Les périodes végétales de l’époque tertiaire/4

LES PÉRIODES VÉGÉTALES
DE L’ÉPOQUE TERTIAIRE[1].

(Suite. — Voy. p. 1, 154 et 243.)
§II. — Période éocène.

La flore des gypses d’Aix, placée sur un horizon plus récent que les précédentes, vers les limites extrêmes de la période, mais de beaucoup la plus riche et la mieux connue, mérite notre attention à plus d’un égard.

Elle offre un singulier mélange de formes encore indigènes en Europe ou sur les bords de la Méditerranée et de formes devenues entièrement exotiques, dont il faut chercher maintenant les similaires dans l’Afrique austro-occidentale ou dans le sud-est de l’Asie. Au premier abord, ce mélange surprend, et lu confusion qui en résulte semble inextricable ; avec de la reflexion, on finit par se l’expliquer ; mais il faut avant tout reconstituer ce que l’on peut nommer la topographie de l’ancienne localité tertiaire.

La ville d’Aix est située au nord de la petite rivière de l’Arc (plus exactement il faudrait dire le Lare), demeurée célèbre, parce que c’est sur ses bords que Marius défit, à la fin du second siècle avant notre ère, les Cimbres et les Teutons. L’Arc coule dans une vallée étroite, dirigée est-ouest, dont l’ouverture correspond à une oscillation du sol, par suite de laquelle, vers le milieu des temps éocènes, les eaux lacustres se trouvèrent rejetées hors du bassin qu’elles occupaient jusqu’alors et reportées plus loin dans la direction du nord. Les nouvelles eaux vinrent constituer un autre lac dans l’espace qui sépare actuellement la ville d’Aix de la Durance. C’était un bassin profond, mais d’une assez faible étendue (approximativement, il mesurait 15 kilomètres de largeur, sur 18 à 20 de longueur) ; il était dominé à l’est par une montagne, celle de Sainte-Victoire, sans doute moins élevée aujourd’hui qu’elle ne l’était alors, et dont les roches triturées par les eaux qui sillonnaient ses flancs vinrent combler en partie les dépressions nouvellement établies La position de ce lac vis-à-vis des escarpements de Sainte-Victoire, peut être comparée à celle du lac de Neuchatel par rapport au Jura, ou à celle qu’occupe le lac des Quatre-Cantons, au pied des Alpes de la Suisse centrale. Sa durée se prolongea du reste bien au delà des limites de l’éocène, dans l’oligocène et le miocène inférieur ou Aquitanien ; il fut, pendant la première partie de sa durée, le théâtre de nombreux phénomènes:des sources thermales, tantôt sulfureuses, tantôt chargées de silice ou de carbonate de chaux en dissolution, des émanations de gaz méphitiques et plus tard des éruptions volcaniques, suivies de coulées de basalte témoignent de l’action souterraine qui ne cessa de se produire au milieu même des eaux, et vint à plusieurs reprises apporter le trouble ou la mort aux êtres vivants dont elles étaient peuplées. Des bancs entiers de poissons furent surpris et ensevelis dans la vase marneuse du fond, qui nous en a fidèlement conservé les empreintes; ils appartenaient à plusieurs genres, dont l’un (Lebias) habite encore les eaux douces de la Sardaigne et de l’Afrique septentrionale. Les insectes eux-mèmes, asphyxiées en grand nombre, et parmi eux, des moucherons imperceptibles, des papillons, des libellules, des fourmis ailées, des abeilles, abandonnèrent alors leurs dépouilles au caprice des vents, et parsemèrent les plaques schisteuses en voie de formation de leurs vestiges délicats, qui laissent parfois entrevoir jusqu’à la trace des couleurs. Pendant ce temps, les eaux courantes, au moment des crues, les ruisseaux et les sources, joignant leur action à celle des vents et de la pluie, charriaient au fond du lac des débris végétaux de toute sorte, et surtout les feuilles, les rameaux, les fleurs et les fruits, enfin toutes les parties arrachées aux plantes ou tombées naturellement des arbres et arbustes, qui peuplaient la contrée ou se pressaient le long du rivage. Dans les circonstances ordinaires, les espèces les plus rapprochées des eaux et les plus communes, sont les seules dont les sédiments aient conservé des traces, mais ici les conditions qui présidèrent au dépôt, furent exceptionnellement favorables ; non-seulement la plage était accidentée et richement peuplée ; mais la montagne qui devait plus tard emprunter son nom à la victoire de Marius, dominait à l’est les eaux du lac de ses escarpements, et s’avançait même, à ce qu’il semble, en forme de promontoire, à l’endroit où s’élève aujourd’hui la butte, dite des Moulins-à-vent. C’est ainsi qu’à l’aide d’une rivière, dont l’embouchure a laissé des vestiges notables sur le même point et des affluents de cette rivière, certaines espèces montagnardes ou croissant alors au fond des bois et des vallons escarpés, ont pu venir jusqu’à nous ; l’existence de ces espèces n’est souvent attestée que par une feuille isolée, quelquefois même par uu organe léger et de faible dimension, mais de nature a être aisément porté par le vent jusqu’à une distance éloignée de son point de départ.

Fig 1. — 1-9. Conifères éocènes de la flore des gypses d’Aix. — 1-4. Callitris Brongnartii. Endl. (1. Rameau. 2-3. Fruit. 4. Semence. ) — 5-6. Widdringtonia brachyphylla, Sap. 5. Rameau. 6. Fruit. — 7-8. Juniperus ambigua, Sap, 7. Rameau. 8. Fruit. 9. Pinus Philiberti, Sap. — Cône.

Aux abords du lac gypseux se pressaient une foule de conifères dont les figures ci-jointes représentent quelques spécimens, choisis parmi les plus caractéristiques.

C’étaient des pins de petite faille, à ce qu’il semble, mais de formes variées et dont les rameaux, les cônes (voy. la figure du cône du Pinus Philiberti (fig. 1, n° 9), un des plus curieux par sa forme étroite et allongée) et jusqu’aux bourgeons et aux chatons mâles sont arrivés jusqu’à nous. Associés aux pins, on distingue de nombreux thuyas, d’affinité africaine (genres Callitris et Widdringtonia), et même un genévrier (Juniperus ambigua) analogue à notre Sabine, mais qui se rapproche surtout d’une sabine indigène en Asie Mineure et en Grèce, le Juniperus fœtidissima, Wild. Les fruits de l’espèce fossile, qui justifient ce rapprochement, ont été découverts tout récemment par M. le professeur Philibert ; ils sont relativement gros, et la figure qui le représente, pour la première fois (voy. fig. 1, nos 7 et 8), permet de juger de son aspect.

Parmi les formes devenues exotiques, associées autrefois aux conifères, aux abords immédiats du lac gypseux, trois types doivent surtout attirer l’attention. Le premier est celui des palmiers-éventail ou Flabellaria, dont l’espèce principale a été dédiée par M. Brongniart au naturaliste Lamanou, sous le nom de Flabellaria Lamanonis. Les frondes de cette espèce, dont les pétioles n’étaient pas épineux, mesuraient jusqu’à 1m,50 de longueur ; leur limbe se divisait en de nombreux segments ou rayons divergents. Lui et ses congénères de la flore d’Aix ne constituaient pourtant, à ce qu’il semble, que des arbres de petite taille, comparables par la proportion et l’aspect au palmier de Chusan ou palmier à chanvre, introduit de Chine et cultivé maintenant, comme plante d’ornement, dans les jardins du midi de la France.

Fig 2. — 1-2. Lomatites aquensis, Sap. — 3. Aralia multifida, Sap.

Le deuxième type ne se retrouve plus maintenant qu’aux Canaries, en avançant dans la direction du sud ; c’est celui des Dracœna ou Dragonniers, célèbres par l’épaisseur énorme que leur tige, d’ailleurs basse et trapue, peut acquérir à la longue, en donnant lieu à des subdivisions dichotomes plus ou moins nombreuses. Les feuilles des Dragonniers sont conformées en glaive et en tout analogues à celles des Yucca, si répandus dans nos plantations d’agrément. Les Dracœna de la flore d’Aix comprennent plusieurs espèces, dont une, au moins, se rapprochait par la taille de celle des îles Canaries. Cette espèce est le Dracœna Brongniartii, Sap., représenté dans les vitrines du Muséum par un anneau périphérique qui correspond à la région la plus extérieure d’un tronc évidé à l’intérieur et encore garni, autour de cette région, de débris de feuilles réduites à leur base et occupant leur position naturelle.

Le troisième type est celui des bananiers, dont il existe des vestiges reconnaissables dans la flore d’Aix, consistant en lambeaux de feuilles munies parfois de leur côte médiane et de fragments de pétiole. Ces vestiges indiquent l’existence d’une espèce de taille médiocre, assimilable par ses caractères au Musa ensete ou bananier actuel d’Abyssinie et de l’Afrique équinoxiale.

Fig. 3. — 1-2. Cercis antiqua, Sap., Gainier éocène de la flore d’Aix. — 3-7. Fruits de divers Acacias ou Gommiers de la flore éocène des gypses d’Aix.

D’autres formes aujourd’hui perdues ou analogues à celles des pays lointains mériteraient une mention particulière ; je ne puis songer à mentionner que les plus saillantes.

Fig. 4. — Fleurs et organes légers de divers types de végétaux de la flore des gypses d’Aix. — 1-3. Catalpa microsperma, Sap. (1. Corolle. 2. Fruit. 3. Semence.). — 4. Fraxinus exilis, Sap. — Samare. — 5. Ailantus prisca, Sap. — Samare. — 6. Palæcarya atavia, Sap. Fruit muni de son involucre. — 7. Heterocalyx Ungeri, Sap. Fruit supporté par un calice persistant aux sépales accrues et scarieuses. — 8. Bombax sepultiflorum, Sap. Corolles détachées munies de leurs étamines.

Les myricées et protéacées, les laurinées, les rhamnées, les célastrinées et pittosporées, les thérebintacées, enfin les araliacées tiennent le premier rang et comptaient, à coup sûr, parmi les types les plus fréquents, au moins dans le périmètre de l’ancienne plage lacustre.

Les Laurinées n’ont rien de particulier ; ce sont toujours, comme à Gelinden, et, comme plus tard au temps de la mollasse, des camphriers et des canneliers, sans doute aussi de vrais Lauriers ; enfin, des Persea, des Phœbe et des Oreodaphne, genres encore indigènes aux îles Canaries, et dont l’existence a dû se prolonger en Europe presque jusqu’à la fin de l’âge tertiaire.

Le type des protéacées de l’Australie est surtout représenté par le Lomatites aquensis, Sap. (fig. 2), ainsi qu’une très-belle forme de Myrica, le M. Matheroni, dont il faut chercher les similaires actuels dans l’Afrique austro-orientale et à Madagascar.

Fig. 5. — 1-3. Betula gypsicola. Sap. Bouleau éocène de la flore d’Aix. (1. Feuille. 2. Bractée fructifère gr. nat. 2a. Même organe grossi. 3. Samare, gr. nat. 3a. Même organe grossi.) — 4-6. Chênes éocènes de la flore d’Aix. — 4. Quercus salicina, Sap. — 5-6. Quercus antecedens, Sap. — 7. Myrica Matheronii, Sap. — 8. Salix aquensis, Sap. Saule éocène d’Aix. — 9-10. Microptelea Marioni, Sap. Ormeau éocène de la flore d’Aix. (9 feuille. 10. Samare, gr. nat. 10a. Même organe grossi. — 11. Ficus venusta, Sap. Figuier éocène de la flore des gypses d’Aix.

Les Rhamnées ont également fourni un très-beau Zizyphus, d’affinité javanaise. Les célastrinées reproduisent fidèlement les formes du groupe qui dominent dans les parties chaudes et intérieures du continent africain.

D’une façon générale, les végétaux épineux, à rameaux hérissés, raides et buissonneux, à feuilles étroites, sèches et coriaces, dominaient dans la flore des gypses d’Aix, comme aujourd’hui ils le font dans la région du Cap dans l’Afrique intérieure et à Madagascar.

Des Aralia frutescents, aux feuilles ornementales, palmatinerves et profondément incisées, se dressaient çà et là au milieu des massifs, ajoutant à la physionomie exotique du paysage. On doit les comparer aux Cussonia de l’ordre actuel. Enfin, il ne faut pas oublier de mentionner un Cercis ou gaînier (fig. 3), vulgairement arbre de Judée, dont les fleurs devaient faire au printemps l’ornement de cette nature semée de contrastes, à la fois sévère et gracieuse.

En avançant plus loin dans l’intérieur des terres, on se serait trouvé en présence d’une région boisée, très-analogue par l’aspect et la combinaison des formes végétales avec celles que renferme l’Afrique centrale.

Les Acacia ou gommiers y dominaient évidemment. On en a découvert jusqu’ici une dizaine d’espèces reconnaissables à leurs fruits et à leurs folioles éparses, dont nos figures reproduisent les principales formes. On sait que de nos jours les girafes font des rameaux de ces arbres leur nourriture favorite ; dressant leur long cou au milieu des solitudes peuplées de ces arbres, elles vont broutant leur feuillage léger, divisé en menues folioles, atteignant sans peine au sommet des plus hautes branches. Les girafes ne se montrent en Europe que vers la fin du miocène, mais, parmi les animaux qui composaient la faune du temps des gypses d’Aix, on remarque le Xyphodon, sorte de ruminant prototypique, aux formes grêles et au long cou, dont les mœurs et le régime alimentaire devaient se rapprocher de ceux de la girafe, et qui, probablement, broutait comme celle-ci les rameaux des acacias éocènes.

À côté des Acacias se plaçaient de nombreux Diospyros ou plaqueminiers, reconnaissables à leurs calices fructifères, marqués de fines rugosités extérieures. D’autres essences forestières ne nous sont connues que par des débris fort rares de quelques-uns de leurs organes ; elles devaient croître sur un plan plus éloigné, peut-être vers le fond de certaines vallées, le long des ruisseaux ou sur le penchant des escarpements boisés.

Je signalerai, parmi elles, un Magnolia, dont il n’existe qu’une seule feuille ; le fruit, la graine et même la corolle d’un Catalpa de petite taille, comparable à une espèce chinoise (fig. 4) ; un ailante, dont les samares ne sont pas très-rares, et celles d’un frêne qui, par contre, ne se sont rencontrées qu’une ou deux fois seulement. Les magnifiques corolles, détachées et encore munies de leurs étamines, d’un Bombax ou fromager, sorte d’arbre qui contribue puissamment à l’ornement des grandes forêts tropicales, ne sauraient être passées sous silence ; enfin je veux dire quelques mots de deux genres qui paraissent éteints : l’un est le Palœocarya qui appartient aux Juglandées et dénote un type allié de très-près à celui des Engelhardtia, de l’Asie australe ; l’autre, l’Helerocalyx, se rattache aux Anacardiacées et retrace, par plusieurs des caractères qui le distinguent, les Astronium et Loxostylis, sans se confondre pourtant avec ceux-ci.

Les parties fraîches de l’ancienne région comprenaient un figuier remarquable par la ressemblance que présentent ses feuilles avec celles du Ficus pseudocarica, Miq., de la Haute-Égypte, dont les fruits sont comestibles bien que douceâtres et presque sans saveur ; nous figurons ce figuier éocène sous le nom de F. venusta. Mais l’élément le plus curieux de la végétation locale de cette époque récente de l’éocène consiste dans une réunion de formes congénères de celles qui sont depuis demeurées l’apanage plus particulier de notre zone tempérée. Il n’y avait pas seulement auprès d’Aix, du temps des gypses, des palmiers, des dragonniers, des Acacia, des Bombax et tous les types d’arbres ou arbustes dénotant une station chaude, que je viens de passer en revue ; on y rencontrait encore des aunes, des bouleaux, des charmes, des chênes, des saules et des peupliers, des ormes, des érables, des amélanchiers peu éloignés de ceux que nous avons sous les yeux et dénotant, pour cet âge, l’existence de conditions locales, de nature à justifier leur présence et à favoriser leur essor.

Ces derniers types nous sont connus par de rares échantillons, dont l’authenticité ne saurait être pourtant contestée, puisque dans la plupart des cas leurs feuilles se trouvent accompagnées de leurs fruits ou de leurs semences, surtout lorsque ces fruits ou ces semences étaient ailés ou aisément transportables à cause de leur légèreté. Les samares d’orme et de bouleau, celles d’érable et de frêne ; certains organes frêles et membraneux, comme une bractée trilobée du bouleau (voy. les figures) des gypses, attestent la présence de ces genres et forcent bien à admettre qu’ils jouaient alors un rôle réel, bien que subordonné. La rareté même de ces vestiges qui auraient dû, s’il s’agissait de végétaux très-répandus, abonder sur les plaques marneuses, favorise l’hypothèse que nous avons affaire à des espèces que leur station plaçait assez loin et assez haut au-dessus du niveau de l’ancien lac, pour qu’elles aient été soumises à l’influence d’un climat distinct de celui des vallées inférieures. à la fois plus tempéré et moins sec.

Il faut observer, en outre, que des nuances différentielles, importantes aux yeux du botaniste, séparent ces formes, congénères des nôtres, de celles que nous possédons maintenant en Europe ou dans le reste de la zone tempérée froide.

Le bouleau des gypses, Betula gypsicola, Sap. (fig. 5), dont la feuille, la bractée fructifère et la samare sont jusqu’à présent représentées par des échantillons uniques, doit être rangé, non pas parmi les bouleaux du Nord, mais parmi les Betulaster, bouleaux particuliers à l’Asie centrale. Il en est de même de l’ormeau des gypses, Microptelea Marioni, Sap., qui se rattache au groupe sud-asiatique des Microptelea, qui craignent le froid et présentent des feuilles semi-persistantes et subcoriaces.

Les chênes de la flore d’Aix ressemblent à ceux de la Louisiane, ou bien ils viennent se ranger auprès de nos yeuses on chênes verts de l’Europe méridionale. Quant au saule, Satix aquensis, Sap., et au Peuplier, Populus Heerii, Sap., c’est avec les saules africains ou avec le type des peupliers des bords du Jourdain et de l’Euphrate qu’il est naturel de les comparer. Ainsi, toute proportion gardée, les indices d’un climat chaud percent jusque dans les végétaux de la flore d’Aix qui, au premier abord, sembleraient faire contraste avec la masse des espèces, méridionales d’aspect, de cette flore.

Sa variété, sa richesse, son originalité, la profusion et le mélange des formes qu’elle comprend ne sauraient faire question, et cette richesse, alliée pourtant d’ordinaire à une stature assez faible et concordant avec la petitesse des organes, chez la plupart des espèces, se reproduit tout aussi bien, lorsqu’on interroge les parties situées à l’écart que lorsqu’on explore, par la pensée, les plages mêmes du lac et son sein où abondaient les plantes submergées et aquatiques, comme les potamots, les alismacées ; les Vallisnéries, les Nymphéacées qui comptaient au moins trois espèces, et dont les fleurs venaient s’étaler à la surface des eaux calmes et limpides. Les roseaux, les massettes, les joncs, de frêles graminées, plusieurs mousses ; enfin une plante singulière, dont les tiges se soutenaient au-dessus du sol submergé, au moyen d’une multitude de racines aériennes, les rhizocaulées complétaient ce grand ensemble, dont le tableau, même abrégé, nous entraînerait trop loin si nous voulions l’esquisser dans son entier.

L’influence d’une nature chaude, d’un climat comprenant des alternatives très-prononcées de saisons sèches et chaudes, et de saisons pluvieuses et tempérées ; favorable pourtant au développement d’une végétation riche et variée, à la fois élégante et frêle ; peuplée de formes originales, mais généralement petites, ayant une certaine maigreur distinctive et quelque chose de dur, de coriace dans les formes ; privée d’opulence, mais vivace et surtout diversifiée suivant les pays et les stations ; ressemblant au total à celle de l’Afrique intérieure, avec des traits empruntés à l’Asie méridionale et à la Chine : tels sont, à ce qu’il semble, les caractères inhérents à la flore éocène du midi de l’Europe ; et nous verrons ces caractères persister avec des changements successifs jusqu’à la fin de l’âge suivant ou oligocène. Cte  G. de Saporta
Correspondant de l’Institut.

  1. Nous terminons ici la première partie du remarquable travail dont M. de Saporta a bien voulu nous réserver la primeur. Dans le volume suivant de la Nature, nous continuerons la publication de cette importante notice, en commençant par le chapitre relatif à la période oligocène. G. T.