LES MISSISSIPIENS


PROVERBE


NOTICE

J’ai écrit cet opuscule il y a une douzaine d’années. Je l’avais commencé pour le théâtre ; mais, après le prologue, je trouvai le sujet peu dramatique, et je préférai en faire un tableau dialogué, un épisode quelconque de l’histoire du papier-monnaie. Cette grande mesure financière pouvait certes sauver la France ; mais il n’eût pas fallu une France corrompue, des grands seigneurs avides, des spéculateurs éhontés, un peuple à la fois méfiant et crédule à l’excès. Il faudra peut-être des siècles encore pour que les mesures qui s’appuient sur le crédit public soient envisagées par tous comme des mesures de salut public et non comme un moyen offert à chacun de faire sa fortune à tout prix.

Balzac m’a prouvé que je me trompais en pensant qu’une pièce dont l’argent était le sujet n’aurait pas d’intérêt sur la scène. Il a fait, depuis, Mercadet, personnage qui ne vaut guère mieux au moral que le Bourset des Mississipiens, et qui prouve que les spéculateurs de nos jours ne sont pas moins roués que ceux qui florissaient il y a cent cinquante ans ; mais sa pièce a un entrain satirique et une triste gaieté qui attachent l’attention tout en serrant le cœur. Le type que j’avais créé était moins amusant, à coup sûr ; je n’avais pu vaincre le dégoût qu’il m’inspirait à moi-même.

GEORGE SAND
Nohant, 15 août 1852.