Les Muses françaises/Amélie Mesureur

Les Muses françaises : anthologie des femmes-poètesLouis-MichaudII (XXe Siècle) (p. 204-208).




Mme AMÉLIE MESUREUR




Mme Mesureur, qui signa d’abord de son nom de jeune fille Amélie de Wailly, est Parisienne, elle est née non loin du Luxembourg, dans la vieille et longue rue du Cherche-Midi.

Mme Mesureur, poète et prosateur, a une originalité : à une époque où l’enfant tient une si petite place dans les productions des écrivains féminins, — dans ses livres, l’enfant a presque uniquement ses soins. Elle écrit pour lui et de lui, son œuvre entière, elle la lui a consacrée. Les jeux, les caprices, les espiègleries, les premiers sourires et les premiers pas de l’enfant, sa joie et ses pleurs — voilà le sujet de ses poésies toutes pleines d’un art très simple, toutes pleines surtout d’une exquise tendresse. Mme Mesureur est véritablement le poète de l’enfance et, comme elle est mère, je ne pense pas qu’il puisse y avoir un plus beau titre pour une femme.

Que dire de son discret talent qui n’ait été dit cent fois et beaucoup mieux que je ne saurais faire. François Coppée a écrit, dans la préface de Nos Enfants, un des premiers recueils de Mme Mesureur :

« Ces vers-là — en même temps qu’ils sont de très bons vers — sont bien ceux d’une fem’n3 aimante, d’une excellente mère, qui aime ses enfants et tous les enfants, qui leur parle et qui en parle avec une émotion sincère, profonde, partie du cœur et destinée à aller aux cœurs. »

De son côté, Alexandre Dumas fils dit dans la préface à Rimes Rosfs :

« Après avoir lu tous ces vers pimpants, frais, clairs, il ni’a semblé, madame, que vous étiez non seulement un poète, mais un philosophe, dans le bon sens du mot, en même temps qu’une personne heureuse, ayaat cherché et trouvé le bonheur là où il est sûrement, dans le bien. Tout votre livre respire la sécurité des jours loyalement remplis par l’incessante sollicitude de la mère, par le travail, les jeux et les baisers des enfants. »

C’est bien cela, en effet, et Mme Mesureur le confesse volontiers — ces vers, ces poésies, dont le premier mérite est la simplicité, sont bien l’œuvre d’une femme heureuse, heureuse parce qu’elle a fait noblement, avec piété et tendresse, son devoir dans la vie, et pour qui, en juste retour, la vie n’a pas été trompeuse : « Je voulais, dit-elle, des rimes, des enfants et des fleurs. Mes deux enfants sont tels que mon désir les apercevait. J’ai fait des vers, j’ai dit mes joies de jeune maman, dans mes poèmes J’ai tenté de dépeindre mes enfants, et je ne sais plus si ce ne sont pas mes enfants qui ressemblent à mes poèmes. »

Tout le cœur de Mme Amélie Mesureur est là — et, son corur, c’est son talent.

BIBLIOGRAPHIE. — POÉSIE. — Nos Enfants, préface de François Coppée, mentionné par l’Académie française, Lemerre, Paris, 1885, in-18. — Rimes roses, préface d’Alexandre Dumas fils, couronné par l’Académie française, prix Archon Dospérouses, Lemerre, Paris, 1895,

lji-18. — Gestes d’Enfants, préface de Paul Deschanel, couronné par Page:Séché - Les Muses françaises, II, 1908.djvu/211 Page:Séché - Les Muses françaises, II, 1908.djvu/212 Page:Séché - Les Muses françaises, II, 1908.djvu/213
PARODIE


Souvent de pauvres gens viennent à la maison,
Humbles solliciteurs, et toujours ma Suzon
Ecoute avec respect leur lugubre oraison.

Elle s'en inquiète et paraît toute triste;
Et, lorsqu'ils sont partis, comme une moraliste,
Elle imite leur jeu navrant et réaliste.

« Monsieur le Député, soyez compatissant,
Veuillez prendre en pitié mon sort intéressant;
Il faudrait agir vite et le cas est pressant.

Je n'ai plus de mari, voilà ma grande fille,
J'ai beaucoup de soucis, une lourde famille.
Et j'implore de vous un mot, une apostille.

Vous pouvez, s'il vous plaît, me tirer d'embarras ;
A mon âge, six ans, j'ai déjà sur les bras
Ces deux bébés jumeaux qui sont rouges et gras,

Puis, cette enfant boiteuse et de santé mauvaise. »
Et murmurant tout bas : « Chut ! il faut qu'on se taise. »
Elle assied sa poupée infirme sur la chaise.

« Je ne suis pas de ceux qui vont tendre la main.
Je suis seule aujourd'hui; si je mourais demain,
Qui donc à mes petits voudrait donner du pain? »

Et les montrant tous trois, et d'une voix plaignarde :
« Vous voyez, avec eux, j'habite une mansarde;
Ce qu'ils ont sur leur dos est leur dernière harde.

Je sais qu'au Parlement votre influence est grande,
Vous pourriez m'obtenir, pourvu qu'on vous entende !
Une place, un emploi, j'en ferai la demande.

Surtout, pas de secours et pas de charité;
Tout ce que je requiers est juste et mérité.
Y souscrire, c'est faire un acte d'équité.

Ainsi, mon Député, faites donc que j'obtienne... »
Mais papa l'interrompt, fatigué de l'antienne.
Et dit : « Embrassez-moi, chère comédienne ! »

(Rimes Roses.)