Les Poëmes de l’amour et de la mer/Las ! où sont les neiges d’antan ?

XI.

Las ! où sont les neiges d’antan ?
Bien loin, dans les choses perdues,
Dans le vent qui passe emportant
Vieux amours et neiges fondues.

Il neige : tout le ciel est blanc.
Cependant dans l’eau, dans la crotte,
Tout en loques, pâle et tremblant,
Plus d’un misérable grelotte.

Ah ! qui me rendra l’autre hiver ? —
Qu’il tonne, qu’il grêle et qu’il vente,
Mais qu’on me rende, ô sombre mer,
Ta majesté qui m’épouvante !


Où donc sont les neiges d’antan ?
J’en suis couvert, je me secoue ;
Et la bien aimée, en riant,
Meurt de froid et me tend la joue.

Et malgré les cieux noirs glacés
Où passe l’Aquilon farouche
Plein de hurlements, les baisers
Ne nous gèlent pas sur la bouche !

Mais plus rien. Rien que l’abandon,
L’ennui de la cité damnée
Et la neige éternelle. — Où donc
Sont les neiges de l’autre année ?