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IV

Premier règlement régulier, 1618. — Poursuites contre les contrevenants à ce règlement. — Opposition faite aux doreurs malgré leurs titres de maîtrise. — Pigoreau, en dépit des envieux, pousse sa fortune. — L’histoire des Doreurs de bottes se faisant doreurs de livres mise à néant. — Poursuites contre des Compagnons. — Nouveau règlement dit de Vitré. — Longs débats auxquels il donne lieu sans qu’il soit adopté. — Nouveau procès contre les doreurs. — Convention passée entre divers Relieurs pour les prix de certaines reliures.


Jusqu’alors la corporation des libraires, imprimeurs et relieurs n’avait pas de règlement général proprement dit ; elle s’était toujours soumise à la direction de l’Université et s’administrait d’après certains édits royaux réglant tantôt un point, tantôt un autre, mais n’embrassant pas l’ensemble des cas qui pouvaient se présenter. L’édit de Chateaubriant du 27 juin 1551 par exemple contenait quinze articles concernant presque exclusivement les imprimeurs. Celui de mai 1571 traitait de la réformation de l’imprimerie ; la déclaration du 10 septembre 1572 réglait simplement les droits et les devoirs des compagnons et des apprentis, tandis que l’arrêt du Parlement du 27 juin 1577 défendait à ceux qui n’étaient ni libraires, ni imprimeurs, ni relieurs, d’exercer aucune de ces professions.

En 1610, le 20 novembre, il parut un règlement pour la réformation de la librairie et de l’imprimerie ; mais le Parlement, par arrêt du 15 février 1611, le mit à néant et ordonna que, s’il y avait lieu d’en faire un nouveau, la communauté devrait se pourvoir devant lui. Sous le syndicat de David Douceur, en 1614, on proposa un second règlement, que le Parlement ne sanctionna pas plus que le premier. Enfin, le 24 mai 1617, le lieutenant civil, H. de Mesmes, ayant permis au syndic et aux adjoints de nommer dix-huit membres de la communauté pour travailler à un troisième règlement, cette commission rédigea un projet en 38 articles que le Roi, par lettres patentes du 1er juin 1618, renvoya à l’examen du prévôt de Paris, des procureurs du Parlement et du Châtelet. Accepté par eux, ce projet, devenant règlement définitif, fut enregistré au Parlement le 9 juillet et au Châtelet le 13 du même mois.

M. de Mesmes se rendit le 17 juillet à l’Université, y fit lecture du nouveau règlement, et prit acte de quelques observations qui, discutées plus tard, donnèrent lieu à plusieurs articles additionnels qu’on n’imprima qu’en 1620[1].

Rien dans ce règlement ne vise particulièrement l’exercice de la reliure et notamment la façon dont celle-ci devait se faire. Voici, du reste, les avantages auxquels les relieurs avaient droit et les obligations qui leur étaient imposées :

Les relieurs, comme les libraires et imprimeurs, étaient reçus à la maîtrise par un syndic et quatre gardes élus par les membres de la communauté, et jouissaient de tous les droits, privilèges, franchises et prérogatives attribués aux suppôts de l’Université, au nombre desquels, notons-le en passant, se trouvait la dispense d’allumer les chandelles aux lanternes de la ville. Ils ne pouvaient, s’ils n’étaient fils de maître, arrivera la maîtrise sans avoir fait leur apprentissage à Paris, et devaient savoir lire et écrire.

Les apprentis s’engageaient pour cinq ans par devant notaire, avec enregistrement sur le registre du syndic ; ils servaient ensuite comme compagnons pendant au moins trois ans, et pour devenir maîtres ils avaient à se faire reconnaître capables par deux relieurs, en présence du syndic et des adjoints ; la redevance pour la réception à la maîtrise était fixée à 30 livres.

Les fils de maître étaient reçus sans brevet d’apprentissage ; ils n’avaient aucun droit à payer, ainsi que les compagnons ayant contracté mariage avec une fille de maître. Les veuves pouvaient continuer la profession de leur mari et parachever les apprentissages commencés du vivant du défunt, sans toutefois pouvoir prendre de nouveaux apprentis. Si elles se remariaient, leur second mari devait, pour parvenir à la maîtrise, justifier de son temps d’apprentissage à Paris.

Les relieurs ne pouvaient engager d’apprentis mariés ; ils étaient tenus d’habiter le quartier de l’Université et de n’avoir qu’une boutique.

Enfin, il était défendu aux compagnons de se réunir en assemblées, de porter des armes offensives ou défensives de jour et de nuit, de se prêter serment entre eux et de se cotiser pour se faire une bourse commune.

C’était, en somme, la répétition de ce qui existait déjà à peu de chose près dans les précédents règlements partiels. Ainsi, le 28 février 1600, il avait été défendu à Roland, relieur de Limoges, qui passait par Paris en rentrant dans son pays, de travailler à la reliure. François Grégoire ayant donné un brevet d’apprentissage mensonger à Nicolas Flamant, qui n’était resté que deux ans chez lui, celui-ci, par sentence du 4 août 1609, dut parachever son temps d’apprentissage. Pierre Desvignes et Jean Dupuis, qui n’avaient pas fait leur apprentissage à Paris, mais avaient épousé des veuves de relieurs, eurent leurs outils confisqués, avec ordre de ne plus travailler que comme compagnons. Pierre Desvignes tint bon et obtint du prévôt de Paris, le 14 mars 1618, une sentence par laquelle ses outils lui furent rendus ; mais, outre les dépens restés à sa charge, il eut à verser 20 livres à la communauté. De plus, il lui était interdit de faire des apprentis ni d’engager des compagnons ; ses enfants, s’il en avait, ne pouvaient être reçus maîtres qu’après avoir fait leur apprentissage chez des maîtres relieurs de Paris.

Henri Dubourg et Pierre Ducroq, ayant ouvert boutique avec la permission de la confrérie et non celle du syndic de la communauté, durent la fermer. Louis Frémery, Laurent Mérieux et Barthélemy Garoche s’étaient contentés de payer les droits d’ouverture de boutique à la confrérie ; il leur fallut payer de nouveaux droits au syndic nommé après le règlement de 1618. Du reste, ce conflit amena, le 19 décembre 1619, un accord définitif entre la confrérie et la communauté, d’après lequel, l’entrée dans la confrérie étant subordonnée à la réception de maître par le syndic, elle ne serait plus considérée comme formalité suffisante pour justifier du droit à la maîtrise.

Parmi les infractions se renouvelant souvent, l’une des plus fréquentes avait trait à cette obligation imposée aux libraires et aux relieurs d’habiter le quartier de l’Université. Ils avaient peine à s’y soumettre, il faut croire, car les arrêts du Parlement et les déclarations du Roi se succédaient presque chaque année pour leur défendre de demeurer même dans les collèges et autre part qu’au-dessus de Saint-Yves, sous peine de voir, dans les vingt-quatre heures, leurs ateliers et boutiques fermés et cadenassés et leurs marchandises saisies et vendues au bénéfice de la communauté[2].

L’observation de la fête du patron de la confrérie, soit saint Jean-Porte-Latine, était strictement obligatoire ; chaque confrère devait fermer boutique ce jour-là, et les rebelles qui s’y refusaient, sous prétexte qu’ils n’étaient locataires que d’une moitié de magasin, comme beaucoup de ceux qui habitaient au palais, avaient l’ordre « de mettre un tapis devant la portion qu’ils occupoient ».

On avait aussi à sévir contre les mauvaises têtes, insultant parfois les syndics et les adjoints ; mais alors on les condamnait « à porter honneur et respect » à celui qu’ils avaient injurié, sauf certains cas graves, où il n’y allait rien moins que de la prise de corps.

Ces contraventions, difficiles à éviter dans une corporation passablement nombreuse, ne donnaient lieu, en somme, qu’à des répressions de simple police, ramenant les délinquants à l’observation des règlements ; mais il n’en fut pas de même quand les intérêts personnels des membres de cette communauté, composée de professions diverses, se trouvèrent en opposition. Il arriva, en effet, que, grâce à l’esprit de chicane auquel semblent généralement disposés ceux qui agissent soi-disant dans l’intérêt commun, alors qu’ils y regarderaient davantage s’ils étaient seuls en jeu, le syndic et les adjoints ne tardèrent pas à entraîner la société dans les procès. Une fois commencés, ceux-ci se suivront d’assez près.

D’après les coutumes de la communauté, les libraires, s’ils le voulaient, reliaient chez eux les livres qu’ils vendaient, et les relieurs, par réciprocité, avaient la faculté de faire le commerce des livres. Quand la vogue des reliures couvertes de dorures prit l’extension que l’on sait vers la fin du xvie siècle, il se forma un grand nombre de doreurs spéciaux. Ne faut-il pas des dispositions particulières et beaucoup de temps pour acquérir l’habileté de main nécessaire à l’exercice de la dorure, et cette profession n’est-elle pas absolument indépendante et différente de celle du relieur cousant et couvrant simplement les volumes ? Le doreur de talent avait la juste prétention de ne pas rester compagnon et voulait se faire recevoir maître, puis, comme tel, se croyait les mêmes droits que les libraires-relieurs ou les relieurs dont il finissait, en les décorant, les volumes qu’ils avaient commencés. Il y en eut donc qui, à côté ou dans leur atelier de dorure, ouvrirent une boutique de libraire et vendirent des livres.

Dans le début, on accorda volontiers la maîtrise aux doreurs ; mais, leur nombre augmentant ainsi que l’importance de leur concurrence comme libraires, le syndic et les adjoints saisirent bientôt la première occasion pour commencer les hostilités.

Claude Bauche, apprenti de Michel Ballagny, doreur, s’étant fait chasser pour « larcins commis » avant la fin de son temps, son père attaqua Ballagny ; le syndic et les adjoints, s’étant joints à l’instance, réussirent à obtenir une sentence du prévôt de Paris déclarant nul le brevet d’apprentissage de Bauche et défendant à Ballagny « de prendre à l’advenir qualité de libraire ni tenir boutique ouverte, sous peine de confiscation des marchandises qui y seront ». Ballagny fit appel de cette sentence, et Pigoreau, son maître d’apprentissage, intervint pour défendre lui aussi sa qualité de maître libraire-doreur que le syndic lui contestait. Pigoreau prouva qu’apprenti breveté d’un maître libraire-doreur, il avait été reçu maître et payé les droits d’usage, parfaitement encaissés par les dignitaires de la communauté, et Ballagny fit de même. Enfin, le 20 mars 1621, le Parlement rendit son arrêt déboutant Bauche de sa demande et par lequel Ballagny et Pigoreau « demeurèrent maîtres libraires-doreurs, avec jouissance des privilèges accordez aux libraires, » tandis que les syndic et adjoints furent condamnés aux dépens.

C’est après ce procès que Pigoreau, s’il le fit réellement, dut prendre pour enseigne un doreur poussant une roulette sur un livre, avec l’épigraphe : En dépit des envieux je pousse ma fortune.

Dans un second procès engagé plus tard contre d’autres doreurs, le procureur du syndic et des adjoints, qui se piquait d’esprit, ou qui se laissa simplement souffler par un libraire facétieux, racontait ironiquement que ces doreurs briguant le titre de libraire n’étaient à l’origine que des doreurs de bottes et de baudriers. Pigoreau et Ballagny, d’après lui, avaient fait partie de ces industriels qui, suivant la mode quand elle se prononça pour les volumes richement dorés, abandonnèrent la dorure des revers et des entonnoirs de bottes pour celle des livres, plus lucrative et en même temps plus honorable, puisqu’elle devait les faire entrer dans le corps de la librairie. La vérité est, comme nous l’avons dit, que ces deux doreurs firent leur apprentissage, remplirent leur temps de compagnonnage et se firent recevoir maîtres, en se conformant strictement aux us et coutumes de la communauté des libraires, bien longtemps avant tous ces débats. L’histoire de l’ingénieux procureur n’est donc qu’une fable tombant d’elle-même et ne méritant pas d’être prise à la lettre, comme elle l’a été naïvement par quelques auteurs.

À la suite d’un décret de prise de corps lancé par le prévôt de Paris contre Marie Bouillette, Pierre Ferrand et Lucien Pillé, compagnons relieurs, puis du refus fait à Pierre Leroy, relieur, de le recevoir maître, et enfin d’une saisie opérée à la requête du syndic, chez Antoine Duhamel, Toussaint Boulanger, Jean Thoreau et Pierre Langlois, autres compagnons relieurs, le Parlement rendit un arrêt par appointé, le 20 mai 1634, qui concluait au renvoi de la plainte pour les trois premiers compagnons, à la réception de Leroy et des quatre derniers compagnons auxquels les outils saisis étaient rendus. Cet arrêt stipulait encore que, sauf les fils et les gendres de maîtres, on ne recevrait plus à l’avenir que trois maîtres par an, dont un relieur.

Malgré cet arrêt, quelques compagnons s’établirent sans maîtrise sous le syndicat de Cottereau. L’imprimeur Antoine Vitré, qui lui succéda et conserva les fonctions de syndic de septembre 1639 à novembre 1644, blâma vivement cette tolérance et voulut rétablir le bon ordre. Il fit un nouveau règlement et le signifia à chaque membre de la corporation en janvier 1642.

Vitré fut un homme distingué dans sa profession. Quelque peu rigide, il n’aimait pas les libraires suivant la cour, dont la charge s’achetait et qu’il trouvait ridicule : aussi décida-t-il Richelieu à supprimer deux de ces offices. Sur une observation du grand-prévôt, qui regrettait cette suppression à cause des droits qu’il y perdait, Vitré, du moins il le dit, lui conseilla par ironie de s’indemniser en se réservant le droit de nommer le bedeau de la confrérie. Enfin un nommé Aumon ayant acheté une de ces charges de libraire suivant la cour, il le plaisanta assez vertement dans une lettre fort spirituelle :

Aumon, écrivait-il, n’est ny maistre ny compagnon. Il est parent d’un fondeur de lettres nommé Cottin, sous le nom duquel il tient sa boutique au Palais, car les fondeurs de lettres d’imprimerie se disent aussi libraires, imprimeurs et relieurs, à cause qu’ils fondent les lettres. Je leur dis que le veau auroit bien plus de droit de se dire libraire, luy qui fournit la peau pour couvrir les livres !

Mais revenons au règlement, qu’on appela le règlement de Vitré et qui toutefois ne paraît pas avoir été obligatoire, n’ayant pas été vérifié au Parlement. Du reste, les syndic et adjoints en charge en février 1667 doutaient qu’il eût existé et déclaraient qu’on n’en trouvait pas plus trace dans les registres et dans les archives de la communauté que sur les brevets des maîtres ou des apprentis du temps. D’après certains indices, nous croyons que la rédaction de Vitré servit de base à la fameuse Déclaration de décembre 1649, dont nous allons nous occuper.

Des libraires s’opposèrent à la vérification au Parlement de ces lettres patentes ; quelques-uns allèrent même si loin, que le lieutenant civil dut leur défendre « de rien entreprendre contre les personnes des syndic et adjoints, leurs alliés et domestiques, qui sont mis en la sauvegarde du Roy et de la Justice, à peine d’estre punis comme perturbateurs du repos public » (8 janvier 1650).

L’Université s’en mêla et publia les Répliques de l’Université, n’ayant pas moins de 42 pages in-4°. « Elle fit même imprimer ses titres et ses moyens d’opposition dans un petit livret couvert de papier bleu remis au rapporteur, M. de Harlay. »

Mais ce nouveau règlement n’aurait d’intérêt à être étudié qu’au point de vue spécial de l’imprimerie et de la librairie, les deux industries qui y étaient plus particulièrement visées, cependant l’article 5, dans lequel les relieurs se trouvaient compris, est vraiment à connaître :

Art. 5. — Nous deffendons aussi aux imprimeurs, aux libraires et relieurs, suivant l’ancien règlement, de s’obliger pour apprentif aucune personne mariée ; ains leur enjoignons à l’advenir de prendre seulement un apprentif jeune, de bonne vie et mœurs, catholique, originaire François, capable de servir le public, congru en la langue latine et qui sçache lire le grec, dont il aura certificat du recteur de l’Université, à peine de trois cens livres et de nullité dudit brevet ; et au cas qu’il y eust à présent quelque apprentif qui ne sçache pas lire et écrire chez un imprimeur ou chez un libraire, ou chez un relieur, nous déclarons son brevet d’apprentissage nul ; deffendons très expressément aux syndic et adjoints de les recevoir en leur corps, à peine d’en respondre en leurs noms, et de pareille amende au proffit de l’Hostel-Dieu.

Il faut avouer qu’il était passablement excessif de demander tant de science pour apprendre à coudre, endosser et cou vrir un livre ! La vérité est qu’on n’y mit pas beaucoup de rigueur, puisque longtemps après on constatait qu’un grand nombre de relieurs savaient à peine lire. Fut-on plus rigoureux avec les libraires et les imprimeurs ? Étaient-ils tous congrus en langue latine et capables de lire le grec ? C’est peu probable.

Ces statuts n’en servirent pas moins aux relieurs pour faire au parlement une réclamation en somme fort juete. Ils lui présentèrent une requête où ils se plaignaient de ce que jamais aucun d’eux, quoiqu’ils fussent nombreux, n’avait occupé la moindre place d’adjoint, tandis que les imprimeurs ou les libraires remplissant cette fonction, insouciants de leurs intérêts à eux relieurs, toléraient des abus leur portant préjudice, laissant même les merciers exercer la reliure, etc. Ils demandaient enfin à être reçus opposants à la vérification du nouveau règlement et à ce qu’il leur soit permis à l’avenir d’élire deux relieurs pour adjoints.

Nous avons le texte imprimé de cette requête, qui n’aboutit à rien ; les relieurs ne furent pas plus adjoints après qu’avant. Mais c’était un premier jalon indiquant la route qu’on devait suivre plus tard.

Un certain nombre de compagnons doreurs : Étienne Sauvage, Étienne Simon, Claude Hérissant, François Drou, Michel Vaugon, Guillaume Viette, Julien Delafontaine, Léon Marin, François Coustellier, Hilaire Délateur, Pierre Cheron, André Vignon, Étienne Henrion, Louis Dauban et Laurent Jacquin s’étaient présentés pour la maîtrise en mars 1645 et avaient rencontré l’opposition des syndic et adjoints, reprenant la théorie émise lors du procès Ballagny et Pigoreau, d’après laquelle un simple doreur ne pouvait être admis dans la communauté des Libraires, Imprimeurs et Relieurs. Ils furent cependant nommés maîtres, par arrêt du 26 janvier 1647, mais à la condition qu’ils n’exerceraient ni la librairie ni l’imprimerie sans avoir fait expérience devant le syndic et les adjoints. Les six premiers nommés ci-dessus, s’étant vu refuser l’expérience qu’ils offraient de faire, se joignirent à quelques libraires et imprimeurs s’opposant devant le Parlement à l’enregistrement de la Déclaration de 1649 et firent condamner les syndic et adjoints, par arrêt du 7 septembre 1650, « à les recevoir à faire expérience ». Ils furent reçus libraires-doreurs ; mais ce ne fut toutefois que le 15 janvier 1654, et parce que la communauté avait besoin d’argent, ainsi qu’il résulte de cette délibération du 8 janvier 1654 : « Arrêté que pour payer le sieur Villain, cessionnaire du sieur Chapelet, l’on recevroit des doreurs qui avoient servi les maîtres, tenant boutique, pour les deniers provenant de leurs réceptions servir au payement des prétentions du sieur Villain. »

Pour en finir avec le règlement de 1649, qui suscita tant d’oppositions et fit noircir tant de papier, nous dirons que, le procès engagé par l’Université ayant été retardé par « les guerres civiles et étrangères » et la mort de M. Doujat, conseiller à la Cour, nommé rapporteur, le jugement ne fut pas prononcé et l’enregistrement n’eut pas lieu. Les Syndic et Adjoints de 1667, qui niaient, on l’a vu, l’existence du règlement de Vitré, ne reconnaissaient que celui de 1618 et prétendaient que les soi-disant statuts de 1649 avaient seulement servi au Roi « pour accorder certains privilèges aux libraires en particulier, pour l’impression de quelques livres ». L’autorité, néanmoins, les invoqua souvent, et dans ses décisions elle s’en servait à l’occasion comme de lois existantes.

C’est à cette époque, vers 1650, qu’à la suite du renchérissement des peaux, du carton et de la dorure, un certain nombre de relieurs établirent des prix pour la reliure des livres dits à usage, qu’ils s’engageaient à ne pas baisser sous peine d’une amende, fixée entre eux, au bénéfice des pauvres de la communauté. Ils s’interdisaient aussi de « courir sur les marchands des uns et des autres, » c’est-à-dire de chercher à travailler pour les libraires ayant déjà leurs relieurs habituels. Les prix des in-folio étaient cotés 2 livres 5 sols ; les in-4o, 1 livre 15 sols; les in-8o, 1 livre ; les in-12, 12 sols, etc., etc.<ref>Voici la liste alphabétique des signataires de cette convention :

  • Bruneau (Nicolas).
  • Delamarre (Nicolas).
  • Dorange (Jean).
  • Ducastin (Robert).
  • Ferrand (Pierre).
  • Feuquère (Robert).
  • Fillette (Nicolas).
  • François (Mathieu).
  • Gaillard (Guillaume).
  • Guenon (Pierre).
  • Guérard (Nicolas).
  • Guillain (Charles).
  • Jouvenel (Florent).
  • Julien (François).
  • Lemonnier (Jacques).
  • Leroy (Thomas).
  • Mayeur (Jean).
  • Michelin (Jean).
  • {{sc| Musier}} père (François).
  • Musier -(Jérôme).
  • Padeloup (Anthoine).
  • Picart (Bernard).
  • Pillé (Jean).
  • Pousset (Adam).
  • Ribou (Pierre).
  • Rivière (Jean).
  • Robin (Pierre).
  • Senecart (Eloy).

La pièce manuscrite du temps sur laquelle nous avons copié ces noms n’indiquait que les clients de quelques-uns de ces relieurs ; à notre grand regret, nous devons donc nous borner aux renseignements, malheureusement incomplets, de ce document. Dorange reliait pour Dauplet, Delon et Ferrier ; Guérard, pour Mme Trabouillet (née Marguerite Padeloup) et Dauplet ; Mayeur, pour Jost, Libert et Ferrier ; François Musier, pour Hauteville et Quénet ; Pillé, pour Dauplet et Des Hayes. </ref>.




  1. Des maîtres et compagnons imprimeurs ou fondeurs de caractères et les sergents à verge, priseurs et vendeurs au Châtelet des matériels de librairie, firent opposition à ce nouveau règlement. Ce fut le père de Dassoucy, l’avocat Grégoire Coyppeau, qui plaida pour les imprimeurs et fondeurs dissidents.
  2. L’enclos de l’Université allait « depuis la porte Saint-Bernard jusqu’à la porte de Nesle », le canal de la rivière passant sous le Petit-Pont faisant la séparation de l’Université.