Les Poëmes de l’amour et de la mer/Quel son lamentable et sauvage

XLVII.

Quel son lamentable et sauvage
Va sonner l’heure de l’adieu !
La mer roule sur le rivage,
Moqueuse, et se souciant peu
Que ce soit l’heure de l’adieu.

Des oiseaux passent, l’aile ouverte,
Sur l’abîme presque joyeux ;
Le soleil dore la mer verte, —
Et je saigne silencieux
En regardant briller les cieux.


Je me sens déjà seul et vide,
Comme un esquif abandonné
Flottant sur un fleuve livide,
Qui traverserait, entraîné,
Plus d’un grand pays étonné.

Je vois que le moment s’approche ;
Et j’admire que le destin,
Insensible comme la roche,
Au ciel, gris et bleu, de satin
Fasse fleurir un tel matin.