieux, malgré les erreurs inévitables d’un auteur praticien, qui écrivait à une époque où son art était à peu près tombé dans l’oubli.
  2. Cf. l’étude de MM. Pilloy et Sourd dans le Bulletin Monumental, 1910, fasc. t. 2.
  3. L’emploi du diamant pour couper le verre ne remonte pas au delà du milieu du seizième siècle.
  4. Fenestras quidem quæ in navi sunt plumbo, simul ac vitro compactas tabulis ferro ligatis inclusii. (Chronicon casinense, livre III, chap. 12.)
  5. Et insuper parletem ecclesiæ V vitreis adornavit et majus altare construxit… (Obituaire de l’Église de Lyon).
  6. Dès la fin du douzième siècle, les moines de Cîteaux introduisaient en Italie l’architecture bourguignonne. Ne pouvant, fidèles observateurs de la règle, employer la peinture dans le décor des vitraux de l’église de Fossanova, ils tournèrent la difficulté d’ingénieuse façon. Comme l’a constaté M. C. Enlart, ils ajoutèrent aux combinaisons géométriques de mise en plomb, des minces lamelles de plomb découpées à jour, en forme de perles, appliquées sur le verre. (Enlart, Origines françaises de l’architecture gothique en Italie, Paris, 1894, p. 307.)
  7. Natalis Rondot, l’Ancien Régime du travail à Lyon.
  8. Cf L. Bégule, les Incrustations décoratives, Lyon, A. Roy, 1905.
  9. Henry de Nivelle, originaire de Paris, fut nommé verrier de la cathédrale (verrerius ecclesie lugdunensis) par délibération capitulaire du 26 juin 1378. Actes capitulaires de l’Église de Lyon, liv. II, f° 54.
  10. Natalis Rondot, les Peintres sur verre à Lyon, du quatorzième au seizième siècle, Paris, 1897. — Natalis Rondot, les Artistes et les Maîtres de métier à Lyon ou quatorzième siècle, Lyon, 1882.
  11. Act. capit. liv. V. fo 186.
  12. M. C. Guigue, Notice historique de la Monographie de la cathédrale de Lyon, p. 39.
  13. « …À Janin le verrier, six livres tournois pour faire tout à nove les deux verrières et la rosace de la chapelle de Saint-Jaquemo esquelles verrières il a mis XXII piés et demi de roirre ensemble les verges de fer ad ce nécessaires. » Mand. du 15 mars 1401. Arch. mun, CC. 385. Voir la très intéressante notice de Vital de Valous : la Chapelle de Saint-Jacques à Lyon, 1881.
  14. Arch. mun., CC. 404.
  15. N. Rondot, Un Peintre lyonnais de la fin du quinzième siècle
  16. Ordonnances des Rois, p. 562 à 591.
  17. « Art. 5. — Le compaignon verrier sera tenu de faire pour son chef d’œuvre deux pannaulx de voirres contenant chacun huit pieds en querrure, et dedans l’ung des dicts pannaulx sera tenu de faire ung mont de Calvaire laict de paincture en joincture et, en l’autre, un trépassement de Notre-Dame, le tout paînct et recuyt comme il appartient, ou autres ystoires à l’ordre des maistres, et sera faict ledit chef d’œuvre en la maison d’ung des maistres, sans ayde ni conseil d’autruit, et appartiendra à la Confrérie de Saint-Luc ; si le compagnon le veult reprendre, l’aura pour le prix justement estimé et s’il veut passer maître fera un disner et en outre sera tenu de demeurer trois mois chez ung des msistres pour connaître de sa science à moins qu’il ait été apprentif chez un maistre de Lyon ».
  18. « Art. 6. — Nul ne sera reçu maître et ne pourra tenir boutique sans le chef d’œuvre parfaire et fournir bonnes et loyales couleurs. »
    « Art. 7. — Nul verrier ne livrera ouvrage qu’il ne soit visité par les gardes, et ne mectra pièce de voirre œuvre qu’elle ne soit bien mise et recuite, et s’il faict armoirie sur voirre elle sera girisée (gravée à la molette), et, s’il ne pouvait la giriser, le fera assavoir aux gardes à peine d’amande. »
  19. « Art. 9. — Ils se garderont de livrer un panneau de voirre qu’il ne soit soudé d’un costé et d’autre, et, s’il y a pièce de voirre fendu y metront un plomb à peine de vingt sols.
  20. L’article l2 frappait les délinquants d’une amende de 20 sols tournois pour le premier manquement au règlements et, en cas de récidive fréquente, les remettait entre les mains de l’officialité épiscopale. Les amendes étaient curieusement réparties : la moitié étant attribuée au Cardinal-Archevêque. et l’autre partagée entre la confrérie et les maîtres. L’entrée en apprentissage rapportait une demi-livre de cire à la confrérie.
  21. Au nombre des maîtres qui ont sollicité de Charles VII la confirmation des statuts de leur corporation, nous retrouvons plusieurs des maîtres peintres, verriers et imagiers de Saint-Jean : Jean Prévost, Pierre de la Paix, dit d’Aubenas, Hugonin Navarre. (Ordonnances des Rois, t. XX, p. 562.)
  22. Natalis Rondot, les Peintres sur verre à Lyon du quatorzième au seizième siècle, Paris, Rapilly, 1897.
  23. L. Niepce, les Protestants à Lyon.
  24. Arch. de la Ville de Lyon. Invent. som., série BB. registre l09. t. I. fol. 57.
  25. La restauration de cette célèbre chapelle, ruinée par les calvinistes, fut achevée en 1637 et était, au dire de Clapasson et des Statuts et Règlements de la Confrérie d’une extrême richesse. Sans parler des sculptures précieuses, des toiles célèbres de Th. Blanchet, de Ch. Delafosse. etc., d’un christ en croix attribué à Rubens, vingt-deux vitraux représentaient les armes de la Confrérie et les seize mystères de la vie de la Vierge.
  26. « Art. 9. — Nul compagnon qui aura fait son apprentissage en cette ville ne pourra avoir boutique, ni travailler de l’art du vitrier qu’il n’ait été reçu à la maîtrise, à laquelle il ne sera reçu qu’après avoir rapporté son brevet d’apprentissage, quittance d’icelui, et servir les maîtres l’espace de quatre années, en qualité de compagnon, et fait l’expérience d’un panneau de vitre bien groizé et d’un quatre tel qu’il lui sera prescrit par la Maîtres-gardes et Adjoints, en présence d’iceulx, et de quatre anciens, comme encore de payer la somme de cent vingt livres pour le droit de réception à la maîtrise, sur laquelle sera prélevée celle de vingt livres pour les frais des maîtres-gardes. »
    « Art. 10. — Les fils de maîtres qui auront atteint l’âge de dix-huit ans pourront ouvrir boutique de maître verrier sans être tenus de produire aucun acte d’apprentissage ni de compagnonnage, mais seulement de justifier qu’ils sont fils de maîtres et qu’ils ont travaillé et travaillent de l’art chez leur père ou ailleurs, et après avoir fait un panneau qui leur sera ordonné par leur sera ordonné par les maîtres-gardes, ils payeront la somme de trente livres pour droit de réception, dont il sera prélevé six livres pour les frais de maîtres-gardes.»
  27. Rien n’est plus significatif que les termes de cet article : « Art. 17. — Et d’autant que les vitriers forains passant ou demeurant dans la ville, ne trouvant pas de l’ouvrage chez leurs maîtres faute de savoir bien travailler, ou par libertinage, courent, comme l’on dit « la lonzange » et entreprennent des ouvrages dudit métier, en plusieurs endroits, ce qu’ils ne peuvent faire sans l’assistance de quelques maitres, qui, bien souvent pour en profiter, les emploient et leur prêtent des outils propres audit art, comme tire-plombs, lingotière, fer à souder, diamant à couper, plomb tiré, soudure jetée et autres choses nécessaires audit art ; ce qui porte un notable préjudice à tous les autres maîtres dont la plupart ne peuvent vivre n’étant pas occupés, à quoi étant nécessaire de remédier et afin que le public soit fidèlement servi, défenses sont faites à tous les maîtres de vendre ni prêter auxdits compagnons forains ni autres passant ou demeurant dans la ville, aucun des outils susdits ni autres choses audit art sous quelque prétexte que ce soit, à peine de 50 livres d’amende, applicables un tiers à l’Hôtel-Dieu, un tiers aux besoins de la communauté, et l’autre tiers au dénonciateur, les frais préalablement levés, comme aussi la outils et marchandises au profit des maîtres-gardes lors en charge. »
  28. Lors du rétablissement du culte, au commencement du siècle dernier, la corporation, transformée en société de bienfaisance, fit restaurer sa chapelle. On y lisait l’inscription suivante :
    Cette chapelle a été rétablie
    par la société de bienfaisance
    des maîtres peintres et vitriers
    de cette ville
    l’an
    MDCCCVII
  29. Nous devons la communication de ce document à l’érudit et regretté architecte lyonnais, A. Monvenoux.
  30. Pierre Le Vieil, l’Art de la peinture sur verre et de la vitrerie, 1784.
  31. Arch. du Rhône, fonds moderne, série N.