Les Poëmes de l’amour et de la mer/Printemps triste

XXV.

PRINTEMPS TRISTE

Le bruit de la mer désolée,
Adouci, semble un chant là-bas,
Lorsque marchant à petits pas
Tu parais au fond de l’allée…

N’est-ce pas que tout est divin,
La brise triste qui murmure,
La silencieuse nature
Et les étoiles d’argent fin ?


Leurs yeux sont de pures lumières,
Des bijoux vraiment merveilleux :
Qu’est-ce donc au prix de tes yeux
Étincelant sous tes paupières ?

Sous les grands arbres nous marchons,
Les mains tendrement enlacées,
Roulant Dieu sait quelles pensées,
Regardant les premiers bourgeons…

Bien qu’avril joyeux nous convie
À chercher les premières fleurs
Dans l’herbe fraîche, tout en pleurs,
Qui s’épanouit à la vie,

N’auras-tu pas quelque regret
Pour la saison charmante et gaie
Qui donne aux âmes fatiguées
Un bonheur tranquille et discret ?

Quant à moi, mignonne, il me semble
Laisser un lambeau de ma chair
À tous les noirs buissons d’hiver
Qui nous voyaient passer ensemble.


Le rire du printemps vermeil
Ne fera jamais que j’oublie
La profonde mélancolie
Du pâle et maladif soleil

Que, de nos fenêtres bien closes,
Tandis que tu dormais encor,
Je voyais, comme un globe d’or
Rouler le long des houles roses.