Les Sopranistes
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 35 (p. 759-769).
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LES SOPRANISTES.

FARINELLI.

Est-il besoin de rappeler quelle idée nous guide dans ces portraits d’artistes célèbres ? Un premier essai sur le sopraniste Velluti l’aura fait comprendre. Certaines biographies musicales, outre l’intérêt de curiosité qu’elles éveillent, ont le mérite de nous éclairer sur l’histoire de la musique même, et la destinée des maîtres du chant à diverses époques nous fait entrevoir le mouvement général de l’art. C’est à ce titre par exemple que la biographie de Farinelli mérite surtout de nous occuper.

Le célèbre virtuose si connu dans l’histoire sous le nom de Farinelli s’appelait en réalité Carlo Broschi. Il paraît certain qu’il est né dans la ville de Naples le 24 janvier 1705, et que le nom de Farinelli lui vient d’une famille distinguée composée de trois frères Farina, grands amateurs de musique, qui ont protégé son enfance. Farinelli n’est pas le seul sopraniste qui, par un sentiment de reconnaissance, ait échangé le nom de son père pour prendre celui d’un maître ou d’un protecteur généreux. Issu d’une famille pauvre, puisqu’elle avait consenti à lui faire subir une si cruelle mutilation, Farinelli a reçu les premières leçons de musique de son père, qui le confia ensuite aux soins de Porpora, grand maître qui a formé tout un essaim de chanteurs merveilleux. L’enseignement de Porpora, comme celui de Bernachi à Bologne et de tous les maîtres italiens de la première moitié du XVIIIe siècle, consistait dans le mécanisme de la vocalisation, dont il fallait surmonter toutes les difficultés avant qu’il fût permis à l’élève de penser au sens des paroles ou à l’expression de la phrase musicale. Dans cet âge héroïque de l’art de chanter et de la naissance de la mélodie savante, on admirait avant tout la pureté matérielle du son, la flexibilité de l’organe, une longue respiration qui permettait au virtuose de jouer de sa voix comme un oiseau, d’étonner et de charmer l’oreille. Aucun sopraniste n’a possédé comme Farinelli ces qualités brillantes. Doué d’une voix de soprano des plus étendues et des plus admirables, Farinelli se produisit de très bonne heure dans les cercles choisis de la ville de Naples, particulièrement dans la maison des frères Farina, ses protecteurs. Il était déjà célèbre et proclamé par les amateurs un ragazzo divino, un enfant divin, lorsqu’il quitta Naples pour suivre son maître Porpora, qui allait à Rome écrire un opéra pour le théâtre Aliberti. C’était en 1722. Farinelli avait alors dix-sept ans.

Il y avait en ce moment à Rome un trompettiste allemand dont l’habileté prodigieuse excitait l’enthousiasme du public. La trompette est l’un des plus anciens instrumens à vent qu’on ait employés dans l’orchestre rudimentaire du drame lyrique. Handel s’en sert avec beaucoup d’éclat dans l’instrumentation de ses oratorios, et dans les opéras du compositeur vénitien Cavalli qui furent exécutés à la cour de Louis XIV, la trompette exécute des passages d’une difficulté extrême, ainsi que l’a remarqué Castil-Blaze dans son Histoire de l’Opéra en France. Pour exciter davantage la curiosité et l’intérêt du public, l’entrepreneur du théâtre Aliberti proposa à Porpora d’écrire un air avec accompagnement de trompette, où le jeune sopraniste napolitain aurait à lutter de bravoure avec l’instrumentiste allemand. Accédant au désir de l’impresario, Porpora mit dans son opéra le morceau qu’on lui avait demandé. L’air qui devait servir de champ clos aux deux virtuose, commençait par une ritournelle où se trouvait une note suspendue, confiée d’abord à la trompette, et que le chanteur devait reprendre ensuite ; puis venait le motif principal, que chacun des deux rivaux devait répéter tour à tour. Le trompette attaqua la note en question avec une douceur extrême, l’enflant successivement, la tenant suspendue au-dessus de l’accord, qui la portait un temps infini ; elle émerveilla le public. Farinelli, sans se déconcerter, saisit à son tour la balle au bond, comme on dit, caressa la note privilégiée, lui communiqua, piano, piano, la force, la chaleur et la vie, et la suspendit plus longtemps encore dans l’espace, comme un diamant de l’eau la plus pure qui éblouit l’oreille et l’imagination des auditeurs. Couvert d’applaudissemens frénétiques, Farinelli dut arrêter pendant quelques minutes la continuation du morceau. Il chanta ensuite la première partie de l’air avec un luxe de trilles et de caprices si étourdissant que la fermeté de l’artiste allemand en fut quelque peu ébranlée. L’instrumentiste cependant répondit au chanteur avec un talent qui balança le succès de son jeune et séduisant rival ; mais, lorsque Farinelli eut à redire la seconde partie de l’air, il lui fit subir de tels changemens, il l’enrichit de gorgheggi, d’étincelles et de mordenti si merveilleux, que le public enthousiasmé le proclama victorieux et lui décerna la palme. Le succès du sopraniste fut tel qu’on l’attendit à la sortie du théâtre et qu’on l’accompagna chez lui en poussant des cris d’admiration.

Nous ne suivrons pas le virtuose dont nous racontons la vie sur tous les théâtres et dans toutes les villes où il fut appelé après le succès éclatant qu’il avait obtenu à Rome. Il était à Vienne en 1724 et à Venise l’année suivante, où il parut dans la Didone abbandonata de Métastase, musique d’Albinoni, compositeur vénitien des plus féconds. Farinelli revint à Naples, où il excita une grande admiration dans une cantate dramatique de Hasse, qu’il chanta avec la Tosi, célèbre cantatrice de ce temps, qui possédait une belle voix de contralto. Après avoir été à Milan en 1726, puis à Rome, Farinelli se rendit à Bologne en 1727. Il y rencontra le sopraniste Bernachi, qui devait avoir sur sa carrière d’artiste la plus salutaire influence. Bernachi était un virtuose déjà célèbre, que ses contemporains avaient surnommé le roi des chanteurs. Élève de Pistochi, qui avait fondé à Bologne une école de chant très estimée, Bernachi a continué avec succès l’enseignement de son maître en formant à son tour un grand nombre de virtuoses distingués. Farinelli débuta à Bologne dans un opéra où il avait un duo à chanter avec Bernachi, dont la voix était sourde et médiocre. Le brillant élève de Porpora, qui n’avait qu’à montrer sa taille svelte et une charmante figure pour prévenir le public en sa faveur, commença par dérouler sur la phrase mélodique qui lui était confiée tout l’écrin de ses fioritures vocales, toutes les ingéniosités de sa fantaisie, qui lui avaient si bien réussi à Rome. Après un tumulte extraordinaire qu’avait soulevé dans la salle la bravoure prestigieuse de Farinelli, Bernachi reprit modestement le motif déjà entendu, l’exposa avec goût, sans le moindre artifice, et lui imprima un tel cachet de simplicité et de sentiment que son jeune rival en fut ému lui-même. Le public se prononça en faveur de Bernachi, et Farinelli, loin de se trouver humilié de cette victoire, s’avoua vaincu : il demanda des conseils à Bernachi pendant tout le temps qu’il passa à Bologne. J’ai assisté à une lutte semblable au Théâtre-Italien de Paris. C’était à une représentation de la Semiramide de Rossini : Mme Pisaroni chantait le rôle d’Arsace, et Mme Malibran représentait Semiramide avec toute la fougue de la jeunesse et les intempérances du génie. Le fameux duo du second acte, — Ebben a te ferisci, — était commencé, et Mme Malibran avait accumulé sur la phrase éclatante de l’allegro toutes les hardiesses d’une vocalisation incomparable. La Pisaroni, qui n’était rien moins que belle, reprit à son tour le motif de la réponse :

Or che il ciel ti rende il flglio
Dei sperar nel suo favor,


avec une telle largeur de style et un accent si pathétique, que le public comprit la leçon, et une voix s’éleva du parterre en s’écriant : Questo è il vero canto ! — voilà la vraie manière de chanter ! — Je n’oublierai jamais la figure de la Malibran pendant cette leçon indirecte qui lui fut donnée par une cantatrice supérieure, qu’elle a égalée depuis sans jamais la dépasser.

Farinelli parcourut de nouveau l’Italie, chantant tour à tour à Rome, Naples, Parme, Venise, qu’il visita plusieurs fois, et où il eut l’occasion de se mesurer avec les virtuoses les plus habiles de l’époque, tels que le sopraniste Gizzi, la Cuzzoni et la Faustina, qu’il devait retrouver à Londres quelques années plus tard En 1731, Farinelli se rendit à Vienne. C’était la troisième fois qu’il visitait cette grande ville de l’Allemagne, l’un des points de l’Europe où la musique et l’opéra italiens étaient le plus vivement appréciés. L’empereur Charles VI, qui régnait alors et qui fut le père de Marie-Thérèse, était un connaisseur, un amateur distingué, comme l’avaient été ses prédécesseurs Léopold et Joseph Ier. Élève de Fuchs, vieux maître de chapelle de la cour, à qui l’on doit un traité de composition qui n’est pas oublié[1], l’empereur Charles VI jouait lui-même du clavecin avec beaucoup de facilité. À l’époque de son couronnement comme roi de Bohême, il avait réuni dans la ville de Prague près de trois cents musiciens, tant chanteurs qu’instrumentistes, venus de tous les côtés de l’Allemagne et de l’Italie pour exécuter un grand opéra de Fuchs, Costanza e Fortezza. Un jour que Charles VI accompagnait au clavecin un morceau que lui chantait Farinelli, il fut étonné du luxe de trilles, d’appoggiatures et de gammes interminables dont le virtuose chargeait son style. « Pourquoi, lui dit le souverain avec calme, après avoir rendu justice à sa merveilleuse exécution, pourquoi prodiguez-vous ces ornemens qui défigurent la pensée du maître, et qui n’excitent que la surprise des sens ? Il serait plus digne de votre talent et de l’art que vous cultivez de produire l’émotion par des moyens plus simples et plus expressifs. » La leçon de l’empereur Charles VI, qui est de tous les temps et de tous les arts, acheva d’opérer dans Farinelli la transformation qu’avaient déjà commencée les conseils et l’exemple de Bernachi. C’est depuis lors que Farinelli est devenu le chanteur pathétique et touchant qu’on a admiré à Londres et à la cour d’Espagne.

C’est en 1734 que Farinelli, riche, célèbre et comblé de toute sorte de faveurs, quitta la péninsule italienne pour se rendre en Angleterre. Londres était alors, comme cette ville l’a toujours été depuis, le rendez-vous, le marché, pourrait-on dire, des virtuoses et des musiciens de l’Italie. Deux théâtres où l’on jouait l’opéra italien se disputaient la faveur du public. L’un était dirigé par Handel, qui y faisait exécuter ses propres ouvrages ; l’autre était sous l’influence de ses adversaires, car ce grand musicien, qui n’était pas d’un caractère facile, s’était aliéné toute la haute aristocratie du parti hostile à la cour, dont Handel était, le protégé. Porpora avait été mandé à Londres pour diriger ce second théâtre d’opéra italien qu’on voulait opposer à celui du grand maître saxon. Malgré la désertion de Senesino, célèbre contraltiste, qui s’était brouillé avec Handel, celui-ci, grâce à son génie, soutenait la lutte avec avantage. C’est alors que Porpora eut l’idée de faire engager son ancien élève Farinelli et d’opposer un virtuose incomparable aux chefs-d’œuvre de son rival, Farinelli débuta à Londres dans un opéra de liasse, Artaxercès, où il fit intercaler un air qu’avait composé pour lui son frère Richard Broschi. Ce morceau à tiroir, un de ceux qu’on appelait alors très justement aria di baule, air de voyage, parce que les virtuoses célèbres en avaient toujours leurs malles pleines, commençait par un effet de son soutenu semblable à celui qui avait fait le succès de Farinelli à Rome dans sa lutte contre le trompettiste allemand. Le public anglais, qui n’avait jamais rien entendu de semblable, éclata en transports d’enthousiasme qui durèrent pendant toute la représentation. À cette voix admirable, d’une étendue de plus de deux octaves, conduite avec un art suprême, à cette longue respiration qui permettait au chanteur de prolonger indéfiniment une note limpide ou émue, éclatante ou voilée, et de lui communiquer toutes les pulsations de la vie, tout le monde fut ébloui, et un amateur s’écria : « Il n’y a qu’un Dieu et qu’un Farinelli ! »

L’immense succès de Farinelli fit la fortune du théâtre que dirigeait Porpora et ruina le grand musicien que l’Angleterre avait adopté. C’est en partie à ce revers de l’entreprise de Handel que l’on doit la création des beaux oratorios qui sont aujourd’hui le vrai titre de sa gloire. Farinelli devint l’idole de la haute société de Londres. Admis à la cour, il y chanta plusieurs fois accompagné au clavecin par la fille du roi. Comblé de cadeaux, de chaînes, de bijoux, de tabatières enrichies de diamans, Farinelli gagna dans l’espace de trois ans jusqu’à cent vingt-cinq mille francs, somme considérable pour l’époque. Que les temps sont changés ! Il n’y a pas aujourd’hui de fils de jardinier, il n’y a pas de tonnelier ou de perruquier doué d’une voix de ténor quelconque, qui, après avoir été un peu débarbouillé par le premier professeur de chant venu, ne gagne 100,000 francs par an pour venir crier sur un théâtre les cinq ou six rôles qu’on lui a serinés. Pour un véritable et grand artiste comme M. Duprez, qui a été élevé dans le temple et nourri dès l’enfance de la parole du Seigneur, on ne voit et on n’entend que des manœuvres dégrossis qui savent à peine débiter la leçon apprise la veille. Tel n’était pas Farinelli. Esprit cultivé, homme de goût, de sentiment et de manières élégantes, Farinelli était fort recherché dans le monde qu’il charmait par son admirable talent[2].

Après trois ans de triomphes et de succès de toute nature, Farinelli quitta Londres et l’Angleterre à la fin de l’année 1736 pour se rendre en Espagne. Il traversa Paris, où il s’arrêta pendant quelques mois. Il chanta à la cour de Louis XV, et produisit une vive sensation sur le roi, qui témoigna sa satisfaction en faisant donner au virtuose son portrait enrichi de diamans et 500 louis. C’était l’époque où Jelyotte et Mlle Feel émerveillaient la France en chantant à l’Académie de musique le plain-chant des opéras des Rameau et de Campra. Les chanteurs italiens n’étaient pas revenus depuis la jeunesse de Louis XIV, et ils ne devaient reparaître qu’en 1752, année où s’engagea cette fameuse discussion que Rousseau a immortalisée par sa lettre éloquente sur la musique française. Quel rapport pouvait-il exister entre un virtuose comme Farinelli chantant au clavecin un air suave de Hasse, son compositeur favori, et les enfans de chœur émancipés qui chevrotaient à l’Opéra les tragédies lyriques du temps ? Quoi qu’il en soit, il est certain que Farinelli fut dignement apprécié à la cour de France, et qu’il quitta Paris en y laissant un souvenir durable de son merveilleux talent. Farinelli n’était appelé en Espagne par aucun engagement direct. Il y allait de son propre mouvement, pour voir Madrid et s’y faire entendre, et puis il devait retourner a Londres, où il avait laissé un grand nombre d’admirateurs. La destinée voulut que le brillant élève de Porpora restât pendant vingt-cinq ans attaché à la cour d’Espagne, comblé d’honneurs et jouissant auprès de deux rois, Philippe V et son fils Ferdinand VI, de l’autorité d’un favori et presque d’un ministre.

En effet, c’est sous le règne languissant de Philippe V que Farinelli arrive à Madrid, au commencement de l’année 1737. Ce pâle et triste roi de la race de Louis XIV, dont la princesse des Ursins nous a fait connaître la faiblesse et la dévotion puérile, qu’il a transmises avec son sang appauvri à toute la seconde branche de la famille des Bourbons, était tombé dans une léthargie telle qu’on ne savait comment le distraire. Il passait des journées entières dans ses appartemens, sombre, taciturne et négligé dans sa personne, sans qu’on pût obtenir de son esprit indolent qu’il s’occupât des affaires de son royaume. Lorsque la reine Elisabeth Farnèse de Parme apprit que le célèbre chanteur Farinelli était à Madrid, elle le manda à la cour et ordonna de préparer un petit concert dans l’appartement du roi, qui aimait la musique. Elle demanda au virtuose de choisir dans son répertoire quelques morceaux d’un style tempéré et d’un caractère mélancolique propres à réveiller les esprits du malade, à qui elle mesurait jusqu’aux plaisirs de l’hymen. Lorsque Philippe entendit les premiers sons de cette voix suave et limpide de Farinelli, il parut étonné comme s’il se réveillait d’un rêve pénible et voulut voir de plus près celui auquel il devait un si doux ravissement. Le roi fit à Farinelli les complimens les plus chaleureux et lui demanda quelle récompense il voulait pour lui avoir procuré un si grand bonheur. L’artiste, qui était sans doute instruit de la réponse qu’il avait à faire, dit au roi qu’il le priait de sortir de son appartement, de prendre soin de sa personne et de s’occuper des intérêts de ses états. On assure que Philippe prit l’avis de Farinelli en bonne part, qu’il secoua les vapeurs qui pesaient sur son cerveau et qu’il se mit à présider le conseil de ses ministres, où il n’avait pas paru depuis longtemps. Farinelli fut donc auprès du roi d’Espagne Philippe V ce qu’avait été le jeune David auprès du vieux roi Saül : un médecin de l’âme, un enchanteur qui par quelques sons mélodieux, rappelait à la vie un esprit égaré.

Elisabeth Farnèse était une femme trop habile et trop intéressée à diriger la volonté de son époux pour ne pas comprendre tout le parti qu’elle pouvait tirer de l’admirable talent de Farinelli. Elle lui fit proposer de se fixer à Madrid en lui assurant 50,000 francs par an, à la condition qu’il ne chanterait jamais qu’à la cour et devant le roi. Farinelli accepta les conditions que lui faisait la reine, et pendant dix ans que vécut encore Philippe V, il chanta chaque soir quatre morceaux, parmi lesquels il y avait deux airs de Hasse : Pallido è il sole et Per questo dolce amplesso. Je ne veux pas oublier de dire que la reine Elisabeth, qui protégea Farinelli, avait inspiré dans sa jeunesse, à Parme, une vive passion à un compositeur exquis de son temps, à Astorga, dont la vie aventureuse est un vrai roman.

Sous Ferdinand VI, fils et successeur de Philippe V, qui avait hérité de la tristesse et de l’indolence de son père, la fortune et le crédit de Farinelli reçurent un plus grand accroissement encore. Après une scène tout à fait semblable à celle qui s’était passée dans les appartemens du petit-fils de Louis XIV, où le merveilleux sopraniste renouvela sur l’esprit troublé de Ferdinand VI le miracle qu’il avait opéré sur le père, Farinelli fut décoré à l’instant même de l’ordre de Calatrava et comblé des plus éclatantes faveurs. Nommé intendant des plaisirs et des spectacles de la cour, Farinelli fit établir un théâtre au palais de Buen-Retiro, où il fit entendre successivement les plus grands artistes de l’Italie. Comme cela arrive dans toutes les monarchies absolues où l’homme, même subalterne, qui approche familièrement le roi acquiert une grande importance, Farinelli, qui charmait les loisirs et soulageait la tristesse de Ferdinand VI, devint un favori puissant, une sorte de personnage quasi politique avec lequel les ambassadeurs et les ministres ne dédaignaient pas de compter. Le virtuose usa de son crédit extraordinaire avec une grande modération ; il fut humain, serviable, et sut être puissant en restant modeste. Un jour qu’il traversait les antichambres pour se rendre dans l’appartement du roi, où il avait le droit de pénétrer à toute heure, il entendit un officier des gardes qui disait à un autre : « Les honneurs pleuvent sur cet histrion, et moi qui sers depuis trente ans, je ne puis obtenir d’avancement. » — Farinelli passa outre sans paraître blessé de la remarque injurieuse de l’officier, mais en sortant de chez le roi il alla droit à lui en lui remettant un brevet d’avancement : « Je vous ai entendu dire il y a un instant que vous serviez depuis trente ans, mais vous avez eu tort de croire que ce fût sans récompense. » — Les faits de ce genre, qui prouvent le bon sens et l’esprit de justice de Farinelli pendant sa haute faveur à la cour d’Espagne, sont nombreux. Tout le monde connaît l’anecdote de ce tailleur de Madrid à qui Farinelli avait commandé un habit de gala et qui demanda en grâce au grand artiste, pour le paiement de sa note, de lui chanter un air. Farinelli, après avoir lutté de générosité avec ce tailleur mélomane, ferma sa porte à clé, se mit au clavecin et déploya devant son unique auditeur toute la magie de son talent. Le tailleur voulut enfin se retirer en exprimant au virtuose son admiration et sa reconnaissance. « Non pas, lui dit Farinelli, je vous ai cédé tout à l’heure, il est juste que vous cédiez à votre tour. » En prononçant ces paroles, l’artiste remit au tailleur une bourse qui contenait le double de la somme fixée par le mémoire.

C’est ainsi que pendant vingt-cinq ans Farinelli vécut à Madrid au sein des honneurs et des richesses. Perdu pour le public de l’Europe, il a consacré son talent merveilleux à distraire la mélancolie de deux pauvres rois d’Espagne, Philippe V et Ferdinand VI. Lorsque Charles de Bourbon quitta le royaume de Naples pour succéder à son frère Ferdinand sous le nom de Charles III, Farinelli fut congédié et reçut l’ordre de quitter l’Espagne. On a tout lieu de croire que la disgrâce du grand virtuose est due à un changement de politique du nouveau roi, qui signa le fameux pacte de famille, auquel il semble que Farinelli s’était toujours opposé, ce qui prouverait évidemment que le sopraniste exerçait une grande influence sur les affaires les plus importantes de l’état. Un autre fait qui vient à l’appui du rôle considérable que Farinelli a joué à la cour d’Espagne, c’est le mot de Marie-Thérèse. Un jour qu’un personnage de sa cour reprochait doucement à l’impératrice d’avoir honoré Mme de Pompadour d’une lettre de sa main, elle répondit en riant : « J’ai bien écrit à Farinelli ! » Charles III, qui après avoir heureusement gouverné le royaume de Naples devint le meilleur roi d’Espagne qui soit sorti de la maison de Bourbon, conserva à Farinelli toutes ses pensions en disant de lui : « Il n’a jamais abusé de la bienveillance de mes prédécesseurs. »

C’est en 1761 que Farinelli quitta l’Espagne et retourna en Italie. Il y avait vingt-sept ans qu’il en était absent, et il avait alors cinquante-six ans. Une partie de ses contemporains n’existaient plus. Farinelli n’eut pas la permission de revoir Naples, sa ville natale, et de s’y fixer, comme il le désirait, ce qui prouve une fois de plus que la politique n’était pas étrangère à sa disgrâce. Il choisit Bologne pour son séjour, cette ville heureuse et savante où il avait reçu une si bonne leçon du sopraniste Bernachi. Farinelli fit construire à une lieue de Bologne un palais somptueux, et c’est là qu’il passa les dernières années de sa vie. Il ne s’en absenta qu’une seule fois pour aller à Rome. Farinelli eut une audience du pape Benoît XIV, à qui il parla avec une certaine importance des richesses qu’il avait acquises et des honneurs qui l’entouraient à Madrid. Le pape Lambertini, qui était un homme d’esprit, lui répondit avec malice : Avete fatta tanta fortuna costà, perche vi avete trovata le gioie che avete perdutò in quà ; ce qui veut dire à peu près : « Parmi les richesses que vous avez acquises là-bas, vous n’avez pas trouvé… ce que vous aviez perdu ici. »

Farinelli vécut dans son palais, près de Bologne, en grand seigneur, en homme de goût qui avait fréquenté la haute société de son temps, aimant les arts, surtout celui qui avait fait sa fortune. Ses appartemens, richement meublés, étaient remplis des clavecins les plus rares ; il avait donné à chacun le nom d’un peintre célèbre. L’un de ces clavecins, qui lui avait été offert par la reine d’Espagne, s’appelait le Corrége ; d’autres portaient les noms de Titien et du Guide. Celui qu’il préférait était un clavecin qu’il avait acheté à Florence dans le commencement de sa carrière, et qu’il avait surnommé Raphaël d’Urbino. Une salle de son palais était garnie de tableaux des maîtres de Madrid et de Séville. On y remarquait plusieurs beaux portraits des rois d’Espagne ses protecteurs, et celui du pape Benoît XIV. Au nombre des portraits qu’on avait faits de lui, Farinelli conservait celui qui avait été peint en Angleterre par Amiconi, et dont je possède la gravure. Ami du père Martini, l’un des plus savans musiciens du XVIIIe siècle, à qui il fit cadeau d’une collection de livres rares qu’il avait rapportés d’Espagne, Farinelli recevait dans son palais presque tous les personnages célèbres qui allaient exprès à Bologne pour le visiter. Le docteur Burney, savant anglais à qui nous devons une histoire de la musique, alla voir Farinelli en 1771. Il a consigné dans son voyage en Italie[3] l’entretien qu’il eut avec le célèbre sopraniste. Farinelli regrettait beaucoup le temps heureux de sa faveur à la cour d’Espagne, tout en avouant que les dix premières années qu’il avait passées près du mélancolique Philippe V, en lui chantant tous les jours les mêmes morceaux, avaient été bien dures ; mais il était jeune alors, et on regrette toujours gli anni felici. Voici comment s’exprime le docteur Burney dans le premier volume de l’ouvrage cité : « Ce sera faire un grand plaisir à tous les amateurs de musique, et surtout à ceux qui ont été assez heureux pour entendre Farinelli, que de leur apprendre, que ce grand virtuose vit encore, qu’il jouit d’une bonne santé et de toutes ses facultés. Je l’ai trouvé plus jeune que je ne l’aurais pensé. Il est grand, mince, et se tient à merveille. Il savait déjà que j’avais une lettre pour lui. Il a eu la bonté de me conduire chez le père Martini, dans la bibliothèque duquel j’ai passé une partie de mon temps. Comme je disais que j’avais le plus vif désir de connaître deux hommes aussi célèbres que Farinelli et le père Martini : « Oh ! dit le virtuose en soupirant, ce qu’a fait le père Martini restera,… tandis que le peu de talent que j’ai possédé est déjà oublié ! »

Cette triste réflexion de Farinelli révèle une intelligence éclairée, peu commune chez les artistes, même les plus éminens.’Duclos, qui fit un voyage en Italie en 1767, parle aussi de Farinelli avec considération. « Il y avait alors à Bologne, dit-il, un homme ou plutôt un personnage qui avait joué un grand rôle à la cour d’Espagne : c’était le célèbre castrat Farinelli. Après avoir fait connaître son talent dans les principales villes de l’Europe, il s’était fixé à la cour d’Espagne. Il disait que pendant sa faveur il regrettait sa vie libre et vagabonde,… et que des chaînes, pour être des chaînes d’or, n’en étaient pas moins pesante. Farinelli, qui est riche, tient à Bologne une bonne maison, qui ne le préserve pas de la mélancolie. Il paraît regretter son esclavage, comme il regrettait jadis sa liberté. » Un voyageur allemand, Keyssler, qui visita l’Italie dans les premières années de la carrière de Farinelli, dit de ce grand virtuose : « De tous les chanteurs italiens de nos jours, il n’en existe aucun qui, pour l’habileté de la vocalisation et la beauté de la voix, puisse rivaliser avec Farinelli. Il possède, sans effort, vingt-trois notes d’étendue. Personne ne se rappelle avoir rien entendu de semblable. On est persuadé qu’il a été favorisé par la vierge Marie, pour qui sa mère avait une dévotion particulière. »

Parmi les grands personnages qui vinrent visiter Farinelli dans sa somptueuse retraite de Bologne, il faut citer l’électrice de Saxe. C’était en 1772. Après un grand déjeuner qu’il donna à la princesse, Farinelli se mit au clavecin, et chanta d’une voix qui n’était plus jeune un air de sa composition. « J’assistais à l’exécution, dit Casanova dans ses mémoires, et je vis, non sans quelque surprise, l’électrice enchantée se précipiter dans les bras du virtuose en s’écriant avec exaltation : Je mourrai contente désormais, puisque j’ai eu le bonheur de vous entendre. » Ce drôle de Casanova, dont les volumineux mémoires sont un des livres les plus curieux qu’on puisse consulter sur les mœurs de l’Europe au XVIIIe siècle, raconte une anecdote, sur Farinelli dont ne parle aucun des nombreux biographes du célèbre sopraniste. Farinelli avait un frère, Richard Broschi, qui fut un compositeur de quelque talent. Il avait écrit pour le virtuose un air devenu célèbre, Son qual nave, que Farinelli fit admirer de toute l’Europe. Le grand chanteur avait adopté un fils de son frère Richard ; il l’avait marié à une personne de bonne maison, et le jeune couple vivait avec lui dans son palais. Farinelli, qui avait inspiré dans sa vie des sentimens qui peuvent nous paraître étranges, mais que l’histoire des sopranistes a consignés dans ses annales secrètes, s’éprit à un âge fort avancé d’une belle passion, c’est le cas de s’exprimer ainsi, pour les charmes de sa nièce. La nièce accueillit assez mal les soupirs de son oncle illustre. Il avait beau lui chanter d’une voix chevrotante Pallido è il sole et Per questo dolce amplesso, ces deux fameux airs de Hasse, qui avaient attendri Philippe V : la nièce se montra insensible, et n’eut pas besoin de se boucher les oreilles pour rester fidèle à son mari. Furieux du dédain qu’il inspirait, dit Casanova, Farinelli prit une détermination peu digne de son caractère : il fit voyager son neveu, et claquemura sa jeune épouse dans son appartement pour l’avoir constamment sous les yeux. Cette passion malheureuse empoisonna les dernières années de la vie du grand chanteur. Il mourut dans son palais, près de Bologne, le 15 juillet 1782, âgé de soixante-dix-sept ans.

La vie de Farinelli a été racontée par un grand nombre de biographes dans presque toutes les langues de l’Europe. Le théâtre, le roman, se sont emparés de son nom et en ont fait le sujet de fictions plus ou moins heureuses. Tout le monde connaît en France le petit opéra de Gaveaux, le Bouffe et le Tailleur, bâti sur une anecdote de la vie du sopraniste que nous avons racontée. Indépendamment du charmant opéra-comique, la Part du Diable, dont Farinelli est le héros, Scribe a publié un roman sous le titre de Carlo Broschi, où il a introduit le fait curieux de la passion tardive de Farinelli pour la femme de son neveu. Une vie de Farinelli, par le père Sacchi, parut à Venise en 1784[4], deux ans après la mort du célèbre chanteur. Le poète Wieland a publié dans le Mercure allemand de l’année 1788 une notice intéressante sur Farinelli. Le voyage en Italie du docteur Burney, ce qu’il dit de Farinelli dans son Histoire de la Musique, les ouvrages de Gerber, de Grossi, de Mancini, etc., sont des sources diverses où l’on trouve des renseignemens sur la vie et le talent du célèbre sopraniste. Enfin, dans le second volume de la deuxième édition de sa Biographie universelle des musiciens, M. Fétis a résumé avec clarté les faits connus de la vie de Farinelli.

Farinelli a été incontestablement le plus admirable virtuose de l’époque où il a vécu. Doué d’une voix de soprano très étendue, douce, flexible et d’une limpidité sans égale, il reçoit tout enfant les conseils de Porpora, c’est-à-dire du plus excellent maître qu’il y eût alors en Italie. Il débute à Rome à l’âge de dix-sept ans dans tout l’éclat de sa première jeunesse, et il enchante le public par les qualités naturelles qui le distinguent et quelques artifices de vocalisation. Il parcourt triomphalement les grandes villes de la péninsule, se mesure avec les artistes les plus habiles de son temps ; mais il rencontre à Bologne un rival redoutable, le sopraniste Bernachi, qui lui révèle une manière supérieure de chanter, dont Farinelli a le bon sens de profiter. À Vienne, où Farinelli se rend pour la troisième fois, en 1731, il trouve dans l’empereur Charles VI un homme de goût qui achève, par ses conseils éclairés, de modifier son style, encore trop brillant. Devenu un chanteur pathétique et touchant, Farinelli quitte l’Italie en 1734, et il se rend à Londres, où pendant deux ans il est l’idole du public anglais. En 1736, la destinée conduit Farinelli en Espagne, et lui ménage la plus grande fortune que puisse rêver un virtuose. Favori de deux rois malades dont il distrait la mélancolie par le charme de sa voix, Farinelli devient un personnage important dont l’influence se fait sentir jusque sur les affaires d’état. Renversé brusquement de la position élevée qu’il avait occupée pendant vingt-cinq ans, Farinelli retourne en Italie en 1761, et se fixe à Bologne, ne pouvant revoir la ville de Naples, qui lui avait donné le jour. C’est dans un beau palais qu’il s’est fait construire à une lieue de Bologne qu’il achève sa brillante carrière, et qu’il meurt vingt et un ans après avoir revu son pays. Riche, célèbre, visité incessamment par les voyageurs les plus distingués de l’Europe, Farinelli ne peut oublier cependant le temps heureux de sa puissance à la cour d’Espagne ; il pleure en regardant les portraits de Philippe V et de Ferdinand VI, et il attriste encore ses derniers jours par une passion malheureuse qui est moins rare qu’on ne le croit dans la vie des sopranistes. Un grave reproche pèse sur la mémoire de Farinelli et sur celle de Caffarelli, son condisciple, dont nous aurons à nous occuper une autre fois : riches tous les deux, ces deux célèbres sopranistes, qui remplissent le XVIIIe siècle de leur nom, ont laissé mourir de misère, à l’âge de quatre-vingts ans, leur maître, l’illustre Porpora ! Il ne faut pas craindre de le dire, ce n’est guère par les sentimens de reconnaissance que se distinguent ces talens magiques, mais éphémères, qui enchantent toute une génération. Sortis presque tous des classes infimes de la société, les chanteurs et les artistes dramatiques en général qui arrivent au succès et à la fortune sont saisis tout à coup d’un vertige de vanité qui tarit en eux les bons penchans qu’ils avaient reçus de la nature. L’histoire des virtuoses est remplie d’exemples d’ingratitude, et tel fils de chaudronnier qui gagne cent mille francs à estropier des chefs-d’œuvre dont il ne comprend pas l’esprit ne se souvient plus du pauvre maître qui lui a appris à balbutier la langue divine de l’art.

Né au commencement du XVIIIe siècle, alors que la musique dramatique était aussi presque dans l’enfance, Farinelli fut un phénomène de l’art de charmer les hommes par les prodiges de la voix. Porpora développa l’organe merveilleux qu’il n’avait pas reçu, hélas ! de la bonne et simple nature, et il lui communiqua son goût exagéré pour un genre d’ornemens alors très à la mode, appoggiatures, trilles, en style d’école, et dont les cantates de Porpora sont aussi chargées que les sonates de Corelli, de Durante ou de Domenico Scarlatti. Le temps, l’expérience, l’exemple de Bernachi et les bons avis de l’empereur Charles VI donnèrent au goût de Farinelli une direction plus sévère : l’artiste simplifia son style, et devint en peu d’années le plus admirable chanteur qu’on eût jamais entendu. Il étonna l’Europe, il gouverna un royaume par les accens pathétiques d’une voix incomparable, et a laissé dans l’histoire un nom qui représente l’âge héroïque de la mélodie et de l’art de chanter.

J’ai eu le bonheur de rencontrer à Munich, en 1826, le vieux ténor Ronconi, le père de l’artiste distingué que nous avons applaudi pendant si longtemps à Paris. Ronconi, qui avait parcouru une carrière brillante comme chanteur dramatique, était alors professeur de chant des princesses de Leuchtenberg, les filles du prince Eugène Beauharnais. Il me donna quelques conseils, et je me plaisais à interroger ses souvenirs sur les grands chanteurs qu’il avait pu entendre. Ronconi m’entretenait souvent de Farinelli, qu’il n’avait jamais vu, mais dont un vieux sopraniste qu’il avait connu dans sa jeunesse lui avait parlé avec enthousiasme, en lui expliquant la méthode qui dirigeait le talent exquis de l’élève de Porpora. Par les écrits de Mancini, qui, dans son livre d’Il canto figurato, expose longuement la manière de chanter de Farinelli, par les nombreux détails qu’ont recueillis les voyageurs et les biographes contemporains, par la tradition du vieux sopraniste qu’avait connu Ronconi, et que celui-ci me révélait de sa vieille voix de ténor, j’ai pu me faire une idée du style admirable de Farinelli, chantant au roi d’Espagne Philippe V les deux fameux airs de Hasse, Pallido è il sole et Per questo dolce amplesso.

P. SCUDO

  1. Gradus ad Parnassum, sive manuductio ad compositionem musicœ regularum.
  2. Je possède une belle gravure d’après Amiconi, faite à Londres en 1734, où Farinelli est représenté assis, déroulant une guirlande de roses pendant qu’une muse lui pose une couronne sur la tête. C’est à peu près la composition du portrait de Cherubini par M. Ingres. Aux pieds de Farinelli se joue un essaim de petits amours qui chantent et qui jouent de la lyre. Cette belle gravure, devenue très rare, m’a été donnée par un connaisseur, par un artiste de talent, M. Baratier, qui e9t allé reposer son esprit aimable dans une bonne ville du midi de la France, Carcassonne, qui l’a vu naître.
  3. The present State of Music in France and Italy.
  4. Vita del Cavalière don Carlo Broschi, detto Farinelli, in-8o.