Les Muses françaises (Gérard)/Louise de Lavallière

Les Muses françaisesFasquelle (Collection : Bibliothèque Charpentier) (p. 74-76).

1644-1710

LOUISE DE LAVALLIÈRE

Ce n’est pas dans un bal aux cent mille lumières,
Ni sur une terrasse aux célèbres splendeurs,
Que l’on peut retrouver Louise de Lavallière,
Ni même en un jardin dessiné par des fleurs ;

Et ce n’est pas non plus en feuilletant les pages
Que, sur elle, ont laissé des chroniqueurs distraits ;
Et pas même en scrutant le palpitant langage
De ses yeux bleus, si bleus encor sur ses portraits.

Pour connaître à la fois tout son rêve et son rôle,
Il faut lire en tremblant, par-dessus son épaule,
Le sonnet merveilleux qu’elle écrivit un soir…

Qui donc l’aida ? Corneille ou Racine ? Personne !
Mais on peut quelquefois, quand tout le cœur frissonne
Rencontrer le génie au bord du désespoir !


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SONNET

Tout se détruit, tout passe, et le cœur le plus tendre
Ne peut d’un même objet se contenter toujours,
Le passé n’a point eu d’éternelles amours,
Et les siècles suivants n’en doivent point attendre ;

La constance a des lois qu’on ne veut point entendre,
Des désirs d’un grand Roi rien n’arrête le cours,
Ce qui plaît aujourd’hui déplaît en peu de jours,
Son inégalité ne saurait se comprendre ;

Tous ces défauts, grand Roi, font tort à vos vertus :
Vous m’aimiez autrefois, mais vous ne m’aimez plus,
Mes sentiments, hélas ! diffèrent bien des vôtres…

Amour à qui je dois et mon mal et mon bien,
Que ne lui donniez-vous un cœur comme le mien,
Ou que n’avez-vous fait le mien comme les autres !

FRAGMENT

Deux grands Rois, pour m’avoir, firent un jour la guerre
Le premier l’est du Ciel, l’autre l’est de la Terre,
Le Roi du Ciel vainqueur m’a conduit en ce lieu…
Ô bonheur sans pareil sur la Terre et sur l’Onde,
D’Amante que j’étais du plus grand Roi du monde
Je me vois aujourd’hui l’Épouse du grand Dieu !


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