Les mystères du collège/Petit Vocabulaire collégien

Gustave Havard (p. 163-164).

PETIT VOCABULAIRE COLLÉGIEN


Chaque classe de la société a un vocabulaire qui lui est propre, qui lui est particulier ; la classe collégienne doit nécessairement avoir le sien. Aussi, le collégien nous saura gré, nous le croyons, de mettre sous ses yeux ce petit recueil d’expressions qui, en partie, ne sont connues que de lui seul. Il ne sera pas sans utilité aux nouveaux.


Bahut, s. m. Collége. Ex. : Marion est au Bahut Charlemagne.
Bucher, v. act. Voyez Pile. Se bûcher, v. pronom.
Cafard, s. m. Qui dévoile aux maîtres les fautes de ses camarades : Laveau est un cafard.
Cafarder, v. neut. Ce que fait un cafard.
Cancre, s. m. Élève paresseux et ignorant.
Cassine, s. f. Salle d’étude, quartier : Je vais à la cassine.
Cavaler (se), v. pronom. Prendre la fuite, se sauver.
Chien, adj. Sévère : Notre pion est diablement chien.
Chiper, v. act. Voler des objets de peu de valeur. Ce mot, qui est devenu vulgaire, a pris son origine dans les colléges : Chiper une bille.
Chipeur, s. m. Qui chipe. On méprise les chipeurs.
Coller, v. act. Punir, confisquer : Le pion m’a collé ma traduction d’Homère.
Copain, s. m. Ami ; voir le chapitre ainsi intitulé.
Cornichons, s. m. On appelle ainsi les élèves qui se destinent aux écoles de Saint-Cyr, parce qu’ils ne sont encore qu’une espèce de bois dont on fait des officiers.
Culotte (user sa — sur les bancs du collége). Aller au collége sans en retirer aucun fruit. Cette expression est très-souvent employée par les professeurs eux-mêmes.
Émoucher, v. act. Battre : On émouche les cafards.
Enfant (bon). s. m. Celui qui est le but des taquineries de ses camarades : Coyard est le bon enfant de la cassine.
Filer, v. neut. Se dit des externes qui ne vont pas au collége lorsqu’ils y sont envoyés, qui font l’école buissonnière : Les élèves de Louis-le-Grand filent soit aux Ours (le Jardin des Plantes), soit au Luxembourg.
Fileur, s. m. Qui a l’habitude de filer : Adrien est un fileur.
Fion, s. m. A la même signification que chic ; tournure, manières d’un dandy. Quel fion il lui donne !
Fionner, v. neut. Faire le fat, être coquet. Depuis qu’Ernest a une paire de bottes, regarde un peu comme il fionne !
Gosser, v. neut. Mentir.
Gosseur, s. m. Menteur.
Maison de Campagne, s. f. Les arrêts : Bonnanis va souvent visiter la maison de campagne.
Monaco, s. m. Nouvelle dénomination que l’on donne au pion, sans doute parce que les monaco ne valent que deux liards.
Monnaie, s. f. Exemptions : Avoir de la monnaie. Faire de la fausse monnaie, faire des exemptions fausses.
Peau de Lapin. Nom qu’on donne aux professeurs les jours de cérémonie, parce que l’insigne de leur grade est une peau d’hermine : Les peaux de lapin font leur entrée triomphante.
Petits, Grands, Moyens. Les élèves d’un collège sont divisés en trois catégories : Les Petits comprennent ceux qui sont encore dans les basses classes jusqu’à la sixième inclusivement ; les Moyens, ceux de la quatrième et de la cinquième ; les Grands, tous les élèves des classes supérieures.
Piger, v. act. Prendre en flagrant délit.
Pile, s. f. (donner une — ) : Battre, plus fort qu’émoucher.
Piocher. v. neut. Travailler avec ardeur.
Piocheur, s. m. Qui pioche : Il y a peu de piocheurs dans notre classe.
Pion, s. m. Maître d’études.
Pompiers, s. m. C’est ainsi qu’on désigne les élèves qui se préparent au baccalauréat, à cause de la masse des connaissances que leur examen les force d’absorber.
Raccroc, s. m. Hasard, être premier par raccroc.
Repiger, v. act. Piger de nouveau.
Rosse, s. f. Élève paresseux et ignorant, a plus de force que cancre.
Soleil, ( piquer un, prendre un coup de — ). Rougir, de timidité ou de honte : Coyard pique un soleil lorsque le pion lui parle.
Taupins, s. m. On a donné ce nom à des élèves qui occupaient une étude isolée, reléguée au fond d’une cour ; les assimilant à des taupes.
Touche, s. f. Figure, traits dévisagé : Le portier a une drôle de touche.
Toupie, s. f. Tête : Je ne puis me faire entrer ma leçon dans la toupie.
Trac, Taf (Avoir le — ), Avoir peur, caponner : Adrien a le trac quand Laveau veut le bûcher.
Trognade, s. f. Gâteaux, fruits, tout ce qui sert à trogner : Apporte-moi de la trognade.
Trogner, v. act. Manger principalement des friandises. Cette expression est très-énergique et exprime une couleur qu’on ne saurait rendre autrement. Il serait à désirer que ce mot fût incorporé dans la langue française.
Trognerie, s. f. Action de trogner : S’adonner à la trognerie.
Trogneur, s. m. Qui est connu pour trogner.
Truc, s. m. Routine, savoir-faire : Tillard a le truc pour jouer aux billes.
Vache enragée, s. f. Bœuf au naturel, bœuf bouilli.
Voyou, s. m. Individu mal élevé, faubourien. La plus grave insulte qu’on puisse adresser à un collégien. Quoique cette expression figure souvent dans les Mystères de Paris, elle était connue dans les colléges avant que l’ouvrage de M. Eugène Sue fût publié.