Les Muses françaises/Les Dames des Roches

Les Muses françaisesLouis-MichaudI (p. 40-51).

LES DAMES DES ROCHES



Les dames des Roches sont surtout, connues pour un « petit fait qui aida à leur renommée », et qui tient une place dans l’histoire littéraire du xvie siècle.

Madeleine Neveu, veuve d’André Fradonet, sieur des Roches, et Catherine, sa fille, vivaient à Poitiers où elle s’occupaient de belles-lettres et recevaient les hommes les plus considérables de leur temps : Étienne Pasquier, le président Achille du Harlay, Nicolas Rapin, Scévole de Sainte-Marthe, etc.

Or, en 1579, pendant la tenue des assises qu’on appelait les Grands jours, Étienne Pasquier, qui faisait partie du tribunal, vint rendre visite aux dames des Roches et vit une puce sur la gorge de Catherine. Aussitôt il fit sur l’insecte téméraire des vers qui se répandirent et, bientôt chacun en fit sur le même sujet, qui en grec, qui en latin, qui en français et la Puce de Mlle des Roches passa ainsi à la postérité.

Les dames des Roches s’étaient fait connaître vers 1570 par des pièces de théâtre, Panthée et Tobie. Leurs premières œuvres poétiques parurent en 1579, à Poitiers, et leurs secondes œuvres en 1584 à Paris, chez l’Angelier. L’édition la plus complète est celle de Rouen, 1604.

La mère et la fille eurent à supporter beaucoup d’ennuis, ainsi qu’on le voit par plus d’un passage de leurs poésies, mais elles s’en consolèrent par le tendre attachement qu’elles ne cessèrent d’avoir l’une pour l’autre et qui était tel que Catherine refusa toujours de se marier. La destinée ne les sépara pas même dans la mort car elles succombèrent le même jour, en 1537, de la peste qui désolait Poitiers.

Les dames des Roches ont fait ensemble une traduction du poème de Claudius, l’Enlèvement de Proserpine, où il se trouve d’assez bons vers et qui fut estimée dans son temps.

Madeleine des Roches a écrit de nombreuses poésies, mais on peut dire que son meilleur ouvrage fut encore sa fille, à l’éducation de laquelle elle se consacra entièrement, et qui la surpassa par le talent.

Sa réputation était fort grande et resta toujours sans tache. Colletet a dit d’elle : « Prononcer son nom, c’était non seulement prononcer un nom vertueux, mais le nom de la vertu. »

Si l’on voulait différencier la mère et la fille, on pourrait dire que Madeleine était plus tendre et plus touchante, Catherine plus contenue. Les vers pleins d’émotion et de charme dans les œuvres de la mère ne manquent pas ; elle vise aussi quelquefois à la philosophie. L’œuvre de Catherine est plus importante et témoigne d’une plus grande habileté poétique. Elle avait vraiment un talent charmant et on peut citer d’elle de beaux sonnets dans lesquels la chute n’est jamais négligée. Il faut regretter que son œuvre soit par trop oubliée.

LES DAMES DES ROCHES.
LES DAMES DES ROCHES.

de madeleine des roches

....................
Nos parents ont la louable coutume,
Pour nous tollir[1] l’usage de raison,
De nous tenir closes dans la maison
Et nous donner le fuseau pour la plume.
Traçant nos pas selon la destinée
On nous promet liberté et plaisir ;
Et nous payons l’obstiné déplaisir
Portant la dot sous les lois d’hyménée…
Il faut soudain que nous changions l’office
Qui nous pouvait quelque peu façonner.
Ou les maris ne nous feront sonner
Que l’obéir, le soin et l’avarice.
Quelqu’un d’entre eux ayant fermé la porte
À la vertu, nourrice du savoir.
En nous voyant craint de la recevoir
Pource qu’ell’ porte habit de notre sorte…
Les plus beaux Jours de nos vertes années
Semblent des fleurs d’un printemps gracieux,
Pressé d’orage et de vent pluvieux.
Qui vont borner les courses terminées.
Au temps heureux de ma saison passée
J’avais bien l’aile unie à mon côté ;
Mais en perdant ma jeune liberté,
Avant le vol ma plume s’est cassée…

à une amie

Las ! où est maintenant ta jeune bonne grâce.
Et ton gentil esprit plus beau que ta beauté ?
Où est ton doux maintien, ta douce privauté ?
Tu les avais du ciel, ils y ont repris place.

Ô misérable, hélas ! toute l’humaine race
Qui n’a rien de certain que l’infélicité !
triste que je suis, ô grande adversité !
Je n’ai qu’un seul appui, en cette terre basse.


Ô ma chère compagne, et douceur de ma vie,
Puisque les cieux ont eu sur mon bonheur envie,
Et que tel a été des Parques le décret ;
 
Si après notre mort le vrai amour demeure,
Abaisse un peu les yeux de leur claire demeure.
Pour voir quel est mon pleur, ma crainte et mon regret.

madeleine.


DE CATHERINE DES ROCHES

la puce[2]

Petite puce frétillarde
Qui d’une bouchette mignarde
Suçotez le sang incarnat,
Qui colore un sein délicat,

Vous pourrait-on dire friande
Pour désirer telle viande ?
Vraiment nenni, car ce n’est point
la friandise qui vous poingt[3] :
Et vous n’allez à l’aventure
Pour chercher votre nourriture,
Mais pleine de discrétion,
D’une plus sage affection,

Vous choisissez place honorable
Pour prendre repas agréable.
Ce repas seulement est pris
Du sang, le siège des esprits :
Car désirant être subtile.
Vive, gaie, prompte et agile,
Vous prenez d’un seul aliment
Nourriture et Enseignement.
On le voit par votre allégresse
Et vos petits tours de finesse.
Quand vous sautelez[4], en un sein

Fuyant la rigueur d’une main.
Quelquefois vous faites la morte,
Puis d’une ruse plus accorte
Vous fraudez le doigt poursuivant
Qui pour vous ne prend que du vent.
Oh ! Mon Dieu ! de quelle manière
Vous fuyez cette main meurtrière
Et vous cachez aux cheveux longs,
Comme Syringue entre les joncs.
Ah ! que je crains pour vous, mignonne,
Cette main superbe et félonne !
Hé ! pourquoi ne veut-elle pas
Que vous preniez votre repas ?
Votre blessure n’est cruelle,
Votre pointure[5] n’est mortelle
Car en blessant pour vous guérir.
Vous ne tuez que pour vous nourrir…
Puce, si ma plume était digne[6],
Je décrirais votre origine :
Et comment le plus grand des dieux.
Pour la terre quittant les cieux
Vous fit naître comme il me semble
Orion et vous tout ensemble,
Mais il faudra que tel écrit
Vienne d’un plus gentil esprit.

l’amour

Sous un laurier triomphant
Amour regarde la belle,

Puis, fermant l’une et l’autre aile.
Il la suit comme un enfant.
Il repose dans son sein
Et joue en sa tresse blonde,
Frisotée comme l’onde
Qui coule du petit Clain ;
Il regarde par ses yeux.
Parle et répond par sa bouche,
Par ses mains les mains il touche,
N’épargnant hommes ni dieux.
Quand il s’en vient entre nous,
Un souris lui sert d’escorte ;
Mais qui n’ouvrirait sa porte,
Le voyant humble et si doux ?
Hà, Dieu ! quelle trahison,
Sous une fraude tant douce !
Je crains beaucoup qu’il me pousse
Hors de ma propre maison.

à ma quenouille

Quenouille, mon souci, je vous promets et jure
De vous aimer toujours, et jamais ne changer
Votre honneur domestiqu’ pour un bien étranger
Qui erre inconstamment et fort peu de temps dure.

Vous ayant au côté, je suis beaucoup plus sûre
Que si encre et papier se venaient arranger
Tout à l’entour de moi : car, pour me revenger,
Vous pouvez bien plutôt repousser une injure.

Mais, quenouille, ma mie, il ne faut pas pourtant
Que, pour vous estimer, et pour vous aimer tant.
Je délaisse de tout cette honnête coutume

D’écrire quelquefois : en écrivant ainsi,
J’écris de vos valeurs, quenouille, mon souci.
Ayant dedans la main le fuseau et la plume.

sonnet

Adieu, jardin plaisant, doux objet de ma vue.
Je prends humble congé de l´émail de vos fleurs,
De vos petits zéphirs, de vos douces odeurs.
De votre ombrage frais, de votre herbe menue.


Arbres aimés du ciel, qui voisinez la nue,
Vous avez écouté mes chansons et mes pleurs.
Témoins de mes plaisirs, témoins de mes douleurs :
Je vous rends les mercis de la grâce reçue.

Hôtesse des rochers, belle et gentille Écho,
Qui avez rechanté Charité et Sincero,
Dedans ce beau jardin, si quelqu’un vous incite,

Ô nymphe, pour vous faire et chanter et parler.
Résonnez, s’il vous plait, ces doux noms dedans l’air :
Charité et Sincero, Sincero et Charité.

chanson de charité à sincero

Quand je suis de vous absente,
Sincero, mon beau soleil,
Je n’ai rien qui me contente
La nuit, je perds le sommeil :
Le jour, je fuis la lumière
Et mes tristes yeux enclos.
Prisonniers de la paupière
Ne sont jamais en repos.

Je n’aime de la prairie
Le bel émail gracieux
Ni la campagne fleurie
Ne saurait plaire à mes yeux :
Je suis tant mélancolique
Que les plus gracieux sons
Et la plus douce musique
M’ennuyent de leurs chansons.

............

Jamais on ne me voit rire
Jamais on ne m’ouït chanter,
Incessamment je soupire,
Et ne sais que lamenter.
Je n’ai bien, plaisir, ni joie.
Sincero, mon cher souci,
Jusqu’à ce que je vous voie
Je serais toujours ainsi

sonnets


I

Bouche dont la douceur m’enchante doucement
Par la douce faveur d’un honnête sourire :
Bouche qui soupirant un amoureux martyre
Appaisez la douleur de mon cruel tourment !

Bouche de tous mes maux le seul allégement.
Bouche qui respirez un gracieux zéphire :
Qui les plus éloquents surpassez à bien dire
À l’heure qu’il vous plaît de parler doctement.

Bouche pleine de lys, de perles et de roses,
Bouche qui retenez toutes grâces encloses
Bouche qui recelez tant de petits amours

Par vos perfections, ô bouche sans pareille
Je me perds de douceur, de crainte et de merveille
Dans vos ris, vos soupirs, et vos sages discours.
 

II

Je veux que Sincero soit gentil et accord.
Né d’honnêtes parents, je veux que la noblesse
Qui vient de la vertu orne sa gentillesse
Et qu’il soit tempérant, juste, prudent et fort.

Je veux que Sincero m’aime jusqu’à la mort.
Me retenant du tout comme unique maitresse,
Je veux que la beauté avecque la richesse
Pour le favoriser se trouvent d’un accord,

Je veux en Sincero une douce éloquence.
Un regard doux et fin, une grande prudence.
Un esprit admirable et un divin savoir !

Un pas qui soit gaillard mais toutefois modeste,
Un parler gracieux, un admirable geste,
Voilà qu’en le voyant, je désire de voir.
 

III

Las je suis mort en moi, mais c’est pour vivre en vous.
Charité : mon honneur, ma vie et ma lumière.

Votre rare beauté, des beautés la première
Tient mon esprit ravi d’un ravissement doux.

De vos cheveux dorés les agréables nœuds
Et de vos yeux divins la rigueur humble-fière,
Serrent tant doucement mon âme prisonnière
Que moi-même je suis de moi-même jaloux.

Mon corps est ennuyeux de l’honneur de mon âme
Qui brûle dedans vous d’une tant sainte flamme
Que d’un homme mortel je deviens un grand dieu.

Oh ! bienheureuse mort, cause de double vie !
Heureux amour qui fait que mon âme ravie,
Heureusement se meurt pour vivre en si beau lieu.

IV

Honneur de mes pensées, honneur de mes propos,
Honneur de mes écrits, Charité, ma chère Âme,
Charité, mon Soleil, ma singulière Dame,
Reine de mon plaisir, douceur de mon repos.

Charité qui tenez mon cœur comme un dépôt,
Mon cœur environné d’une si douce flamme.
Et qu’un amoureux trait si doucement entame.
Que plus il est blessé, plus il me sent dispos.

Charité que je sers, que j’honore et que j’aime.
Charité que je tiens plus chère que moi-même
Hélas je sens pour vous tant de pensers divers

Hélas, j’ai si grand peur, chaste et belle Charité
Que vous me connaissant de trop peu de mérite
Dédaignez mes pensers, mes propos et mes vers.

V

Puisque le ferme nœud d’une amitié tant sainte,
Vous doit unir à moi, faites votre devoir
D’égaler vos vertus à votre grand savoir
Et que ce ne soit pas une apparence feinte.

Si vous êtes méchant, las ! je serai contrainte.
De vous abandonner car je craindrai savoir

Un ami vicieux et je ne veux point voir
Mon honnête amitié compagne de la crainte.

La vertu seulement rend l’homme bien heureux
Soyez donc s’il vous plaît de vertu désireux
Suivant de l’ypsilon la moins commune adresse

Faites que la raison commande à vos désirs.
En espérant de moi, les honnêtes plaisirs.
Que l’on doit espérer d’une chaste maîtresse.

à mes écrits

Je ne pensais jamais que vous eussiez de force.
Pour forcer les efforts de l’oubli ni du temps,
Aussi, je vous écris, comme par passe-temps
Fuyant d’oisiveté, la vicieuse amorce :

Et pour ce mes écrits, nul de vous ne s’efforce
De vouloir me laisser car je vous le défends.
Ou, voudriez-vous aller, hé ! mes petits enfants,
Vous êtes habillés d’une si belle écorce.

Je crois que vous pensez me faire quelque honneur
Pour m’emporter aussi, ennuyeux du bonheur
Que deux frères ont eu portant leur mère au temple :

Lors qu’elle en demanda digne loyer aux Dieux,
Un sommeil éternel leur vint siller les yeux.
Et cela, mes enfants, vous doit servir d’exemple.



  1. Enlever.
  2. LA PUCE DES GRANDS JOURS DE POITIERS
    Au lecteur.

    « …M’étant transporté en la ville de Poitiers, pour me trouver aux grands Jours qui se devaient tenir sous la bannière de Monsieur le Président de Harlay, je voulus visiter mes Dames des Roches, mère et fille et après avoir longuement gouverné la fille, l’une des plus belles et sages de notre France j’aperçus une puce qui s’était parquée au beau milieu de son sein ; au moyen de quoi, par forme de risée, je lui dis que vraiment j’estimais cette puce très-prudente et très-ardie, prudente d’avoir su entre toutes les parties de son corps choisir cette belle place pour se rafraîchir ; mais très-ardie de s’être mise en si beau jour, parce que, jaloux de son heur(1) peu s’en fallait que je ne misse la main sur elle en délibération de lui faire un mauvais tour, et bien lui prenait qu’elle était en lieu de franchise. Et étant ce propos rejetté d’une bouche à autre par contention mignarde, finalement, ayant été l’auteur de la noise je lui dis que, puisque cette puce avait reçu tant d’heur de se repaître de son sang, et d’être réciproquement honorée de nos propos, elle méritait encore d’être enchassée dedans nos papiers et que très volontiers je m’y emploierais, si cette dame voulait de sa part faire le semblable. Chose qu’elle m’accorda libéralement… Quelques personnages de marque voulurent être de la partie, et s’employèrent, sur le même sujet, à qui mieux mieux, les uns en latin, les autres en français et quelques-uns en l’une et l’autre langue… »

    E. Pasquier

     

    (1) De son bonheur


    Puce, qui viens te percher
    Dessus cette tendre chair
    Au milieu des deux mamelles
    De la plus belle des belles ;
    Qui la piques, qui la points
    Qui la mords à tes bons points(2)
    Qui t’enivrant sous son voile
    Du sang, ains(3) du Nectar d’elle
    Chancelles et fais maint saut.
    Du haut en bas, puis en haut :
    Oh ! que je porte d’envie
    À l’heur fatal de ta vie !
    Ainsi que dedans le pré
    D’un vert émail diapré
    On voit que la blonde avette(4)
    Sur les belles fleurs volette,
    Pillant la manne du ciel
    Dont elle forme son miel :
    Ainsi, petite pucette,
    Ainsi, puce pucelette.
    Tu volettes à taton
    Sur l’un et l’autre têton…
    Je ne veux ni du Taureau
    Ni du Cygne blanc oiseau
    Ni d’Amphytrion la forme.
    Ni qu’en pluie on me transforme ;
    Puisque madame te pait(5)
    Sans plus de ce qu’il te plaît.
    Plût or à Dieu que je pusse
    Seulement devenir puce !
    Tantôt je prendrais mon vol
    Tout au plus haut de son col,
    Ou d’une douce rapine
    Je sucerais sa poitrine.
    Ou lentement pas à pas
    Je me glisserais plus bas
    Et d’un muselin(6) folâtre
    Je serais puce idolâtre,
    Pinçottant je ne sais quoi
    Que j’aime trop plus que moi
    Mais, las ! malheureux poète,
    Qu’est-ce qu’en vain, je souhaite
    Cet échange affiert(7) à ceux
    Qui font leur séjour aux Cieux
    Et partant, puce pucette
    Partant, puce pucelette,
    Petite puce, je veux
    Adresser vers toi, mes vœux :
    Quelque chose que je chante.
    Mignonne, tu n’es méchante,
    Et moins fâcheuse, et je veux
    Pourtant t’adresser mes vœux :
    Si tu piques les plus belles.
    Si tu as aussi des ailes.
    Tout ainsi que Cupidon,
    Je te requiers un seul don.
    Pour ma pauvre âme altérée.
    Ô puce, ô ma cythérée :
    C’est que Madame par toi
    Se puisse éveiller pour moi,
    Que pour moi elle s’éveille
    Et ait la puce en l’oreille.

    E. Pasquier
    AMOUR PIQUÉ(8)

    Amour, ce méchant petit dieu,
    Un jour s’en vint auprès du lieu
    Où les poitevines nymphettes.
    Aux rives du Clain doux-coulant.
    Chantaient de l’Amour nonchalant
    Les presque inutiles sagettes(9).
    Si tôt que Cupidon entend
    Des nymphes le plaintif accent,
    HA ! dit-il, voici belle prise :
    Ainsi d’un amoureux désir
    La bergère de trop dormir

    (2) À ta fantaisie.
    (3) Que dis-je ?
    (4) Abeille
    (5) Nourrit
    (6) Diminutif de museau.
    (7) Convient
    (8) Imité d’Anacréon.
    (9) Flèches

    Son ami reprend et méprise.
    Alors l’oiseau Cythérien,
    Oubliant son vol ancien,
    Se vint parquer au milieu d’elles
    C’est ici, dit-il, où il faut
    Éprouver si le cœur me faut(10)
    Et l’effet à mes étincelles.
    Les nymphes l’ayant aperçu,
    Comme un enfançon l’ont reçu.
    Égaré de sa triste mère :
    Ne connaissant pas qu’il était,
    Chacune à tour le baisottait
    D’une faveur non coutumière.
    Amour s’apprivoise, et soudain
    Il cache en sa petite main
    Une flamme vive et secrète,
    Il se mire au sein le plus beau
    Et range son petit flambeau.
    En vain, sur le soin de Rochette.
    De fortune, entre le détour
    De son téton franc de l’amour.
    Une puce faisait son gîte,
    Qui pour son hôtesse venger
    Piqua le bras porte-danger,
    Y traçant sa marque petite.
    Soudain Amour, rempli de deuil
    La plaie au bras, la larme à l’œil.
    S’envole au séjour de sa mûre,
    Disant : un petit chose noir
    m’a piqué, vous y pouvez voir
    La flamme et la place meurtrière.
    C’est, dit-il, c’est un serpenteau,
    Qui va sautelant sur la peau ;
    Puce est nommé par les pucelles.
    Las ! je n’eusse jamais pensé.
    D’un si petit être offensé.
    Si près de mes flammes mortelles.
    Lors Venus, souriant : vois-tu.
    Vois-tu, dit-elle, sa vertu
    À la tienne du tout semblable ?
    Sinon que petit, aux grands dieux
    Et aux humains dardant tes feux
    Tu fais une plaie incurable.

    Claude Binet.
    QUATRAIN

    Tu dis, Pasquier, qu’en consultant,
    Sur la puce tu fais des vers
    Ne plains point le temps que tu perds
    Puisqu’on perdant tu gagnes tant.

    Ach. du Harlay
    SONNET

    J’ai cent fois contemplé les beaux yeux amoureux
    De colle qu’on jugeait en France la plus belle ;
    J’ai vu les bords pourprés de sa lèvre jumelle.
    Qui eut de son baiser même tenté les dieux.

    (10) Me manque.

    J’ai vu mille beautés dont l’appas doucereux
    Eût pu ensorceler l’âme la plus rebelle.
    Mais jamais je n’en vis qui fut égale à Celle
    Qui rend de ses vertus Poitiers si orgueilleux

    J’ai ouï les propos d’une dame savante,
    J’ai goûté les accords d’une voix qui enchante !
    Mais jamais je n’ouïs rien qui pût approcher

    Des discours excellents et de la voix mignarde
    De Des Roches qui peut transformer en rocher
    Celui-là qui l’écoute ou bien qui la regarde.

    Odet de Turnèbe

  3. Saisit.
  4. Sautillez.
  5. Piqûre.
  6. Se prononçait dine.