Les Pleurs/Trois Nocturnes

Pour les autres éditions de ce texte, voir Trois Nocturnes.

Les PleursMadame Goullet, libraire (p. 327-337).

IMITATION DE MOORE.

TROIS NOCTURNES.

LVIII.

I.

Oh! come to me when daylight sets;
Sweet! then come to me,
When smoothly go our gondolets
O’er the moolight sea;
When mirth’s awake, and love begins,
Beneath that glancing ray,
With sound of lutes and mandolins,
To steal young hearts away.

Irish Melodies.

Entends-tu les gondoles
S’égarer sur les flots ;
Les tendres barcarolles
Des jeunes matelots ?

Le frais désir
Éveille partout le plaisir.

Oh ! viens à moi,
Belle ! je rame ici vers toi !

La mer est éclairée
D’une lune d’amour ;
Et toi, belle adorée,
Préfères-tu le jour ?

Le frais désir
Éveille partout le plaisir.
Oh ! viens à moi,
Belle ! je rame ici vers toi !

Au son des mandolines,
Que de cœurs palpitans !
Là-bas sur les collines,
Que de couples contens !

Le frais désir
Éveille partout le plaisir.
Oh ! viens à moi,
Belle ! je rame ici vers toi !

Tout s’unit, tout s’adore
Sur la terre et les eaux ;

Et je suis seul encore
Au milieu des roseaux !

Le frais désir
Éveille partout le plaisir.
Oh ! viens à moi,
Belle ! je rame ici vers toi !

Voici l’heure charmante
Où l’on chante plus bas ;
Et de ma jeune amante
Je sens frémir les pas !

Le frais désir
Éveille partout le plaisir.
Oh ! viens à moi,
Belle ! je rame ici vers toi !

II.

Gaily sounds the castanet
Beating time to bounding feet,
When, after daylight’s golden set,
Maids and youths by moonlight meet.
Oh! then, how sweet to move
Through all that maze of mirth,
Lighted by those eyes we love
Beyond all eyes on earth.

Irish Melodies.

Quand le soleil couchant sur les flots se balance,
Quand la mandore au loin conduit gaîment la danse,
Et du pied bondissant mesure chaque pas,
Que la danse du soir a de grâce et d’appas !
Oh ! qu’il est doux alors d’errer avec mystère
Sous cette ombre embaumée où s’égare l’amour,
Éclairé seulement par les yeux qu’on préfère

À tous les jeunes yeux que le plaisir éclaire,
Pour remplacer le jour !

Quand sur les mêmes fleurs dont se parent leurs têtes,
À la lueur des feux qui brillent dans nos fêtes,
Des anges de la nuit la foule se répand,
Et qu’un objet aimé nous cherche et nous attend ;
Qu’il est doux de verser dans l’ame inquiétée
De cet objet charmant qui se penche vers nous,
Les aveux renfermés dans notre ame agitée,
Et nourris tant de jours pour la fête enchantée
Dont l’espoir fut si doux !

Quand la fête, et le luth, et la danse amoureuse,
S’endorment sur les fleurs du gazon parfumé ;
En se tenant la main loin de la foule heureuse,
Quand on s’égare seul avec l’objet aimé ;
Qu’il est triste de voir déjà le jour descendre
Sur un front qui rougit, plus touchant désormais !
Qu’il est triste l’adieu qui nous suivra si tendre
Dans un songe où le cœur se berce et croit entendre :
Ne nous quittons jamais !

III.

Row gently here, my gondolier. So softly wake the tide,
That not an ear on earth may hear, but hers to whom we glide.
Had heaven but tongues to speak, as well
As starry eyes to see,
Oh! think what tales ’t would have to tell
Of wand’ring youths like me!

Irish Melodies.

Sur l’eau qui nous balance
Glisse et vogue en silence ;
Poursuis, mon gondolier,
Ton chemin familier ;
Dans le flot qui sommeille
Frappe si doucement,

Que l’attentive oreille
D’une amante qui veille,
Devine seule, en ce moment,
Que la barque porte un amant !

Vois ! si le ciel parlait aussi bien qu’il regarde,
Quand ses yeux étoilés brillent au sein des nuits,
Que raconterait-il de tout ce que hasarde
Une errante jeunesse en ses tendres ennuis ?

Sur l’eau qui nous balance
Glisse et vogue en silence ;
Poursuis, mon gondolier,
Ton chemin familier ;
Dans le flot qui sommeille
Frappe si doucement,
Que l’attentive oreille
D’une amante qui veille,
Devine seule, en ce moment,
Que la barque porte un amant !

Au pied de ce balcon, tourne et suspends la rame ;
J’y suis… je monte… Ô Dieu ! si nous prenions pour vous
Les soins que nous prenons pour l’amour d’une femme,
Quels anges nous serions ! Mais l’amour est si doux !


Sur l’eau qui te balance,
Reste seul en silence ;
Garde, mon gondolier,
Ton poste familier ;
Que la craintive oreille
D’une amante qui veille,
Devine seule, en ce moment,
Que la barque attend un amant !