Les Origines de la France contemporaine/Tome 1/Notes

Librairie Hachette et Cie (Vol. 1, L’Ancien régime, Tome 1er.p. 319-334).

NOTES


Note 1.

Sur le nombre des ecclésiastiques et des nobles.

On a obtenu ces chiffres approximatifs par les procédés suivants : 1o. Pour ce qui est de la noblesse, le chiffre était inconnu en 1789. Dans son Abrégé chronologique des Édits, etc. (1789), le généalogiste Chérin déclare qu’il l’ignore. Moheau, à qui Lavoisier s’en réfère dans son rapport de 1791, n’en sait pas davantage (Recherches sur la population de la France, 1778, 105) ; Lavoisier dit 83 000 individus, et le marquis de Bouillé (Mémoires, 50) 80 000 familles, tous deux sans aucune preuve. — J’ai relevé, dans le Catalogue nominatif des gentilshommes en 1789, par Laroque et Barthélémy, le nombre des nobles qui ont voté, directement ou par procuration, aux élections de 1789, en Provence, Languedoc, Lyonnais, Forez, Beaujolais, Touraine, Normandie, Île-de-France ; ce nombre est de 9167. — D’après le recensement de 1790 donné par Arthur Young dans ses Voyages en France, le nombre des habitants de ces provinces est de 7 757 000, ce qui, par proportion, donne un peu plus de 50 000 nobles votants parmi les 26 millions d’habitants de la France. — En étudiant la loi, et en dépouillant les listes, on voit que chacun de ces nobles représente un peu moins d’une famille, puisque le fils d’un propriétaire de fief vote s’il a vingt-cinq ans ; je ne crois donc pas qu’on se trompe beaucoup en évaluant à 26 000 ou 28 000 le nombre des familles nobles, ce qui, à raison de 5 personnes par famille, donne 130 000 ou 140 000 nobles. — La France en 1789 ayant 27 000 lieues carrées et 20 millions d’habitants, on peut compter une famille noble par lieue carrée et par 1 000 habitants.

2o. Pour ce qui est du clergé, j’ai relevé, aux Archives nationales, dans les papiers du comité ecclésiastique, l’étal nominatif des religieux de 28 ordres : Grands-Augustins 694, Petits-Pères 250, Barnabites 90, Bénédictins anglais 52, Bénédictins de Cluny 298, de Saint-Vanne 612, de Saint-Maur 1672, Cîteaux 1806, Récollets 2238, Prémontrés 399, Prémontrés-Réformés 394, Capucins 3720, Carmes déchausses 555, Grands-Carmes 853, Hospitaliers de Saint-Jean de Dieu 218, Chartreux 1144, Cordeliers 2018, Dominicains 1172, Feuillants 148, Genovéfains 570, Mathurins 310, Minimes 684, Notre-Dame de la Merci 31, Notre-Sauveur 203, Tiers-ordre de Saint-François 365, Saint-Jean des Vignes de Soissons 31, Théatins 25, abbaye de Saint-Victor 21, Maisons soumises à l’ordinaire 305. Total 20 745 religieux en 2489 couvents. Il faut y ajouter les Pères de l’Oratoire, de la Mission, de la Doctrine chrétienne et quelques autres ; le total de tous les moines doit osciller autour de 23 000. — Quant aux religieuses, j’ai relevé aux Archives nationales leur catalogue dans 12 diocèses comprenant, d’après la France ecclésiastique de 1788, 5576 paroisses : Diocèses de Perpignan, Tulle, Marseille, Rodez, Saint-Flour, Toulouse, le Mans, Limoges, Lisieux, Rouen, Reims, Noyon. En tout 5394 religieuses dans 198 maisons. La proportion donne environ 37 000 religieuses en 1500 maisons pour les 38 000 paroisses de la France. — Ainsi le total du clergé régulier est de 60 000 personnes. — Pour le clergé séculier, on peut l’évaluer à 70 000 : curés et vicaires, 60 000, (l’abbé Guettée, Histoire de l’Église de France, XII, 142) ; 

prélats, vicaires généraux, chanoines des chapitres, 2800 ; chanoines des collégiales, 5600 ; ecclésiastiques sans bénéfice, 3000 (Siéyès). — Moheau, très bon esprit et statisticien prudent, écrit en 1778 (Recherches, 100) : « Peut-être n’existe-t-il pas aujourd’hui dans le royaume 130 000 ecclésiastiques ». — Le dénombrement de 1866 (Statistique de la France, population) donne maintenant 51 100 membres du clergé séculier, 18 500 religieux, 86 300 religieuses ; total, 155 900 pour une population de 58 millions d’habitants.

Note 2.

Sur les droits féodaux et sur l’état d’un domaine féodal en 1783.

Les renseignements qui suivent sont extraits d’un acte de partage et d’estimation dressé le 6 septembre 1785, et dont je dois la communication à l’obligeance de M. de Boislisle.

Il s’agit des terres de Blet et des Brosses. — La terre et baronnie de Blet est située dans le Bourbonnais, à deux lieues de Dun-le-Roi. — Blet, dit un mémoire de l’administration des aides, est une « bonne paroisse sans être d’objet ; bonnes terres, la plus grande partie en bois, foins et pacages, le surplus en terres labourables de froment, seigle et avoine… Chemins affreux et à périr en hiver. Le commerce en faveur est celui des bêtes à cornes, il s’étend aussi sur les grains ; les bois pourrissent sur pied, par leur éloignement des villes et leur difficile exploitation[1] ».

« Cette terre, dit l’acte estimatif, est dans la mouvance du roi, à cause de son château et forteresse d’Ainay, sous la dénomination de ville de Blet. » La ville était fortifié autrefois, et son château fort subsiste encore. Elle fut jadis très peuplée, « mais les guerres civiles du seizième siècle et surtout l’émigration des protestants l’ont rendue déserte, au point que, de 3000 habitants qu’elle renfermait, il s’en trouve actuellement à peine 300[2] ; c’est le sort de toutes les villes du pays ». La terre de Blet, possédée pendant plusieurs siècles par la maison de Sully, passa par mariage de l’héritière, en 1363, à la maison de Saint-Quentin, où elle fut transmise en ligne directe jusqu’en 1748, date de la mort d’Alexandre II de Saint-Quentin, comte de Blet, gouverneur de Berg-op-Zoom, père de trois filles d’où sont nés les héritiers actuels. — Ces héritiers sont le comte de Simiane, le chevalier de Simiane, et les mineurs de Bercy, chacun pour un tiers, qui est de 97 667 livres sur la terre de Blet, et de 20 408 livres sur la terre des Brosses. L’aîné, comte de Simiane, reçoit en outre un préciput (selon la coutume du Bourbonnais) évalué à 15 000 livres, comprenant le château avec la ferme attenante et les droits seigneuriaux, tant honorifiques qu’utiles.

Le domaine entier, comprenant les deux terres, est évalué 369 227 livres. — La terre de Blet comprend 1437 arpents, exploités par 7 fermiers, auxquels le propriétaire fournit des bestiaux estimés 13 781 livres. Ils payent ensemble au propriétaire 12 060 livres de fermage (outre quelques redevances en poulets et corvées). Un seul a une grosse ferme et paye 7800 livres par an, les autres payent 1500, 740, 640, 240 livres par an. — La terre des Brosses comprend 515 arpents exploités par 2 fermiers, auxquels le propriétaire fournit des bestiaux estimés 3750 livres ; ils payent ensemble au propriétaire 2240 livres[3]. — Toutes ces métairies sont pauvres ; une seule comprend deux chambres avec cheminées ; deux ou trois, une chambre avec une cheminée ; toutes les autres consistent en une cuisine, avec four extérieur, étables et granges. Des réparations sont urgentes pour tous les corps de ferme, sauf trois, « l’entretien en ayant été négligé depuis trente ans ». Il faudrait « écurer le bié du moulin et la rivière dont les débordements gâtent la grande prairie, réparer les chaussées des deux étangs, réparer l’église qui est à la charge du seigneur, et dont les couvertures notamment sont dans un état affreux, les eaux pénétrant à travers la voûte », réparer les chemins qui sont aussi à la charge du seigneur, et qui pendant l’hiver sont dans un état déplorable. « Il paraît qu’on ne s’est jamais occupé du rétablissement et réparation de ces chemins. » Le sol de la terre de Blet est excellent, mais il faudrait des saignées et fossés pour l’écoulement des eaux, sans quoi les bas-fonds continueront à ne produire que des mauvaises herbes. La négligence et l’abandon ont laissé leurs marques partout. Le château de Blet n’a pas été habité depuis 1748 ; aussi presque tous les meubles sont pourris et hors d’usage ; ils valaient 7612 livres en 1748 ; ils ne sont plus estimés qu’à 1000 livres. « Le moulin à eau occasionne presque autant de dépense qu’il produit de revenu. » — « On ne connaît point l’usage de la chaux pour l’engrais des terres labourables », et pourtant « dans le pays la chaux est à vil prix ». La terre, humide et très bonne, produirait à volonté des haies vives ; pourtant on clôt les champs avec des haies sèches contre les bestiaux « et cette charge, suivant le rapport des fermiers, est évaluée au tiers du produit des fonds ». — Ce domaine, tel qu’on vient de le décrire, est évalué comme il suit :

1. La terre de Blet, suivant l’usage du pays pour les terres nobles, est évaluée au denier 25, c’est-à-dire 373 060 livres, dont il faut défalquer un capital de 65 056 livres représentant les charges annuelles (portion congrue du cure, réparations, etc.), non comprises les charges personnelles comme les vingtièmes. Elle rapporte net par an 12 300 livres, et vaut net 308 003 livres.

2. La terre des Brosses est, suivant l’usage du pays, évaluée au denier 22, car elle cesse d’être noble par le transport des droits de fief et justice à celle de Blet. Sur ce pied elle vaut 73 583 livres, dont il faut défalquer un capital de 12 359 livres pour les charges réelles ; elle rapporte net par an 3140 livres, et vaut net 61 224 livres.

Ces revenus ont les sources suivantes :

En premier lieu, les fermages ci-dessus énoncés. — En second lieu les droits féodaux que l’on va énumérer.

Droits utiles et honorifiques de la terre de Blet :

1o. Droit de haute, basse et moyenne justice sur toute la terre de Blet et autres villages, les Brosses, Jalay. Le haut justicier, selon l’acte de notoriété donné au Châtelet, le 29 avril 1702, « connaît de toutes les matières réelles et personnelles, civiles et criminelles, même des actions des nobles et ecclésiastiques, des scellés et inventaires de meubles et effets, des tutelles, curatelles, administration des biens de mineurs, des domaines, droits et revenus usuels de la seigneurie, etc. »

2o. Droit de gruerie, édit de 1707. Le gruyer du seigneur juge de toutes les affaires concernant les eaux et forêts, usages, délits, pêche et chasse.

3o. Droit de voirie, ou police des rues, chemins, édifices (sauf les grands chemins). Le seigneur nomme un bailli gruyer et voyer, qui est M. Theurault (à Sagonne), un procureur fiscal, Baujard (à Blet) ; il peut les destituer « attendu qu’ils ne payent point de finance ». — « Les droits de greffe étaient ci-devant affermés au profit du seigneur ; mais actuellement qu’il est très difficile de rencontrer des personnes intelligentes dans le pays pour remplir cette charge, le seigneur abandonne ses droits à celui qu’il commet. » (Le seigneur paye 48 livres par an au bailli pour tenir son audience une fois par mois, et 24 livres au procureur fiscal pour y assister.)

Il perçoit les amendes et confiscations de bestiaux prononcées par ses officiers. Ce profit, année moyenne, est de 8 livres.

Il doit entretenir une prison et un geôlier. (On ne dit pas qu’il y en ait une.) — Il ne se trouve plus dans la seigneurie aucune marque extérieure de fourches patibulaires.

Il peut nommer 12 notaires ; de fait il n’y en a qu’un, à Blet ; « encore n’est-il pas occupé », c’est Baujard, procureur fiscal. Cette commission lui est accordée gratuitement, pour maintenir le droit ; « d’ailleurs il serait impossible de rencontrer sur le lieu une personne intelligente pour la remplir ».

Il nomme un sergent ; mais depuis longtemps ce sergent ne paye aucun fermage ni loyer.

4o. Taille personnelle et réelle. En Bourbonnais, jadis la taille était serve et les serfs mainmortables. « Les seigneurs, qui ont encore des droits de bordelage bien établis dans l’étendue de leurs fiefs et justices, sont encore aujourd’hui en possession de succéder à leurs vassaux dans tous les cas, même au préjudice de leurs enfants, si ceux-ci n’étaient résidants avec eux et n’habitaient le même toit. » Mais en 1255, Hodes de Sully, ayant donné une charte, renonça à ce droit de taille réelle et personnelle moyennant un droit de bourgeoisie perçu encore aujourd’hui (voyez plus loin).

5o. Droit d’épave, sur les bestiaux, meubles, effets, essaims de mouches à miel perdus, trésors trouvés (depuis vingt ans profits nuls sur cet article).

6o. Droit sur les biens des personnes décédées sans héritiers, des bâtards et aubains décédés, sur les biens des condamnés à mort, aux galères perpétuelles, des bannis, etc. (profits nuls).

7o. Droit de chasse et de pêche, le second évalué 15 livres par an.

8o. Droit de bourgeoisie (voy. article 4) d’après la charte de 1255, et le terrier de 1484. — Les plus riches doivent payer par an chacun 12 boisseaux d’avoine de 40 livres et 12 deniers parisis ; les moyens, 9 boisseaux et 9 deniers ; tous les autres, 6 boisseaux et 6 deniers. « Ces droits de bourgeoisie sont bien établis, énoncés dans tous les terriers et aveux rendus au roi et perpétués par une infinité de reconnaissances : on ne peut pénétrer les motifs qui ont engagé les anciens régisseurs ou fermiers de cette terre à en interrompre la perception. Quantité de seigneurs, en Bourbonnais, jouissent et font payer de pareils droits à leurs vassaux en vertu de titres qui pourraient être plus suspectés que ceux qui sont en la disposition des seigneurs de Blet. »

9o. Droit de guet du château de Blet. Édit du roi de 1497 fixant cette charge, pour les habitants de Blet et tous ceux demeurant dans l’étendue de la justice, pour ceux de Charly, Boismarvier, etc., à 5 sous par feu et par an, ce qui fut exécuté. « Ce n’est que depuis peu qu’on en a cessé la perception, quoique, par les reconnaissances modernes, tous les habitants se soient reconnus sujets auxdits guet et garde du château. »

10o. Droit de péage pour toutes les marchandises et denrées qui passent par la ville de Blet, sauf les blés, grains, farines et légumes. (Affaire pendante devant le conseil d’État depuis 1727 jusqu’à 1745 et non terminée ; « la perception en a été interrompue dans ce même temps »).

11o. Droit de potage sur les vins vendus en détail à Blet, attribuant au seigneur 9 pintes de vin par tonneau, affermé en 1782 pour 6 ans, moyennant 60 livres par an.

12o. Droit de boucherie ou de prendre la langue de toutes les bêtes tuées dans la ville, plus la tête et les pieds de tous les veaux. Pas de boucher à Blet ; cependant, « dans le temps de la moisson et pendant le cours de chaque année, on massacre environ 12 bœufs ». Ce droit est perçu par le régisseur : il est évalué à 3 livres par an.

13o. Droit sur les foires et marchés, aunage, poids et mesures. Cinq foires par an et un marché par semaine, mais peu fréquentés ; pas de halle. Le droit est évalué à 24 livres par an.

14o. Corvées de charrois et à bras, par droit de seigneur haut-justicier sur 97 personnes à Blet (22 corvées de voitures et 75 corvées à bras), sur 26 personnes aux Brosses (5 corvées de voitures et 21 à bras). Le seigneur paye 6 sous de nourriture pour la corvée à bras et 12 sous de nourriture pour la corvée de voiture à 4 bœufs. « Dans le nombre des corvéables, il s’en trouve la plus grande partie réduite presque à la mendicité et chargée d’une famille nombreuse, ce qui détermine souvent le seigneur à ne point les exiger à la rigueur. » Valeur ainsi réduite des corvées, 49 livres 15 sols.

15o. Banalité de moulins (sentence de 1736 condamnant Roy, laboureur, à moudre ses grains au moulin de Blet et à l’amende pour avoir cessé d’y moudre depuis trois ans). Le meunier perçoit un seizième de la farine moulue. Le moulin banal, ainsi que celui à vent et 6 arpents adjoints, sont affermés 600 livres par an.

16o. Banalité de four. Transaction de 1537 entre le seigneur et ses vassaux : il leur accorde d’avoir dans leur maison un petit four de trois carreaux, d’un demi-pied chaque, pour y cuire pâtés, galettes et tourteaux ; d’autre part ils se reconnaissent sujets à la banalité. Il peut percevoir un seizième de la pâte ; ce droit pourrait rapporter 150 livres annuellement ; mais, depuis quelques années, la maison du four est effondrée.

17o. Droit de colombier ; il y en a un dans le parc du château.

18o. Droit de bordelage (le seigneur est héritier, sauf lorsque les enfants du mort vivaient avec le mort au moment du décès). Le seigneur de Blet a ce droit sur 48 arpents. Depuis 20 ans, par négligence ou autrement, il n’en a rien tiré.

19o. Droit sur les terres incultes et désertes et sur les accrues par alluvion.

20o. Droit purement honorifique de banc et sépulture au chœur, d’encens et de prière nominale, de litre et ceinture funèbre intérieure et extérieure.

21o. Droit de lods et ventes sur les censitaires, dû par l’acquéreur d’un immeuble censitaire au seigneur, dans les 40 jours. « En Bourbonnais, les lods et ventes se perçoivent au tiers, au quart, au 6e 8e et 12e denier. » Le seigneur de Blet et Brosses les perçoit au 6e denier. On estime que les ventes se font une fois tous les 80 ans ; ces droits portent sur 1356 arpents qui valent, les meilleurs 192 livres l’arpent, les moyens 110 livres, les mauvais 75 livres. À ce taux, les 1350 arpents valent 162 750 livres. — On fait remise aux acquéreurs du quart des lods et ventes. — Rapport annuel de ce droit, 254 livres.

22o. Droit de dîmes et charnage. Le seigneur a acquis toutes les dîmes, sauf quelques-unes aux chanoines de Dun-le-Roi et au prieur de Chaumont. Les dîmes se lèvent à la 13e gerbe ; elles sont comprises dans les baux.

23o. Droit de terrage ou champart : c’est le droit de percevoir, après que les dîmes sont levées, une portion des fruits de la terre. « En Bourbonnais, le terrage se perçoit de différentes manières, à la 3e gerbe, à la 5e, 6e, 7e, et communément au quart ; à Blet, c’est à la 12e. » Le seigneur de Blet ne perçoit le terrage que sur un certain nombre de terres de sa seigneurie ; « par rapport aux Brosses, il paraît que tous les domaines possédés par les censitaires sont assujettis à ce droit ». — Ces droits de terrage sont compris dans les baux des fermes de Blet et des Brosses.

24o. Cens, surcens et rentes dus par des immeubles de diverses sortes, maisons, champs, prés, etc., situés sur le territoire de la seigneurie.

Sur la seigneurie de Blet, 810 arpents, divisés en 511 parcelles, aux mains de 120 censitaires, sont dans ce cas, et leur cens total annuel consiste en 137 francs d’argent, 67 boisselées de froment, 3 d’orge, 159 d’avoine, 16 gelines, 130 poules, 6 coqs et chapons ; le total est évalué 575 francs.

Sur la terre des Brosses, 85 arpents, divisés en 112 parcelles, aux mains de 20 censitaires, sont dans ce cas, et leur cens total annuel est de 14 francs d’argent, 17 boisselées de froment, 32 d’orge, 26 gelines, 3 poules et 1 chapon. Le total est évalué 126 francs.

25o. Droits sur les communaux (124 arpents dans la terre de Blet, 164 dans la terre des Brosses).

Les vassaux n’ont sur les communaux qu’un droit d’usage. « La presque totalité des fonds sur lesquels ils usent du droit de pâturage appartiennent en propriété aux seigneurs, fors ce droit d’usage dont ils sont grevés ; encore n’est-il accordé qu’à quelques particuliers. »

26o. Droits sur les fiefs mouvants de la baronnie de Blet.

Les uns sont situés dans le Bourbonnais, et il y en a 19 dans ce cas. En Bourbonnais, les fiefs, même possédés par des roturiers, ne doivent au seigneur, à chaque mutation, que la bouche et les mains. Jadis le seigneur de Blet percevait dans cette circonstance le droit de rachapt, mais on l’a laissé tomber en désuétude.

Les autres sont situés dans le Berry, où s’exerce le droit de rachapt. Il n’y a qu’un fief dans le Berry, celui de Cormesse, à l’archevêque de Bourges, comprenant 85 arpents, outre une portion de dîmes, et rapportant par an 2100 livres, ce qui, en admettant une mutation tous les vingt ans, donne annuellement au seigneur de Blet 105 livres.

Outre les charges indiquées, il y a les charges suivantes :

1o. Au curé de Blet, sa portion congrue. D’après la déclaration du roi de 1686, elle devait être de 300 livres. Par transaction en 1692, le curé, voulant s’assurer cette portion congrue, céda au seigneur toutes les dîmes, novales, etc. — L’édit de 1768 ayant fixé la portion congrue à 500 livres, le curé réclama cette somme par exploit. Les chanoines de Dun-le-Roi et le prieur de Chaumont, ayant des dîmes sur le territoire de Blet, devraient en payer une partie. Actuellement elle est toute à la charge du seigneur de Blet.

2o. Au garde, outre son logement, son chauffage et la jouissance de 3 arpents de friches, 200 livres.

3o. Au régisseur, pour garder les archives, veiller aux réparations, percevoir les lods et ventes, percevoir les amendes, 432 livres, outre la jouissance de dix arpents de friches.

4o. Au roi l’impôt des vingtièmes. Précédemment, les terres de Blet et des Brosses payaient 810 livres pour les deux vingtièmes et les deux sous pour livre. Depuis l’établissement du troisième vingtième, elles payent 1216 livres.

Note 3.

Différence du revenu réel et du revenu nominal des dignités et bénéfices ecclésiastiques.

Selon Raudot (La France avant la Révolution, 84), il faut ajouter moitié en sus à l’évaluation officielle ; selon Boiteau (État de la France en 1789, 195), il faut la tripler et même la quadrupler. — Je pense que, pour les sièges épiscopaux, il faut ajouter moitié en sus, et que, pour les abbayes et prieurés, il faut doubler, parfois tripler ou même quadrupler. Voici des faits qui pourront montrer l’écart des chiffres officiels et des chiffres réels :

1o. Dans l’Almanach Royal, l’évêché de Troyes est évalué 14 000 livres ; dans la France ecclésiastique de 1788, 50 000. D’après Albert Babeau (Histoire de la Révolution dans le département de l’Aube), il rapporte 70 000 livres.

Dans la France ecclésiastique, l’évêché de Strasbourg est évalué 400 000 livres. Selon le duc de Lévis (Souvenirs, 156), il rapporte au moins 600 000 livres de rente.

2°. Dans la France ecclésiastique, l’abbaye de Jumièges est portée pour 23 000 livres. J’ai trouvé dans les papiers du comité ecclésiastique que, selon les moines, elle rapporte à l’abbé 50 000 livres.

Dans la France ecclésiastique, l’abbaye de Bèze est évaluée 8000 livres. Je trouve qu’elle rapporte aux moines seuls 30 000 livres, et la part de l’abbé est toujours au moins égale (De l’État religieux, par les abbés Bonnefoi et Bernard, 1784). Elle rapporte donc à l’abbé 30 000 livres.

Bernay (Eure) est porté officiellement à 16 000. Les doléances des cahiers l’estiment à 57 000.

Saint-Amand, au cardinal d’York, est marqué 6000 livres et en rapporte 100 000. (Duc de Luynes, XIII. 215.)

Clairvaux est porté dans la France ecclésiastique à 9000, et dans Waroquier (État général de la France en 1789) à 60 000. — D’après Beugnot, qui est du pays et homme d’affaires, l’abbé a de 300 à 400 000 livres de rente.

Saint-Faron, dit Boiteau, marqué 18 000 livres, en vaut 120 000.

L’abbaye de Saint-Germain des Prés (aux économats) est marquée 100 000 livres. Le comte de Clermont, qui l’avait auparavant, l’affermait 160 000 livres, « sans compter des prés réservés et tout ce que les fermiers fournissaient de paille et d’avoine pour ses chevaux ». (Jules Cousin, le Comte de Clermont et sa cour.)

Saint-Waast d’Arras, selon la France ecclésiastique, rapporte 40 000 livres. Le cardinal de Rohan en a refusé 1000 louis par mois que les moines lui offraient pour sa part. (Duc de Levis, Souvenirs, 156.) Elle vaut donc environ 300 000 livres.

Remiremont, dont l’abbesse est toujours une princesse du sang royal, l’un des monastères les plus puissants, les plus riches, les plus amplement dotés, est évalué officiellement au chiffre ridicule de 15 000 livres.

Note 4.

Sur l’éducation des princes et princesses.

Ce sujet pourrait à lui seul occuper un chapitre à part ; je citerai seulement quelques textes.

(Barbier, Journal, octobre 1750.) — La dauphine vient d’accoucher d’une fille.

« La jeune princesse en est à sa quatrième nourrice… J’ai appris à cette occasion que tout se fait par forme à la cour, suivant un protocole de médecin, en sorte que c’est un miracle d’élever un prince et une princesse. La nourrice n’a d’autres fonctions que de donner à téter à l’enfant quand on le lui apporte ; elle ne peut pas lui toucher. Il y a des remueuses et femmes préposées pour cela, mais qui n’ont point d’ordre à recevoir de la nourrice. Il y a des heures pour remuer l’enfant, trois ou quatre fois dans la journée. Si l’enfant dort, on le réveille pour le remuer. Si, après avoir été changé, il fait dans ses langes, il reste ainsi trois ou quatre heures dans son ordure. Si une épingle le pique, la nourrice ne doit pas l’ôter ; il faut chercher et attendre une autre femme ; l’enfant crie dans tous ces cas, il se tourmente et s’échauffe, en sorte que c’est une vraie misère que toutes ces cérémonies. »

(Mme de Genlis, Souvenirs de Félicie, 74. Conversation avec Madame Louise, fille de Louis XV, devenue carmélite.)

« Je désirai savoir quelle est la chose à laquelle, dans son nouvel état, elle avait eu le plus de peine à s’accoutumer. — Vous ne le devineriez jamais, a-t-elle répondu en souriant ; c’est de descendre seule un petit escalier. Dans les commencements, c’était pour moi le précipice le plus effrayant, j’étais obligée de m’asseoir sur les marches et de me traîner, dans cette attitude, pour descendre. » — « En effet, une princesse qui n’avait descendu que le grand escalier de Versailles en s’appuyant sur le bras de son chevalier d’honneur, et entourée de ses pages, a dû frémir en se trouvant livrée à elle-même sur le bord d’un escalier bien raide en colimaçon. (Telle est) l’éducation ridicule à tant d’égards que reçoivent en général les personnes de ce rang ; dès leur enfance, toujours suivies, aidées, escortées, prévenues, (elles) sont ainsi privées de la plus grande partie des facultés que leur a données la nature. »

(Mme Campan, Mémoires, 1, 18, 28.)

« Madame Louise m’a souvent répété qu’à l’âge de douze ans elle n’avait point encore parcouru la totalité de son alphabet…

Il s’agissait de décider irrévocablement si un oiseau d’eau était maigre ou gras. Madame Victoire consulta un évêque… Celui-ci répondit qu’en un semblable doute, après avoir fait cuire l’oiseau, il fallait le piquer sur un plat d’argent très froid, que, si le jus de l’animal se figeait dans l’espace d’un quart d’heure, l’animal était réputé gras. — Madame Victoire fit aussitôt faire l’épreuve ; ce jus ne figea point. Ce fut une joie pour la princesse qui aimait beaucoup cette espèce de gibier. — Le maigre, qui occupait tant Madame Victoire, l’incommodait ; aussi attendait-elle avec impatience le coup de minuit du samedi saint. On lui servait aussitôt une bonne volaille au riz et plusieurs autres mets succulents. »

(Journal de Dumont d’Urville, commandant du navire sur lequel Charles X quitta la France en 1830. Cité par Vaulabelle, Histoire de la Restauration, VIII, 465.)

« Le roi et le duc d’Angoulême m’interrogèrent sur mes différentes campagnes, mais surtout sur mon voyage de circumnavigation à bord de l’Astrolabe. Mon récit paraissait vivement les intéresser, et, s’ils m’interrompaient, c’était pour m’adresser des questions d’une remarquable naïveté et qui prouvaient que, dépourvus de toute notion, même superficielle, sur les sciences et les voyages, ils étaient aussi ignorants sur ces matières que pouvaient l’être de vieux rentiers au Marais. »

  1. Archives nationales, G, 319 (État actuel de la Direction de Bourges au point de vue des aides, 1774),
  2. Aujourd’hui Blet renferme 1629 habitants.
  3. En réalité, les fermes de Blet et des Brosses ne rapportent presque rien au propriétaire, puisque les dîmes et le champart (articles 22 et 23) sont compris dans le prix des baux.