Les Moisissures microscopiques

LES MOISISSURES MICROSCOPIQUES.

On trouve dans le monde microscopique une quantité de merveilles qui passeraient tout à fait inaperçues, sans les révélations du plus admirable des instruments d’optique. Un chercheur patient, habitué aux délicates investigations, peut contempler dans les simples moisissures, dans ces taches sales et verdâtres qui n’inspirent que répulsion, un herbier perpétuel, où il n’a qu’à puiser pour rencontrer à profusion les plus admirables richesses de la végétation. Que de métamorphoses s’accomplissent dans quelques centimètres carrés de ces mucosités repoussantes ! Prenez délicatement une parcelle de ces croûtes aux teintes noirâtres, déposez-les sur le porte-objet du microscope ; si votre choix a été heureux, vous vous trouverez en présence d’un parterre de ces plantes si variées, et cependant si élémentaires.

Les moisissures microscopiques.

Le monde des moisissures est exubérant dans son infinie petitesse ; combien faut-il de filaments pour tapisser des murs ou des caves entières, quand chacun de ces rameaux déliés a environ un diamètre de quelques dixièmes de millimètres. Une quantité est superposée les uns aux autres ; cet amas prodigieux est le mycélium, sorte de forêt vierge en miniature, dans laquelle les branches mortes entassées, forment en quelque sorte le berceau d’où s’élancent de nouvelles tiges. Malgré leur extrême ténuité, ces végétaux résistent aux atteintes du temps et des causes accidentelles. Leur étonnante fécondité, qui les met à l’abri de la destruction, est due à un double mode de reproduction : la graine et la fragmentation. Il suffit d’une fibrille de moisissures pour qu’un pied entier se propage, si elle tombe dans un endroit propice sous le rapport de la température, de l’humidité et de la lumière. La graine est émise en prodigieuse quantité, et certains cryptogames microscopiques en produisent des milliers en très-peu de temps. On remarque au milieu de ces masses filamenteuses de petits globules transparents, tantôt isolés, tantôt adhérents aux extrémités des ramules ; ces corps sont des spores, c’est-à-dire la graine des cryptogames.

Partout où il y a de l’humidité, on trouve des moisissures en taches plus ou moins étendues, suivant l’intensité de la lumière sous l’influence de laquelle elles se sont développées. L’aspect filamenteux est celui sous lequel elles se présentent le plus communément, mais elles revêtent aussi des formes qui, quoique élémentaires, s’éloignent de cette simplicité. Nous avons groupé dans notre gravure les moisissures les plus curieuses. À gauche, s’étalent des lichens crustacés et foliacés, surmontés de Pénicillium sur la tête desquels se développent des sporules. À droite, se trouvent quelques Aspergillus, avec leur sommet chargé de spores, comme une tête de palmier. On voit au milieu, sur le premier plan, des Actinothirium, des Arycia et de longs chapelets de globules, qui sont autant de membres épars du même sujet ; au second plan, des Spheronema, des Cucurbitaria, des Stillum, etc.

Les moisissures ou mieux les Fungoïdes microscopiques, occupent dans le monde végétal une large place par leurs effets. Doués de cette étonnante force de multiplication, ils détruisent les végétaux nécessaires à l’alimentation : la vigne est atteinte de l’oïdium, le blé de la nielle, la pomme de terre du pernospora. Ainsi une petite plante, inconnue de tous ceux qui n’ont jamais mis l’œil au microscope, cause des ravages dont l’étendue est en raison inverse de sa taille. Une vulgaire moisissure enlace de ses filaments une autre plante plus grande qu’elle, et finit par causer sa mort ; certaines maladies épidémiques n’ont d’autre cause que l’invasion d’un parasitisme interne. Insignifiants par eux-mêmes, puisque les Fungoïdes ne sont appréciables que sous les plus forts grossissements, ils se développent avec tant de rapidité, qu’ils occasionnent les plus terribles désordres dans l’économie.

Le microscope nous montre que la nature est inépuisable dans ses plus intimes créations. Il existe une innombrable population d’êtres organisés, de végétaux étranges qui captivent l’imagination, inspirent à l’âme des sentiments élevés et invitent l’intelligence à l’admiration des œuvres de la création.

J. Girard.