Les travaux de Dupuy sur le Trésor des chartes et les origines du supplément

LES TRAVAUX DE DUPUY
SUR LE
TRÉSOR DES CHARTES
ET LES ORIGINES DU SUPPLÉMENT.

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La seconde partie du Trésor des chartes ou, pour lui donner le nom qu’elle porte dans les inventaires des Archives nationales, le Supplément du Trésor des chartes, non moins précieux que la première, dont elle passe généralement pour être l’annexe, est loin d’être aussi connue. On sait qu’elle a été inventoriée au commencement du siècle par dom Joubert, dont le travail, longtemps désigné à la Section historique sous le nom d’Inventaire rose, constitue l’unique moyen d’investigation dans les centaines de cartons qui s’y trouvent assez inégalement analysés ; on sait que le classement en est calqué sur celui du Trésor et que, comme lui, le Supplément est partagé en deux grandes divisions : les Douze gouvernements et les Mélanges. Quant à rechercher qui lui a imposé ce classement, à connaître l’histoire et l’époque de sa formation, personne ne paraît s’en être préoccupé, et l’ignorance où l’on est resté à cet égard a grandement restreint le profit que l’on eût pu tirer de ce bel ensemble de documents. Il importe de la faire cesser.

Et d’abord, quelque mal défini que soit jusqu’ici le Supplément, quelque obscures qu’en soient les origines, il n’est pas difficile de reconnaître qu’il contient aujourd’hui une foule de pièces qui ne devraient assurément pas en faire partie. Sans parler de documents du Trésor des chartes mentionnés dans l’inventaire de Dupuy, considérés comme perdus depuis lors et que l’on retrouve dans le Supplément, sans parler d’autres documents ayant la même provenance, mais qui ont dû être distraits du fonds primitif avant la confection de l’inventaire de Dupuy, un très grand nombre de pièces ont été insérées, postérieurement au travail de dom Joubert, par les archivistes ses successeurs, qui s’étaient trop facilement habitués à regarder le Supplément comme un déversoir destiné aux pièces qu’on ne savait où classer. Beaucoup de celles-ci se rattachent cependant à des fonds faciles à déterminer et ne présentent aucun rapport avec les archives de la Couronne.

Malheureusement, il n’est pas toujours aussi aisé de faire le départ entre les pièces appartenant depuis l’origine au Supplément et celles qui y ont été mal à propos mélangées. L’inventaire de dom Joubert étant, — nous l’avons déjà dit, — fort inégalement rédigé, on peut sans doute, lorsque les cartons y sont analysés pièce à pièce, reconnaître à l’écriture les additions faites postérieurement par Michelet, Dessales ou Douët d’Arcq ; toutefois, dans le cas trop fréquent où l’inventaire ne fournit qu’une mention générale pour un, ou même pour plusieurs cartons, comment distinguer les pièces intercalées dans les dossiers qui y sont renfermés si l’on ignore comment ces dossiers se sont formés ? Mais, avant d’étudier la formation d’un fonds, il est nécessaire d’en déterminer les limites en arrêtant celles des fonds qui l’avoisinent. On doit donc, dans le cas qui nous occupe, commencer par savoir en quoi consiste le Trésor des chartes, et l’on ne peut y arriver que par un examen attentif de l’inventaire de Dupuy, point de départ et fondement de tous les travaux touchant ces archives de nos rois.


I.

Chargés en 1615 de dresser l’inventaire du Trésor, Pierre Dupuy et Théodore Godefroy se mirent à l’œuvre dès le 1er  juin de la même année[1]. Leur premier soin fut de mettre un peu d’ordre dans la masse confuse qu’ils avaient trouvée en pénétrant dans l’annexe de la Sainte-Chapelle, où le chartrier royal était déposé depuis le temps de saint Louis. Pour les registres, le travail était facile. Quant aux chartes, aux titres de toute sorte, on les conservait, suivant l’usage, dans des sacs, et les sacs concernant une même matière étaient rangés dans des coffres ou dans des boîtes plus petites appelées layettes. Les deux savants, sans doute pressés de trouver un signe extérieur qui permît d’établir un classement à première vue, distinguèrent les sacs déposés à même sur les rayons, de ceux qui avaient été réunis dans des boîtes. Cette distinction répond à peu près à celle que l’on pourrait établir aujourd’hui entre les liasses rangées sur les rayons de nos dépôts et celles qui sont encloses dans des cartons. De là, trois séries :

1o Les Coffres et layettes.

2o Les Sacs.

3o Les Registres.

Sans doute, les sacs qui n’étaient pas encore renfermés dans des coffres concernaient ordinairement des affaires plus récentes ou d’ordre différent de celles pour lesquelles on avait déjà pris cette mesure conservatoire ; mais, dans bien des cas aussi, des sacs tirés des coffres pour un motif quelconque n’avaient pas été replacés. De semblables négligences eurent pour résultat de faire classer dans la seconde série des documents qui auraient dû être réunis dans la première à d’autres documents du milieu desquels on les avait extraits. Tel qu’il est, ce classement dure encore à présent : les divisions Layettes et Registres ont conservé leurs anciennes appellations. Quant aux Sacs, dont le nom est depuis longtemps oublié, je démontrerai plus loin qu’ils forment maintenant le Supplément du Trésor des chartes.

Restait à mettre en ordre les matières classées dans chacune de ces séries. Dupuy et Godefroy s’occupèrent d’abord de celles que comprenait la première : Coffres et layettes. « L’ordre, » est-il dit dans le Traité des droits du Roy[2] « y fut mis tel qu’il est aujourd’hui, où l’on voit les layettes mises en bon ordre par les Douze gouvernements, puis les Affaires étrangères, les Personnes et les Mélanges. » Le cadre de classement qu’ils arrêtèrent se trouve dans un État sommaire dont j’aurai plus loin l’occasion de parler, État rédigé certainement à cette époque par Dupuy, mais dont je ne connais que des transcriptions postérieures[3]. Les matières y sont groupées selon les quatre catégories énumérées ci-dessus ; mais les divisions entre elles ne sont point marquées, et l’on voit par les intitulés que l’ordre des trois dernières est renversé : les Mélanges y précèdent les Personnes, tandis que les Affaires étrangères ne viennent qu’en dernier lieu. Lors de la rédaction de l’inventaire, ces trois catégories furent plus ou moins confondues sous la rubrique générale Mélanges, sous laquelle elles sont toutes comprises aujourd’hui.

On a souvent cité la rédaction originale de l’inventaire ; Teulet, dans le tome I de ses Layettes du Trésor des chartes, en a reproduit le sommaire[4], mais on n’en a pas, que je sache, publié de description détaillée. Quelque fastidieuse que soit une semblable description, on me pardonnera de la donner ici, car elle pourra servir de terme de comparaison pour l’examen des nombreuses copies de l’inventaire éparses dans les bibliothèques publiques ou privées. Presque toutes dérivées de cet exemplaire, ces copies portent souvent, outre leur pagination particulière, une pagination marginale qui n’est autre que celle de la rédaction originale. Conservé à la Bibliothèque nationale sous les numéros 162 à 169 et 171 de la collection Dupuy, écrit de la main de ce grand érudit et de celle de Théodore Godefroy, l’inventaire primitif se compose de sept volumes petit in-folio, d’un volume de tables de ces sept tomes, et d’un huitième volume rédigé plusieurs années après les précédents.


Volume I (Dupuy, 162). — Paris et Orléans, 7 feuillets, A à F, + 368 pages.

Fol. A. « Vol. I. || P. Dupuy. »

Fol. C. Extrait de l’arrêt du Conseil ordonnant la confection de l’inventaire, suivi de cette mention autographe de Dupuy : « En conséquence de l’arrest cy-dessus nous, Théodore Godefroy et Pierre Dupuy, avons commencé à travailler à l’inventaire du Trésor, ce premier juin mil six cens quinze.

P. Dupuy. »

Fol. E. Table des titres de l’inventaire des layettes Paris, avec renvoi aux pages.

Pages 1 à 147. Analyses des layettes Paris.

L’inventaire de la layette Étampes II, au lieu d’être transcrit à la suite de celui d’Étampes I (p. 63 à 64), est copié après celui de Valois III (p. 124).

Pages 148 et 149 vacantes.

Page 151, table des titres des layettes Orléans.

Pages 152 à 368, analyse des layettes Orléans.


Volume II (Dupuy, 163). — Champagne, tout entier de la main de Godefroy, 338 pages.

Titre : « Vol. II || Champagne || ciɔ iɔ xxxii || P. Dupuy. »

Page 1. Table des titres des layettes Champagne, de la main de Dupuy.

Pages 2 à 338. L’inventaire de Champagne XIV, titre substitué à Champagne dans un sac, est transcrit, non à la suite de Champagne XIII (p. 288), mais à la fin du volume (p. 325).


Volume III (Dupuy, 164). — Normandie, Picardie et Bretagne, 304 pages.

Titre : « Vol. III || ciɔ iɔ cxxi || P. Dupuy. » Après le titre, une table des intitulés des layettes Normandie, de la main de Godefroy.

Pages 1 à 121. Analyse des layettes Normandie, de la main de Godefroy, pages 127 à 245. Analyse des layettes Picardie, de la main de Godefroy, sauf les pages 235 à 238 ajoutées, après coup, par Dupuy à la layette Boulogne II.

Pages 245 à 304. Analyse des layettes Bretagne, de la main de Dupuy.


Volume IV (Dupuy, 165). — Bourgogne, Lyonnais, Dauphiné, Provence, 289 pages.

Titre : « Vol. IIII || ciɔ iɔ cxxii || P. Dupuy. »

Après le titre, table des intitulés des layettes Bourgogne.

Pages 1 à 191. Analyse des layettes Bourgogne, de la main de Godefroy, sauf les pages 183 à 191 (Mâcon à Sens), qui sont de la main de Dupuy. L’ordre n’est pas toujours observé : Chalon-sur-Saône se trouve entre Bourgogne V et Bourgogne VI (p. 73), Nevers, entre Bourgogne VI et Bourgogne VII (p. 114).


Volume V (Dupuy, 166). — Guyenne et Languedoc, 368 pages.

Titre : « Les gouvernemens de Guienne et de Languedoc. || Vol. V || ciɔ iɔ cxxii || P. Dupuy. »

Pages 1 à 18. Analyse des layettes Guyenne, de la main de Dupuy.

Pages 21 à 368. Analyse des layettes Languedoc, de la main de Dupuy, sauf celle des sacs Toulouse I à XXI, qui est de la main de Godefroy.


Volume VI (Dupuy, 167). — Mélanges, 5 feuillets, A à E, + 517 pages, en entier de la main de Dupuy.

Fol. A. Titre : « Vol. VI || ciɔ iɔ cxviii || P. Dupuy. »

Fol. C. à E. Table alphabétique des intitulés des layettes.

Pages 1 à 517. Analyse des layettes Élections (aujourd’hui J 344) à Seigneurs d’Albret (aujourd’hui J 478).


Volume VII (Dupuy, 168). — Mélanges, 448 pages, en entier de la main de Dupuy.

Titre : « Vol. VII || ciɔ iɔ cxxiii || P. Dupuy. » Après le titre, table alphabétique des intitulés des layettes.

Pages 1 à 448. Analyse des layettes Différend de Philippe le Bel avec Boniface VIII (aujourd’hui J 478) à Serments de fidélité de plusieurs villes (aujourd’hui J 627).


Tables (Dupuy, 169). — 133 feuillets, en entier de la main de Dupuy.

Sur le feuillet de garde « ciɔ iɔ cxxiii || P. Dupuy. »

Fol. 1. « Table de sept volumes des inventaires du Trésor des chartes du Roy. »

Fol. 116. Table spéciale des « Noms des archevesques et évesques de France. »

Fol. 127. Table spéciale des « Forests. »

Fol. 128. Table spéciale des « Monnoies. »

Fol. 132 vo. Observations sur les systèmes chronologiques.

Fol. 133. « Limites » du royaume d’après les données de l’Inventaire.


Volume VIII (Dupuy, 171). — Mélanges, 203.

Fol. 1. Titre : « Vol. VIII || ciɔ iɔ cxxx || P. Dupuy. »

Fol. 2. Table alphabétique des intitulés des layettes.

Fol. 5 à 162. Analyse des layettes Angleterre (aujourd’hui J 628) à Suisses II (aujourd’hui J 724), de la main de Dupuy.

Fol. 168 à 184. Analyse du coffre « Pierre de [la] Brosse » (aujourd’hui J 726 à 730), de la main de Godefroy.

Fol. 186 à 193. Analyse de la layette Eaux et Forêts (aujourd’hui J 731 à J 733), de la main de Dupuy.

Fol. 194. Antibes (aujourd’hui J 735), Inventaire original des titres remis à Jérôme Lhuillier, procureur général à la Chambre des Comptes, inventaire portant encore le récépissé donné par Dupuy, le 1er  décembre 1629, au nom du procureur général qui devait déposer lesdits titres au Trésor.

Fol. 200. « Guichet IX. Sac des titres meslez » (aujourd’hui J 734), de la main de Dupuy.


On voit, même d’après cette sommaire analyse, que l’inventaire paraît avoir été rédigé avec une remarquable négligence de l’ordre établi par les auteurs eux-mêmes. Sans doute, sur le feuillet qui précède l’inventaire de chaque gouvernement, Dupuy copiait en manière de table, et de sa main, la partie du cadre de classement relative à ce gouvernement ; mais les renvois aux pages inscrits à cette table permettent de constater des interversions ou des écarts qui ne peuvent être attribués qu’au peu de soin des rédacteurs ; on a pu en remarquer plusieurs en lisant la description des cinq premiers volumes. Dans les Mélanges, les interversions se multiplient au point de ne plus laisser subsister rien du cadre établi d’avance, et le désordre résultant des négligences de l’inventaire original s’est maintenu jusqu’à nos jours.

Du reste, les auteurs de l’inventaire semblent n’avoir pas eu eux-mêmes une notion bien nette des limites entre lesquelles se trouvait comprise la catégorie des Mélanges. Après avoir livré sept volumes de l’inventaire des Layettes, soit les cinq volumes des Gouvernements parus de 1620 à 1622, et deux volumes de Mélanges, l’un en 1618, l’autre en 1623, ils donnèrent, en cette dernière année, un volume de tables des sept volumes achevés qu’ils semblaient désigner de la sorte comme formant un tout complet[5] et ne produisirent le huitième volume, contenant le reste des Mélanges, qu’en 1630.

D’une note inscrite en tête de certaines copies de l’inventaire et publiée récemment dans la Bibliothèque de l’École des chartes[6] d’après un exemplaire appartenant à M.  Teilhard de Chardin, on peut tirer d’utiles renseignements sur les premières copies exécutées par Dupuy ou sous sa direction. L’éditeur de cette note n’avait su à qui l’attribuer ; les mentions que l’on peut relever sur les titres d’un autre exemplaire où elle figure également[7] permettent de conclure d’une façon certaine qu’elle est d’un M. de Verthamon, sans doute François de Verthamon, seigneur de Bréan, maître des requêtes. D’après lui, ces premières furent au nombre de trois :

1o L’exemplaire original écrit de la main de Dupuy et de celle de Godefroy. C’est celui qui forme les vol. 162 à 169 et 171 de la collection Dupuy et qui a été décrit ci-dessus.

2o Une copie écrite de la main de Dupuy, et de celle de Godefroy, reliée en veau, aux armes et au chiffre de Louis XIII, laquelle fut cédée par les rédacteurs au cardinal de Richelieu. Elle est arrivée avec les manuscrits de la Sorbonne à la Bibliothèque nationale, où elle porte dans le fonds français les nos 23166-23181 et non pas, comme on l’a dit[8], les nos 21096-21103.

3o Une autre copie d’une autre main, « fort bien escrite et correcte, reliée en veau, » prêtée par Dupuy en 1648 à M. de Verthamon.

Mais il paraît que, de son côté, Godefroy possédait un exemplaire dont la disposition était très différente. On voit en effet à la fin du ms. fr. 21103 une « table de l’inventaire des titres du Trésor des chartes de M. Godefroy, dont les volumes sont en un autre ordre que ceux de Monsieur Dupuy. » Cette table est malheureusement rédigée d’une façon assez incohérente ; on en peut cependant reconstituer une assez grande partie pour reconnaître que l’inventaire de Godefroy était partagé en quinze volumes et que l’ordre des matières était assez semblable à celui d’un exemplaire en onze volumes conservé aux Archives nationales sous les cotes JJ 290 à 300, pour qu’on puisse considérer celui-ci comme l’un de ses dérivés. Cet exemplaire, qui paraît être du xviie siècle, est ainsi composé :


Volume I (JJ 290). — Paris et Orléans. En tête se trouve transcrit l’État sommaire dont il a été question plus haut.

Volume II (JJ 291). — Normandie, Picardie, Bretagne, Champagne.

Volume III (JJ 292). — Bourgogne, Lyonnais, Dauphiné, Provence, Guyenne.

Volume IV (JJ 293). — Languedoc.

Volume V (JJ 294). — Mélanges. Ce volume n’est pas folioté, mais il porte en marge une pagination (1 à 288) qui n’est pas celle de l’exemplaire original de Dupuy.

Élections à Traités avec les Empereurs d’Allemagne (aujourd’hui J 344 à 386).

Empereurs d’Allemagne II[9] (aujourd’hui J 610 à 612).

Transactions entre les particuliers à Templiers I (J 387 à 413).

Manquent les analyses de Templiers II et III, et d’Autriche et Danemark (J 414 à 418). On aura sans doute omis de transcrire les feuillets 289 à 312 de l’original, car le volume suivant commence au fol. 313.


Volume VI (JJ 295). — Mélanges. La pagination marginale du volume précédent se continue dans ce volume, fol. 313 à 537.

Bulles d’or à Suisses I (J 419 à 472).

Suisses II (J 724 à 725).

Quittances à Seigneurs d’Albret (J 473 à 477).

Lorraine à Metz (J 579 à 580).

Toul et Verdun (J 583 à 584).

Bar (J 581 à 582).

Jean., comte de Sarrebrück (J 578).

Brochard de Fenétrange (J 514).

Châtel-sur-Moselle (J 586).


Volume VII (JJ 296). — Italie, Espagne, Savoie, Pays-Bas. Il n’y a plus de pagination marginale.

Italie. Léon X (J 576).

Royaume d’Italie (J 495).

Gênes (J 497).

Savoie (J 501 et 502).

Saluces (J 609).

Venise (J 494).

Florence (J 503 et 504).

Italie. Ferrare, Mantoue, Montferrat, Naples, Caramagna (J 508).

Sicile (J 511 à 513).

Espagne. Castille (J 599 à 606).

Arragon (J 587 à 595).

Navarre (J 613 à 619).

Portugal (J 597).

Roussillon et Cerdagne (J 596).

Majorque (J 598).

Pays-Bas. Hainaut à Namur (J 519 à 531).

Tournai (J 607).

Luxembourg (J 608).

Flandre (J 532 à 575).


Volume VIII (JJ 297). — Angleterre, Écosse, Ducs de Bourgogne et Maison d’Autriche.

Angleterre I à XIX (J 628 à 652).

— Lettres sans dates (J 655).

— Bulles (J 653).

— Rôles sans dates (J 654).

— Registre (J 656).

Écosse (J 676 à 680).

Espagne (J 657 à 675).


Volume IX (JJ 298). — Diverses matières.

Hommages (J 620 à 626).

Serments de villes (J 627).

Différend avec Boniface VIII (J 478 à 493).

Schisme (J 515 à 518).

Lorraine II (J 681).

Dissolutions de mariage (J 682).

Bulles (J 683 à 716).

Pierre de la Brosse (J 726 à 730).

Eaux et forêts (J 731 à 733).

Antibes (J 735).

Titres mêlés (J 734).


Volume X (JJ 299). — Inventaire des titres « de l’ancien domaine de Navarre estant dans la Chambre des comptes de la ville de la Ferre » fait en 1640 par J.-B. Picard, intendant en la généralité de Soissons.

Ces titres ne sont point, comme on pourrait le croire, relatifs à la Navarre, mais bien aux domaines que Henri IV tenait de son arrière-grand’mère, Marie de Luxembourg, comtesse de Saint-Pol, Conversan, Marie, Soissons, vicomtesse de Meaux, dame d’Enghien, Dunkerque, Gravelines, Ham, la Roche, Bohain et Beaurevoir, et châtelaine de Lille.


Volume XI (JJ 300). — « Inventaire des titres de Lorraine, du Barrois et des éveschez de Metz, Toul et Verdun, qui sont dans six coffres rapportés de la Motte à Nancy l’an mil six cent trente-quatre, depuis transportez dudit Nancy à Paris l’an mil six cent trente-cinq, et mis au Trésor des chartes du Roy à la Sainte-Chapelle. »

Cet inventaire des six coffres est, ainsi que le dit Dupuy dans le Traité des droits du Roy, l’œuvre de Godefroy et sa présence dans l’exemplaire JJ 290 à 300 vient confirmer la présomption que celui-ci dérive de l’exemplaire particulier de ce grand érudit, exemplaire vite oublié, car tous les inventaires des Layettes du Trésor qu’il nous a été donné de voir chez les particuliers ou dans les dépôts publics proviennent plus ou moins directement de celui de Dupuy.


Bien que les rédacteurs de l’inventaire des Layettes aient encore continué leurs travaux durant de longues années, ils ne semblent pas s’être occupés d’analyser en détail les autres parties du Trésor des chartes. Cependant, sans parler des Registres, un grand nombre de pièces restaient à décrire. Quelles étaient ces pièces ? Où se trouvent-elles aujourd’hui ? C’est ce qui fera la matière du chapitre suivant.


II.

Certains passages du Traité des droits du Roy de Dupuy ne laissent aucun doute sur l’existence au Trésor des chartes de documents autres que ceux que l’auteur a décrits dans son inventaire. Peignant l’extrême désordre dans lequel il a trouvé les archives royales, « les titres, dit-il, étant confus et épars par la place, une partie des layettes estoit brisée, aucuns des coffres et layettes pourries et les titres aussi, la pluye ayant pénétré partout, faute de n’avoir été pris garde aux couvertures. Donc, la première chose qui fut faite fut de séparer les titres gastez et demy-pourris et ordonner ceux qui estoient restez…[10]. » Dans cette opération du triage, il a pu se faire qu’outre les titres « gastez et demy-pourris, » des pièces n’aient pas trouvé leur place dans le nouveau classement ; que sont devenues ces pièces ? N’en rencontrerait-on pas un certain nombre dans le Supplément ?

D’ailleurs, les documents du Trésor des chartes étaient loin d’être au complet ; ceux que l’on avait dû consulter ou produire dans des contestations où se trouvaient engagés les intérêts du roi étaient bien rarement revenus prendre leur place à la Sainte-Chapelle. Après l’achèvement de l’inventaire de Dupuy, Mathieu Mole, qui avait eu l’initiative de cet utile travail, fit rapporter « dans le Trésor une grande quantité de papiers assez importans qui furent trouvez chez Monsieur le procureur général de la Guesle[11], et fallut employer beaucoup de temps pour les ordonner et mettre dans des sacs où furent mises les étiquettes, et c’est ce qui a rempli une partie de la grande armoire de quarante-deux guichets, et, quoy que l’inventaire exacte ne soit faite desdits sacs, les étiquettes peuvent servir de sommaire inventaire…[12]. » Avant de démontrer, comme j’espère le faire tout à l’heure, que le contenu de cette armoire a été le noyau du Supplément, je me bornerai à faire remarquer que Dupuy le mentionne avant ce qu’il rapporte des titres de Mercurol, c’est-à-dire à la place même que le Supplément occupe encore aujourd’hui dans le classement des Archives nationales.

D’autres titres du Trésor des chartes rentrèrent bientôt dans le chartrier royal, mais sans être l’objet d’aucune addition au grand inventaire de Dupuy ; ce furent ceux que Dupuy lui-même alla chercher en 1621, par l’ordre du roi, à Troyes, « sur l’avis que l’on eut du decez de M. François Pithou et qu’il avoit quelques papiers publics dont le Roy pourroit avoir besoin. Il en apporta quelques-uns qu’il mit entre les mains de Monsieur Mole, procureur général, qui luy en bailla une décharge[13]. »

Enfin, il y a déjà longtemps que l’on a constaté, dans le Supplément, la présence de pièces provenant du chartrier des ducs de Lorraine et qui sont aujourd’hui en déficit à Nancy[14] ; c’est encore Dupuy qui nous en explique l’origine : « Le roi, dit-il, ayant conquis la Lorraine, le sieur Godefroy fut envoyé à Nancy pour visiter les titres et chartes du païs, avec ordre d’apporter à Paris ce qu’il jugeroit à propos pour le service de Sa Majesté. A quoy il travailla fort utilement et judicieusement, ayant, après une longue reveue et exacte, fait apporter à Paris six grands coffres de titres originaux et quelques registres concernant les duchez de Lorraine et de Bar, Mets, Toul et Verdun et de toutes les seigneuries dont les ducs de Lorraine estoient en possession. » Godefroy fit des inventaires pour le cardinal de Richelieu, le chancelier et le procureur général, « mais, » ajoute Dupuy, « il n’y en a point dans le Trésor où les six coffres furent portez et y sont encore à présent[15]. » Enfin, on a vu plus haut qu’une copie de cet inventaire complétait celui des Layettes dans l’exemplaire particulier de Godefroy. Quant aux six coffres déposés à Paris depuis 1635, ils ne furent jamais rendus, pas même lorsque, après le traité de Ryswyk, on restitua au duc de Lorraine celles de ses archives qui avaient été portées à Metz en 1670[16].

Il résulte de ce qui précède que, même à l’époque de Dupuy, le Trésor des chartes renfermait une masse considérable de documents autres que ceux dont ce savant nous a laissé l’inventaire. Cette masse de documents a formé depuis le fonds appelé aujourd’hui Supplément du Trésor des chartes, fonds dont les pièces rapportées de chez le procureur général La Guesle et déposées dans l’armoire à quarante-deux guichets ont été le noyau. Tel est le fait qu’un texte positif vient pleinement confirmer. J’ai eu la bonne fortune de rencontrer aux Archives nationales[17] une grande feuille divisée en quarante-deux paragraphes dont les titres rappellent beaucoup, à première vue, ceux du Trésor et du Supplément. D’ailleurs, les mots Quarante-deux guichets inscrits au dos suffisaient à éloigner toute incertitude ; c’était l’inventaire ou, pour employer des expressions plus rapprochées de celles de Dupuy, le relevé des étiquettes des sacs occupant la précieuse armoire. Deux guichets (xl et xli) étaient restés vides ; six autres (i, ii, iii, viii, xx et xxviii) contenaient des registres royaux ; un neuvième (xxxiv) renfermait des documents du Trésor des chartes proprement dit concernant le Grand Schisme[18] ; enfin, dans un dixième (xiv) se trouvaient des terriers de Calais et du Pays reconquis[19] ; mais, quelque sommaires que soient les intitulés du reste, il n’est pas difficile d’y reconnaître les matières du Supplément. Cette identité est encore démontrée par un fait matériel : on retrouve dans plusieurs cartons les étiquettes mêmes dont il est fait mention dans le Traité des droits du Roy. Ce sont des fragments de parchemin portant des intitulés répétés sur la grande feuille des xlii guichets, et souvent aussi le numéro du guichet inscrit de la main de Dupuy.

L’armoire principale était probablement insuffisante à contenir tous les articles non inventoriés par Dupuy ; car le relevé de son contenu est suivi, dans la feuille que je viens de décrire, de celui des pièces remplissant « quatre grands sacs en l’armoire derrière la porte. » Ces pièces font également partie du Supplément où j’ai pu les retrouver dans les cartons J 762-765, 780, etc.

Telle qu’elle est, cette longue feuille constitue le premier inventaire de la seconde des trois divisions du Trésor établies par Dupuy et Godefroy. En effet, bien qu’il semble avoir renoncé à donner des trois séries un inventaire détaillé semblable à celui qu’il avait déjà donné des Layettes, Dupuy voulut tout au moins faire connaître au public l’ordre qu’il avait introduit dans les archives royales. C’est dans ce dessein qu’il rédigea un État sommaire aujourd’hui conservé dans le vol. 25 de la collection Dupuy, où il porte ce titre écrit de la main de l’auteur : « Inventaire des laiettes, coffres, registres, mémoires et sacs ainsi qu’ils ont esté ordonnez et rangez par les srs Dupuy et Godefroy du temps de Monsieur le procureur général Mole et comme encore ils sont en la présente année 1650. » Cet État sommaire est encore transcrit au début ou à la fin de quelques copies de l’inventaire des layettes. Il est, conformément au classement que j’ai indiqué au début, divisé en trois séries, Coffres et layettes, Sacs et Registres, dont la seconde, subdivisée en guichets, n’est pas autre chose que la répétition de la feuille J 1165, n° 57 ; on y voit même figurer les « quatre grands sacs en l’armoire derrière la porte. » L’identité du Supplément actuel avec les Sacs est donc absolument démontrée. Il serait à souhaiter que l’ancienne dénomination vînt reprendre entre celles des Layettes et des Registres la place de l’appellation « Supplément » dont je n’ai pas trouvé d’exemple avant 1836 et qui a fait généralement prendre pour une annexe cette partie intégrante du Trésor des chartes.

Dans le vol. 25 de Dupuy, l’État sommaire est précédé d’une notice sur le Trésor reproduite dans le Traité des droits du Roy[20] et suivi d’une table alphabétique de manière à former un ouvrage sans doute destiné à être publié. J’ignore si cet ouvrage fut jamais imprimé ; mais il fut recopié de la main de Dupuy en un petit volume « pour mettre au Trésor des chartes, » ainsi que l’indique une apostille ajoutée au titre. Ce petit volume porte aujourd’hui le no  14009 du fonds français à la Bibliothèque nationale.

Le classement de Dupuy se ressent de la hâte avec laquelle il a été établi ; j’ai déjà signalé certaines irrégularités dans l’ordre des layettes ; dans la série des Sacs, un même guichet contenait souvent les matières les plus diverses. En réalité, cette série aurait dû n’avoir qu’un caractère provisoire, et les matières qui la composaient auraient dû être peu à peu rapprochées des matières semblables contenues dans les Layettes. Elle allait au contraire toujours en s’accroissant, non seulement par l’entrée de nouveaux fonds, mais même par la rentrée de pièces du Trésor inventoriées par Dupuy, qui, une fois sorties de leur place pour servir de preuves dans des débats judiciaires ou autres, étaient trop souvent jetées, à leur retour, sur la première table venue en attendant une réintégration rarement opérée. On ne tarda pas à sentir les inconvénients d’un pareil état de choses.

Durant le xviiie siècle, à une époque qu’il est difficile de déterminer, mais qui se place entre 1717 et 1776, l’auteur anonyme d’un Mémoire sur l’état du Thresor des Chartres et sur le travail qu’il serait nécessaire d’y faire[21] dit qu’il y avait alors « une immense quantité de pièces pour la pluspart originales et revêtues de leurs sceaux ; elles sont renfermées dans des armoires, dans des tiroirs et dans des malles dont on n’a jamais fait d’état ; elles sont par conséquent inutiles au Roy et au public, puisqu’elles sont ignorées[22]. » Pour remédier à cet état de choses, le même auteur proposait de les classer conformément à l’inventaire de Dupuy. « Il faudra, écrivait-il, diviser toutes ces pièces suivant les provinces auxquelles elles doivent appartenir, conformément au plan de MM. Godefroy et Dupuy, afin de pouvoir, par la suite, faire cadrer ce nouveau plan avec le premier[23]. » L’auteur du Mémoire, ignorant sans doute l’existence de l’État sommaire, allait jusqu’à s’imaginer que le défaut de temps avait seul empêché Dupuy de les inventorier[24].

Les idées qu’il exprimait pourraient bien avoir été le point de départ d’une tentative de refonte du Trésor des chartes restée jusqu’à présent tout à fait inconnue. Deux exemplaires de l’inventaire de Dupuy, identiques l’un à l’autre, tous deux d’une écriture qui les fait remonter à la première moitié du xviiie siècle, tous deux conservés dans les bureaux de la section historique (anciens JJ 584 et JJ 534-543), se distinguent des autres en ce qu’on a essayé d’y fondre les matières des Sacs avec celles des Layettes. Le fait que des emprunts à cette rédaction, intercalés dans des copies de la rédaction ordinaire, sont dits provenir de « l’exemplaire de M. le procureur général, » me donne à croire que cette refonte aura sans doute été accomplie sous la direction du procureur général Joly de Fleury, qui fit entreprendre sur le Trésor des chartes des travaux considérables dont la trace se retrouve dans ses collections, aujourd’hui déposées à la Bibliothèque nationale.

Bien que cette fusion n’ait pas été effectuée ailleurs que sur le papier, les Sacs, tout en continuant à former une série distincte de celle des Layettes, restèrent conservés dans le même local et subirent les mêmes vicissitudes. Dans l’une comme dans l’autre, le désordre allait toujours en augmentant, et il n’y eut pas jusqu’aux travaux de dépouillement et d’inventaire entrepris sur l’initiative de Daguesseau, qui ne contribuassent à multiplier les causes de désorganisation. Le titre que portent encore aujourd’hui les cartons J 1035 à 1040 témoigne d’une négligence qui n’a pas été réparée depuis bientôt deux siècles : « Titres retirés des sacs du Trésor par M. Rousseau, auditeur des Comptes, l’un des commissaires pour la table des Registres du Trésor des chartes, et qui n’ont pas été replacés depuis sa mort en 1720. » Retirés postérieurement à la rédaction de l’inventaire de Dupuy, où j’ai retrouvé la mention de beaucoup d’entre eux, notamment dans les layettes aujourd’hui cotées J 404, 457, etc., ces documents faisaient, lors d’un récolement opéré en l’an IX, partie d’une série de « titres mêlés et déplacés à rétablir, » qui ne comptait pas moins de trente-un cartons.

De plus, le Trésor entier dut être déplacé. Depuis saint Louis, il occupait, dans un bâtiment dépendant de la Sainte-Chapelle, deux pièces superposées : « L’une, dit Piganiol de la Force, est couverte d’une voûte gothique et a servi autrefois de chapelle, ce qui paroissoit par un marchepied d’autel que Sauval dit avoir vu, sans parler des autres marques. Les croisées en sont grillées par de gros barreaux de fer et les murs couverts d’armoires et de layettes où se mettent les chartes et les registres… La chambre qui est au-dessus est couverte d’un comble de charpente et bordée d’un côté de tiroirs où peut-être il n’y a pas moins de titres que dans la première[25]. » Dans la pièce supérieure se trouvaient les Registres ; dans la seconde, les Layettes et les Sacs renfermant les chartes. En outre, un pêle-mêle de documents non classés encombrait l’une et l’autre. Aussi l’auteur du Mémoire anonyme déclarait-il tout travail de classement et d’inventaire impossible avant que le Trésor fût transporté dans un logement plus vaste qu’il proposait de chercher dans le « nouveau plan des bâtiments du Louvre[26]. »

Dupuy avait déjà constaté les ravages que, « faute de n’avoir esté pris garde aux couvertures, » l’eau avait faits parmi les chartes ; l’incendie de 1776 montra de quels dangers le feu les menaçait. Aussi, lors de la reconstruction d’une partie des bâtiments du Palais qui suivit cet incendie, édifia-t-on pour les recevoir, « dans les nouveaux bâtiments, à gauche des salles des Requêtes du Palais, au premier étage, deux salles l’une au-dessus de l’autre, dont les planchers inférieur et supérieur étaient voûtés en pierre[27]. » — « Entre les deux était, sur un escalier, une croisée qui éclairait le haut des armoires de la salle basse et sur lesquelles était rangée la plus grande partie des registres du Trésor[28]. » La disposition analogue du nouveau local permit, lors du transport qui eut lieu en 1783, de conserver la même distribution que dans l’ancien dépôt. Malgré cette précaution, le désordre avait peut-être augmenté durant les dernières années de l’Ancien Régime. Dans la chambre inférieure, « le bureau et les tablettes ménagées dans les embrasures des croisées étaient couverts des inventaires, de cartons et de coffres dont la plupart contenaient ou des objets auxquels on n’avait assigné aucun ordre particulier ou des pièces qui, ayant été tirées soit des Registres, soit des Layettes, n’y avaient pas été replacées. On voyait même quelques-unes de ces pièces déposées dans une espèce de serre-papier, sans être enfermées dans des cartons. Les armoires de la chambre supérieure contenaient une grande quantité de sacs renfermant des pièces dont l’examen, le triage ni l’inventaire n’avaient jamais été faits[29]… »

La Révolution mit le comble à ce désordre. « Lors de l’établissement du tribunal criminel créé par la loi du 17 août 1792[30] et qui devoit tenir ses séances dans un auditoire voisin du Trésor, on eut un besoin prompt de la pièce qui en formoit la partie supérieure. On auroit pu descendre les papiers qui étoient dans la salle haute, mais on les jeta dans la salle inférieure par la fenêtre de l’escalier de communication. Il en résulta que tous les registres qui étoient en face de cette fenêtre furent entraînés dans la salle inférieure. Cette salle présentoit elle-même un désordre ancien. Son plancher étoit tellement encombré de sacs, de coffres, de boëtes, de registres et de papiers qu’il étoit impossible d’y mettre le pied[31]. »

Tel était l’état déplorable dans lequel se trouvait le Trésor des chartes lorsque les membres du Bureau des Monuments, après en avoir reçu les clefs, au mois d’août 1792, des mains de Desienne, ci-devant substitut de Joly de Fleury[32], allèrent le reconnaître en novembre de la même année. Les membres du bureau du Triage des Titres, successeurs de ceux du Bureau des Monuments, détournés par « des opérations plus instantes en elles-mêmes ou pour le service public, » n’avaient pas encore eu le temps d’ordonner ce chaos ni même d’examiner les matières qui y étaient enfouies[33], lorsqu’au mois de prairial an V, ils apprirent que le malheureux fonds allait être dépossédé de l’unique pièce où on l’avait jeté en 1792. Le Tribunal criminel la réclamait pour y établir un greffe. En échange, on avait assigné au Trésor des chartes, comme demeure provisoire, les salles composant la sacristie de la ci-devant Sainte-Chapelle[34] ; mais ce n’était plus là l’ancienne sacristie où ces documents avaient reposé pendant cinq siècles ; disparue sous Louis XVI, lors de la reconstruction des bâtiments de la Cour du Mai, elle avait été remplacée par trois salles de plain-pied, qui ont fait partie plus tard des locaux affectés à la section judiciaire des Archives nationales et que l’on peut facilement reconnaître sur un plan de cette section dressé sous le gouvernement de Juillet[35]. Encore cet abri faillit-il manquer au Trésor des chartes ; la direction des domaines du département de la Seine avait en effet reçu l’injonction de faire évacuer les locaux de la Sainte-Chapelle pour les mettre en location. Contre-ordre fut donné, car, dès le 21 prairial an V, l’architecte du Palais, Giraud, adressait à Camus un projet non seulement d’installation du Trésor à la sacristie, mais d’aménagement général de la Sainte-Chapelle qu’il proposait de convertir en « dépôt pour les archives de la nation, » en ouvrant une porte sur la galerie Mercière[36].

La nouvelle installation ne pouvait pas d’ailleurs s’exécuter aussi vite qu’on le demandait. La réclamation du Tribunal avait beau être pressante, « il étoit impossible de déplacer le Trésor des chartes sans y ajouter un désordre qui en auroit occasionné la perte absolue ; » il était donc indispensable de remettre les documents dans un ordre quelconque avant de procéder à leur enlèvement, et le Bureau dut se créer « une méthode pour travailler à cette opération. »

« Une partie de cette méthode étoit préparatoire, l’autre étoit d’exécution. »

« Le Bureau a rempli la première en consultant, à la Bibliothèque nationale, les anciens inventaires du Trésor, particulièrement celui de Dupuy, en étudiant les auteurs qui ont écrit sur ce dépôt ou travaillé d’après les titres qu’il renferme, et en prenant connoissance des indications qui y sont relatives dans les meilleurs catalogues. »

« Le Bureau a rempli la seconde partie de la méthode en appliquant à ses travaux les connoissances qu’il a acquises par la première. Il en est résulté qu’ils doivent se diviser en deux classes :

« La première classe, contenant ce qui a été inventorié par Dupuy, divisée en cinq parties : la première pour les Registres, la deuxième pour les douze anciens Gouvernements de la France, la troisième pour les Miscellanea, la quatrième pour les Titres à replacer et la cinquième pour les Inventaires.

« La deuxième classe, pour différents objets non inventoriés et pour quelques monuments trouvés au Trésor[37]. »

Cette méthode permit d’établir un ordre provisoire suffisant pour que le transfert pût s’opérer sans inconvénients. Pour les registres, la chose était assez facile. Villiers du Terrage et Jouesne, membres du Bureau, et l’ancien archiviste de Notre-Dame, Pavillet, employé au même bureau, furent chargés d’en faire le relevé et de les disposer immédiatement dans les armoires du nouveau dépôt[38] ; mais, pour les documents isolés, alors uniformément contenus dans des sacs, les layettes se trouvant toutes détruites, le travail était bien autrement compliqué : « La pluspart des sacs ne présentoit plus d’étiquètes ; quelques-unes étoient illisibles, d’autres étoient en blanc. Quel parti [les membres du Bureau] avoient-ils donc à prendre ? Confronter dans les salles mêmes du Trésor chacun des titres avec l’inventaire fait par Godefroy et Dupuy au milieu du siècle dernier, faire des états de tout ce qui n’y étoit pas compris, c’eût été une opération très longue, incompatible avec les besoins instants du Tribunal. Ils sont convenus, avec le citoyen Camus, que l’on s’occuperoit des choses dans l’état où elles étoient, en mettant le plus d’ordre possible dans le déplacement. »

« Alors, les commissaires ont rapproché les sacs dans l’ordre de cet inventaire ; ils y ont établi des signes distinctifs ; ils ont égallement mis dans un ordre provisoire tous les titres qui n’étoient pas inventoriés ; ils ont classé tous les objets et les ont distribués dans les armoires du nouveau local du Trésor en les étiquetant des mêmes titres qui étoient sur celles de l’ancien dépôt[39]. »

La distribution des objets dans le nouveau local peut être facilement restituée sur le plan dont il a été question plus haut, au moyen des renseignements fournis par un récolement postérieur. Les Registres étaient déposés dans « la pièce du fond[40], » les douze Gouvernements dans la « petite sacristie éclairée par le haut[41], » les Mélanges ou Miscellanea dans la « pièce vis-à-vis laquelle donne un petit escalier[42] » et les Objets non inventoriés dans la « pièce qui conduit à la Sainte-Chapelle, nos 3 et 4[43]. »

Le résultat du travail des commissaires fut consigné dans un rapport qu’ils déposèrent en frimaire an VI[44]. La partie historique de ce rapport est pleine de renseignements utiles en ce qui concerne les opérations du Bureau, mais, dans le tableau qui l’accompagne, le signalement des articles est presque toujours trop sommaire pour rendre des services. Les layettes Champagne, par exemple, qui n’occupent pas aujourd’hui moins de trente cartons du Trésor et du Supplément, y sont représentées par cette brève mention : « Champagne, armoire cotée 18 dans l’ancien dépôt. Tome II de l’inventaire de Dupuy [armoire du nouveau dépôt] 6, — vingt-sept sacs. »

Cependant le rapport, jugé digne d’approbation par Camus, fut adressé au Corps législatif, qui nomma une commission chargée de l’examiner. Mais cette commission ne s’acquitta jamais de son devoir. C’est du moins ce qui résulte d’un nouveau compte-rendu des travaux du Bureau rédigé en ventôse an VII par un de ses membres que, d’après son écriture, je crois être Villiers du Terrage, compte-rendu dans lequel les membres déclarent modestement que, « sans doute, un grand mal a été réparé. Mais, disent-ils, tout est à revoir dans ce dépôt pour récoler les titres avec les inventaires qui en sont faits et pour le rendre utile à la République et aux savants[45]. »

Le récolement ne fut achevé qu’au bout de deux autres années, pendant lesquelles les membres du Bureau ne durent pas rester inactifs. Le 14 germinal an VII, le ministre des Finances, qui, paraît-il, ne se trouvait pas suffisamment édifié par les premiers rapports, en demanda un troisième. Celui qui fut remis en vendémiaire an VIII et qui ne diffère pas sensiblement des précédents fut sans doute la réponse à cette demande[46]. L’activité des commissaires risqua même de prendre une forme dangereuse pour le Trésor des chartes. La grande erreur de ce temps, celle qui a vicié nombre des plus utiles réformes dues à la Révolution, vient de ce que les réformateurs étaient presque toujours des théoriciens faisant table rase du passé pour se conformer à je ne sais quel idéal beaucoup plus souvent qu’aux nécessités pratiques. Nous en avons un triste exemple dans le classement de nos archives, où les fonds ecclésiastiques, pour ne citer que ceux-là, ont été divisés au grand détriment de l’histoire et de la conservation même des documents, les pièces d’une même série se trouvant dispersées en diverses catégories d’ordre soi-disant rationnel. Or, le Trésor des chartes était menacé du même sort, car l’ancien classement de Dupuy, adopté d’abord par le Bureau, ne l’avait été qu’à titre provisoire : « On le répète, disaient les auteurs du rapport de l’an VI, cet ordre ne fait qu’en attendre un définitif. »

Par bonheur, un certain nombre des membres du Bureau n’étaient pas étrangers aux travaux qu’ils avaient entrepris. Si, par une concession, peut-être nécessaire, à l’esprit du temps, ils consentirent à disloquer presque tous les fonds qu’ils eurent à examiner, si même ils pensèrent un moment à procéder à un remaniement général du Trésor des chartes, ils comprirent de bonne heure que celui-là, tout au moins, ne devait être ni trié ni divisé : « Le triage ne doit point avoir lieu ; dans ce dépôt, tout est précieux, rien n’est à supprimer. » Ainsi s’exprimait dans des Observations manuscrites un des commissaires, Berger, ancien aumônier des Mousquetaires. Il y avait encore chez ce défroqué assez de l’abbé du xviiie siècle pour qu’il eût la singulière idée de mêler à la prose de ses rapports administratifs des vers de sa façon, et quels vers ! N’imaginait-il pas de faire parler le Trésor des chartes !

Peu connu des savants, ignoré du vulgaire,

De riches documents je suis dépositaire ;
Mais, pour bien me connoître, il faut de longs travaux,
M’analiser de suite et jamais par lambeaux,
Épuiser un sujet sans changer de matière ;
L’ordre donne du prix et répand la lumière.
Qu’on mette à ce travail des gens laborieux
Qui soient intelligens et toujours curieux,
Que, sans se rebuter, ils s’arment de courage.
Alors la vérité paroitra sans nuage ;
Alors on connoitra tant de faits ignorés
Que l’intérêt avoit à l’oubli consacrés,
Et de la liberté goûtant le doux empire.
On aura l’agrément de parler et d’écrire[47].

Pour être exprimées en termes souvent étranges, les idées de Berger, en matière d’archives, ne manquaient pas de justesse. Sans doute, il déclare qu’il est presque impossible de faire des recherches dans le Trésor : « C’est, dit-il, une bibliothèque où tous les volumes sont placés sans rapprochement, sans distinction de formats et de matières ; c’est un gros diamant brute (sic) qui demande un lapidaire habile, qui, par des facettes artistement taillées, saura en faire connoître le prix et la beauté[48]. » Pour « en faire connoître le prix et la beauté, » Berger propose, non un remaniement, mais la rédaction d’un inventaire sur fiches que l’on pourra, suivant les besoins, disposer dans tel ordre que l’on voudra.

Les saines idées triomphèrent ; les projets de nouveau classement furent bientôt abandonnés. Les pièces déjà retirées des sacs avaient été placées telles quelles dans des cartons[49] ; les commissaires se bornèrent sagement à les récoler carton par carton avec l’inventaire de Dupuy. Le résultat de cette opération, à laquelle on procédait en fructidor an VIII et qui ne fut terminée qu’en vendémiaire an IX, fut consigné dans un rapport qui, sous une forme sommaire, est un modèle de précision où se manifeste la clarté d’esprit de Camus et l’expérience de Pavillet, l’archiviste consommé qui n’y est nommé nulle part, mais dont je crois reconnaître l’écriture dans l’exemplaire que j’ai employé de préférence[50]. Pour le sujet qui nous occupe, il a une importance capitale, car il nous fixe sur l’état et sur l’emplacement du fonds que l’on a, je ne sais pourquoi, nommé depuis « Supplément du Trésor des chartes. »

Lorsque, après la reconstitution de l’an VI, les commissaires du Triage entreprirent de comparer le Trésor, tel qu’ils l’avaient sous les yeux, avec l’inventaire de Dupuy[51], ils se trouvèrent en présence d’un grand nombre d’articles qui ne figuraient pas sur cet inventaire. Sauf soixante-un articles qu’ils ont intitulés « Objets non inventoriés » et trente-un autres semblant provenir du Trésor, et qu’ils ont compris sous la rubrique « Titres mêlés et déplacés à rétablir, » la plupart furent alors classés, dans les deux grandes divisions du Trésor, Gouvernements et Mélanges, et y reçurent même un numéro d’ordre faisant suite à ceux que portaient déjà les articles mentionnés dans l’inventaire de Dupuy. C’est ce qu’on voit dans le récolement fait en fructidor an VIII et vendémiaire an IX[52] ; à la suite, par exemple, des vingt layettes de l’Île-de-France, cataloguées par Dupuy et cotées aujourd’hui J 148 à J 169 dans le Trésor des chartes, on y a mentionné deux layettes, 21 et 22, « non comprises dans l’inventaire de Dupuy, » mais dont le contenu figure aujourd’hui au Supplément du Trésor, cartons J 736 et 739 à 741. Sur deux cents articles environ portés sur ce récolement comme « non compris à l’inventaire de Dupuy, » il n’y en a pas plus de trois ou quatre que, malgré l’insuffisance des descriptions, je n’aie pas pu trouver dans le Supplément. Lors du récolement de l’an IX, dont le cadre n’était pas autre chose que celui de la reconstitution de l’ancien Trésor tentée en l’an VI, ils étaient donc considérés comme faisant partie du Trésor des chartes, dont ils n’auraient jamais du être séparés. Beaucoup même sont des titres anciens du Trésor qui, s’en trouvant distraits au moment où Dupuy faisait son inventaire, n’ont pu y être compris, mais qui cependant n’ont pas tardé à venir rejoindre les autres dans le local où ils étaient conservés. Certains, comme ceux que renferment aujourd’hui les cartons J 9371 et 938-939, figurent, les uns jusque dans le vieil inventaire d’Adam Bouchier sous la cote AA[53] et dans celui de Girard de Montagu sous la cote Scrin. xiixxiij[54], et les autres dans ce dernier inventaire sous la cote Scrin. xiiijxxiij[55].

De tout cela, il résulte que, dès la reconstitution de l’an VI constatée par le récolement de l’an IX, la série des Sacs avait été absorbée par celle des Layettes, et cependant les membres du Bureau du triage n’avaient pas eu connaissance de la tentative de fusion que j’ai cru pouvoir attribuer à Joly de Fleury ; car, en donnant la liste des inventaires du Trésor qu’ils ont retrouvés, ils ne citent qu’une seule copie de l’inventaire de Dupuy, l’ancien JJ 585, qui n’appartient pas à la rédaction amplifiée[56]. D’ailleurs, il y a plus de matières intercalées dans le récolement de l’an IX que dans la rédaction amplifiée, où ces matières sont en outre disposées dans un ordre quelque peu différent. Dans l’un comme dans l’autre, la partie du Trésor non inventoriée par Dupuy était beaucoup trop sommairement indiquée, et, pour la rendre utilisable, il importait d’en donner une description détaillée. C’est ce qui fut entrepris dans les premières années du xixe siècle. Malheureusement, Camus venait de mourir, et le plan si rationnel qui avait été suivi lors du récolement effectué sous ses ordres fut abandonné. Au lieu de compléter l’inventaire de Dupuy en analysant, à la suite de chaque chapitre, les pièces non inventoriées, au lieu de les intercaler à leur place logique dans le fonds principal, dom Joubert, qui travaillait en 1805 et 1806, préféra grouper toutes ces pièces et en former une annexe au Trésor, dont il a laissé un inventaire en deux volumes manuscrits, l’Inventaire rose. Mais, comme il se contenta de les relever dans l’ordre où elles étaient inscrites au récolement de l’an IX, les pièces ainsi détachées se trouvèrent toutes disposées conformément aux grandes catégories du Trésor : les Douze gouvernements et les Mélanges. C’était rétablir, en lui donnant un classement intérieur différent, la série des Sacs. Cependant, dom Joubert ne lui rendit pas cet ancien nom, qu’il paraît avoir toujours ignoré. Quant à l’appellation Supplément du Trésor des chartes, je crois avoir déjà dit qu’elle ne se rencontrait pas dans les papiers du secrétariat des Archives avant l’année 1836.

L’inventaire de dom Joubert est loin de mériter l’épithète élogieuse que lui décernait jadis Henri Bordier[57] ; Dessales le jugeait beaucoup plus justement dans une Note pour M. Michelet déposée parmi les papiers du secrétariat des Archives nationales : « Il existe, disait-il, une sorte d’inventaire en deux volumes pour le Supplément. Cet inventaire est connu dans la Section historique sous le nom d’Inventaire rose… Cet inventaire, très imparfait et très incomplet, est tout entier à refaire[58]. » Mais surtout le classement qu’il avait adopté consacrait à tout jamais une séparation qui, si elle avait existé de fait, tirait son origine d’un désordre matériel qu’on s’était depuis longtemps préoccupé de faire disparaître. Il avait de plus l’inconvénient de faire croire que les documents ainsi groupés ne faisaient pas partie du Trésor des chartes, et c’est cette idée fausse qui amena certains archivistes à considérer le Supplément comme un fonds ouvert, propre à recevoir les résidus difficiles à rattacher à d’autres séries.




On ne trouvera sans doute pas inutile que je résume ici les résultats que je crains de n’avoir pas su faire ressortir avec assez de clarté au cours de cette étude.

Dupuy et Godefroy, chargés en 1615 de faire l’inventaire du Trésor des chartes, commencèrent par diviser ce fonds en trois séries, d’après le mode de conservation des documents :

1o Les Coffres et layettes.

2o Les Sacs.

3o Les Registres.

De la première série ils rédigèrent, de 1618 à 1630, un inventaire détaillé dont deux rédactions furent exécutées de leur temps : a) l’une, la plus répandue, dont le type est l’exemplaire original (Bibl. nat., coll. Dupuy, col. 162-169 et 171), composé de cahiers écrits, tantôt de la main de Godefroy, tantôt de celle de Dupuy, mais qui demeura en la possession de Dupuy ; b) l’autre, dans laquelle les matières, tout en étant les mêmes que celles de l’exemplaire original, sont cependant disposées dans un ordre différent ; nous n’en connaissons qu’une copie (Arch, nat., JJ 290-300) dérivant d’un exemplaire appartenant à Godefroy.

Ils ne firent pas d’inventaire analytique des Sacs et des Registres, pour lesquels cependant Dupuy laissa un premier instrument d’investigation. Je veux parler de cet État sommaire des trois séries que j’ai signalé plus haut. L’inventaire détaillé des Registres qui sert aujourd’hui aux recherches ne fut exécuté qu’au xviiie siècle.

La série des Sacs, issue en grande partie du désordre du Trésor des chartes, eut pour noyau principal les pièces du Trésor qui se trouvaient encore chez le procureur général La Guesle au moment où Dupuy et Godefroy faisaient leur inventaire, ainsi que certaines pièces négligées par eux de parti pris, telles que les Comptes et les Enquêtes. Elle s’augmenta plus tard des versements faits au Trésor des chartes, soit à la suite des accroissements du royaume, soit dans toute autre circonstance. De bonne heure, on comprit que les pièces qui la composaient devraient être rapprochées des pièces de même nature conservées dans la partie inventoriée par Dupuy et Godefroy. C’est ainsi que fut exécutée, sans doute sous les ordres de Joly de Fleury, une rédaction amplifiée de l’inventaire, comprenant, outre les Layettes, la plus grande partie des Sacs.

Le désordre du Trésor s’accrut pendant le xviiie siècle ; des pièces extraites des Layettes, au lieu d’être réintégrées à la place que leur avait attribuée l’inventaire de Dupuy, furent confondues avec celles que contenaient les Sacs, au milieu desquelles on les trouve encore aujourd’hui. Il fut porté à son comble lors de l’occupation par le Tribunal, du 17 août 1792, d’une partie du local où le Trésor était déposé. Les membres du Bureau du triage des titres entreprirent de le faire cesser. Ignorant l’existence de la série des Sacs, ils intercalèrent les articles qui la composaient à leur place logique, à la suite des Layettes contenant des matières analogues ; c’est ce qu’on peut constater dans le récolement de l’an IX entrepris sous la direction de Camus. Malheureusement dom Joubert, chargé, au début de ce siècle, de décrire les pièces non inventoriées par Dupuy et Godefroy, au lieu de les maintenir à la place où les avaient laissées les auteurs du récolement de l’an IX et de faire des additions à l’inventaire des Layettes, forma de ces pièces une série continue qu’il plaça à la suite des Layettes et en rédigea un inventaire à part, connu depuis sous le nom d’Inventaire rose. C’est cette série qui porte aujourd’hui le nom peu exact de Supplément du Trésor des chartes, et qui devrait plutôt reprendre le nom de l’ancienne série des Sacs dont elle est, dans un ordre plus rationnel, la reconstitution.


H.-François Delaborde.
  1. Note autographe de P. Dupuy (Bibl. nat., coll. Dupuy, vol. 162, fol. c).
  2. Édition de 1655, p. 1013.
  3. Bibl. nat., coll. Dupuy, vol. 25, et fr. 14009.
  4. P. lix à lxiij.
  5. Certaines copies de l’inventaire, telles que l’exemplaire de service de la section historique (ancien JJ 583), ne comprennent que sept volumes et ne contiennent pas l’inventaire des matières analysées dans le huitième tome de l’exemplaire original.
  6. Année 1896, p. 541.
  7. Cet exemplaire est conservé à la section historique des Archives nationales (ancien JJ 585).
  8. Bibliothèque de l’École des chartes, 1896, p. 541.
  9. « Cette layette étoit obmise, » est-il dit dans le manuscrit.
  10. Dupuy, Traité des droits du Roy, éd. de 1655, p. 1013.
  11. C’était ce magistrat qui avait achevé de mettre le désordre dans le Trésor des chartes en obtenant la réunion de la charge de ce dépôt à celle de procureur général.
  12. Dupuy, Traité des droits du Roy, p. 1013-1014.
  13. Ibid., p. 1014. — François Pithou paraît en outre avoir rendu de son vivant certains papiers concernant les « limites de Picardie, » qui formaient l’article 5 du ve guichet dans un inventaire de l’armoire à xlii guichets dont il sera question plus loin.
  14. Notre confrère M. Paul Marichal, dans la notice approfondie qu’il a récemment consacrée à la Collection de Lorraine à la Bibliothèque nationale (Nancy, 1896, in-8o, p. 28, n. 2), a signalé la présence de ces pièces dans les cartons J 913, 932, 981 à 986, 988, 989 a et 989 b.
  15. Dupuy, Traité des droits du Roy, p. 1015.
  16. Voy. la brochure déjà citée de M. Marichal, p. 30 et 27.
  17. J 1165, no  57.
  18. Ces documents occupent aujourd’hui les cartons J 515 à 518.
  19. Aujourd’hui KK 1095 à 1097.
  20. Édition de 1655, p. 1005.
  21. Ce mémoire est conservé à plusieurs exemplaires parmi les papiers du secrétariat des Archives nationales.
  22. Mémoire cité fol. 1.
  23. Ibid., fol. 5.
  24. Ibid., fol. 2 vo.
  25. Piganiol de la Force, Description de Paris, éd. de 1765, II, p. 30.
  26. Mémoire cité fol. 4vo.
  27. Rapport de Camus, en date de nivôse an VI, publié à la suite du Rapport adressé à S. E. le ministre d’État par M. Félix Ravaisson (Paris, Panckoucke, 1862, p. 268). Un plan de ces deux salles se trouve à la fin d’un exemplaire du Rapport fait en frimaire an VI par le Bureau du triage des titres sur le Trésor des chartes, conservé aux Archives nationales (J 1165, no  58).
  28. Rapport fait en frimaire an VI par les membres du Bureau du triage, fol. 2 vo. Ce passage a été publié par Bordier, les Archives de la France, p. 145.
  29. Rapport de Camus, p. 269.
  30. Et non pas, comme le dit Teulet (Layettes du Trésor des chartes, t. I, introduction, p. xxij, col. 2), du « Tribunal révolutionnaire, » qui ne fut créé que l’année suivante.
  31. Rapport des membres du Bureau du triage des titres, en frimaire an VI, cité par Bordier, p. 145.
  32. Même rapport, fol. 2, note marginale.
  33. C’est, du moins, ce qui résulte des observations de l’un d’entre eux conservées parmi les papiers du secrétariat. L’auteur n’est désigné que par la phrase finale : « Telles sont les idées et les observations du citoyen B. » Mais des analogies d’écriture m’ont permis de reconnaître que cette initiale désignait J.-B. Berger, ancien aumônier des Mousquetaires, plus tard secrétaire commis à la section historique.
  34. Rapport de frimaire an VI, fol. 3 vo.
  35. Arch. nat., série N, 3e classe, no  725 4.
  36. Papiers du secrétariat.
  37. Rapports de frimaire an VI, fol. 3 vo-4 ro.
  38. Même rapport, fol. 4 ro.
  39. Même rapport, fol. 49 vo.
  40. Récolement de l’an IX, p. 1.
  41. Ibid., p. 1.
  42. Ibid., p. 23.
  43. Ibid., p. 49.
  44. Les Archives nationales possèdent plusieurs exemplaires de ce rapport parmi les papiers du secrétariat ; mais l’exemplaire le plus complet est celui qui se trouve à la Section historique (J. 1165, no  58) et qui contient les deux plans dont il a été question plus haut.
  45. Rapport de ventôse an VII (Arch. nat., papiers du secrétariat).
  46. Rapport de vendémiaire an VIII, p. 75-76 (Arch. nat., papiers du secrétariat).
  47. Mémoire et observations sur le Trésor des chartes et sur les Archives nationales, fol. 1 ro. Voy. plus haut, p. 144, n. 4.
  48. Ibid. fol. 4.
  49. Ibid., fol. 3 vo.
  50. Il est probable que le Comité eut recours aux souvenirs de l’ancien secrétaire de Joly de Fleury, Desienne, qui avait eu jadis les clefs du Trésor des chartes, et dont le nom revient plusieurs fois dans le rapport de Camus publié à la suite du Rapport adressé à S. E. le ministre d’État par M. Félix Ravaisson, en 1862, p. 266 et 268.
  51. Nous avons encore l’exemplaire qui a servi à faire ce récolement ; c’est une copie de l’exemplaire de M. de Verthamon exécutée au xviiie siècle, composée de dix volumes reliés en veau brun à dos orné, conservée dans les bureaux de la Section historique et portant l’ancienne cote JJ 585. Sur le feuillet de garde de chaque volume se voit une étiquette portant ces mots : « Exemplaire qui a servi à une première reconnaissance des titres en fructidor an VIII et vendémiaire an IX. »
  52. L’exemplaire le plus complet de ce récolement est conservé aux Archives nationales parmi les papiers du secrétariat.
  53. Voy. cet inventaire dans Teulet, Layettes du Trésor des chartes, t. I, p. xxx, col. 2.
  54. Ibid., p. xxxix, col. 2.
  55. Ibid., p. xlj.
  56. Voy. plus haut, p. 150, n. 2.
  57. Archives de la France, p. 182.
  58. Notre regretté confrère Siméon Luce y a introduit des additions et des corrections considérables.