Les vitraux du Moyen âge et de la Renaissance dans la région lyonnaise/0-1 - Préface


PRÉFACE.


L’art du vitrail, mieux encore que les miniatures des manuscrits, nous éclaire sur l’histoire de la peinture en France, du douzième au seizième siècle. Cette somptueuse décoration, qui, pendant le Moyen Age et la Renaissance, a été, en France, inséparable de l’architecture et est devenue la forme la plus brillante et la plus riche de la peinture monumentale, peut encore être regardée comme inconnue.

C’est à peine si les vitraux de quelques grandes cathédrales, comme celles de Chartres, de Bourges et du Mans, ont été l’objet de monographies accompagnées de reproductions plus ou moins exactes. Combien de merveilles ont disparu et disparaissent chaque jour, sans qu’une image nous en soit conservée ! Combien d’autres sont encore ignorées !

L’histoire du vitrail reste à faire en France. La tâche est immense et, actuellement, au-dessus des forces d’un seul historien. La connaissance de l’architecture française, que nous possédons aujourd’hui, a été singulièrement facilitée par des monographies de nos édifices nationaux ; de même l’étude des vitraux anciens, région par région, serait d’une extrême utilité pour faire Connaître de façon exacte et complète un art magnifique entre tous et si éminemment français.

Le présent ouvrage apporte une contribution à cette entreprise nécessaire, en suivant l’étude des vitraux, depuis les origines jusqu’au dix-huitième siècle, dans la région dont la ville de Lyon est le centre.

Cette région, il faut le dire. est une des moins riches de : France en vitraux anciens. Elle a souffert plus que d’autres de tous les vandalismes : violences des bandes du baron des Adrets, en l562, et des révolutionnaires de l793 ; incurie et déprédations des iconoclastes. du dix-neuvième siècle. Les vitraux mêmes qu’elle a possédés jadis n’ont fumais égalé pour le nombre les trésors de l’art du peintre verrier dont se parent d’ autres provinces, telles que l’Île-de-France, la Champagne, la Normandie, le Berry, la Bretagne même. Cependant les vitraux qui ont survécu dans la cathédrale de Lyon, ceux qui se conservent intacts et brillants comme au premier jour dans l’église funéraire de Brou, doivent être comptés parmi les œuvres les plus instructives et les plus magnifiques du Moyen Âge et de la Renaissance. Les verrières et les fragments mêmes qui peuvent être retrouvés dans des monuments plus humbles et plus cachés sont encore dignes d’intérêt, et leur nombre restreint se prête à une statistique complète, dont l’exactitude a son prix.

La difficulté était de délimiter le champ des recherches autour de Lyon. Fallait-il s’arrêter aux bornes imaginaires de l’ancien diocèse de Lyon ? Ce diocèse s’était superposé au Pagus Major Lugdunensis. Il comprenait au Moyen Âge : 1o le Lyonnais proprement dit, c’est-à-dire la plus grande partie du département actuel du Rhône, limité à l’Est et au Sud par le diocèse de Vienne ; 2o le Forez, s’étendant jusqu’aux diocèses du Puy au Sud, et de Clermont, à l’Ouest ; 3o la Dombes, la Bresse et une minime partie du département actuel du jura, avec Saint-Claude, qui en fut détachée en l742 ; le tout limité par les diocèses de Chalon et de Besançon au Nord, de Genève et de Belley à l’Est. Il nous a paru convenable de joindre à l’ancien diocèse de Lyon, ainsi délimité, le Beaujolais, dont la plus grande partie était comprise dans les diocèses de Mâcon et d’Autun. Le Beaujolais formait, on le sait, avec le Forez et le Lyonnais proprement dit, l’ancien gouvernement de Lyon ; il est rentré dans le diocèse actuel.

Il restait, en dehors des limites du diocèse, des édifices dont les vitraux risquaient, si nous les négligions, de ne plus pouvoir rentrer dans le cadre d’aucune étude régionale. passer sous silence nous eût paru trop rigoureux. Aussi avons—nous cru pouvoir nous permettre quelques incursions en Savate pour étudier les vitraux de la Sainte-Chapelle de Chambéry et de l’église du Bourget ; en Dauphiné, pour étudier ceux de Saint-Maurice de Vienne et du Champ (Isère), etc.

Toute cette région dont Lyon est le centre, l’auteur l’a parcourue en tous sens, dans le cours d’une vie consacrée à la pratique de l’art du peintre verrier et a l’étude de l’archéologie du Moyen Âge. Il a lui—même calqué ou photographié, avec le plus grand soin, les moindres fragments de vitraux anciens qu’il a notés dans ses voyages. L’ouvrage qu’il présente sera, pour une des régions et un des arts de la France, un véritable Corpus.

On regrettera peut-être de ne pas retrouver, dans les reproductions, les couleurs impérissables qui sont la gloire des vitraux anciens. Des essais ont été tentés par nous, au moyen des. plaques autochromes. Mais ces plaques, admirables et parfaites pour la projection, ne peuvent transporter leurs couleurs sur le papier qu’au moyen de la trichromie. Dans cette traduction d’une traduction, la splendeur des originaux s’évanouit. Nous avons estimé qu’au lieu de reproductions en couleurs, nécessairement fautives, dans l’état actuel des procédés, il était préférable de donner des reproductions monochromes aussi exactes que possible pour le dessin, la valeur des tons, et fouillées dans tous les détails par l’emploi de l’orthochromatisme.

Il nous a paru également qu’il y aurait à la fois un délassement et un intérêt pour le lecteur à trouver, à côté des vitraux, quelques images — ensembles ou détails — des édifices dont ces vitraux font partie. Ces images et les brèves descriptions qui les accompagnent, feront saisir l’union étroite que l’Art d’autrefois avait établie entre l’église et le vitrail, la construction et la décoration ; sans avoir la prétention de constituer des monographies de monuments, elles offriront des documents inédits ou peu connus, dont l’Histoire même de l’architecture, de la sculpture et de la peinture, pourra faire son profit. Le long travail que nous a coûté cet ouvrage a été rendu plus léger par la bienveillance qu’il a rencontrée. Remercions, d’abord, MM. les Membres du Clergé diocésain, qui ont été pour nous des Collaborateurs d’une inépuisable obligeance. Nous avons reçu les encouragements et les conseils précieux de savants tels que M. Émile Mâle, professeur à la Sorbonne, M. André Michel, conservateur au Musée du Louvre, M. Émile Bertaux, professeur à la Faculté des Lettres de Lyon. Nous devons une gratitude toute spéciale à M. le Dr  Victor Nodet, qui a bien voulu accepter de rédiger le chapitre consacré à l’église et aux vitraux de Brou, qu'il a particulièrement étudiés depuis plusieurs années. Son étude, riche d’inédit, contribuera certainement à recommander aux archéologues et aux amateurs le livre que nous leur présentons.

Ph. L. B.
Sainte Catherine
Détail d'un vitrail de l’abside de l’église d’Ambierle.