Les Muses françaises/Hermance Lesguillon

Les Muses françaisesLouis-MichaudI (p. 313-319).
HERMANCE LESGUILLON

Son père avait nom Louis-Nicolas Sandrin, et sa mère Jeanne-Sophie Lefèvre. Elle était née à Paris en 1812.

De très bonne heure elle manifesta des goûts littéraires, lisant beaucoup et s’essayant à rimer des petites pièces. — Plus tard, lorsqu’elle aura épousé Jean— Pierre Lesguillon, auteur dramatique qlii eut de moyens succès, — elle écrira de nombreux romans. Elle a également publié quelques volumes de vers.

Epouse dévouée, femme pieuse, mère aimante, sa poésie est le pur reflet de son âme religieuse et de sa vie calme. Elle brode sur un fond de douce tendresse sans jamais se laisser emporter par un élan de sincère passion. Son inspiration est d’ailleurs facile et il lui arrive, de temps à autre, de s’élever au-dessus des ordinaires productions religloso-sentimentales qui encombrent son œuvre. Elle écrit alors une pièce comme Le Doute, qui fait songer à Vigny ou à Mme Ackermann, avec moins de force, moins de concision et surtout moins de forme. C’est qipc Mme Lesguillon, — connue la plupart des poétesses, il faut bien le dire, — se contentait trop aisément si elle s’était astreinte h un travail plus sévère, ses poésies ne seraient pas déparées par tant de faiblesses.....

Mme Lesguillon est morte il Paris le 29 septembre 1882. Elle a laissé presque toute sa fortune i la Société des Gens de lettres.

BIBLIOGRAPHIE DES ŒUVEES /OLTIQUES r/fifrews^ Paris 1833. in-12. — Rosées, Paris, 1836, in-8. — Rayons d’amour. Paris 1840 in-8. — Le midi de l’dme, Paris, 1842, tn-8. Les mauvais jours, Paris 1846, in-8. — Contes du cœur, Paris, 1855, in-18. — Le Prisonnier d’Allemagne, scène en vers. trois personnages, Paris, 1871, in-8. — Les Adieux, Vnvis, 1875, in-18. — La femme d’aujourd’hui, saynètes en vers et en prose, Paris, 1880, iu-12.

LE DOUTE

Pauvre tapis d’autoiuno étendu sur la tcrrr,
Inutile moisson qui sèche solitaire.
Faite |)our onuM* les toinbeaiix,
(îernu’s décolorés, beauté trop tôt vieillie.
Qui traiiu>/, l(Mit(>nuMit votre robe salit
Comme un nuMuliant ses lan » l)eaux !

Vous voilà sur le sol. sans duvt>t, sans parure :
Vous voilà dédaignés de la verte nature
Pauvres eailavres déliés ;
Vous voilà ballottés eonnuc
i flot sur la grè<’.
Que le rameur abat ou que la brise élève.
Roulés ou meurtris par nos pietls.

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Oh ! douloureux tableau qu’apportent ces deux morts !
L’un continue à vivre et gagne le rivage,
Après de durs combats et de tristes efforts ;
L’autre, cà peine venu, s’en va, sans compter d’âge.
Ce contraste. Seigneur, n’est-il pas effrayant ?
De ton juste pouvoir où retrouver la preuve ?
Pour le cœur qui chancelle et pour le cœur croyant.
Cette mort inégale est une lourde épreuve !
Comment garder la foi si tu prends le bonheur ?
Comment former des vœux si tu sèmes les doutes ?
Comment oser marcher si tu prends, ô Seigneur !
Les petits enfants sur les routes ?


À MON ENFANT

Mon bel enfant, te voilà blanc et rose,
Né dans ce monde et couché sur mon sein.
Fleur d’aujourd’hui, toute fraîche et mi-close,
Mise par Dieu sur le large chemin.
Tes yeux chéris, innocents de lumière,
N’ont pas encor dans les miens pu jaillir ;
A Dieu déjà j’adresse une prière :
Pour voir tes yeux, je demande à vieillir.
Toi, xuon Jésus, si mignon et si frêle
Qu’avec le souffle on n’ose te toucher,
Un faible oiseau du frôle de son aile.
Comme un épi peut te faire pencher.
Qu’une caresse ou te presse ou t’effleure.
Ton front rosé semble aussitôt pâlir.
Jo te regarde, et puis mon âme pleure :
Pour t’enibrasser, je demande à vieillir.
Si tu savais combien jo compte l’heure !
Car pour toi l’houre est tout un jour pour nous :
Déjà dans toi jo me berce et me leurre,
En t’appolant do ton nom à genoux !
Do tous les noms que je voudrais t’apprendre,
Il en est un qui me fait tressaillir :
Celui de mère, oh ! oui, oui ! pour l’entendre.
Pour l’écouter, je demande à vieillir.