Les Sceptiques grecs/Livre III/Chapitre II

Impr. nationale (p. 241-252).

CHAPITRE II.

ÆNÉSIDÈME.


Ænésidème[1] est avec Pyrrhon le plus illustre représentant du scepticisme dans l’antiquité. Entre ces deux hommes, les différences sont nombreuses. Pyrrhon, on l’a vu, est surtout un moraliste, et dédaigne la dialectique. Nous ne savons presque rien des idées d’Ænésidème sur la morale ; en revanche, nous sommes sûrs qu’il a été un dialecticien subtil et profond ; c’est lui qui a donné au pyrrhonisme une forme philosophique et scientifique ; le scepticisme lui doit ses arguments les plus forts et les plus redoutables ; il a mérité d’être comparé à Hume et à Kant.

Nous connaissons mal les idées de Pyrrhon, mais nous avons d’assez nombreux détails sur sa vie et son caractère. C’est l’inverse pour Ænésidème. Ses doctrines sont connues incomplètement, mais d’une manière précise et très sûre ; nous ne savons presque rien de sa vie, et rien de sa personne ; ses pensées seules ont survécu. Il semble que la malignité du sort ait pris plaisir à multiplier les contradictions au sujet de ce personnage qui voyait des contradictions partout. Il est impossible de concilier les renseignements qui nous sont parvenus sur la date de sa vie. On le compte d’ordinaire parmi les nouveaux sceptiques ; mais il y a de fortes raisons de le ranger parmi les anciens. Des témoignages précis nous le représentent comme le sceptique par excellence. Mais d’autres, non moins certains, nous font voir en lui un dogmatiste, partisan des théories d’Héraclite. Essayons, sans nous promettre d’y réussir, d’élucider ces questions ; il s’agit, avant d’indiquer ce que nous pouvons savoir de son œuvre, de chercher ce que nous connaissons de sa vie et de ses écrits.


I. Ænésidème naquit à Gnosse[2] en Crète, ou peut-être à Ægé[3] ; il enseigna à Alexandrie[4], on ne sait à quelle époque. Dans une période de 210 ans (de 80 av. J.-C. à 130 ap. J.-C.) on ne peut lui assigner une place avec certitude. Quelques historiens le font vivre vers 130 ap. J.-C. ; d’autres au commencement de l’ère chrétienne ; d’autres enfin voient en lui un contemporain de Cicéron. Examinons les raisons qu’on peut donner à l’appui de chacune de ces opinions.

Maccoll[5] choisit la date de 130 après J.-C. sans s’appuyer sur d’autres textes que celui d’Aristoclès dans Eusèbe[6], où Ænésidème est représenté comme ayant vécu récemment, ἐχθὲς καὶ προώην. Mais, outre que cette théorie ne tient pas compte des autres textes qu’on verra plus loin, elle a le tort d’attacher une importance excessive à l’expression d’Aristoclès. Si le mot ἐχθὲς καὶ προώην peut désigner une période d’au moins soixante-dix ans, car Aristoclès vécut à la fin du iie siècle de l’ère chrétienne, et peut-être au iiie pourquoi ne désignerait-il pas aussi bien une période de cent cinquante ans, ou même une plus longue ? Il faut remarquer d’ailleurs qu’Aristoclès oppose Ænésidème à Pyrrhon, mort depuis longtemps : et par rapport à ce dernier, la tentative d’Ænésidème pour renouveler le scepticisme pouvait lui paraître récente.

Suivant Ritter[7], Saisset[8], et Zeller[9], c’est au commencement de l’ère chrétienne qu’aurait vécu Ænésidème. Pour fixer cette date, ils s’appuient sur le passage où Diogène[10] donne la liste des philosophes sceptiques, depuis Pyrrhon jusqu’à Saturninus. On a vu ci-dessus[11] que, dans cette longue période, nous pouvons fixer deux points de repère : la date de la mort de Pyrrhon (375 av. J.-C.), et celle de la mort de Sextus Empiricus (210 ap. J.-C.). Entre ces deux termes extrêmes il doit y avoir une lacune, et d’après Ménodote, cette lacune doit être placée après Timon. Dès lors, en remontant de Sextus à ses prédécesseurs, et en prenant pour moyenne de renseignement de chacun une durée de vingt-sept ans[12], on calcule qu’Ænésidème a dû vivre au début de l’ère chrétienne.

Il faut convenir que ce mode de détermination manque de précision : et on ne peut s’en contenter que s’il est impossible de trouver mieux. Ne saurait-on fixer la date d’Ænésidème à l’aide d’autres renseignements que le passage si embarrassant de Diogène ? Quelques historiens l’ont pensé.

On a vu plus haut[13] comment Haas a été amené à soutenir qu’il y a une lacune dans la liste des sceptiques après Ænésidème, et non avant lui. Suivant Haas, Ænésidème serait le dernier des anciens sceptiques, et non le premier des nouveaux : il aurait vécu vers 80-60 avant J.-C. Cette opinion, qui était déjà celle de Fabricius[14] et de M. Ravaisson[15], a été admise par Diels[16] et Natorp[17] : elle repose sur deux raisons principales.

Dans l’analyse de l’œuvre d’Ænésidème, qui nous a été conservée par Photius[18], il est dit que de son temps l’Académie était devenue presque stoïcienne. Or, Sextus[19] parlant d’Antiochus s’exprime à peu près dans les mêmes termes, si bien qu’on peut se demander si les deux écrivains n’avaient pas sous les yeux, où ne se rappelaient pas le même texte d’un philosophe plus ancien, peut-être d’Ænésidème lui-même.

En outre, Photius nous apprend que le livre d’Ænésidème, intitulé Πυῤῥώνειοι λόγοι, était dédié à un Romain illustre, L. Tubéron[20]. Si l’on songe que Cicéron[21] parle à plusieurs reprises de Tubéron comme d’un ami des lettres et de la philosophie, distingué à la fois par les qualités de son esprit et par l’éclat des dignités dont il a été revêtu, 1l est naturel de croire que ce Tubéron est précisément celui à qui Ænésidème a dédié son livre.

La force de ces raisons ne nous paraît pas sérieusement affaiblie par les objections de Zeller. La plus grave de ces objections est que Cicéron non seulement ne parle pas d’Ænésidème, mais encore, à maintes reprises, déclare que le pyrrhonisme est une doctrine morte[22]. Comment croire que Cicéron, toujours si bien informé et si curieux, ait ignoré l’existence d’un philosophe tel qu’Ænésidème ? Comment admettre surtout qu’il ait été indifférent à une doctrine si voisine de celle de l’Académie, et qu’il n’ait rien su de la rupture qui se faisait sous les auspices de son ami Tubéron entre un académicien (Ænésidème avait commencé par en être un) et le reste de l’école ?

Toutefois, il n’est pas impossible de lever la difficulté. D’abord, on l’a vu plus haut, quand Cicéron parle de Pyrrhon, c’est toujours et uniquement le moraliste qu’il a en vue : la doctrine qui n’a plus de représentants est celle de l’indifférence, et non le scepticisme, tel que l’entendait Ænésidème. En outre, Cicéron ne connaissait guère les doctrines philosophiques que par l’intermédiaire de ses maîtres, les philosophes de la nouvelle Académie. On comprend qu’ils aient mis peu d’empressement à propager une doctrine nouvelle, particulièrement dirigée contre eux. Il est possible enfin que Cicéron ait entendu parler de l’enseignement d’Ænésidème, mais trop peu pour le bien connaître, ou qu’il n’ait pas daigné le discuter. C’est du moins ce que semble indiquer un passage des Académiques[23], où Cicéron fait allusion, sans y attacher d’importance, à une doctrine qui paraît bien être le scepticisme radical d’Ænésidème.

Zeller, pour refuser de voir en Ænésidème un contemporain de Cicéron, est obligé de supposer que le Tubéron à qui Ænésidème a dédié son livre a été un neveu ou un descendant de l’ami de Cicéron. Mais cette hypothèse est peu vraisemblable. Il résulte du texte de Photius que Tubéron n’était pas seulement connu dans les lettres : c’était un homme politique[24], et cette désignation, qui convient très bien à l’ami de Cicéron, ne paraît s’appliquer à aucun autre personnage du même nom.

Reste enfin le texte de Photius, qui présente avec celui de Sextus de telles analogies qu’on ne peut guère douter qu’il provienne d’une même source. Zeller pense qu’Antiochus n’est pas le seul académicien qui ait pu mériter le reproche qu’Ænésidème adresse à l’Académie de son temps. Mais un examen attentif du texte de Photius montre qu’il ne s’agit pas d’Antiochus, ni d’aucun philosophe de son école. Nous y voyons en effet que les académiciens dogmatisent sur beaucoup de points, et ne résistent aux stoïciens que sur la question de la représentation compréhensive[25]. Or, précisément sur ce point, Antiochus, que Cicéron appelle germanissimus stoicus, était d’accord avec les stoïciens[26] : nous en avons pour garant tout le second livre des Académiques. Ce n’est certainement pas à Antiochus[27], c’est à Philon ou à un de ses successeurs qu’Ænésidème fait allusion dans le texte de Photius. Nous savons en effet que Philon, après certaines concessions faites au dogmatisme, refusait de céder sur la question du critérium. Au reste, tout le passage d’Ænésidème montre bien que les académiciens dont il parle se donnaient pour des sceptiques, ce qui n’était pas le cas d’Antiochus. En effet, il leur reproche d’affirmer et de nier dogmatiquement certaines choses, et en même temps de dire que tout est incompréhensible[28]. Il leur montre qu’il faut choisir, c’est-à-dire s’abstenir d’affirmer et de nier, ou renoncer à dire que tout est incompréhensible. Or, ce reproche est précisément le même que, chez Cicéron[29], Antiochus adresse à Philon, et nous savons qu’Antiochus combattait ardemment la théorie des nouveaux académiciens.

Enfin il n’y a pas lieu de supposer qu’Ænésidème ait dirigé ses critiques non contre Philon lui-même, mais contre ses successeurs ; car, sauf Eudore d’Alexandrie, et encore la chose est-elle fort douteuse[30], Philon ne laissa point de disciples. Il ne semble donc plus douteux qu’Ænésidème ait été le contemporain de Philon, d’Antiochus et de Cicéron, et qu’il ait enseigné vers 80-70 avant J.-C.[31].

II. Les ouvrages attribués à Ænésidème par les divers auteurs dont les témoignages nous ont été conservés sont au nombre de cinq : 1o Les huit livres des Πυῤῥώνειοι λόγοι[32] ; 2o Κατὰ σοφίας[33] ; 3o Περὶ ζητήσεως[34] ; 4o Ὑποτύπωσις εἰς τὰ Πυῤῥώνεια[35] ; 5o Στοιχειώσεις[36].

C’est une question de savoir si les deux derniers titres désignent des ouvrages particuliers ou des parties des ouvrages précédents. Ritter[37] est porté à croire que l’Ὑποτύπωσις n’est que le premier livre des Πυῤῥώνειοι λόγοι[38] ; Haas[39] pense que ce titre désigne l’ensemble des Πυῤῥώνειοι λόγοι qu’on peut considérer comme un abrégé de la doctrine sceptique. Suivant SaissetOp. cit., p. 37, et ZellerOp. cit., p. 18, 1. au contraire, il est plus probable que c’est un ouvrage particulier ; car au témoignage d’Âristoclès, les dix tropes étaient développés dans cet ouvrage : or, dans l’analyse que Photius nous a laissée des Πυῤῥώνειοι λόγοι il n’en est pas fait mention. Quant aux Στοιχειώσεις et à un autre titre mentionné par Sextus[40] nous n’avons aucune donnée précise.

Des trois ouvrages qui sont certainement d’Ænésidème, il en est deux dont nous ne connaissons que les titres ; les huit livres des Πυῤῥώνειοι λόγοι sont les seuls sur lesquels nous ayons des renseignements certains : Photius nous en a conservé l’analyse. Le but de l’auteur était de montrer que rien ne peut être connu avec certitude[41] et qu’il faut s’interdire toute affirmation : l’ouvrage était dédié à L. Tubéron, partisan de l’Académie. Il semble qu’après avoir fait partie de cette école, Ænésidème ait précisément dans cet ouvrage rompu avec elle pour se déclarer en faveur du scepticisme.

Aussi son premier soin fut-il de marquer nettement ce qui sépare les académiciens et les pyrrhoniens. Les académiciens sont dogmatistes : tantôt ils affirment sans réserve, tantôt ils nient sans hésiter. Au contraire, il n’arrive jamais aux pyrrhoniens de dire qu’une chose est ou n’est pas vraie : ils n’affirment rien, pas même qu’ils n’affirment rien, et s’ils se servent de cette formule, encore trop affirmative à leur gré, c’est que le langage les y force. En outre, les académiciens sont souvent d’accord avec les stoïciens : ce sont à vrai dire des stoïciens en lutte avec des stoïciens. Ainsi ils font une distinction entre la sagesse et la folie, entre le bien et le mal, entre le vrai et le faux, entre le probable et ce qui ne l’est pas : ils n’ont d’hésitation qu’au sujet de la φαντασία καταληπτική. Rien de semblable chez les pyrrhoniens. Enfin les pyrrhoniens ont encore sur les académiciens cette supériorité qu’ils ne sont pas en contradiction avec eux-mêmes ; car c’est se contredire de soutenir qu’il n’y a rien de certain, et en même temps de faire un choix entre le vrai et le faux, le bien et le mal. Ayant ainsi opposé les deux doctrines, Ænésidème achève son premier livre en donnant le résumé de tout le système[42] pyrrhonien.

Le second livre développe ce qui est indiqué dans le premier : il traite des principes[43], des causes, du mouvement, de la génération et de la destruction. Le troisième est consacré à la sensation et à la pensée[44] ; le quatrième démontre qu’il n’y a point de signes, puis indique les difficultés relatives à la nature, au monde, à l’existence des dieux. Le cinquième montre qu’il ne peut y avoir de causes : huit tropes, distincts des dix tropes dont il sera question plus loin, y sont exposés. Le sixième traite du bien et du mal ; le septième combat la théorie des vertus ; le huitième veut prouver que ni le bonheur, ni le plaisir, ni la sagesse ne sont le souverain bien, et qu’il n’y a aucune fin que l’homme puisse se proposer.

En dehors de ces indications, nous trouvons dans Sextus plusieurs passages où Ænésidème est nommé, et qui reproduisent exactement, sinon les termes mêmes dont il s’est servi, au moins sa pensée. Il y a seulement quelque difficulté à décider à quel point précis s’arrêtent les arguments empruntés à Ænésidème, et à quel moment Sextus recommence à parler pour son propre compte.

Ces passages sont les suivants : 1o Math., IX, 218 (sur les causes), jusqu’à la section 266 suivant Fabricius[45] ; jusqu’à 258 suivant Saisset[46] car les mots τοίνυν οὐδὲ κατὰ διάδοσιν ont le caractère d’une conclusion et d’une transition ; jusqu’à 227 suivant Zeller[47], car les mots καὶ πάλιν εἰ ἔστι τί τινος αἴτιον indiquent le commencement d’un nouvel argument. Il semble bien qu’on ne puisse attribuer en toute sûreté à Ænésidème que le passage compris entre 218 et 227.

2o Math., VIII, 40 (sur la vérité) jusqu’à la section 55 suivant Saisset ; jusqu’à 48 seulement suivant Zeller et Haas[48]. La raison donnée par Haas, que la régression à l’infini invoquée à la fin de l’argument ne saurait appartenir à Ænésidème, car cette manière d’argumenter ne date que d’Agrippa, n’est pas décisive. Mais Sextus[49] combat l’opinion de ceux qui regardent comme vrai ce qui obtient communément l’adhésion (τὸ πολλοὺς πεῖθον). Or, cette opinion a été justement soutenue par Ænésidème[50]. Il n’y a donc pas lieu d’attribuer à Ænésidème une contradiction si formelle, surtout si on prend garde qu’évidemment un argument nouveau commence à la section 48.

3o Math. VIII, 215 (sur les signes), jusqu’à 235 suivant Zeller[51]. Il semble bien en effet que Sextus, sous prétexte de défendre Ænésidème, saisisse l’occasion de faire étalage de ses connaissances en logique stoïcienne.


On peut encore rapporter à Ænésidème le passage où Sextus[52] expose les dix tropes. On verra plus loin que le fond de cette théorie est d’Ænésidème, mais Sextus l’expose librement[53] sans prétendre donner une classification méthodique et définitive[54]. À quelle partie des Πυῤῥόνειοι λόγοι faut-il rapporter les divers passages cités ci-dessus ?

Sextus[55] ne donne d’indication formelle que sur le texte relatif aux signes : il est extrait du quatrième livre, ce qui s’accorde avec les renseignements de Photius.

Pour le texte relatif aux causes, Saisset[56], s’appuyant sur un passage de Photius[57], le rapporte au cinquième livre : Zeller[58] croit qu’il faut plutôt le placer dans le deuxième livre. Photius dit en effet que dans ce livre il était question des causes, de la génération et de la mort. Or, précisément dans le passage dont il s’agit, Sextus dit qu’Ænésidème s’occupait des difficultés relatives à la génération. Dans le cinquième livre, il était surtout question, à propos des causes, des huit tropes que nous avons déjà mentionnés.

Enfin le texte sur la vérité doit être manifestement rapporté au premier livre, en raison du témoignage de Photius.

Le passage où sont exposés les dix tropes doit être vraisemblablement attribué, comme on l’a vu plus haut, à l’ouvrage qu’Ænésidème avait intitulé Ὑποτύπωσις.

Voilà les seules[59] données positives qui nous permettent de retrouver, dégagée autant que possible des interprétations et des commentaires, la pensée d’Ænésidème. C’est à l’aide de ces documents que nous essaierons de reconstituer son argumentation.


  1. Nous avons consulté sur Ænésidème : Ravaisson, Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. II, p. 251 ; Saisset, Le scepticisme (Paris, Didier, 2e édit. 1865) ; Maccoll, The Greek Sceptics, from Pyrrho to Sextus (London, Macmillan, 1869) Haas, De philosophorum scepticorum successionibus (Wirceburg., Stuber, 1875) Natorp, Forsch. zur Geschichte des Erkenntnissproblems im Altertum (Berlin, 1884) ; Diels, Doxogr. Græci, p. 210, Berlin, Reimer, 1879 ; R. Hirzel, Untersuchungen über Cicero’s Schriften, iii. Th., p. 64 et seq. Leipzig, Hirzel, 1883.
  2. Diog., IX, 116.
  3. Photius, Myriobiblon, cod. 212.
  4. Aristoclès, ap. Euseb. Præp. Evang., XIV, xviii, 29.
  5. Op. cit., p. 69.
  6. Præp. Evang., XIV, xviii, 29 : Μηδενὸς δ’ἐπιστραφέντος αὐτῶν, ὡς εἰ μηδέ ἐγένοντο τὸ παράπαν, ἐχθὲς καὶ πρώην ἐν Ἀλεξανδρείᾳ τῇ κατ’Αἴγυπτον Αἰνησίδημός τις ἀναζωπυρεῖν ἤρξατο τὸν ὕθλον τοῦτον.
  7. Histoire de la philosophie ancienne, trad. Tissot, t. IV, p. 223. Ladrange, 1836.
  8. Le scepticisme p. 25.
  9. Die Philos. der Griechen. Dritter Theil, zweite Abtheil. 3e Aufl. Leipzig, 1881, p. 8.
  10. IX, 116.
  11. Page 229.
  12. C’est le chiffre indiqué par Zeller.
  13. Page 230.
  14. Ad Sext., P., I, 235.
  15. Essai sur la Métaph. d’Arist., t. II, p. 250.
  16. Doxographi Græci, p. 211.
  17. Op. cit., 30.
  18. Myriob. cod., 219 : Οἱ δὲ ἀπὸ τῆς Ἀκαδημίας, φησί, μάλιστα τῆς νῦν, καὶ Στωϊκαῖς συμφέρονται ἐνίοτε δόξαις, καὶ εἰ χρὴ τἀληθὲς εἰπεῖν, Στωϊκοὶ φαίνονται μαχόμενοι Στωϊκοῖς.
  19. P., I, 235 : Ἀλλὰ καὶ ὁ Ἀντίοχος τὴν Στοὰν μετήγαγεν εἰς τὴν Ἀκαδημίαν, ὡς καὶ εἰρῆσθαι ἐπ’ αὐτῷ, ὅτι ἐν Ἀκαδημίᾳ φιλοσοφεῖ τὰ Στωϊκά.
  20. Phot. l. c. : Γράφει δὲ τοὺς λόγους Αἰνησίδημος προσφώνων αὐτοὺς τῶν ἐξ Ἀκαδημίας τινὶ συναιρεσιώτῃ Λουκίῳ Τυβέρωνι, γένος μὲν Ῥωμαίῳ, δόξῃ δὲ λαμπρῷ ἐκ προγόνων καὶ πολιτικὰς ἀρχὰς οὐ τὰς τυχούσας μετιόντι.
  21. Ad Quint. frat. Ep., I, 1, 3, 10. Cf. Pro Ligar., vii, 21 ; ix, 27.
  22. Fin., II, xi, 39 : « Pyrrho, Aristo, Herillus, jamdiu abjecti. » Ibid., xiii, 43 ; V, viii, 23. De orat., III, xvii, 62. De offic., I, ii, 6. Tuscul., V, xxx, 85.
  23. II, x, 32 : « Illos, qui omnia sic incerta dicunt, ut stellarum par an impar sit, quasi desperatos aliquos relinquamus. »
  24. καὶ πολιτικὰς ἀρχὰς οὐ τὰς τυχούσας μετιόντι.
  25. Phot., l. c. : περὶ πολλῶν δογματίζουσι … διαμφισβητεῖν δὲ περὶ μόνης τῆς κατα­ληπτικῆς φαντασίας.
  26. Ac., II, VI, 18.
  27. On peut admettre avec Natorp (op. cit. p. 67, 303) que la première partie du texte (μάλιστα τῆς νῦν) s’applique à Antiochus ; la seconde, depuis δεύτερον, à Philon.
  28. Hirzel (op. cit., p. 233) a très judicieusement corrigé le texte de Photius, et montré que dans ce passage : Τὸ γὰρ ἅμα τιθέναι τι καὶ αἴρειν ἀναμφιβόλως, ἅμα τε φάναι κοινῶς ὑπάρχειν καταληπτὰ, il faut lire ἀκατάληπτα.
  29. Ac., II, xiv, 43.
  30. Voy. ci-dessus, p. 222.
  31. Il est vrai que la difficulté signalée par Zeller subsiste toujours : c’est trop peu des sept noms de la liste de Diogène pour remplir l’intervalle entre l’époque d’Ænésidème et celle de Sextus. Nous ne voyons aucun moyen de la résoudre.
  32. Sext., M., VIII, 215. Diog., IX, 106, 116. Photius, cod., 212, appelle cet ouvrage Πυῤῥωνίων λόγοι.
  33. Diog., IX, 106.
  34. Ibid.
  35. Diog., IX, 78. Aristoc. ap. Euseb., Præp. Ev., XIV, xviii, 11.
  36. Aristoc., ibid., 16.
  37. Op. cit.
  38. Photius dit que dans ce premier livre toute la théorie sceptique était présentée ὡς τύπῳ καὶ κεφαλαιωδῶς.
  39. Op. cit., p. 69.
  40. M., X, 216, πρώτη εἰσαγωγή.
  41. Phot., op. cit. : Οὐδὲν βέβαιον εἰς κατάληψιν, οὔτε δι’ αἰσθήσεως, ἀλλ’ οὔτε μὴν διὰ νοήσεως.
  42. Nous sommes fort embarrassé pour traduire le mot ἀγογὴ dont les pyrrhoniens se servaient, et que Sextus oppose à αἴρεσις (P., I, 16). Les pyrrhoniens refusent de dire qu’ils sont d’une secte, qu’ils ont un système au sens où les dogmatistes emploient ces mots : ils ont seulement des manières de voir, fondées sur l’expérience et la coutume (ἀκολουθοῦμεν γάρ τινι λόγῳ κατὰ τὸ φαινόμενον ὑποδεικνύντι ἡμῖν τὸ ζῆν πρὸς τὰ πάτρια ἔθη καὶ τοὺς νόμους καὶ τὰς ἀγωγὰς καὶ τὰ οἰκεῖα πάθη). Zeller traduit très bien ce mot en allemand par Richtung (op. cit., p. 28, 4). Nous ne trouvons pas d’équivalent en français : force nous est d’employer le mot système, en indiquant toutefois en quel sens particulier il faut l’entendre. Cf. sur ce point Haas, p. 11.
  43. Il faut probablement lire (170, B, 5) ἀρχῶν au lieu de ἀληθῶν. Voy. Pappenheim, Die Tropen den Griech. Skept., p. 24 ; Berlin, 1885.
  44. Pappenheim (ibid.) corrige encore heureusement le texte, et lit, au lieu de περὶ κινήσεως καὶ αἰσθήσεως, περὶ νοήσεως καὶ αἰσθήσεως.
  45. Ad Sext. Empir., IX, 218, 3.
  46. Op. cit., p. 39. Natorp (p. 133) est du même avis. Les raisons qu’il donne ne nous paraissent pas décisives.
  47. Op. cit., p. 20, 6.
  48. Op. cit., p. 41.
  49. Natorp (p. 96) veut comme Saisset prolonger la citation d’Ænésidème jusqu’à 55. Il est possible, à la vérité, que l’argumentation contre le « πιθανόν » des académiciens soit de ce philosophe (cf. Photius). Mais nous n’avons aucun droit de l’affirmer.
  50. M. VIII, 8.
  51. En exceptant le passage 223-234, qui semble bien d’une autre source. Natorp prolonge cet emprunt à Ænésidème jusqu’au paragraphe 242 (p. 101).
  52. P., I, 36.
  53. P., I, 38 : Χρῶμεθα δὲ τῇ τάξει ταύτῃ θετικῶς,
  54. Si on pouvait croire que Sextus expose fidèlement et dans le détail les arguments et les exemples d’Ænésidème, la question si difficile de la date de ce philosophe serait décidée. Il cite en effet (P., I, 84) l’exemple de Tibère, qui voyait dans les ténèbres.
  55. M. VIII, 215.
  56. Op. cit., p. 33.
  57. Cod., 212.
  58. Op. cit., p. 20, 6.
  59. Indépendamment de ces passages et de ceux, surtout relatifs à Héraclite, qu’on trouvera cités plus loin, il y en a peut-être beaucoup d’autres, dans les trois ouvrages de Sextus, où l’auteur s’inspire d’Ænésidème, soit dans l’exposition des doctrines, soit dans la critique. Mais il nous est impossible de les reconnaître avec sûreté. La discussion contre les académiciens (P., I, 220-235) est probablement empruntée en grande partie à Ænésidème, puisque nous savons par Photius que ce philosophe commençait son livre par la critique de l’école qu’il venait de quitter. Ænésidème y est d’ailleurs expressément nommé (222). Mais le fait qu’il est cité en même temps que Ménodote, donne à penser que Sextus a réuni tous les arguments invoqués par les sceptiques après Ænésidème, qu’il ne s’inspire d’Ænésidème, du moins en cet endroit, qu’à travers Ménodote : et nous sommes enclin à croire que c’est de la même manière, en ne prenant que ce qui est devenu le bien commun des sceptiques, que Sextus suit Ænésidème, partout où il ne le cite pas.

    Cependant Natorp, pour des raisons souvent plus subtiles et ingénieuses que solides, croit pouvoir attribuer sûrement à Ænésidème nombre de passages, ceux surtout où sont exposées les idées de Démocrite et d’Épicure. (P., II, 1, 11 ; M., VII, 49-87 et surtout 60-64 ; 135-139 ; 203-216 ; VIII, 56-66 ; 183-214 ; 322-327 ; 337-337 a ; 348-365 ; X, 319-349.) La raison principale invoquée par Natorp est que la critique dirigée par Sextus contre Démétrius de Laconie (M., VII, 348-368) doit être empruntée à Ænésidème. Pourquoi citer, au lieu d’Épicure, un de ses plus obscurs disciples ? Ce choix ne se comprend guère que si Démétrius a été déjà pris à partie par un contemporain, et c’est ce que confirment le ton et la vivacité de la polémique. Zeller avait été déjà frappé de ces raisons : mais ce n’est pas Carnéade, comme le croit l’illustre historien, c’est Ænésidéme, d’après Natorp, qui a été l’adversaire de Démétrius.

    Toute cette argumentation est loin d’être sans valeur : il faut, croyons-nous, accorder à Natorp (p. 263) que c’est Ænésidème, et non Carnéade, qui a été l’adversaire de Démétrius. Mais en admettant que Sextus ait emprunté directement cette critique â Ænésidème, et qu’elle ne fut pas devenue un lieu commun sceptique, répété et modifié par tous les auteurs d’hypotyposes, nous ne voyons pas que cela autorise â faire venir de la même source tous les renseignements relatifs à Épicure et à Démocrite. Parmi les raisons directes invoquées en faveur de cette dérivation, aucune ne nous a paru décisive.

    Enfin Natorp n’hésite pas à attribuer â Ænésidème toute la discussion comprise entre les sections 348 et 368. Ici, il excède tout à fait son droit. La discussion contre Démétrius se termine évidemment à 357 : καὶ ἴνα καθολικώτερον εἴπωμεν. Il n’est plus question, dans la suite, de Démétrius, mais des dogmatistes (360). Dès lors, il nous est impossible d’attacher autant d’importance que le fait Natorp aux passages qui viennent après. Toute la théorie qu’il édifie sur ces textes nous semble pécher par la base. Ce n’est pas que nous méconnaissions ni le grand savoir ni la force de pensée dont Natorp fait preuve dans cette reconstitution, qui remplit son chapitre VI. Mais en général il nous semble prêter â Ænésidème des formules trop modernes, les raisons qu’il invoque sont trop subtiles, les textes ne disent pas tout ce qu’il leur fait dire. Au surplus, nous sommes d’accord avec Natorp sur nombre de points importants : pour des raisons différentes, et par un autre chemin nous sommes arrivé à des conclusions analogues aux siennes, notamment lorsqu’il rapproche Ænésidème de Hume et Kant. (Voy. ci-dessous, la p. v.)