Calmann-Lévy (2p. 70-81).


XLI

BEL-ESBAT.


Il est inutile de dire qu’Ernauton, que Sainte-Maline croyait si bien perdu, poursuivait au contraire le cours inattendu de sa fortune ascendante.

Il avait d’abord calculé tout naturellement que la duchesse de Montpensier, qu’il était chargé de retrouver, devait être à l’hôtel de Guise, du moment où elle était à Paris.

Ernauton se dirigea donc d’abord vers l’hôtel de Guise.

Lorsque, après avoir frappé à la grande porte, qui lui fut ouverte avec une extrême circonspection, il demanda l’honneur d’une entrevue avec madame la duchesse de Montpensier, il lui fut d’abord cruellement ri au nez.

Puis, comme il insista, il lui fut dit qu’il devait savoir que Son Altesse habitait Soissons, et non Paris.

Ernauton s’attendait à cette réception, elle ne le troubla donc point.

— Je suis désespéré de cette absence, dit-il, j’avais une communication de la plus haute importance à faire à Son Altesse de la part de M. le duc de Mayenne.

— De la part de M. le duc de Mayenne ? fit le portier ; et qui donc vous a chargé de cette communication ?

— M. le duc de Mayenne lui-même.

— Chargé ! lui, le duc ! s’écria le portier avec un étonnement admirablement joué ; et où cela vous a-t-il chargé de cette communication ? M. le duc n’est pas plus à Paris que madame la duchesse.

— Je le sais bien, répondit Ernauton ; mais moi aussi, je pouvais n’être pas à Paris ; moi aussi, je puis avoir rencontré M. le duc ailleurs qu’à Paris, sur la route de Blois, par exemple.

— Sur la route de Blois ? reprit le portier un peu plus attentif.

— Oui ; sur cette route, il peut m’avoir rencontré et m’avoir chargé d’un message pour madame de Montpensier.

Une légère inquiétude apparut sur le visage de l’interlocuteur, lequel, comme s’il eût craint qu’on ne forçât sa consigne, tenait toujours la porte entre-bâillée.

— Alors, demanda-t-il, ce message ?…

— Je l’ai.

— Sur vous ?

— Là, dit Ernauton en frappant sur son pourpoint.

Le fidèle serviteur attacha sur Ernauton un regard investigateur.

— Vous dites que vous avez ce message sur vous ? demanda-t-il.

— Oui, Monsieur.

— Et que ce message est important ?

— De la plus haute importance.

— Voulez-vous me le faire apercevoir seulement ?

— Volontiers.

Et Ernauton tira de sa poitrine la lettre de M. de Mayenne

— Oh ! oh ! quelle encre singulière ! fit le portier.

— C’est du sang, répliqua flegmatiquement Ernauton.

Le serviteur pâlit à ces mots, et plus encore sans doute à cette idée que ce sang pouvait être celui de M. de Mayenne.

En ce temps, il y avait disette d’encre, mais grande abondance de sang versé ; il en résultait que souvent les amants écrivaient à leurs maîtresses, et les parents à leurs familles, avec le liquide le plus communément répandu.

— Monsieur, dit le serviteur avec grand’hâte, j’ignore si vous trouverez à Paris ou dans les environs de Paris madame la duchesse de Montpensier ; mais, en tout cas, veuillez vous rendre sans retard à une maison du faubourg Saint-Antoine qu’on appelle Bel-Esbat et qui appartient à madame la duchesse ; vous la reconnaîtrez, vu qu’elle est la première à main gauche en allant à Vincennes, après le couvent des Jacobins ; très-certainement vous trouverez là quelque personne au service de madame la duchesse et assez avancée dans son intimité pour qu’elle puisse vous dire où madame la duchesse se trouve en ce moment.

— Fort bien, dit Ernauton, qui comprit que le serviteur n’en pouvait ou n’en voulait pas dire davantage, merci.

— Au faubourg Saint-Antoine, insista le serviteur : tout le monde connaît et vous indiquera Bel-Esbat, quoiqu’on ignore peut-être qu’il appartient à madame de Montpensier, madame de Montpensier ayant acheté cette maison depuis peu de temps, et pour se mettre en retraite.

Ernauton fit un signe de tête et tourna vers le faubourg Saint-Antoine.

Il n’eut aucune peine à trouver, sans demander même aucun renseignement, cette maison de Bel-Esbat, contiguë au prieuré des Jacobins.

Il agita la clochette, la porte s’ouvrit.

— Entrez, lui dit-on.

Il entra, et la porte se referma derrière lui.

Une fois introduit, on parut attendre qu’il prononçât quelque mot d’ordre ; mais, comme il se contentait de regarder autour de lui, on lui demanda ce qu’il désirait.

— Je désire parler à madame la duchesse, dit le jeune homme.

— Et pourquoi venez-vous chercher madame la duchesse à Bel-Esbat ? demanda le valet.

— Parce que, répliqua Ernauton, le portier de l’hôtel de Guise m’a renvoyé ici.

— Madame la duchesse n’est pas plus à Bel-Esbat qu’à Paris, répliqua le valet.

— Alors, dit Ernauton, je remettrai à un moment plus propice à m’acquitter envers elle de la commission dont m’a chargé M. le duc de Mayenne.

— Pour elle, pour madame la duchesse ?

— Pour madame la duchesse.

— Une commission de M. le duc de Mayenne ?

— Oui.

Le valet réfléchit un instant.

— Monsieur, dit-il, je ne puis prendre sur moi de vous répondre ; mais j’ai ici un supérieur qu’il convient que je consulte. Veuillez attendre.

— Que voilà des gens bien servis, mordieu ! dit Ernauton. Quel ordre, quelle consigne, quelle exactitude ! Certes, ce sont des gens dangereux que les gens qui pensent avoir besoin de se garder ainsi. On n’entre pas chez MM. de Guise comme au Louvre, il s’en faut ; aussi commencé-je à croire que ce n’est pas le vrai roi de France que je sers.

Et il regarda autour de lui : la cour était déserte ; mais toutes les portes des écuries ouvertes, comme si l’on attendait quelque troupe qui n’eût qu’à entrer et à prendre ses quartiers.

Ernauton fut interrompu dans son examen par le valet qui rentra : il était suivi d’un autre valet.

— Confiez-moi votre cheval, Monsieur, et suivez mon camarade, dit-il ; vous allez trouver quelqu’un qui pourra vous répondre beaucoup mieux que je ne puis le faire, moi.

Ernauton suivit le valet, attendit un instant dans une espèce d’antichambre, et bientôt après, sur l’ordre qu’avait été prendre le serviteur, fut introduit dans une petite salle voisine, où travaillait à une broderie une femme vêtue sans prétention, quoique avec une sorte d’élégance.

Elle tournait le dos à Ernauton.

— Voici le cavalier qui se présente de la part de M. de Mayenne, Madame, dit le laquais.

Elle fit un mouvement.

Ernauton poussa un cri de surprise.

— Vous, Madame ! s’écria-t-il en reconnaissant à la fois et son page et son inconnue de la litière sous cette troisième transformation.

— Vous ! s’écria à son tour la dame, en laissant tomber son ouvrage et en regardant Ernauton.

Puis faisant un signe au laquais :

— Sortez, dit-elle.

— Vous êtes de la maison de madame la duchesse de Montpensier, Madame ? demanda Ernauton avec surprise.

— Oui, fit l’inconnue ; mais vous, vous, Monsieur, comment apportez-vous ici un message de M. de Mayenne ?

— Par une suite de circonstances que je ne pouvais prévoir et qu’il serait trop long de vous raconter, dit Ernauton avec une circonspection extrême.

— Oh ! vous êtes discret, Monsieur, continua la dame en souriant.

— Toutes les fois qu’il le faut, oui, Madame.

— C’est que je ne vois point ici occasion à discrétion si grande, fit l’inconnue ; car, en effet, si vous apportez réellement un message de la personne que vous dites…

Ernauton fit un mouvement.

— Oh ! ne nous fâchons pas ; si vous apportez en effet un message de la personne que vous dites, la chose est assez intéressante pour qu’en souvenir de notre liaison, tout éphémère qu’elle soit, vous nous disiez quel est ce message.

La dame mit dans ces derniers mots toute la grâce enjouée, caressante et séductrice que peut mettre une jolie femme dans sa requête.

— Madame, répondit Ernauton, vous ne me ferez pas dire ce que je ne sais pas.

— Et encore moins ce que vous ne voulez pas dire ?

— Je ne me prononce point, Madame, reprit Ernauton en s’inclinant.

— Faites comme il vous plaira à l’égard des communications verbales, Monsieur.

— Je n’ai aucune communication verbale à faire, Madame ; toute ma mission consiste à remettre une lettre à Son Altesse.

— Eh bien ! alors, cette lettre ? dit la dame inconnue en tendant la main.

— Cette lettre ? reprit Ernauton.

— Veuillez nous la remettre.

— Madame, dit Ernauton, je croyais avoir eu l’honneur de vous faire connaître que cette lettre était adressée à madame la duchesse de Montpensier.

— Mais, la duchesse absente, reprit impatiemment la dame, c’est moi qui la représente ici ; vous pouvez donc…

— Je ne puis.

— Vous défiez-vous de moi, Monsieur ?

— Je le devrais, Madame, dit le jeune homme avec un regard à l’expression duquel il n’y avait point à se tromper ; mais, malgré le mystère de votre conduite, vous m’avez inspiré, je l’avoue, d’autres sentiments que ceux dont vous parlez.

— En vérité ! s’écria la dame en rougissant quelque peu sous le regard enflammé d’Ernauton.

Ernauton s’inclina.

— Faites-y attention, monsieur le messager, dit-elle en riant, vous me faites une déclaration d’amour.

— Mais oui, Madame, dit Ernauton : je ne sais si je vous reverrai jamais, et, en vérité, l’occasion m’est trop précieuse pour que je la laisse échapper.

— Alors, Monsieur, je comprends.

— Vous comprenez que je vous aime, Madame ? c’est chose facile à comprendre, en effet.

— Non, je comprends comment vous êtes venu ici.

— Ah ! pardon. Madame, dit Ernauton, à mon tour, c’est moi qui ne comprends plus.

— Oui, je comprends qu’ayant le désir de me revoir, vous avez pris un prétexte pour vous introduire ici.

— Moi, Madame, un prétexte ! Ah ! vous me jugez mal ; j’ignorais que je dusse jamais vous revoir, et j’attendais tout du hasard, qui déjà deux fois m’avait jeté sur votre chemin ; mais prendre un prétexte, moi, jamais ! Je suis un étrange esprit, allez, et je ne pense pas en toute chose comme tout le monde.

— Oh ! oh ! vous êtes amoureux, dites-vous, et vous auriez des scrupules sur la façon de revoir la personne que vous aimez ? Voilà qui est très-beau, Monsieur, fit la dame avec un certain orgueil railleur ; eh bien ! je m’en étais doutée que vous aviez des scrupules.

— Et à quoi, Madame, s’il vous plaît ? demanda Ernauton.

— L’autre jour, vous m’avez rencontrée ; j’étais en litière ; vous m’avez reconnue, et cependant vous ne m’avez pas suivie.

— Prenez garde, Madame, dit Ernauton, vous avouez que vous avez fait attention à moi.

— Ah ! le bel aveu vraiment ! Ne nous sommes-nous pas vus dans des circonstances qui me permettent, à moi surtout, de mettre la tête hors de ma portière, quand vous passez ? Mais non, Monsieur s’est éloigné au grand galop, après avoir poussé un ah ! qui m’a fait tressaillir au fond de ma litière.

— J’étais forcé de m’éloigner, Madame.

— Par vos scrupules ?

— Non, Madame, par mon devoir.

— Allons, allons, dit en riant la dame, je vois que vous êtes un amoureux raisonnable, circonspect, et qui craignez surtout de vous compromettre.

— Quand vous m’auriez inspiré certaines craintes, Madame, répliqua Ernauton, y aurait-il rien d’étonnant à cela ? Est-ce l’habitude, dites-moi, qu’une femme s’habille en homme, force les barrières et vienne voir écarteler en Grève un malheureux, et cela avec force gesticulations plus qu’incompréhensibles, dites ?

La dame pâlit légèrement, puis cacha pour ainsi dire sa pâleur sous un sourire.

Ernauton poursuivit.

— Est-il naturel, enfin, que cette dame, aussitôt qu’elle a pris cet étrange plaisir, ait peur d’être arrêtée et fuie comme une voleuse, elle qui est au service de madame de Montpensier, princesse puissante, quoique assez mal en cour ?

Cette fois, la dame sourit encore, mais avec une ironie plus marquée.

— Vous avez peu de perspicacité, Monsieur, malgré votre prétention à être observateur, dit-elle ; car, avec un peu de sens, en vérité, tout ce qui vous paraît obscur vous eût été expliqué à l’instant même. N’était-il pas bien naturel d’abord que madame la duchesse de Montpensier s’intéressât au sort de M. de Salcède, à ce qu’il dirait, à ses révélations fausses ou vraies, fort propres à compromettre toute la maison de Lorraine ? Et si cela était naturel, Monsieur, l’était-il moins que cette princesse envoyât une personne sûre, intime, dans laquelle elle pouvait avoir toute confiance pour assister à l’exécution, et constater de visu, comme on dit au Palais, les moindres détails de l’affaire ? Eh bien ! cette personne, Monsieur, c’était moi, moi, la confidente intime de Son Altesse. Maintenant, voyons, croyez-vous que je puisse aller en Grève avec des habits de femme ? Croyez-vous enfin que je pusse rester indifférente, maintenant que vous connaissez ma position près de la duchesse, aux souffrances du patient et à ses velléités de révélations ?

— Vous avez parfaitement raison, Madame, dit Ernauton en s’inclinant, et maintenant, je vous le jure, j’admire autant votre esprit et votre logique que, tout à l’heure, j’admirais votre beauté.

— Grand merci, Monsieur. Or, à présent que nous nous connaissons l’un et l’autre, et que voilà les choses bien expliquées entre nous, donnez-moi la lettre, puisque la lettre existe et n’est point un simple prétexte.

— Impossible, Madame.

L’inconnue fit un effort pour ne pas s’irriter.

— Impossible ? répéta-t-elle.

— Oui, impossible, car j’ai juré à M. le duc de Mayenne de ne remettre cette lettre qu’à madame la duchesse de Montpensier elle-même.

— Dites plutôt, s’écria la dame, commençant à s’abandonner à son irritation, dites plutôt que cette lettre n’existe pas ; dites que, malgré vos prétendus scrupules, cette lettre n’a été que le prétexte de votre entrée ici ; dites que vous vouliez me revoir, et voilà tout. Eh bien ! Monsieur, vous êtes satisfait : non-seulement vous êtes entré ici, non-seulement vous m’avez revue, mais encore vous m’avez dit que vous m’adoriez.

— En cela comme dans tout le reste, Madame, je vous ai dit la vérité.

— Eh bien ! soit, vous m’adorez, vous m’avez voulu voir, vous m’avez vue, je vous ai procuré un plaisir en échange d’un service. Nous sommes quittes, adieu !

— Je vous obéirai, Madame, dit Ernauton, et puisque vous me congédiez, je me retire.

Cette fois la dame s’irrita tout de bon.

— Oui-da ! dit-elle ; mais si vous me connaissez, moi, je ne vous connais pas, vous. Ne me semble-t-il pas dès lors que vous avez sur moi trop d’avantages ? Ah ! vous croyez qu’il suffit d’entrer, sous un prétexte quelconque, chez une princesse quelconque, car vous êtes ici chez madame de Montpensier, Monsieur, et de dire : j’ai réussi dans ma perfidie, je me retire. Monsieur, ce trait-là n’est pas d’un galant homme.

— Il me semble, Madame, dit Ernauton, que vous qualifiez bien durement ce qui serait tout au plus une supercherie d’amour, si ce n’était, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, une affaire de la plus haute importance et de la plus pure vérité. Je néglige de relever vos dures expressions, Madame, et j’oublie absolument tout ce que j’ai pu vous dire d’affectueux et de tendre, puisque vous êtes si mal disposée à mon égard. Mais je ne sortirai pas d’ici sous le poids des fâcheuses imputations que vous me faites subir. J’ai en effet une lettre de M. de Mayenne à remettre à madame de Montpensier, et cette lettre la voici, elle est écrite de sa main, comme vous pouvez le voir à l’adresse.

Ernauton tendit la lettre à la dame, mais sans la quitter.

L’inconnue y jeta les yeux et s’écria :

— Son écriture ! du sang !

Sans rien répondre, Ernauton remit la lettre dans sa poche, salua une dernière fois avec sa courtoisie habituelle, et pâle, la mort dans le cœur, il retourna vers l’entrée de la salle.

Cette fois on courut après lui, et, comme Joseph, on le saisit par son manteau.

— Plaît-il, Madame ? dit-il.

— Par pitié, Monsieur, pardonnez ! s’écria la dame, pardonnez ; serait-il arrivé quelque accident au duc ?

— Que je pardonne ou non, Madame, dit Ernauton, c’est tout un, quant à cette lettre, puisque vous ne me demandez votre pardon que pour la lire, et que madame de Montpensier seule la lira…

— Eh ! malheureux insensé que tu es, s’écria la duchesse avec une fureur pleine de majesté, ne me reconnais-tu pas, ou plutôt ne me devines-tu pas pour la maîtresse suprême, et vois-tu ici briller les yeux d’une servante ? Je suis la duchesse de Montpensier ; cette lettre, remets-la-moi,

— Vous êtes la duchesse ! s’écria Ernauton en reculant épouvanté.

— Eh ! sans doute. Allons, allons, donne ; ne vois-tu pas que j’ai hâte de savoir ce qui est arrivé à mon frère ?

Mais, au lieu d’obéir, comme s’y attendait la duchesse, le jeune homme, revenu de sa première surprise, se croisa les bras.

— Comment voulez-vous que je croie à vos paroles, dit-il, vous dont la bouche m’a déjà menti deux fois ?

Ces yeux, que la duchesse avait déjà invoqués à l’appui de ses paroles, lancèrent deux éclairs mortels ; mais Ernauton en soutint bravement la flamme.

— Vous doutez encore ! Il vous faut des preuves quand j’affirme ! s’écria la femme impérieuse en déchirant à beaux ongles ses manchettes de dentelles.

— Oui, Madame, répondit froidement Ernauton.

L’inconnue se précipita vers un timbre qu’elle pensa briser, tant fut violent le coup dont elle le frappa.

La vibration retentit stridente par tous les appartements, et avant que cette vibration fût éteinte un valet parut.

— Que veut Madame ? demanda le valet.

L’inconnue frappa du pied avec rage.

— Mayneville, dit-elle, je veux Mayneville. N’est-il donc pas ici ?

— Si fait, Madame.

— Eh bien ! qu’il vienne donc alors !

Le valet s’élança hors de la chambre ; une minute après, Mayneville entrait précipitamment.

— À vos ordres, Madame, dit Mayneville.

— Madame ! et depuis quand m’appelle-t-on simplement Madame, monsieur de Mayneville ? fit la duchesse exaspérée.

— Aux ordres de Votre Altesse, reprit Mayneville incliné et surpris jusqu’à l’ébahissement.

— C’est bien ! dit Ernauton, car j’ai là en face un gentilhomme, et s’il me fait un mensonge, par le ciel, au moins, je saurai à qui m’en prendre !

— Vous croyez donc enfin ? dit la duchesse.

— Oui, Madame, je crois, et, comme preuve, voici la lettre.

Et le jeune homme, en s’inclinant, remit à madame de Montpensier cette lettre si longtemps disputée.