A. Lemerle (1p. 162-185).


Tancrède.


Quoique lord Glenmour fût réellement riche, il ne l’était pas assez il y a six ans pour le nom qu’il portait et pour la figure qu’il prétendait faire à Londres dans le grand monde chaque fois qu’il revenait d’un de ses voyages sur mer. Sa fortune n’allait pas au-delà de cinquante mille francs de rente. Aussi était-il obligé de regagner bien vite son vaisseau après un hiver passé à Londres, dans la fournaise des jeux, des bals, des soirées et des fêtes. Faisant allusion à ces disparitions soudaines, il disait qu’il allait se faire radouber.

Ce genre de vie devait le conduire un jour à se tromper, à prendre, comme beaucoup de jeunes seigneurs, le capital de sa fortune pour l’intérêt, et par conséquent à se ruiner tout-à-fait. Lord Glenmour courait à pleines voiles à cette solution désastreuse, lorsqu’il fit connaissance, dans la société très riche et très élégante au milieu de laquelle il vivait, d’un duc d’Écosse dont je vous tairai le nom, parce qu’il vit encore.

Ce duc était de huit ou dix ans moins jeune que lord Glenmour. Les deux amis n’eurent bientôt aucun plaisir qui ne fût partagé ; du plaisir à l’amitié il n’y a qu’un pas. De l’amitié à la confiance la plus absolue, le duc ne laissa aucune distance. Il n’y eut plus entr’eux que l’énorme différence des fortunes. Le duc écossais possédait six millions de revenu, chiffre parfois écrasant pour Glenmour, presque pauvre en comparaison avec ses cinquante mille francs de rente. L’un et l’autre souffraient sans se le dire de cette inégalité.

Le duc n’osait pas ouvrir sa bourse à lord Glenmour, et lord Glenmour aurait refusé d’y puiser, il s’ensuivait que beaucoup de projets de plaisir devenaient impossibles à cause de la part que l’un y aurait prise sans l’autre. Un hasard comme il y en a fort peu, à la vérité, vint les tirer de cette position délicate, et mettre en équilibre, du moins à quelques égards, leurs deux existences. Un jour le duc emmena lord Glenmour à son château, et là il lui dit que son père voulait décidément le marier, et qu’il ne pouvait guère se refuser à ce désir, quoique ce fût loin d’être le sien. Étant l’aîné de la famille, il devait avant ses autres frères songer à perpétuer le nom. Mais au moment d’exécuter ce projet, il le priait avec instance, lui son intime ami, de lui rendre un service des plus grands, un service, enfin, qu’un ami seul est capable de rendre. Beaucoup d’embarras, de réticences entravèrent, au début de la conversation, un aveu qui était pénible au duc. Lord Glenmour se montra pourtant si prêt à tout faire, à tout entreprendre, à tout sacrifier pour obliger un tel ami, que le duc se décida à parler plus clairement. De son amour avec une jeune et fort jolie fille du comté de Berwick, il lui était resté à l’âge de dix-huit ans (il en avait alors environ vingt-sept) un enfant qu’il avait d’abord caché dans le pays de la mère ; mais cette jeune fille, d’une santé délicate, venant de mourir, il ne savait plus que faire de l’enfant. Sans le concours d’un ami, sa position allait le réduire à faire des demi confidences, chose plus fâcheuse encore que des confidences entières, à des étrangers, et cette nécessité l’inquiétait beaucoup sur le point d’épouser une des plus nobles et des plus riches héritières de l’Angleterre. Le duc convint avec franchise que, n’ayant jamais vu cet enfant, et n’ayant jamais voulu le voir, il ne l’aimait pas. Son existence allait le gêner de jour en jour davantage. Pour n’avoir pas à le haïr plus tard, son intention était de lui ménager la chance de se faire par lui-même une place dans le monde en le jetant dans les situations les plus périlleuses de l’état le plus périlleux qui existe. S’il succombait, ce qui était infiniment probable, tout était dit ; si au contraire, et par miracle, il survivait, il aurait acquis à coup sûr un grand nom dans la carrière navale.

Il le destinait à être marin. Vous voyez que c’était vouloir la mort de cet enfant sans autoriser précisément son assassinat. Le duc savait par de nombreux exemples que tous les enfants naturels qu’on sème avec prodigalité dans la jeunesse, ne manquent jamais de reparaître un jour avec des prétentions d’autant plus tyranniques souvent qu’elles sont accompagnées de la menace du scandale ; arme empoisonnée avec laquelle il est peu de pays où l’on ne vienne à bout de tout. Jamais le silence n’est gardé. Jamais ! Le duc pensait parfaitement vrai, mais en jeune homme léger, original ; peut-être aussi en homme raisonnable. Jugez vous-même. Il ajoutait ceci à sa confidence : il assurait deux cent mille francs de revenu et pour la vie, à l’ami dévoué qui voudrait lui rendre le service éminent de prendre cet enfant sous sa tutelle de fer, et de le lancer à sa fantaisie au milieu des périls les plus certains, les plus avérés qu’offre la profession navale.

Avec les deux cent mille francs de rente qu’il assignait sur sa fortune, il comptait que celui qui se chargerait de cet enfant pourrait l’élever, le soutenir tant qu’il vivrait, et se payer de ses soins. Il comptait bien, ajouta-t-il en pressant avec effusion les mains de son confident, que cet ami, ce tuteur mystérieux, serait lord Glenmour. Il ne lui imposait aucune action déshonorante, il ne cherchait qu’à mettre cet enfant inconnu à tous les deux, indifférent à tous les deux, en face des dangers auxquels, s’exposent tous les jours et sans espoir d’avancement, les pauvres enfants du peuple. Lord Glenmour comprit l’embarras, l’inquiétude de son ami ; il ne vit aucune cruauté, marin lui-même, à soumettre aux dures privations de la mer, un être qui lui était complètement étranger, comme venait de le dire le duc.

Glenmour n’avait alors que dix-huit-ans ; peut-être pensa-t-il aux deux cent mille francs de rente viagère ; enfin, soit dévoûment, soit calcul, il accepta. Le duc lui sauta au cou, lui prodigua les plus ardentes paroles de reconnaissance, l’appela son ami, son sauveur, son frère. Le marché était conclu. Des gens verront dans ce pacte une grave faute de la part de lord Glenmour, peut-être un crime des deux parts. Quoi qu’il en soit, lord Glenmour, à qui Tancrède, qui avait alors dix ans, fut remis, l’embarqua aussitôt en qualité de mousse, pour les îles de la Sonde, placées, comme vous savez, au fond de la partie marécageuse des Indes, à quatre mille lieues de l’Europe, le jetant pour ainsi dire au milieu des tigres, des serpents, des tempêtes et des pirates. Il ne fut arrêté ni par l’âge si tendre, ni par les jolis cheveux blonds, ni par le charmant sourire, ni par la blancheur angélique de Tancrède. Au bout de deux ans d’absence, Tancrède revenait des îles de la Sonde, fort et bronzé comme un véritable matelot de Plymouth. À ce premier retour, il avait douze ans. À quatorze ans, il partait de nouveau pour la pêche des perles dans le golfe du Bengale, et s’exposait aux coups de fusil des Mahrattes et au choléra. À seize ans, il revenait en Europe plus robuste encore que la première fois et faisant démentir son fatal horoscope.

La troisième campagne avait été la plus dangereuse. Un coup de vent à travers les Açores l’avait pris dans la nuit sur son banc de quart, et l’avait envoyé hors du vaisseau. On l’avait cru noyé. Une grosse vague l’avait à l’instant même rejeté à bord, brisé, étourdi, moulu, mais vivant. C’était pour se remettre des suites de cet horrible accident auquel il avait échappé par un prodige de bonheur, qu’il avait suivi lord Glenmour en France.

Gravement altérée, la santé de l’enfant exigeait ce temps de repos dans l’air tempéré des environs de Paris.

Jusqu’ici lord Glenmour avait fidèlement rempli les intentions de son ami, le duc d’Écosse. Mais à chaque nouveau retour de Tancrède, il prenait de l’attachement pour lui, et à raison même des dangers auxquels il l’exposait, il sentait s’accroître cet attachement.

Tant de courage et de bonne volonté, tant de jeunesse et de témérité chez Tancrède, lui faisaient parfois regretter les ordres qu’il donnait aux capitaines sous le commandement desquels il plaçait ce pauvre enfant, si riche et si abandonné. La mort semblait ne pas vouloir de lui : être plus cruel que la mort, la provoquer contre un être si jeune et si charmant, paraissait à lord Glenmour une tâche dont il n’avait pas sondé toute la moralité. Cependant il était parvenu jusqu’ici à faire taire sa conscience en l’étourdissant avec les grands mots d’amitié, d’engagement contracté. Et qui sait comment le jeune Tancrède sortirait de la nouvelle et plus cruelle expédition à laquelle lord Glenmour venait de le destiner ? Un voyage en découverte avec le capitaine Hog ! Si Tancrède avait pâli en apprenant qu’il allait servir sous cet officier dont l’atroce réputation était faite, ce n’est pas qu’il craignît les privations, les mauvais traitements, la mort ; mais on l’a pressenti, il adorait lady Glenmour sans savoir encore qu’il l’aimait.

Cette femme, divinement belle, lui faisait éprouver tous les sentiments de l’âme dont il avait été déshérité en naissant. Ainsi, il y avait dans son amour, — l’amour du frère pour la sœur, l’amour du fils pour la mère, l’amour du jeune homme pour la jeune femme ; et il ne savait pas qu’il aimait ! Loin de craindre le danger, Tancrède, comme s’il eût été dans le secret de sa redoutable destinée, allait en enthousiaste au-devant des périls qu’on ne lui ménageait pas. Il n’en existait pas pour lui. Ni le vent, ni la mer, ni le fer, ni le feu, dans ce qu’ils ont de colère, ne pouvaient l’émouvoir. Il se dévouait héroïquement à la mort comme s’il eût su qu’il y était condamné.

Telle est l’origine de la grande fortune de lord Glenmour, et telle est aussi l’explication succincte de la naissance de Tancrède.

— Mylady ! mylady !

— Qu’avez-vous donc, Tancrède ? s’écria lady Glenmour.

— J’ai…

La précipitation de la course avait ôté la respiration à Tancrède.

— Oh ! mon Dieu ! pourquoi cette épée nue ? Voulez-vous me tuer ?

À ce moment-là seulement, Tancrède, qui était entré dans le salon de lady Glenmour comme un coup de vent, s’aperçut qu’il tenait à la main l’épée dont lord Glenmour venait de lui faire cadeau.

— Pardon, mylady… j’ai oublié de déposer cette arme dans le cabinet ; je ne sais comment j’ai pu avoir une pareille distraction…

— C’est que vous m’avez fait peur…

— Encore une fois, pardon, Madame, dit Tancrède en portant l’épée sur le divan…

— Il vous reste à m’apprendre, étourdi, pourquoi vous me cherchez avec tant d’empressement, et ces grands cris de mylady ! mylady !

— Je vais vous le dire, mylady… c’est que…

— Quelque malheur !

— Oh ! non.

— Mais, prenez garde ! vous allez éveiller Griff-Graff, avec vos gestes et vos mouvements. — Allons ! parlez.

— Vous n’ignorez pas, dit Tancrède, que vos chevaux sont très vifs et que je sais conduire.

— Très-mal. Mais achevez…

— Un malheur arrive vite… je serais si heureux qu’il vous arrivât un malheur !

— Êtes-vous fou ?

— Un malheur que je pusse empêcher.

— Enfin, qu’est-ce que cela signifie ? Vous parlez de chevaux, de malheur…

— Vous allez comprendre pourquoi…

— Je ne demande pas mieux.

— Il est encore bien plus facile à un bâtiment de verser, quand il est mal conduit, qu’à un cheval de s’emporter ?

— Je ne dis pas le contraire… mais qu’importe ici ?

— Comment ! qu’importe, mylady, si c’est vous qui vous trouviez à bord du yacht quand il naviguera dans la grande pièce d’eau ?… Mais cela n’arrivera pas, mylady, je vous le jure, tant que je serai à la barre du gouvernail.

— Je ne comprends pas encore, mon cher Tancrède, et vous commencez à m’effrayer sérieusement pour votre bon sens.

— Je ne vous ai donc pas dit que lord Glenmour m’a chargé de tuer tous ceux qui viendront ici pendant son absence ?

— Les tuer ! ah ! mon Dieu ! je ne me trompais pas, vous êtes fou. Les tuer !…

— Dans le cas où ils n’observeraient pas devant vous les plus strictes convenances. Plût au ciel qu’on vous manquât de respect !

— Voilà bien une autre folie.

— Eh ! mon Dieu ! oui ; je vous prouverais alors combien ma vie vous est dévouée…

— Tancrède, dit lady Glenmour, faites-moi le plaisir de boire ce verre d’eau glacée qui rendra un peu de calme à vos idées, et dites-moi ensuite simplement, clairement, le motif pour lequel vous venez me débiter toutes ces jolies choses.

Après avoir avalé d’un trait le verre d’eau à la glace, Tancrède frappa du pied, se donna un coup au front et s’écria : Je crois, en vérité, mylady, que je perds un peu la raison. Je vous ai tout dit, excepté le principal.

— Voyons le principal.

— Lord Glenmour, poursuivit Tancrède, part cette nuit pour Londres, où il séjournera quelques semaines. Pendant ce temps, c’est moi qu’il charge d’être votre chevalier, votre défenseur, si toutefois c’est votre bon plaisir, et je venais…

— Vous veniez m’annoncer votre nouvelle fonction…

— Et vous demander, mylady, la faveur de l’exercer, c’est-à-dire le droit de rester au château pendant l’absence de sa seigneurie, lord Glenmour.

Pendant quelques minutes, Tancrède attendit avec anxiété la réponse de lady Glenmour.

— Restez au château, lui dit-elle enfin, puisque c’est le désir de lord Glenmour. Je ne m’y oppose pas.

— Oh ! merci, Madame, s’écria Tancrède tout palpitant de joie ; merci !… et il cherchait de quelle manière plus expressive il prouverait sa reconnaissance à lady Glenmour. Enfin il se jeta sur Griff-Graff, le joli king-charles’s de lady Glenmour, et se mit à l’embrasser avec tant de force, que le chien, éveillé en sursaut, lui mordit les mains ; bientôt elles furent en sang. En voyant cela, la comtesse les lui prit et les enveloppa dans son mouchoir.

— Extravagant ! vous vous seriez laissé dévorer ! Mais où avez-vous donc la tête ?

Tancrède était trop heureux pour répondre. Lady Glenmour serrait ses mains dans les siennes, et elle étanchait son sang.

— Prenez garde ! mon cher enfant, lui disait-elle en mêlant les belles ondes de ses cheveux noirs aux boucles blondes de Tancrède, cet enthousiasme sans cause, ce dévouement sans motif…

— Sans motif… pensait Tancrède.

— Peut vous rendre ridicule. Il n’y a que quelques heures vous avez failli être lapidé sous les murs du parc pour aller chercher au haut d’un arbre notre orang-outang, Maracaïbo, qui aurait fini par descendre tout seul.

L’autre jour, c’est, je crois, jeudi dernier, vous avez osé dire au pied de la tour de Montlhéry, où nous étions avec beaucoup d’étrangers, que vous iriez sans le secours d’une échelle, avec les mains seulement, chercher un nid d’hirondelles qui est dans un des trous de cette fameuse tour, et à plus de soixante-dix pieds du sol. Cette exagération, qu’aurait pu tout au plus se permettre une hirondelle, fit beaucoup rire autour de nous.

— Si je les eusse vus, ceux qui riaient !…

— Qu’auriez-vous fait ?

— J’aurais immédiatement grimpé à la tour avec mes pieds, avec mes mains, avec mes dents, et je serais allé prendre ce nid d’hirondelles pour vous l’apporter ; car c’est vous, mylady, qui l’aviez remarqué et qui aviez dit : « Si j’étais fée, je souhaiterais d’avoir dans la main ce nid d’hirondelles. »

— Aller chercher si haut, grand Dieu ! un nid d’hirondelles, est-ce que cela était possible ?

— Pour moi, mylady.

— Oui, à la condition de vous écraser en tombant, de vous tuer.

— Je ne dis pas non, mylady.

— Quoi qu’il en soit, promettez-moi, mon ami, de vous corriger de ces exagérations, si vous ne voulez pas faire croire aux gens que vous êtes fou… ou amoureux.

Lady Glenmour pressait toujours dans ses belles mains de reine les mains tremblantes de Tancrède.

— Ainsi, dit-il, caressant de son haleine de feu le beau visage de lady Glenmour, vous permettez que je reste près de vous ?

— Oui… mais ne remuez pas ainsi.

— Que je veille sur vous nuit et jour ?

— Oui…

— Que je vous accompagne partout ?

— Oui, oui, cent fois oui ! bavard, lui dit lady Glenmour en retirant son mouchoir marbré de taches de sang et en lui donnant de son doigt rose et blanc un coup sur la joue. Mais, sonnez pour qu’on allume les bougies… il est huit heures, et l’on va venir. Mais sonnez donc !…

— Oui, mylady.

Tancrède sonna.

La comtesse ne pouvait s’empêcher de sourire à l’ivresse turbulente, fiévreuse, de Tancrède.

— Maintenant, mylady me permet-elle de me retirer ?

— Oui, pourvu que ce ne soit pas pour faire quelque nouvelle extravagance. La journée a été assez bonne ainsi.

— Non, mylady ; mais pour remplir un devoir.

— On vous reverra dans la soirée ?

— Oui, mylady.

— Allez.

Tancrède descendit aussitôt dans la cour et dit au valet d’écurie de seller le meilleur cheval et de le conduire sans bruit jusqu’à la petite porte extérieure du parc. Le domestique obéit. Pendant ce temps, Tancrède vissa des éperons au talon de ses bottes, passa autour de ses reins un ceinturon de cuir qu’il serra étroitement et s’achemina vers la petite porte du parc, où il venait d’ordonner que l’on conduisît le cheval.

— Cet enfant ne ressemble à aucun autre, disait lady Glenmour, et son originalité m’a singulièrement étonnée. Comme il me pressait les mains et comme il me regardait ! Qu’a-t-il donc ?

— Écoutez ! dit tout bas le marquis de Saint-Luc au chevalier De Profundis, il me semble entendre comme le bruit d’une pioche qu’on enfonce dans la terre…

— Il me semble aussi comme à vous…

— D’où vient le bruit ? faisons silence.

— De ce côté…

— Croyez-vous, chevalier ? mais oui…

— Tenez ! quelqu’un est assurément là-bas, dans la direction de ma main, près de la tombe de mademoiselle Clairon…

— Qui peut à cette heure ?…

— Une personne se sera oubliée ; elle ne sera pas sortie à temps du cimetière…

— Si l’on croyait aux revenants ?

— Pourquoi pas, répondit le chevalier De Profundis, opposant son visage rendu plus blafard par l’éclat de la lune au visage du marquis de Saint-Luc… Mais le moment n’est pas venu de discuter ces choses-là…

— Si nous allions nous assurer qui ce peut être ? reprit le marquis, un peu ému de la réponse du chevalier dans l’endroit où elle lui était donnée, et surtout dans un moment où il croyait être sûr qu’il se faisait quelque acte caché auprès d’une tombe.

— Puisque vous le désirez, reprit le chevalier De Profundis, allons voir. La nuit est loin d’être finie ; le temps, je présume, ne nous manquera pas pour achever mon histoire de lady Glenmour.

— Quelle belle nuit ! dit en suivant le chevalier De Profundis le marquis de Saint-Luc.

— Trop belle pour notre expédition ; il fait clair comme en plein jour ; marchez dans l’ombre de cette allée de platanes ; dans cinq minutes nous serons arrivés à l’endroit d’où vous supposez qu’est parti le bruit…