Les Muses françaises/Jeanne de la Vaudère

Les Muses françaises : anthologie des femmes-poètesLouis-MichaudII (XXe Siècle) (p. 323-330).




JANE DE LA VAUDERE




Jane de la Vaudère est née à Paris en 1865, elle y est morte au mois d’août 1908. Son père, le docteur Scrive, médecin inspecteur de l’armée, écrivit de nombreux ouvrages scientifiques fort remarqués. Ce ne fut pas sous son nom de jeune fllle, Jane Scrive, mais bien sous son nom de femme Jane de la Vaudère, qu’elle débuta, croyons-nous dans les lettres. L’œuvre de Mme de la Vaudère est considérable : poésies, romans, critique d’art, théâtre, etc., tous les genres lui furent familiers. Son talent souple, abondant, ingénieux lui permettait de les cultiver tous avec la même facilité, la même inépuisable fécondité. Nous ne nous occuperons ici que de ses recueils poétiques. Elle a publié surcessivement, à des intervalles très rapprochés : les Heures Perdues, l’Eternelle Chanson. Minuit, Evocation, Royauté morte, les Flammes.

Chacun de ces volumes se recommande par une aisance qui touche parfois à la prolixité, par un abandon qui n’est jamais sans grâce et qui atteste des dons poétiques remarquables. Mais on aurait aimé que Mme Jane de la Vaudère sût restreindre cette inépuisable inspiration au profit de la qualité de ses poèmes. Ils sont cependant très loin de manquer de valeur et d’intérêt. Ils demeurent imparfaits, voilà tout. Les beaux vers jaillissent fréquemment. L’inspiration toujours variée, se renouvelle avec aisance. Le détail pittoresque, dans une description, dans l’expression d’un sentiment donne souvent aux poèmes un tour imprévu, une originalité piquante. Malgré tout on éprouve comme un regret que Mme Jane de la Vaudère écrivît si hâtivement, qu’elle se contentât trop facilement et qu’elle ne voulût pas bannir les rimes banales, les expressions sans reliefs, les images et les métaphores conventionnelles, lorsqu’elle eût pu, presque sans effort, ne livrer au public que des œuvres achevées. Elle possédait à un haut degré des dons très rares d’inspiration, d’harmonie et de rythme.

Tous les volumes de Mme Jane de la Vaudère sont écrits en vers réguliers, d’après les traditions romantiques et parnassiennes.

BIBLIOGRAPHIE. — POÉSIE : Les Heures Perdues, A. Lemerre, Paris. — Les Baisers de la Chimère, Paris. — L’Eternelle Chanson, ouvrage mentionné par l’Académie française, Ollendorff, Paris, 1890, in-18. — Minuit, Ollendorff. Paris. — Evocation, Ollendorff, Paris, 1893, in-18 Les Flammes, ouvrage couronné par l’Académie française, Paris. Théâtre : Le Modèle, un acte en vers. Lemerre, Paris. — Royauté morte, conte fantastique en un acte en vers. — Victor Hugo, un acte en vers. — Mademoiselle Fleur de Prunier, pièce japonaise en vers. — Tanagra, pièce en quatre actes en vers, — Le Rêve de Mysès, mimo-poème égyptien. — Pour le Flirt ! 15 comédies et fantaisies lyriques. — Romans : Mortelle étreinte. — L’Anarchie. — Rien qu’amante. — Ambition. — Le Droit d’aimer. — Les Sataniques. — Les Demi-Sexes. — Le Sang. — Les Frôleurs. — Trois Fleurs de volupté. — Les Mousseuses. — Les Mystères de Kama. — L’Amuseur. — Les Androgines. — l’Amazone du roi de Siam. — La Mystérieuse. — Prêtresse d’Amour. — l’Expulsée. — Lotusal. — Le Harem de Syta. — L’Amante de Pharaon. — Les Confessions Galantes. — La Sorcière d’Ecbatane. — La Vierge d’Israël. — La Porte de Félicité. — L’Invincible Amour. — Le Peintre des Frissons. — Les Prêtresses de Myllitta. — La Cité des Sourires. — Sapho Dompteuse.

COLLABORATION. — Figaro. — L’Echo de Paris. — Le Gaulois. — Le Journal. — Le Temps. — Le Matin. — La Presse.


D’UNE MORTE


Elle aimait la musique et la danse lascive,
Heureuse des vingt ans qui fleurissaient ses yeux,
Et son visage rose avait cet air joyeux
Que prend, avec avril, la nature pensive.

Elle aimait les parfums, les jupes de velours.
Les éventails légers, les fières armoiries,
Les écrins ruisselants de pâles pierreries.
Les étroits corselets sertis de joyaux lourds.

Elle aimait le collier qui doucement enchaîne
La chair au long contact des saphirs amoureux,
Elle aimait les brocards, les tissus vaporeux…
…Elle porte à présent une robe de chêne !

(Évocation.)


LA COULEUR DES BAISERS

Les mots ont leur couleur et les baisers aussi
Les uns, du ton pâli des roses effeuillées,
S’envolent tristement vers les cimes brouillées
Où pleure le regret du souvenir transi.

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