Les Triomphes de Louis le Juste

Les Triomphes de Louis le Juste
Poésies diverses, Texte établi par Charles Marty-LaveauxHachettetome X (p. 104-115).

XXXIII

Les Triomphes de Louis le Juste.

Le graveur Valdor entreprit peu après la mort de Louis XIII et publia en 1649 un grand ouvrage à figures dont le titre, fort étendu, fera bien connaître la nature et le contenu :

Les triomphes de Louis le Iuste XIII, du nom, Roy de France et de Nauarre. Contenans les plus grandes actions ou sa Maiesté s’est trouuée en personne, représentées en Figures Ænigmatiques exposées par un Poëme Heroïque de Charles Beys, et accompagnées de vers François sous chaque Figure, composez par P. de Corneille. Avec les portraits des rois, princes et generaux d’armees, qui ont assisté ou seruy ce Belliqueux Louis le Iuste Combattant ; Et leurs Deuises et Expositions en forme d’Eloges par Henry Estienne, Escuyer, sieur des Fossez, Poëte et Interprete du Roy és Langues Grecque et Latine. Ensemble le plan des villes, sieges et batailles, auec vn Abrégé de la Vie de ce Grand Monarque, par René Barry, Conseiller du Roy et Historiographe de sa Maiesté. Le tout traduit en Latin par le R. P. Nicolai, Docteur en Sorbonne de la Faculté de Paris, et premier Régent du grand Conuent des Iacobins. Ouurage entrepris et finy par Iean Valdor, Liegeois, Calcographe du Roy. Le tout par commandement de leurs Maiestez. À Paris, En l’Imprimerie Royale, Par Antoine Estiene,… M.DC.XLIX. Avec privilège de sa Majesté. (In-fol.). — Le privilège est daté du « 22. iour de May, l’an de grâce 1649. »

En tête de l’ouvrage on trouve des lettres du roi Louis XIV, écrites aux divers auteurs pour les engager à s’occuper de ce travail. Voici celle qui est adressée à Corneille :

Lettre du Roi pour les épigrammes.

« Monsieur de Corneille, comme je n’ai point de vie plus illustre à imiter que celle du feu Roi, mon très-honoré seigneur et père, je n’ai point aussi un plus grand désir que de voir en un abrégé ses glorieuses actions dignement représentées, ni un plus grand soin que d’y faire travailler promptement ; et comme j’ai cru que pour rendre cet ouvrage parfait, je devois vous en laisser l’expression, et à Valdor les desseins, et que j’ai vu, par ce qu’il a fait, que son invention avoit répondu à mon attente, je juge, par ce que vous avez accoutumé de faire, que vous réussirez en cette entreprise, et que pour éterniser la mémoire de votre Roi, vous prendrez plaisir d’éterniser le zèle que vous avez pour sa gloire. C’est ce qui m’a obligé de vous faire cette lettre par l’avis de la Reine régente, Madame ma mère, et de vous assurer que vous ne sauriez me donner des preuves de votre affection plus agréables que celle que j’en attends sur ce sujet. Cependant je prie Dieu qu’il vous ait, Monsieur de Corneille, en sa sainte garde.

« Écrit à Fontainebleau, ce 14 octobre 1645.

« Signé : Louis ; et plus bas : de Guénégaud.

« Et au-dessus est écrit :

« À Monsr de Corneille. »

Il y a au département des manuscrits de la Bibliothèque impériale (fonds français 6643, p. 124) une copie de la lettre de cachet du Roy escrite à Monsieur Corneille, qui présente quelques légères variantes inutiles à mentionner. Dans cette copie la date, antérieure de plus d’un an, est du « 4e iour d’octobre 1644. »

Cette copie est précédée (p. 120), dans le Recueil manuscrit que nous venons de citer, d’une lettre, signée Thonier, qui a été reproduite par M. Taschereau dans la seconde édition de son Histoire de la vie et des ouvrages de P. Corneille (p. 324), et qui commence ainsi :

« Du 5e octobre, à Fontainebleau.

« Monsieur,

« Voici la copie de la lettre que vous avez désirée ; j’adresse l’original à M. Valdor, pour lui donner le moyen d’obliger doublement M. de Corneille. Comme elle est un effet de sa sollicitation, elle est une preuve de son estime, et il croit qu’avec l’approbation du Roi ce fameux auteur se surmontera pour rendre son entreprise plus illustre. Je vous supplie de lui faire rendre mon paquet et de pardonner la peine que je vous donne. La maladie de S. É. nous tiendra en ce lieu plus longtemps qu’on ne voudrait, etc. »

Les épigrammes de Corneille, comme on les appelle en tête de la lettre du Roi, se trouvent, ainsi que l’indique le titre que nous avons reproduit, au-dessous des figures énigmatiques de Valdor. Elles sont intitulées dans les Œuvres diverses publiées par Granet (p. 170-176) : Vers mis au-dessous des estampes qui représentent les glorieuses actions de Louis XIII ; et dans l’édition de Lefèvre : Inscriptions.

Les titres que nous donnons à chacune de ces petites pièces sont ceux qu’elles portent au bas de chaque gravure dans le volume où elles ont paru pour la première fois. Les éditeurs précédents les ont rarement reproduits, et ont d’ordinaire préféré les intitulés plus développés des diverses parties du poëme héroïque de Charles Beys qui se trouvent en regard de chaque gravure.


Caen[1].

Le château révolté donne à Caen mille alarmes ;
Mais sitôt que Louis y fait briller ses armes,
Sa présence reprend le cœur de ses guerriers ;
Et leur révolte ainsi ne semble être conçue
Que par l’ambition de jouir de sa vue, 5
Et de le couronner de ses premiers lauriers.


Pont-de-Cé[2].

Que sert de disputer le passage de Loire ?
Le sang sur la discorde emporte la victoire ;
Notre mauvais destin cède à son doux effort ;
Et les canons, quittants leurs usages farouches, 10
Ne servent plus ici que d’éclatantes bouches[3],
Pour rendre grâce au ciel de cet heureux accord.

 

Le rétablissement des ecclésiastiques en Béarn[4].

Sa valeur en ce lieu n’a point cherché sa gloire :
Il prend l’honneur du ciel pour but de sa victoire,
Et la religion combat l’impiété. 15
Il tient dessous ses pieds l’hérésie étouffée :
Les temples sont ses forts ; et son plus beau trophée
Est un présent qu’il fait à la Divinité.


Saumur[5].

En vain contre le Roi vous opposez vos armes :
Sa Majesté brillante avec de si doux charmes 20
Peut mettre en un moment vos desseins à l’envers.
Ne vous enquêtez pas si ses troupes sont fortes :
Encore que vos cœurs ne lui soient pas ouverts,
D’un seul trait de ses yeux il ouvrira vos portes.


La réduction de Saint-Jean d’Angéli[6].

Soubise, ouvre les yeux : ce foudre que tu crains 25
N’est plus entre ses mains ;
Sa clémence l’arrache à sa juste colère ;
Et de quoi que ton crime ose l’entretenir,
Tes soupirs ont trouvé le secret de lui plaire ;
Et quand il voit tes pleurs, il oublie à punir. 30

 

Entrée des villes rebelles[7].

Tel entrant ce grand roi dans ses villes rebelles
De ces cœurs révoltés fait des sujets fidèles ;
Un profond repentir désarme ses rigueurs ;
Et quoique le soldat soupire après la proie,
Il l’apaise[8], il l’arrête, et se montre avec joie 35
Et père des vaincus, et maître des vainqueurs[9].


Punition des villes rebelles[10].

Enfin aux châtiments il se laisse forcer :
Qui pardonne aisément invite à l’offenser[11],
Et le trop de bonté jette une amorce au crime.
Une juste rigueur doit régner à son tour ; 40
Et qui veut affermir un trône légitime
Doit semer la terreur aussi bien que l’amour[12].

 

Rié[13].

Va, fier tyran des mers, mon prince te l’ordonne,
Prends toi-même le soin de conduire Bellone
Au secours du parti qu’elle veut épouser. 45
Calme les flots mutins, dissipe les tempêtes ;
Obéis ; et par là fais voir que tu t’apprêtes
Au joug que dans un an[14] il le doit imposer.


La Digue[15].

Vois Éole et Neptune à l’envi faire hommage
À ce prodigieux ouvrage, 50
Rochelle, et crains enfin le plus puissant des rois.
Ta fureur est bien sans seconde
De t’obstiner encore à rejeter des lois
Que reçoivent le vent et l’onde.

 

La Rochelle[16].

Ici l’audace impie en son trône parut, 55
Ici fut l’arrogance à soi-même funeste :
Un excès de valeur brisa ce qu’elle fut ;
Un excès de clémence en sauva ce qui reste.


Le Pas de Suze[17].

L’orgueil de tant de forts sous mon roi s’humilie :
Suze ouvre enfin la porte au bonheur d’Italie, 60
Dont elle voit qu’il tient les intérêts si chers ;
Et pleine de l’exemple affreux de la Rochelle :
« Ouvrons à ce grand prince, ouvrons-lui tôt, dit-elle ;
Qui dompte l’Océan ne craint pas nos rochers. »


Cazal[18].

Lorsque Mars se prépare à tout couvrir de morts, 65

Un illustre Romain[19] étouffe ses discords
En dépit des fureurs en deux camps allumées.
En ce moment à craindre il remplit nos souhaits ;
Et se montrant tout seul plus fort que deux armées,
Dans le champ de bataille il fait naître la paix. 70


La Protection de Mantoue[20].

Lorsqu’aux pieds de mon roi tu mets ton jeune prince[21],

Manto[22], tu ne vois point soupirer ta province
Dans l’attente d’un bien qu’on espère et qui fuit ;
Et de sa main à peine a-t-il tari tes larmes,
Que sa France en la tienne aussitôt met ses armes, 75
Que la gloire couronne, et la victoire suit.


La Paix d’Aletz[23].

Que ce fut un spectacle, Aletz, doux à tes yeux,
Quand tu vis à ses pieds ces peuples factieux
Trouver plus de bonté qu’ils n’avoient eu d’audace !
Apprenez de mon prince, ô monarques vainqueurs, 80
Que c’est peu fait à vous de reprendre une place,
Si vous ne trouvez l’art de regagner les cœurs.


Paix accordée aux chefs des rebelles[24].

La Paix voit ce pardon d’un œil indifférent,
Et ne veut rien devoir au parti qui se rend,

Déjà par la victoire assez bien établie ; 85
Et la noble fierté qui l’oblige à punir
Ne dissimule ici le crime qu’on oublie
Que pour ne perdre pas la gloire d’obéir.


Nancy[25].

Troie auprès de ses murs l’espace de dix ans
Vit contre elle les Dieux et les Grecs combattants, 90
Et s’arma sans trembler contre la destinée.
Grand Roi, l’on avouera que l’éclat de tes yeux
T’a fait plus remporter d’honneur, cette journée,
Que la fable en dix ans n’en fit avoir aux Dieux.


Reprise de Corbie[26].

Prends Corbie, Espagnol, prends-la, que nous importe ? 95
Tu la rends à mon roi plus puissante et plus forte
Avant qu’il en ait pu concevoir quelque ennui.
Ton bonheur sert au sien, et ta gloire à sa gloire ;
Et s’il t’a, par pitié, permis une victoire,
Ta victoire elle-même a travaillé pour lui. 100

 

Hesdin[27].

À peine de Hesdin les murs sont renversés,
Que sur l’affreux débris des bastions forcés
Tu reçois le bâton de la main de ton maître,
Généreux maréchal : c’est de quoi nous ravir,
De le voir aussi prompt à te bien reconnoître 105
Que ta haute valeur fut prompte à le servir.


La Protection de Portugal et de Catalogne[28].

Que le ciel vous fut doux, lorsque dans votre effroi
Il vous sollicita de courir à mon roi
Pour voir contre vos murs la liberté renaître[29] !
Le succès à l’instant suivit votre désir. 110
Peuples, qui recherchez ou protecteur ou maître,
Par cet heureux exemple apprenez à choisir[30].

 

Perpignan[31].

Illustre boulevard des frontières d’Espagne,
Perpignan, sa plus belle et dernière campagne,
Tout mourant, contre toi nous le voyons s’armer : 115
Tout mourant, il te force, et fait dire à l’envie
Qu’un si grand conquérant n’eût jamais pu fermer
Par un plus digne exploit une si belle vie.


  1. Ce fut le 7 juillet 1620 que le Roi quitta Paris pour soumettre la Normandie. La ville de Rouen ouvrit d’elle-même ses portes, et Caen se rendit après une faible résistance.
  2. Louis XIII attaqua le Pont-de-Cé le 7 août 1620.
  3. Touches, dans l’édition originale ; mais ce texte gravé contient beaucoup de fautes. La traduction latine ne laisse aucun doute sur la vraie leçon ; on y lit : altitonis resonantia vocibus ora.
  4. Un édit d’octobre 1620 ordonne la restitution des biens ecclésiastiques usurpés en Béarn par les protestants.
  5. Le Roi, au commencement de la guerre contre les calvinistes, s’empara par surprise de Saumur, où commandait du Plessis Mornay, au mois de mai de 1621.
  6. Le siège commença le 3 juin 1621, et la place se rendit le 25 (selon d’autres le 23) du même mois.
  7. Le titre de la partie du poëme de Beys qui correspond à cette inscription est Entrée dans les villes rebelles. — Au printemps de 1622, « le Roi laissa quelques troupes devant la Rochelle et marcha sur Royan, dont le port fermait l’entrée de la Gironde ; il s’en empara et s’avança en Guienne ; Tonneins fit une résistance désespérée ; Sainte-Foix se rendit ; Negrepelisse (petite ville du Quercy) fut prise d’assaut et incendiée : tout y fut massacré, même les femmes et les enfants ; partout les protestants se défendaient avec fureur ; partout se renouvelaient les résistances et même les cruautés de la guerre des Albigeois. » (Histoire des Français par Théophile Lavallée (1839), tome III, p. 57.)
  8. Il apaise, dans l’édition originale ; mais c’est encore là une faute évidente.
  9. Ici Corneille se traduit lui-même. Voyez plus haut, p. 69, vers 47 et note 2.
  10. Voyez ci-dessus la note 1.
  11. Corneille répète ici un vers de Cinna (acte IV, scène ii, vers 1160 ; voyez tome III, p. 436).
  12. Les idées exprimées dans ce sixain rappellent ce qui se passa à Negrepelisse, Les habitants avaient égorgé pendant la nuit un bataillon de troupes du Roi logées dans leurs murs. Louis XIII marcha contre eux pour les punir. Après la plus vive résistance, se voyant sur le point d’être forcés par un assaut général, ils lui demandèrent grâce, et il paraissait enclin à leur pardonner ; mais l’animosité de l’armée royale était à son comble, et le prince de Condé triompha des généreuses dispositions du Roi en ouvrant un bréviaire et lui montrant que dans les leçons de l’office du jour Samuel reprochait à Saül d’avoir épargné les Amalécites.
  13. C’est bien là le titre exact de cette inscription. Il s’agit de l’île de Rié (ou Riez) en Poitou, et non de l’île de Rhé ; ce qui n’a pas empêché Granet de mettre dans les Œuvres diverses : Défaite dans l’île de Rhé, en quoi il a été imité par tous les éditeurs de Corneille. Ce fut le 16 avril 1622 que le Roi passa à la tête de ses gardes, vers le milieu de la nuit, dans l’île de Rié, d’où il chassa M. de Soubise, après lui avoir fait perdre près de quatre mille hommes.
  14. Le mot an manque dans l’édition originale ; il y a dans le latin : alium in annum.
  15. Sur les travaux du siège de la Rochelle et particulièrement sur la fameuse digue, voyez les Mémoires de Richelieu, années 1627 et 1628, et dans le Malherbe de M. Lalanne (tome IV, p. 66 et 67), une lettre de Malherbe à son cousin du Bouillon, du 28 décembre 1627.
  16. La Rochelle se soumit le 28 octobre 1628 ; le Roi y fit son entrée le 1er novembre.
  17. Le 6 mars 1629 Louis XIII força en personne les trois barricades du pas de Suze, défendues par le duc de Savoie.
  18. Les Espagnols pressaient vivement Casal, et les Français voulaient secourir la place. Mazarin, envoyé du pape, fit si bien auprès des chefs des deux armées qu’il les détermina à conclure une trêve de six semaines, le 2 septembre 1630. À l’expiration de cette trêve, il demanda une prolongation. Les Français refusèrent d’abord, et le 26 octobre ils marchèrent au combat. Mazarin ne se décourage pas et renouvelle ses instances dans les deux camps. Ayant persuadé le général espagnol, il pousse son cheval à toute bride entre les deux armées, et sans être effrayé des balles qui sifflaient autour de lui, il crie en agitant son chapeau : « La paix ! la paix ! » et allant trouver le maréchal de Schomberg, qui commandait les Français, il le décide à accepter le traité. Naudé dit à ce sujet : « Les almanachs de M.DC.XXXI représentèrent le seigneur Giulio à cheval, faisant signe avec son chapeau à deux puissantes armées qui s’alloient choquer, de mettre bas les armes, pour recevoir la paix qu’il venoit de leur négocier. Je me souviens fort bien qu’il y avoit autant de presse à voir ces almanachs du Mazarin sous le cimetière Saint-Innocent*, qu’il y en eut en 1643 ou 44 pour voir sur ces mêmes planches le furieux combat rendu à Rome par quinze ou seize François, contre l’ambassadeur et toute la faction d’Espagne, et qu’il y en eut encore cette année pour voir ces larges bandes remplies des différents portraits de M. de Bruxelles (Broussel). » (Mascurat, 1649, p. 65. — Sur cet ouvrage, voyez ci-dessus, p. 92, note 1.) — Les Espagnols levèrent le siège de Casal et évacuèrent le Montferrat (fin d’octobre 1630).

    * Voyez tome II, p. 442, note 3.

  19. Mazarin, originaire de Sicile, est né le 14 juillet 1602, selon les uns à Piscina dans les Abbruzzes, selon d’autres à Rome. Les lettres de naturalisation qui lui furent données en 1639, le font naître à Rome.
  20. Vincent II de Gonzague, duc de Mantoue, étant mort sans postérité, en 1627, eut pour successeur son plus proche parent Charles Ier de Gonzague, qui possédait en France les duchés de Nevers et de Rhétel, et dont Louis XIII soutint les droits contre l’empereur Ferdinand II. En juillet 1630, les Impériaux prirent Mantoue, qu’ils abandonnèrent pendant trois jours à un affreux pillage. À l’invasion de l’Allemagne par Gustave-Adolphe, la fortune changea, et l’Empereur traita avec Charles Ier de Gonzague, qui rentra en possession de sa capitale le 20 septembre 1631.
  21. Les mots « ton jeune prince » ne pourraient pas s’appliquer au duc Charles Ier, mais seulement à son fils, qui, à la mort de Vincent II, avait pris possession, avant l’arrivée de son père, des duchés de Mantoue et de Montferrat, ou à son petit-fils Charles II, qui n’était âgé que de sept ans, lorsqu’il succéda a son grand-père le 25 septembre 1637, et qui régnait à Mantoue lorsque Corneille écrivit ces vers. La vue de la gravure nous prouve qu’il s’agit de ce dernier.
  22. On voit figurer dans la gravure la nymphe à qui, si nous en croyons Virgile, la ville de Mantoue devait son nom. Manto était mère d’Ocnus, fondateur de Mantoue.
    Fatidicæ Mantus et Tusci filius amnis,
    Qui muros, matrisque dedit tibi, Mantua, nomen.
    (Énéide, livre X, vers 199 et 200.)
  23. Le 9 juin 1629 Louis XIII assiégea la ville d’Alais dans les Cévennes. Elle capitula dès le 16 du même mois.
  24. L’édit de pacification fut rendu à Nîmes le 27 juin 1629. Ce fut la dernière paix de religion. On laissa aux protestants la liberté du culte, mais on leur enleva leurs places de sûreté, et ils cessèrent de former comme un État dans l’État. — Ces vers ont quelque obscurité ; la vue de la gravure ne la dissipe pas. Elle représente la Paix appuyée sur un tronc d’arbre et regardant en effet avec indifférence les chefs des rebelles prosternés aux pieds du Roi. Les vers latins, qui sont d’ordinaire la traduction des vers français, s’en éloignent ici beaucoup ; les voici :
    Imbelle veslrum crimen ; et parcit pius Princeps, fugatos undique amplexus reos.
    Idem sibi semper, expandit sinum
    Vobis faventem. Pectus huic vestrum date,
    Proceres, regendum : causa si tanturn dédit
    Audere iniqua, justa quid deinceps dabit ?
  25. Nancy, capitale de la Lorraine, se rendit le 24 septembre 1633 à l’armée royale qui l’assiégeait, et Louis XIII y fit son entrée le lendemain.
  26. Corbie, ville de Picardie, qui avait été prise par les Espagnols le 15 août 1636, fut reprise le 14 novembre suivant.
  27. Le 30 juin 1639, Hesdin, ville de l’Artois, se rendit au Roi, qui donna sur la brèche le bâton de maréchal à M. de la Meilleraie.
  28. En 1640 le Portugal secoua le joug de l’Espagne, appela au trône Jean de Bragance, qui régna sous le nom de Jean IV, et fit alliance avec la France. Dans le même temps les Catalans se révoltèrent et chassèrent les garnisons espagnoles ; puis, l’année suivante, ils firent un traité avec Louis XIII, par lequel ils déclarèrent leur province réunie à la France, sous la seule condition de garder ses libertés.
  29. Emicet ut vestris libertas obruta muris, dit le latin. — Contre paraît avoir ici, comme souvent alors, le sens de près de, à côté de, comme dans ce passage de la Critique de l’École des femmes de Molière (scène v) : « Dorilas, contre qui j’étois, a été de mon avis. » Dans ce cas contre vos murs équivaudrait à peu près à sous vos murs, au pied de vos murs. Granet a remplacé contre par entre.
  30. On est frappé du singulier rapport de forme que ce vers présente avec le dernier du Menteur (tome IV, p. 239) :
    Par un si rare exemple apprenez à mentir.
  31. Louis XIII alla joindre son armée au camp devant Perpignan, mais il ne resta pas jusqu’à la fin du siége. La place capitula le 29 août 1642. Le Roi mourut moins d’un an après, le 14 mai 1643.