Les Stations de l’amour/14

L’Île des Pingouins (p. 141-155).

XIV

Calcutta, 18 février 18…


En nous séparant, Dora m’avait dit : « Surtout, couchez-vous de bonne heure ce soir ; dormez bien et tenez-vous prêt demain de grand matin, on ira vous chercher ».

Le lendemain, je m’éveillai à cinq heures. Je fis ma toilette, et j’attendais, sans savoir qui, lorsque j’aperçus la petite Amalla, entrée je ne sais comment dans ma chambre, et qui me souriait : « Viens ! me dit-elle ».

Elle se laissa embrasser de fort bonne grâce et me prit la main. Il faisait encore nuit. Devant ma porte stationnait un dandi, sorte de palanquin dont se servent les femmes indigènes riches du Bengale, elle m’y fit monter et se pelotonna contre moi.

Nous fîmes environ un mille et demi sans mot dire, car à ma question : « Où allons-nous ? » la gamine avait répondu par un petit rire étouffé. Quand nous nous arrêtâmes, nous étions au bord du fleuve, et l’aube commençait à peine à blanchir l’horizon.

Devant nous, au pied du Ghat, large escalier qui plonge dans l’eau et permet de s’embarquer et de se baigner, un steam-launch stationnait sous pression : une Indienne, bien enveloppée dans son pagne, était debout sur le pont et paraissait nous attendre. Dès que j’eus mis le pied à bord, l’Indienne rabattit le bout du pagne qui cachait son visage, et me tendit la main. Je reconnus Dora.

— Vous, chère amie, dans ce costume ?…

— Oui ; ne vous ai-je dit que je vous enlevais pour une grande journée ? Quant à ce costume, je le revêts quelque fois dans mon atelier, pour avoir plus de liberté dans mes mouvements. Aujourd’hui il m’empêchera d’être reconnue.

L’équipage se composait d’un mécanicien, d’un chauffeur et d’un couli-lascar pour la manœuvre. Elle fit donner par Amalla le signal du départ, et le steam-launch se mit en marche à une allure assez rapide que nous conservâmes pendant toute la traversée de la ville. Lorsque nous commençâmes à la perdre de vue dans les brouillards du matin, le soleil se levait derrière un rideau de tamarins et de manguiers…

Je ne veux pas te faire la description d’un « lever de soleil dans l’Inde ». bien que le spectacle soit particulièrement grandiose.

Nous étions, Dora et moi, sous le charme, et nous nous tenions la main sans échanger une parole. Je ressentais une ivresse étrange à me trouver seul avec cette belle fille que j’avais vue si folle de son corps, si ardemment lascive, et qui me regardait maintenant avec des yeux d’une douceur inexprimable.

Amalla, insensible aux beautés de la nature, s’était endormie sur le pont.

Le yacht avait ralenti sa marche, et nous glissions sur l’Hoogyl, qui étend sa vaste nappe, d’un kilomètre de large, entre deux rives plates et verdoyantes.

— Quelle belle matinée ! me dit Dora : entrons dans le salon, car le soleil commence à être trop chaud.

— Oui, belle matinée, fis-je répondant à son exclamation, belle surtout parce que vous êtes là, près de moi, toute à moi.

Je voulus l’embrasser sur les lèvres et glisser ma main sous son vêtement pour lui caresser les seins. Elle me repoussa vivement.

— Non, pas maintenant, mon ami, plus tard… Écoutez, continua-t-elle d’une voix musicale que je ne lui avais jamais entendue, il faut que je vous dise pourquoi j’ai voulu vous avoir tout un jour rien qu’à moi, sans prévenir mes chères amies, pour lesquelles je n’ai pas de secrets. Vous me prenez pour une jeune fille vicieuse, capricieuse, pensant plus à son plaisir qu’à celui des autres et incapable d’inspirer un sentiment sérieux que d’en éprouver un elle-même…

(Ici, je voulus protester.)

— Non, cher ami, écoutez-moi jusqu’au bout. Je suis tout cela ; je le suis pour tout le monde, excepté pour Flora qui, seule, me connaît bien… Mais je suis aussi autre chose. Il y a en moi, à côté de ces défauts et de ces vices, quelques qualités que je veux vous révéler, à vous seul. Il y a en moi une vraie femme bonne quand elle le veut, aimante, douce, dévouée, tendre, et qui saurait au besoin se sacrificier ; passionnée pour les plaisirs sensuels, mais capable de sentiments plus purs et plus élevés : une jeune fille digne de votre affection, malgré ses écarts, et c’est cette femme que je veux vous donner aujourd’hui.

Je vous aime, et vous êtes un esprit trop supérieur pour que je rougisse de vous l’avouer. Je vous aime, mon ami, comme Flora, car elle vous aime aussi, plus que tout au monde. Pourquoi ? comment ? je n’en sais rien… Mais d’un amour que je ne soupçonnais pas et dont jamais je ne me serais crue capable. Je ne vous demande pas de m’aimer de pareille façon ; je sais que vous ne le pouvez pas, que votre cœur est à votre Cécile, et pour rien au monde je ne voudrais le lui enlever. Je vous aime et vous veux tel que vous êtes. Voulez-vous, Léo ?… (Et elle pencha sa tête sur mon épaule en me regardant tendrement). Voulez-vous que, pour un jour, je sois « votre Dora ?… »

Je ne sais plus au juste quels mots je balbutiai : mais, voyant mon émotion sincère. Dora me saisit vivement le bras, m’entraîna dans la cabine au fond du salon me disant : « Viens !… »

Notre étreinte fut silencieuse et prolongée. De temps en temps Dora, n’ayant plus l’expression ardente et passionnée que je lui connaissais dans ces moments-là, soupirait : « Pas encore… je t’aime… reste… fais-moi un enfant… j’en veux un de toi… »

Lorsqu’enfin nous nous séparâmes, je revins seul sur le pont pour chercher à me ressaisir.

Quelques instants après Dora reparut, le visage rayonnant, huma avec délices l’air encore frais du matin et vint à moi en souriant. Elle avait quitté son costume d’Indienne et revêtu une longue blouse de flanelle blanche, à peine serrée à la taille. Elle posa sa main sur mon épaule et me dit doucement : « Je suis heureuse !… »

Comme je la regardais d’un air interrogateur, elle ajouta : « Non, mon ami, je n’ai pris aucune précaution. Je veux un enfant de vous, et je sens que je l’aurai. Je suis, après tout, libre de mes actions, et n’ai de compte à rendre à personne. De plus… j’ai mes projets, que je vous dirai. En attendant, déjeunons. »

Après avoir pris le thé, Dora disposa sa boîte d’aquarelle qu’elle avait apportée : « Laissez-moi un peu travailler, voulez-vous ? Je voudrais noter quelques tons. Pendant ce temps-là, faites ce que vous voudrez : dormez ou bien amusez-vous avec Amalla : elle est très gentille, vous pouvez tout vous permettre avec elle, excepté… vous m’entendez bien, car je vous veux tout à moi aujourd’hui, je vous l’ai dit ».

Amalla vint rôder autour de moi. Elle portait un gros coussin ; elle me fit signe de m’étendre sur le banc et me le glissa sous les épaules. J’allongeai la main que je passai sous sa petite tête pour la remercier : « Tu es gentille : viens un peu avec moi que je te caresse ».

La jolie bengalie ne se le fit pas dire deux fois : comme un petit chat, elle grimpa sur le banc et s’installa entre mes jambes, appuyant sa joue sur ma poitrine.

— Tu aimes bien ta maîtresse ?

— Oh ! fit-elle, regardant Dora d’un air tendre.

— Et moi, m’aimes-tu un peu ?

I like you very much.

Et elle se tassa plus étroitement contre moi. Je la tirai jusqu’à la hauteur de mes lèvres et lui donnai un long baiser qu’elle me rendit avec sa douce petite langue.

Quelle ravissante enfant ! Elle était déjà femme néanmoins, et je m’en assurai en glissant sous son vêtement flottant ma main qui rencontra deux petits seins, fermes et bien formés.

Continuant mon exploration, qu’elle facilita en desserrant son pagne, je m’assurai de sa puberté en caressant une toison déjà abondante, mais fine et douce au toucher. Puis glissant encore plus bas, mon doigt s’arrêta sur le petit bouton, et cet attouchement la fit aussitôt tressaillir. Amalla se renversa alors sur mon bras gauche, en faisant des yeux languissants.

— Ne vous gênez pas, mes enfants, dit en riant Dora, qui nous regardait du coin de l’œil.

Après m’être assuré que personne ne pouvait nous voir, je continuai le jeu du doigt, qui paraissait plaire à l’enfant, tout en lui donnant de temps à autre de petits baisers ; bientôt je la sentis se crisper et se tordre dans mes bras. Lorsque la douce crise fut passée, pendant laquelle Amalla soupirait des : sweet, very sweet ! mêlés à des interjections indigènes, je quittai doucement le siège, sur lequel j’étendis la gracieuse petite, et m’avançai vers Dora.

— Tous mes compliments, ma chère, votre élève vous fait honneur.

Comme le bateau stoppait en face d’un joli bungalow situé à quelques pas du fleuve et entouré d’un riant jardin, je demandai où nous étions.

— Eh bien ! à douze milles de Calcutta, près de Séramproe, dans le bungalow d’une de mes amies, mistress B…, que vous connaissez, je crois, et à qui j’ai demandé de le mettre à ma disposition pour une journée, afin d’y travailler en paix. Nous sommes chez nous, et personne ne nous dérangera.

La chaloupe amarrée, les deux coulis apportèrent un grand panier et rentrèrent à bord, d’où ils ne devaient plus sortir jusqu’à l’heure du départ. Nous sortîmes les provisions dont la prévoyante Dora avait eu le soin de se munir, et Amalla disposa le couvert.

— Voulez-vous, cher ami, me dit Dora, venir faire un tour dans le jardin, pendant qu’il ne fait pas encore trop chaud ? Du reste, il est fort ombragé.

Nous sortîmes, et au bout de vingt pas nous nous trouvâmes à l’entrée d’un berceau très bien garni de bougainvillées, d’antigones et de passiflores.

— Entrons nous asseoir sous cet ombrage ; cela nous rappellera la tente du lieutenant-gouverneur.

— Chère Dora, dis-je l’enlaçant de mon bras, et approchant mon visage du sien, regrettez-vous quelque chose ?

— Méchant ! pouvez-vous le croire, après ce que je vous ai dit tout à l’heure ?…

— Oh ! ma chérie, dis-je alors, laissons-nous vivre, sans nous demander le pourquoi et le comment des choses, bornons-nous à savourer le bonheur. Je vous aime autant que je puis aimer, après ma femme et presque autant qu’elle, avec cette différence qu’elle est la compagne de ma vie.

— Qu’il me tarde de la connaître !… M’aimera-t-elle aussi ?… Ne nous avez-vous pas dépeintes sous des couleurs trop favorables ?…

— Comment pouvez-vous douter de ses sentiments, après ce qu’elle dit de vous, dans sa dernière lettre ?

— Oui, je crois que nous nous entendrons et que Thérèse sera aussi une bonne amie pour nous. Quant à Line, je me charge de lui apprendre le dessin. Maintenant, cher ami, je vais vous instruire de mes projets. Vous n’avez pas faim ?

— Non, pas encore.

— Bien ; nous luncherons, si vous voulez, dans une heure…

— Laisse-moi t’embrasser, Dora.

— Tout ce que tu voudras, my sweetheart : mais soyons sages ; encore un moment, j’ai quelque chose à te dire : je vais partir.

— Partir ?… pour où ?…

— Pour l’Europe ; mais je t’en prie, laisse-moi parler. Je vais retourner en Angleterre avec mon père, qui y passera six mois en congé, après quoi il prendra sa retraite. Pour moi, j’irai habiter Paris, car j’adore la France, et je m’y fixerai. Je me perfectionnerai dans la peinture et j’aurai pour satisfaire mes goûts, de ravissants petits modèles (auxquels on vous fera goûter, si vous êtes sage, Monsieur), et peut-être de temps en temps un caprice masculin, mais je ne désire à aucun prix le mariage, ni aucune liaison durable qu’avec toi et Cécile, si elle le veut bien… De plus, j’espère bien avoir de toi un enfant, un fils que j’élèverai bien ; tu verras comme je serai bonne mère…

— Et Flora, demandai-je, vous l’abandonnerez ?

— Non, mon ami, vous allez voir. Elle doit, elle aussi, partir dans quelques jour pour Simla avec sa tante, qui est sans fortune. Quant à mon pauvre père, que j’aime malgré tout parce qu’il a été toujours très bon pour moi ; il est en proie à deux passions qui le perdent et qui le tueront…

— Je la regardai d’un œil interrogateur.

— Ne faites donc pas l’étonné ! Il est pédéraste et il boit.

Il boit !…

— Hélas ! oui, depuis quelques mois, il se grise tous les jours, et souvent se couche ivre-mort. Eh bien ! je veux le sauver, ou du moins tout tenter pour cela. Voici ce que je compte faire : je l’accompagne en Angleterre ; j’y reste quinze jours avec lui, le temps de l’installer en province, chez sa sœur et son beau-frère à qui je donnerai mes instructions, et je reviens, comme je vous l’ai dit, m’installer à Paris.

Voilà, cher ami, pour la première partie de mes projets. Qu’en dites-vous ?…

— Je ne puis que les approuver, chère Dora, et ils me conviennent d’autant mieux que je ne vous perds pas. Voyons la suite.

— La seconde partie est peut-être plus délicate, mais j’espère la faire aboutir. Mon père est assez faible de caractère : il lui faut quelqu’un qui le domine. Eh bien ! j’ai résolu de le remarier, pour lui refaire un intérieur et une famille. Savez vous avec qui ?

— Ma foi, non… comment voulez-vous ?…

— Ne cherchez pas. C’est Flora que je veux avoir pour belle-mère.

— Flora !…

— Oui, Flora. Écoutez moi. J’ai l’air de la sacrifier, car je suis absolument certaine qu’elle me laissera disposer d’elle. Mon père a quarante-six ans ; je sais que Flora n’en a que vingt, mais ces disproportions d’âge ne sont pas rares en Angleterre entre époux. Papa est encore très vigoureux : trois mois passés dans le pays natal le remettront complètement, surtout s’il est sobre, et tous deux sont de taille à me donner plus de frères et de sœurs que je n’en voudrais. Je suis certaine qu’une fois mariée, Flora sera une fort honnête femme car, sans moi… et elle ne compromettra pas le nom de son mari… Qu’en dites-vous ?…

— Je dis… je dis… que voulez-vous que je vous dise ?… Cela me paraît parfait comme projet. Reste l’exécution.

— Oui, je le sais bien : c’est là le difficile. Le tout est d’empêcher mon père d’emmener avec lui son giton ; si j’y réussis je me charge du reste. Je le travaillerai si bien pendant la traversée que, lorsque nous débarquerons à Marseille, Flora se trouvera fiancée sans s’en douter.

— Mais dites moi, chère amie, instruirez-vous votre père de ce qui s’est passé entre Flora et moi ?

— Ce n’est pas mon affaire ; elle aura peut-être la loyauté de lui déclarer qu’elle n’est plus intacte, mais vous pouvez être certain qu’elle ne vous compromettra pas. Au surplus, je crois bien qu’il se doute de ce qui existe entre elle et moi. Il m’a lancé plusieurs fois des allusions… Il y a quelques mois, notamment, il m’a dit un jour : « Ne pensez-vous pas à vous marier, Dora ?… N’avez-vous remarqué personne, parmi tous ces gentlemen qui vous font la cour ? Car enfin nos amies (c’étaient alors Kate et Flora) ne pourront pas toujours vous suffire ». Et je me souviens à présent qu’il a ajouté : « Elles sont du reste charmantes, ces deux jeunes filles ; je trouve surtout Flora tout à fait ravissante comme beauté et comme caractère, et si j’avais seulement dix ans de moins… » Eh bien, interrompis-je, vous l’épouseriez ? Il ne répondit rien et la conversation en resta là. Mais ce propos m’est revenu.

Voilà mes confidences achevées, me dit Dora en s’asseyant sur mes genoux et me prenant par le cou.

Amella entra à ce moment et se mit à rire en voyant la position de Dora qui, ayant passé la main sous mon veston, me caressait la poitrine.

— Ça te fait rire, polissonne, de voir que je caresse mon amant. M. Léo est mon amant, tu le sais bien, et tu sais aussi combien je l’aime. Je veux que tu l’aimes et que tu le respectes comme ton maître ; lui aussi t’aime bien, tu as vu comme il te caressait…

La petite se mit à genoux devant moi et joignit ses mains en les portant à son front, ce qui est, chez les Indiens, le signe de l’adoration ; puis, avant que j’eusse pu m’en défendre, elle se courba, prit mon pied et le mit sur sa tête, après quoi elle regarda sa maîtresse d’un air à la fois tendre et soumis, comme pour lui demander si elle était contente.

— C’est bien, dit Dora en souriant et en tendant à la petite une main que celle-ci plaça sur son cœur ; tu es une gentille petite femme ; si tu es toujours dévouée et obéissante, je t’aimerai comme une sœur, je t’instruirai et ferai de toi une belle dame…

— Oh ! maîtresse, répliqua Amalla, je ne serai que votre petite domestique, votre esclave… Et puis, ajouta-t-elle tristement, je suis noire.

— Mais non, ma petite, fis-je à mon tour, tu n’est pas noire, tu es brune, et il y a en Europe, en France, des femmes aussi brunes que toi. Je t’assure que tu es fort jolie et que, quand tu seras instruite et que tu auras pris les manières de l’Europe…

La mignonne, toujours accroupie à mes pieds, buvait mes paroles avec délices. Dora était ravie : « Allons, viens m’embrasser, dit-elle à l’enfant ».

Celle-ci, sautant au cou de sa maîtresse, lui donna un long baiser qui n’était ni chaste ni respectueux.

— Et moi, demandai-je, on ne m’embrasse pas ?…

Amalla fit volte-face et me présenta sa bouche rose et fraîche. Je la pris sur mon autre genou, tandis que Dora, qui avait laissé sa main sur ma poitrine, descendait toujours plus bas, si bien qu’elle fit sauter le bouton de mon pantalon et qu’elle mit à l’air un objet devenu trop gros pour rester enfermé.

— Tiens, regarde comme il est beau, dit-elle en le balançant. Tu le connais déjà…

Puis elle ajouta quelques mots en bengali. Aussitôt la petite sauta à terre et, se mettant à genoux, elle commença à sucer mon priape avec une virtuosité qui promettait pour l’avenir. Dora s’approcha de mon visage et compléta, par une langue douce et pénétrante, les exquises caresses que me faisais sa petite élève.

Mais tout à coup, sentant ma respiration devenir haletante, Dora repoussa vivement Amalla : « Assez, petite, assez… Retiens-toi, mon chéri, tout est pour moi, aujourd’hui… Va, mon enfant, dit-elle à Amalla qui s’était relevée, je te promets que je te le donnerai tout entier un autre jour… Va !… » Et l’enfant disparut sans répliquer. Dora et moi nous nous rajustâmes.

— Maintenant, fit-elle, allons déjeuner !

Lorsque nous eûmes terminé notre repas, après avoir causé de mille choses qui me firent voir sous toutes ses faces l’intelligence de Dora, nous prîmes notre café à la française. Mon amie, me regardant alors d’un air tendre, me dit : « Faisons la sieste, veux-tu ?… »

— Je veux bien, ma chérie, mais je n’ai guère envie de dormir.

— Eh bien ! fit-elle avec un sourire, nous nous reposerons sans dormir.

Nous passâmes dans la chambre, où un vaste lit nous attendait, abrité par une moustiquaire, indispensable dans les habitations à proximité du fleuve.

Pendant que Dora se dévêtait et que je me mettais moi-même à mon aise, elle me dit : « Mon ami, je te jure que je n’ai jamais été si heureuse. Il y a longtemps que je désirais cette journée, seule avec toi !… C’est bien sérieusement que je t’ai dit que je voulais un enfant de toi. Je le veux ; il manque quelque chose à ma vie ; il me faut un souvenir vivant de l’homme qui m’a, le premier, fait connaître le véritable amour dans toute sa beauté ».

Elle s’était approchée de moi. Son ventre, voilé par une chemise transparente, était à la hauteur de mes yeux. Je saisis ses fesses fermes, douces comme du satin, et je regardais son visage rayonnant d’amour et de désir. Me levant alors, je la pris par la taille, et nous nous étendîmes côte à côte, elle tenant mon priape raide prêt à la percer, et moi, mon doigt chatouillant son bouton, mes lèvres collées aux siennes.

— La jouissance ne dure qu’une minute. Retardons-en le moment, me dit-elle : tâchons de faire durer le plaisir. Veux-tu que j’appelle la petite pour nous amuser un instant ? Elle verra ainsi comment deux amants qui s’aiment, s’étreignent et échangent leurs âmes. Tu veux ?…

— Oh ! ma Dora, toi seule me suffis et tu es assez belle pour me faire oublier le reste de la terre, mais je ferai ce que tu voudras. Appelle-la !…

Amalla accourut, souriante, et sur un mot de Dora, elle eut vite fait sauter son pagne et ses vêtements superflus. Elle nous apparut alors dans sa juvénile nudité.

— Viens ici, maintenant, dit Dora.

Mais elle disparut en courant. Surpris, je regardai mon amie, qui se contenta de me dire : « Je parie qu’elle est allée se laver. Je l’ai habituée à une extrême propreté. »

C’était vrai, et quand Amalla revint au bout de deux minutes, nous nous aperçûmes que la petite coquine s’était non seulement lavée, mais parfumée au lait d’iris dont elle avait trouvé un flacon dans le cabinet de toilette.

À peine fut-elle entre nous qu’elle prit par le cou sa maîtresse. Comprenant qu’il n’y avait plus de distance, elle lui couvrit les seins des plus tendres baisers. Comme je caressais ses petites fesses en introduisant ma main dans leur séparation et allant plus loin chercher son bijou, elle tourna vers moi, sa mignonne tête et me tendit un bout de langue que je saisis aussitôt. Mais Dora, qui s’était mise sur le dos, écarta ses cuisses et lui dit, avec un geste du doigt : « À moi, ma petite ».

Celle-ci comprit, et se glissant dans le doux nid, commença un léger gamahuchage, pendant que Dora secouait mon priape, qui désirait mieux que de simples attouchements. Au bout de quelques secondes, Dora, me regardant tendrement, repoussa la petite Amalla, et me dit : « Viens, mon aimé, mets-le moi… »

Amalla, remonta, et prenant à son tour maître Jacques, l’introduisit dans la petite fente où il ne tarda pas à disparaître. Puis elle se mit à genoux, le nez presque sur les deux objets dont elle cherchait à saisir le mécanisme, pendant que sa main droite était allée chercher mes deux globes qu’elle caressa d’instinct. Mais nous ne nous occupions guère d’elle.

Dora, les jambes sur mes reins, me tenait les épaules de ses bras nerveux et elle murmurait : « Longtemps… fais durer… longtemps… Que je t’aime !… Arrête… chéri… plus vite… donne… décharge… je jouis… oh !… »

Et je retombai sur elle.

Amalla suivait toujours des yeux les péripéties de notre délicieuse agonie. À peine vit-elle son ami Jacques se retirer doucement de sa niche, qu’elle se précipita sur lui, le prit dans sa bouche et suça goulûment les dernières gouttes qui en sortaient ; puis, la quittant, elle remit sa langue sur le chat de Dora, qu’elle lécha avec une activité gourmande. Mais ayant touché le bouton de Dora, celle-ci, piquée au vif, fit lâcher prise à la mignonne, en lui disant : « Oh ! non… c’est trop… laisse-moi… je suis morte… »

Si bien qu’Amalla revint à moi et se mit à me faire des langues ardentes, pendant qu’elle frottait son petit chat sur mon stylet, qui commençait à revenir à la vie. Au milieu de toutes nos caresses la pauvre enfant n’avait pas encore joui, et se tortillait sur moi. Je compris ses désirs : « Viens, mon petit chat, je vais te faire minette ».

Je t’ai dit que Dora ne lui avait jamais fait cette caresse et ne lui prêtait que le secours de son doigt. Me penchant à l’oreille de mon amie, je lui demandai tout bas : « Tu veux bien, chérie ?… elle est si gentille… »

Un sourire fut sa réponse : en même temps elle disait en bengali deux mots à Amalla, qui s’installait déjà sur ma bouche ; changeant aussitôt de position, elle se retourna, saisit mon priape à pleines lèvres, et nous commençâmes un double jeu que la chère enfant ne connaissait que de nom, mais qu’elle pratiqua, du premier coup, en maître. Au milieu de nos transports, Dora nous arrêta d’un geste ; « Arrêtez, mes chéris ; attendez, c’est trop vite fini… jouissez bien… vous êtes beaux… »

Et elle promenait du haut en bas sa main caressante sur le dos, les reins et les fesses de la mignonne. Quant à nous, nous ne ralentîmes nos mouvements que pour les activer bientôt, sous les yeux de Dora, aussi haletante que nous.

À peine eûmes-nous poussé le dernier soupir que, à ma grande surprise, Dora, faisant basculer Amalla, lui dit d’une voix entre-coupée : « Oh ! vous m’avez trop excitée… je n’en puis plus… Je veux te le faire aussi… Viens, vite, Amalla… »

Et comme la petite, ravie, portait la main à son conin pour s’essuyer, Dora la saisit : « Non, tiens, je veux te manger… »

Elle la dévorait déjà, et comme j’avançais la main pour chatouiller Amalla, elle me repoussa, et s’interrompant : « Non, non… rien que moi… laisse… »

Je courus me rafraîchir.

Lorsque je revins, Amalla, la bouche entr’ouverte, poussait des sons inarticulés. On eût dit que toutes deux avaient attendu mon retour, car à peine fus-je près d’elles que la petite sera la tête de Dora entre ses jambes et lui saisissant les cheveux de ses menottes crispés, cria : « Oh ! voilà… hou… hou… Oh ! maîtresse, que je vous aime !… »

Dora se releva, sauta au bas du lit en se passant la main sur les lèvres et me dit en courant : « Ma foi, il est aussi bon que celui de Flora… C’était exquis, et j’ai eu autant de plaisir à vous voir ensemble, puis à lui faire minette, que si on me l’eût fait à moi-même. Mais tout cela, c’est de la passion, de la sensualité. L’amour ? tiens, Léo, le voilà… »

M’entourant le cou de ses bras, elle me baisa d’abord sur les yeux, puis sur les lèvres, mais sans avancer la langue. Ensuite, reculant un peu la tête, elle me regarda dans les yeux avec une tendresse inexprimable et me dit doucement en abaissant ses paupières : « Je t’aime. »

Et nous nous endormîmes dans les bras l’un de l’autre.

Cette lettre est déjà bien longue, ma Cécile, mais je la doublerais si je voulais te faire le récit de cette fin de journée et de notre retour à Calcutta, où nous arrivâmes à la nuit. Mais il faut bien que je garde quelque chose à te raconter à mon retour.

Qu’il te suffise, pour le moment, de savoir que cette party, où Dora s’est révélée à moi sous un aspect nouveau, sera un des plus charmants souvenirs de ma vie. Ma belle amie m’a bien recommandé de t’envoyer ses plus tendres caresses, pour toi et pour Thérèse. Cette chère Dora a hâte de vous connaître. Vous plairez-vous ?… Je l’espère…

Léo.