Les Pleurs/L’Enfant au rameau

Pour les autres éditions de ce texte, voir L’Enfant au rameau.

Les PleursMadame Goullet, libraire (p. 291-296).

L’ENFANT AU RAMEAU.

Un cœur simple, encore qu’il puisse être trompé, ne trompe jamais.
— BERNARDIN DE SAINT-PIERRE. —

LII.

Prends ce rameau, jeune fille,
Pour voiler tes frêles fleurs ;
Porte-le dans ta famille ;
Une eau sainte y roule et brille ;
Il est trempé de vrais pleurs.


Sous l’oreiller de ton père,
Glisse ce charme béni ;
Par lui, tout songe est prospère ;
Soit qu’on tremble ou qu’on espère,
Par lui, tout mal est fini.

Dis-lui qu’une pauvre femme
De loin l’apporte aujourd’hui ;
Qu’elle est triste ! et que son ame
Prie avec des vœux de flamme,
Pour toi, sa fille ! et pour lui.

Dis-lui que jamais l’orage
N’atteindra son jeune enfant,
Et que les flots d’un autre âge
Le berceront sans naufrage ;
Car le rameau le défend !

Dis-lui de garder la cendre
D’une moitié du rameau,
Et que s’il peut y descendre,
Il vienne un jour la répandre
Sur la paix de mon tombeau.


Y joindras-tu, jeune fille,
Une de tes frêles fleurs,
Pour que Dieu dans ta famille
Où ta candeur chante et brille,
Verse le prix de mes pleurs ?