Pour les autres éditions de ce texte, voir Agar.

Les PleursMadame Goullet, libraire (p. 239-244).

AGAR.

Fragment.
— Elle jeta de grands cris et se mit à pleurer.
— Or, Dieu écouta la voix de l’enfant ; et un ange de Dieu appela Agar du ciel, et lui dit : Agar, qu’avez-vous ? ne craignez point, car Dieu a écouté la voix de l’enfant du lieu où il est.

XLIII.

Quelle mère un moment ne fut ambitieuse ?
Quelle mère, en plongeant son ame curieuse
Dans les jours où son fils ira chercher ses droits,
N’a dit : Voilà mon fils ! Que sont les fils des rois ?

« Vents ! portez dans les cieux la voix de ma prière :
Dieu ! versez le pardon sur l’orgueil à genoux :

Oui, l’orgueil m’a saisie, ô mon Dieu ! j’étais mère ;
Et la mère et l’enfant tendent les bras vers vous !

« Enfant, ne pleure pas. Voici des fleurs. Je t’aime.
Nous trouverons là bas, peut-être, un frais ruisseau ;
Tu dormiras content sous un jeune arbrisseau ;
Et peut-être avec toi j’y dormirai moi-même ! »

Ainsi la triste Agar, un enfant par la main,
De son cœur oppressé brise le long silence.
L’enfant rit à sa mère ; et, plein d’obéissance,
Cueille une fleur mourante et poursuit son chemin.
Ce chemin est brûlant ; le soleil le dévore :
L’enfant poursuit en vain, de chaleur obsédé,
L’arbre vert, l’ombre et l’eau ! Triste, il a demandé :
« Ce frais ruisseau, ma mère, est-il bien loin encore ? »

— « Là bas ! » répond Agar. — « Oh ! que c’est loin là bas,
Ma mère ! » — Elle se tait, détourne son visage ;
Du voile qui la couvre elle forme un nuage,
Comme un linceul mouvant où se traînent leurs pas.

Ses premiers pas, à lui, l’éloignent de son père !
Ô Sarah ! de ton fils le sort est plus prospère.

Ô Sarah ! Cet enfant pâle, nu, sans soutien,
C’est le fils d’Abraham… Non, mon Dieu ! c’est le tien !
Sauve-le ! sauve-nous. Un peu d’air ! un peu d’ombre !
Dieu ! ta main devant le soleil !
Le bruit frais de l’eau vive, un arbre au rideau sombre,
Une pierre mouillée, un fruit, et du sommeil ! »

Et l’enfant tout à coup s’arrête. Elle s’arrête.
Du voile qui l’étouffe il dégage sa tête ;
De ses cheveux touffus lent à se découvrir,
Il tremble. Il jette enfin d’une lèvre altérée :
« J’ai soif ! » — Et dans le ciel l’espérance est rentrée…
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