Les Missions d’instruction en Europe - Une École coloniale à Paris

Les Missions d’instruction en Europe - Une École coloniale à Paris
Revue des Deux Mondes3e période, tome 86 (p. 630-644).
LES
MISSIONS D'INSTRUCTION
EN EUROPE

UNE ÉCOLE COLONIALE A PARIS.

Qui peut avoir perdu le souvenir de la sinistre dépêche annonçant le désastre de Lang-Son ? L’anxiété que l’on ressentit à sa lecture fut plus poignante peut-être que celle éprouvée aux tristes débuts de notre guerre avec l’Allemagne ; notre armée, alors comme aujourd’hui, nous inspirait une telle confiance que, même après les échecs de Wissembourg et de Frœschwiller, l’espoir d’une prompte revanche soutenait les esprits. En mars 1885, le télégramme de Lang-Son jeta la France dans une consternation générale. Il y eut un cri de rage contre ceux qui avaient poussé à l’expédition du Tonkin. Les députés, les sénateurs, les ministres, tous affolés, perdirent le sang-froid nécessaire aux crises imprévues. Ils voyaient nos troupes démoralisées, poussées l’épée dans les reins jusqu’à la mer. A les entendre, nous perdions le Tonkin, l’Annam et la Cochinchine ; il allait falloir abandonner le Cambodge à ses dissensions et Madagascar aux missionnaires anglais. L’Inde française eût été entraînée comme tout le reste dans cet effondrement. C’était l’idéal pour ceux qui souhaitaient que la France commençât à Brest et finit au pont du Var. Ai-je besoin de rappeler que la chute du cabinet que présidait M. Jules Ferry fut foudroyante et si complète qu’il ne s’est plus relevé ?

Comment M. Camille Pelletan, armé d’un rapport laborieusement machiné, ayant avec lui l’extrême gauche et une partie de la droite intransigeante, perdit-il le procès qu’il fit à la politique d’extension coloniale ? C’est que « l’âme de la patrie planait sur l’assemblée, » selon la belle expression de M. de Mahy, et qu’il était de toute impossibilité que le sang de Garnier, du chevaleresque Rivière et de tant d’autres héros aux noms obscurs, eût été répandu pour aboutir, après un effarement sans nom, à la plus honteuse des reculades.

Depuis cette date néfaste et, en dépit des plus sinistres prédictions, la situation de nos colonies dans l’extrême Orient s’est sensiblement modifiée dans un sens satisfaisant, surtout si l’on se reporte au passé. Notre escadre est rentrée à Toulon ; une grande partie des troupes du corps expéditionnaire est revenue dans ses cantonnemens, non sans avoir été acclamée, fêtée, comme il convenait qu’elle le fût. La Cochinchine, le Tonkin et l’Annam nous restent. L’empire du Milieu, que l’on disait rancunier, disposé à toutes les trahisons, prouve qu’il désire la paix. Le gage certain de sa sincérité n’est-il pas dans le traité de paix qu’il vient de signer avec nous, traité qui nous ouvre sa frontière de l’ouest, c’est-à-dire l’un des plus vastes marchés du monde ? Loin de nous garder rigueur, le vice-roi Li-Hung-Chang, le seul grand homme politique qu’il y ait en Asie, confie à des ingénieurs français l’exécution d’immenses travaux. Il n’est pas jusqu’à Madagascar où notre influence, jadis si précaire, ne paraisse mieux assise. Les Malgaches éludaient avec une opiniâtreté qui devait fatalement aboutir à de sanglans efforts, les clauses de la convention qui les liaient à la France. Aujourd’hui, grâce à l’énergie, à l’admirable entendement des affaires de notre résident-général à Tananarive, M. Le Myre de Vilers, il n’est pas d’aventuriers et de chevaliers d’industrie à la solde du gouvernement malgache, pas de distributeur de bibles en quête d’une situation, qui de gré ou de force, ne reconnaissent notre droit de contrôle sur l’île et notre ferme volonté de le faire respecter.

Ces résultats sont absolument inespérés, même pour quelques-uns de ceux qui les avaient prédits. Il fallait que leur foi dans un succès final fût bien robuste, car jamais notre politique coloniale n’avait été livrée à un tel tâtonnement, à des mains plus inexpérimentées. Rarement intérêts plus sérieux n’avaient sollicité l’attention de gouvernans plus indécis. Les chambres édifiaient pour détruire ; elles allaient, comme un bateau sans boussole, du protectorat à l’annexion et de l’annexion au protectorat. Certains de ces politiciens eussent volontiers tranché toutes ces questions par une évacuation radicale des pays acquis, si les guet-apens de Bac-Lé et de Hué, la débandade… de Lang-Son, n’eussent mis en question l’honneur du drapeau.

En résumé, ce n’est pas à une direction habile et résolue que nous devons nos nouvelles conquêtes : elles sont le produit de morts retentissantes, comme celle du commandant Rivière, et de paniques comme celle de Lang-Son. Nous avons eu la main forcée, et pourtant combien on en a voulu à ceux qui ont cherché hors de France une extension du territoire pour compenser, en quelque sorte, la séparation douloureuse de nos belles provinces d’Alsace et de Lorraine ! Peut-être étaient-ils dans leur tort, ces partisans d’une extension coloniale ; mais il faut reconnaître que, s’ils ont vu leurs idées triompher, on ne saurait les accuser d’avoir suscité les tragiques événemens qui ont rendu obligatoire la continuation d’une guerre au Tonkin.

Et maintenant qu’une très petite portion de l’armée de terre et de mer n’a plus à exercer au dehors qu’une facile mission de surveillance, le moment est venu de consolider ce qui paraît acquis. On m’assure qu’il se crée en ce moment, à Paris, des banques et des sociétés industrielles ayant de grands projets d’exploitation. C’est pour le mieux, et chacun doit désirer que les sommes considérables qui vont être mises à la disposition d’habiles spéculateurs aident à guérir notre commerce de la pléthore dont il souffre depuis tant d’années. Mais ne serait-ce pas édifier sur le sable, vouer ces essais à une ruine certaine, si nos conquêtes ne présentaient qu’une sécurité éphémère ? Ne sent-on pas qu’il est indispensable de nous attacher les populations de nos nouvelles possessions, aussi bien par l’intérêt que par l’esprit et le cœur ? Comment y parvenir ? Quel moyen employer ? Par la douceur et la patience, ou par un régime de terreur, de compression ou d’expulsion comme celui qu’emploie l’Allemagne dans les provinces que nous avons perdues ? Nul, en France, n’oserait préconiser ces odieux abus de la force.

L’objet de cette étude sera donc de rechercher le système par lequel nous pourrons nous faire aimer des populations tout à coup devenues françaises, ou récemment placées sous notre protectorat, et comment il sera possible d’allier la sécurité de ces acquisitions nouvelles au plus grand développement de leur bien-être.


I

Il est deux systèmes qui peuvent conduire au but désiré. Le premier consiste à créer dans nos colonies des collèges où la jeunesse indigène, titrée et riche, recevrait une éducation européenne. C’est ce que font les Anglais dans leurs vastes possessions des Indes orientales. Le second, déjà en vigueur à Paris sous la désignation d’École cambodgienne, serait de créer en France un vaste établissement d’instruction où les fils des meilleures familles de la Cochinchine, de l’Annam, du Tonkin, de Tunisie, du Congo, de l’Inde, de Madagascar, viendraient apprendre notre langue pour aller ensuite la propager chez eux, et y faire connaître nos produits et nos découvertes. Qui pourrait aussi empêcher que cet établissement ne devînt une sorte de pépinière où le gouvernement prendrait ses interprètes et certains fonctionnaires coloniaux ? De même que nous avons en Grèce et en Italie des écoles françaises où nos jeunes artistes vont s’inspirer des chefs-d’œuvre du passé, de même il y aurait dans notre capitale un vaste collège où la jeunesse coloniale viendrait s’instruire et s’éclairer. Esquissons le premier système, qui paraît peu nous convenir. L’empire le plus riche en colonies, la Grande-Bretagne, n’ignore pas que c’est par l’éducation et par la grande vulgarisation de son langage qu’elle s’assimile les peuples les plus rebelles à sa domination. Aux Indes, plusieurs lacks de roupies, 10 ou 12 millions de francs, ont été votés pour aider à cette conquête intellectuelle. L’Angleterre a été admirablement secondée, en cela, par sa flotte marchande, ses missionnaires, et l’on peut affirmer, sans crainte d’un démenti, que c’est la langue parlée sur les bords de la Tamise qui, hors d’Europe, est la plus universellement comprise.

Dans les villes principales de ses immenses possessions, il se trouve des facultés conférant aux étudians des titres à peu près similaires à ceux décernés dans les universités d’Oxford et de Cambridge. Les cours y sont suivis par des écoliers des deux sexes, de race bien différente, et il n’est pas jusqu’aux filles des sectateurs de Zoroastre qui n’y viennent disputer à d’autres jeunes filles d’origine européenne les grades universitaires. Toutefois, dans le dernier Livre bleu de l’empire oriental des Anglais, on peut lire avec quelque surprise que l’éducation a touché à peine « les cimes des montagnes, » c’est-à-dire les chefs et les princes indiens. Peu nombreux, paraît-il, sont ceux qui, de leur propre initiative ou, par suite de cette circonstance qu’ils étaient placés sous la dépendance de fonctionnaires britanniques, ont voulu d’une culture intellectuelle, ou qui se sont efforcés de la rendre populaire parmi les personnes soumises à leur influence.

Le rédacteur du Blue Book nous apprend, — et nous savons si peu de choses de ces maharadjahs des Indes qu’on lit le rapport avec beaucoup d’intérêt, — pourquoi il ne faut pas s’étonner si l’aristocratie indigène s’est tenue en général à l’écart de la science. Ce qui lui aurait fait défaut, à cette aristocratie, c’est le stimulant d’un désir non satisfait. Le prince autochtone s’est formé un idéal de civilisation qui lui suffit. Son horizon ne s’étend pas au-delà de sa cour. Son administration revêt un caractère pratique ; elle se borne à donner satisfaction aux besoins de ses sujets tels qu’ils sont, mais qui diffèrent absolument des besoins que le progrès ; impose aux peuples d’Occident. Les jouissances dont ses ancêtres se montraient contens lui suffisent, et, dans sa poésie nationale, il trouve amplement de quoi donner carrière à ses goûts littéraires. Quant au noble indou, il n’est, — mais en petit, — qu’un autre prince indigène. S’il a une fortune qui lui permette de satisfaire ses passions favorites, il ne voit pas pourquoi il travaillerait en prévision d’une jouissance imaginaire. Ses ressources sont-elles médiocres ? il ne lui viendra jamais à l’idée de supposer que des livres pourront lui tenir lieu de ce qui lui manque. Dès son enfance, tout conspire autour de lui pour lui faire rejeter l’éducation à l’arrière-plan. L’influence de la femme sur ses sens s’oppose à tout développement intellectuel. Le mariage conclu dès un âge trop tendre met aussi des entraves à son ambition et le détourne d’un but sérieux à atteindre. La coutume de passer l’existence à de grandes distances des centres de population ne lui permet jamais d’attacher sa pensée aux questions d’intérêt général. Dans certains cas, l’instinct héréditaire le pousse à considérer l’éducation comme une marque de déchéance ; dans d’autres cas, il se laisserait instruire s’il n’avait pas à courir les chances de contamination sociale dont notre éducation libérale est inséparable. L’ancienne noblesse française ne pensait pas différemment. Le rapporteur se plaint aussi de ce que l’on n’ait pas trouvé moyen d’attirer les hautes classes indigènes vers le genre d’éducation qui est propre aux Anglais. « Sans doute, dit-il, des dispositions ont été prises pour veiller à l’éducation des mineurs placés sous la tutelle des districts courts ou courts of wards. Pour diverses causes, toutefois, ces tentatives n’ont pas donné de grands résultats, et il n’y a guère probabilité qu’avant longtemps encore les classes titrées prennent l’habitude d’autoriser leurs fils à frayer avec les élèves de nos écoles et de nos collèges. »

On a songé à créer des collèges spéciaux pour cette noblesse rebelle aux études. Le premier fut ouvert à Indore, en 1875. On y voyait des fils de maharadjahs, et même des princes héritiers présomptifs. Au début, c’est à peine si ces jeunes gens se donnaient le souci d’apprendre l’anglais ; rebelles aux exercices du corps, ils dédaignaient l’équitation, et tous ces jeux violens où nos voisins aiment à déployer leur force et leur adresse. Peu à peu, pourtant, le niveau de l’instruction s’éleva et, à l’heure actuelle, le programme des études comprend l’anglais, le sanscrit, l’indou, le persan, l’ourdou, parlé par 100 millions d’hommes, l’arithmétique, l’algèbre, les élémens d’Euclide, l’histoire et la géographie. En 1882, l’établissement comptait quatre-vingt-deux élèves, soumis, en outre, à un entraînement qui les encourageait à contracter des habitudes viriles. A la suite du collège d’Indore, il s’en est créé d’autres, mais l’exemple n’a pas été suivi partout. Le rapporteur du Blue Book demande avec force que les gouvernemens locaux soient invités à combler les lacunes qu’on signale encore.

Jusqu’à ce jour, la jeunesse musulmane s’était tenue à l’écart des maisons d’éducation européenne. Les rigides sectateurs du Prophète reprochaient aux Anglais de n’avoir à donner à leurs enfans ni instruction religieuse ni « bonnes manières. » Ces plaintes ont cessé : au collège d’Aligarh, l’éducation religieuse fait partie intégrante du programme ; les élèves y sont instruits dans la foi de leurs ancêtres, et le régime de l’établissement est de nature à rassurer complètement les parens au point de vue de l’instruction morale et du bon ton. Toutefois, l’internat est obligatoire pour tous les jeunes gens demeurant à une certaine distance de l’institution ; ils y trouvent une discipline combinée avec des jeux fortifians.

Voilà le résumé très succinct de ce qu’ont fait les Anglais dans la plus grande de leurs possessions ; leur œuvre d’assimilation n’est pourtant pas encore terminée, mais l’on peut s’en rapporter à eux pour affirmer que, d’ici à peu d’années, les fils des maharadjahs et des nobles indous, ceux des parsis et des mahométans, auront à leur usage et dans toute l’étendue de l’empire asiatique des maisons d’éducation parfaitement organisées.


II

Il est un fait digne de remarque venant à l’appui du second système, système qui consisterait à créer, à Paris, un vaste établissement d’étude, à l’usage de notre jeunesse coloniale.

Ce fait, le voici : lorsqu’il y a un peu plus de trente ans, les Européens eurent brisé les barrières qui fermaient l’accès de la Chine et du Japon, ces deux empires voulurent, aussitôt la paix signée, étudier les mœurs, les lois des barbares d’Occident, s’expliquer comment ces étrangers, en si petit nombre, avaient triomphé de leurs grandes armées, et fait sortir de leur léthargie plusieurs centaines de millions d’hommes.

Ce fut un de nos compatriotes, le regretté Prosper Giquel, qui, dès 1874, dans un rapport où il rendait compte des travaux accomplis par trente-huit élèves de l’arsenal maritime de Fou-Tchéou, conseilla au gouvernement du Céleste-Empire d’envoyer en France ces trente-huit étudians. Prosper Giquel y reconnaissait que le but poursuivi dans l’arsenal avait été simplement de mettre les jeunes gens à même de se rendre compte, à l’aide du raisonnement et du calcul, du fonctionnement, des dimensions et du travail accompli par les différentes pièces d’une machine, de façon à pouvoir dessiner et reproduire un de ses organes isolés. Ces connaissances ne formaient que le premier degré de la science de l’ingénieur ; elles suffisaient à un chef d’atelier ; mais un ingénieur devait être capable de créer un type complet de machine, organiser une usine, etc. Pour que des élèves pussent arriver à ce point, il leur fallait, en plus, suivre des études comparatives de nombreux types d’ateliers et de machines, reproduire beaucoup de ces types par le dessin, enfin être initiés par le travail pratique à la fabrication des machines de toute sorte et de toutes dimensions. « Nous n’avons eu ni le temps ni les moyens de pousser les élèves aussi loin, disait Giquel ; la Chine ne présente pas à l’heure qu’il est (1874) un champ de fabrication industrielle suffisant pour former des ingénieurs. C’est en Europe qu’il leur faudrait aller pour acquérir l’expérience que donnent seuls l’examen et l’étude de travaux variés, et le temps nécessaire à leur instruction serait au moins de quatre ans. Le gouvernement chinois verra s’il veut mettre tout de suite à profit les capacités de ses élèves en les employant dans les ateliers de l’arsenal, ou leur faire continuer leurs études en Europe, et se procurer par ce moyen des ingénieurs qui, non-seulement puissent diriger ses constructions, mais lui fournir les plans et les devis des constructions nouvelles, en tenant compte des perfectionnemens les plus récens de l’industrie. »

Ce n’est pas tout. Dans ce même rapport, notre compatriote conseillait aux ministres du Céleste-Empire d’embarquer ses élèves sur les navires-écoles : « Si la marine chinoise n’était pas pressée d’utiliser les services de nos jeunes étudians, disait-il, on pourrait avec beaucoup d’avantage pour eux et pour leur pays les envoyer en Europe. Après deux années d’études, on devrait en embarquer quelques-uns sur des navires de guerre de nationalités diverses, où, pendant deux autres années, ils feraient le service d’officiers et assisteraient en cette qualité non plus seulement à la manœuvre des bâtimens isolés, mais aussi aux évolutions de plusieurs navires réunis en escadre. Ils se familiariseraient également aux différens genres de canons et d’armes à feu que nous n’avons pu leur mettre sous les yeux. »

Avec une promptitude qui fait le plus grand honneur au gouvernement chinois, le projet de M. Giquel fut adopté. Les élèves de l’arsenal de construction navale parlant français furent placés dans des écoles ou des établissemens industriels français. Ceux de l’Ecole navale parlant anglais allèrent en Angleterre, où ils étudient principalement au Royal naval College of Greenwich, lorsqu’on ne les embarque pas sur des navires de guerre.

Mais ceci n’était que le germe de la création des missions chinoises d’instruction à l’étranger. A l’heure actuelle, il y a, en Europe, trente-trois jeunes Chinois dont la haute direction est en d’excellentes mains, celles de l’honorable M. Dunoyer de Segonzac. Ils sont distribués ainsi : six élèves étudiant le droit à la Faculté de Paris : deux sont à l’École normale supérieure, section des sciences ; deux à l’École des ponts et chaussées, et quatre au génie militaire. Il s’en trouve dix-neuf en Angleterre, répartis comme suit : deux étudians en droit, deux en sciences, trois ingénieurs-mécaniciens, et douze à la marine. Ce dernier chiffre est significatif Il prouve que les innombrables bateaux de l’Angleterre, marchands et autres, ont, aux yeux des Chinois, valu à nos voisins d’outre-Manche une sorte de supériorité navale sur toutes les autres marines. Qu’ils y prennent garde : c’est peut-être celle de la quantité et non de la qualité ! Après la glorieuse campagne de l’amiral Courbet, il est permis d’affirmer que la marine française de guerre a été jugée dans l’extrême Orient comme la première marine du monde.

Il n’est peut-être pas superflu d’ajouter que tous les élèves dont il a été question plus haut sortent de l’arsenal de Fou-Tcheou, fondé, comme on sait, par M. Giquel. Cinq, cependant, font exception : Ils sortent de l’École de Tien-Tsin, dont les instructeurs chinois ont étudié à Fou-Tchéou.

Les dépenses de ces jeunes gens, en Europe, sont payées deux quarts par l’administration du Le-Kin ou douanes intérieures du Fo-Kien, un quart par les douanes impériales de la même province, un quart par l’arsenal de Fou-Tchéou. La somme allouée à chaque élève pour son entretien et ses frais généraux est de 300 francs par mois. Les règlemens prévoient, en outre, des allocations pour frais de professeurs, d’uniformes, de voyages, d’excursions scientifiques, etc.

Le Japon, plus fréquemment peut-être que la Chine, a envoyé dans les principales capitales d’Europe et d’Amérique un grand nombre de ses fils. Il n’est pas une administration, une institution un établissement industriel d’une grande importance qui n’ait été étudié par les Japonais. Leur application à tout savoir a été chez quelques-uns tellement vive, qu’ils en ont perdu la santé et la vie. Des missions japonaises, dirigées par des membres de la famille impériale, des ministres, de hauts fonctionnaires, ont parcouru le monde, poursuivant un but militaire, scientifique et même politique. Remarque étrange qui a été souvent faite, et qui accuse une grande versatilité, on a vu les Japonais s’engouer tour à tour des Français, des Anglais et des Américains ; aujourd’hui, ce sont les Allemands qui tiennent la corde. Quelques familles siamoises ont actuellement des élèves dans nos lycées. L’arrivée de ces Asiatiques ne date que de 1881 ; sa majesté le roi de Siam, cette année-là, envoya un assez grand nombre de jeunes gens en Europe pour y faire, mais à ses frais, leur éducation. L’un d’eux est actuellement à Sainte-Barbe, où il travaille avec ardeur pour entrer à l’Ecole centrale. C’est, me dit-on, un sujet fort distingué.

L’origine de la mission égyptienne en France remonte jusqu’à 1826. Elle eut pour premier directeur M. Jomard, de l’Institut, ancien membre de l’expédition d’Egypte. Le nombre des élèves a été, dans un certain moment, de quatre-vingt-trois. C’est un chiffre que plus d’un lycée de province serait heureux d’avoir. Les carrières qu’ils embrassèrent furent très diverses : on les vit à la marine, au génie civil, à la Faculté de médecine, à l’agriculture, à la diplomatie. Il en sortit des sujets distingués, qui rendirent d’incontestables services à leur pays. Vers 1844, un ministre d’Egypte demanda au gouvernement français l’autorisation de créer, à Paris même, une école spécialement militaire. Quatre princes égyptiens devaient y entrer, ainsi qu’un certain nombre d’élèves choisis avec le plus grand soin. Louis-Philippe ne manqua pas d’accueillir favorablement cette proposition, et l’école s’ouvrit, en septembre 1843, sous le patronage du maréchal Soult, alors ministre de la guerre. Un colonel d’état-major, qui avait commandé à Saint-Cyr, en reçut la direction, qui fut irréprochable.

A la suite des événemens de 1848, l’institution fut licenciée Une grande partie des élèves reprit la route du Caire ; ceux qui n’avaient pas fini leurs études persistèrent dans leur désir de s’instruire à Paris et suivirent des cours chacun selon sa spécialité. Comme une surveillance était nécessaire, on nomma à cet effet une commission composée de MM. Jomard, Barthélémy Saint-Hilaire, Yvon Villarceau, Barbet, chef d’institution, et Lemercier, administrateur-secrétaire. Cette commission, — est-il besoin de le dire ? — a toujours fonctionné gratuitement, et son rôle n’a pas peu contribué à rendre habituel l’usage de la langue française sur les bords du Nil. Les Anglais qui, là comme ailleurs, du reste, battent en brèche notre influence, ont eu l’ennui de s’en apercevoir quelquefois.

Ce qui précède prouve surabondamment, il me semble, que les races asiatiques, celles de l’Asie du Nord en particulier, sont désireuses de s’instruire, lasses de leur immobilité, impatientes de nous suivre dans les voies de progrès et de réformes. Mais le caractère de leurs missions diffère essentiellement de celui que nous voudrions voir dominer en France. En envoyant à l’étranger leurs nationaux, ces gouvernemens poursuivent uniquement un but d’instruction ; quant à nous, c’est vers un idéal plus élevé que nous aspirons, et, pour préciser, nous voulons l’assimilation graduelle des populations indigènes. C’est un devoir strict, en même temps faire acte d’habileté, que d’éclairer celles de ces races que la Providence a placées sous la tutelle de la France. À ce titre, comme à beaucoup d’autres, l’École cambodgienne, dont je vais parler un peu longuement, et qui fonctionne dès à présent à Paris, mérite de fixer notre attention, car elle est un acheminement réel, — quelque modeste que soit ce premier pas, — vers la réalisation d’une institution utile.


III

L’idée de la création d’une école comme celle dont nous allons parler n’est pas nouvelle. Dès le XVIIIe siècle, le révérend père Charles de Montalembert[1], missionnaire aux Indes orientales, demandait que l’on fondât, en France, un collège à l’usage des jeunes Indiens ; ils y auraient été envoyés pendant plusieurs années, et, leur instruction terminée, ils seraient revenus dans leur pays pour occuper des emplois et propager notre influence.

Ce projet n’eut pas de suite.

En 1885, M. Pavie, attaché au service télégraphique, rentrait en France après un séjour de onze années consécutives au Cambodge. A son arrivée à Saigon, il rendit visite à M. Bégin, gouverneur intérimaire de la Cochinchine, qui lui confia treize jeunes gens appartenant aux meilleures familles du Cambodge. M. Pavie accepta la tâche difficile et délicate de les conduire en France, de leur faire apprendre le français et de les mettre en situation de recevoir une solide instruction.

Ce fut l’honorable M. Le Myre de Vilers, alors à Paris, qui, sur l’invitation du ministre de la marine, se chargea du patronage de cette jeunesse asiatique : il ne pouvait être placé en de meilleures mains. Craignant, pour l’inexpérience de nos protégés, un séjour trop prolongé dans un hôtel ouvert à tout venant, M. Le Myre de Vilers insista auprès du sous-secrétaire d’état aux colonies pour qu’ils fussent installés dans un hôtel privé, éloigné du bruit et des distractions dangereuses. Le choix se porta sur un immeuble de la rue Ampère ; par sa proximité du Parc Monceau et du Bois de Boulogne, par sa situation dans un quartier paisible, d’accès facile (cette dernière condition était indispensable, étant donné le genre d’existence auquel nos hôtes allaient être soumis), il offrait les conditions souhaitées.

La question d’installation une fois réglée à la satisfaction de nos jeunes protégés, il y avait lieu d’arrêter les bases d’un enseignement en rapport avec la grandeur des résultats à obtenir.

Le programme adopté, de concert avec un comité d’organisation dans lequel nous relevons les noms de MM. Fuchs, ingénieur en chef des mines, Foncin, inspecteur-général de l’Université, consiste à agir sur ces esprits déliés par des procédés aimables, mais toujours d’une façon pratique. Arriver à l’intelligence par les yeux, tel est le principe qui domine la méthode suivie dans l’établissement de la rue Ampère. Le premier soin de la direction a été de couvrir les murs de la salle de classe de cartons empruntés à des collectons d’histoire naturelle, d’art industriel, de sciences appliquées, etc. Dans toute la maison, elle a répandu à profusion des cartes géographiques, des images de toute sorte, des photographies, des journaux illustrés.

Elle a pensé que la vue des merveilles dont notre France, et particulièrement la capitale, est ornée, serait de nature à éveiller chez ces jeunes gens une admiration qui tournerait certainement à notre avantage. Aussi les promenades instructives (visite ou étude de nos ateliers, de nos usines et manufactures, de nos musées), le théâtre, les réunions mondaines, les voyages dans les départemens, voire même à l’étranger, tiennent-ils une grande place dans l’enseignement[2]. » Les bienfaits de cet entraînement spécial n’ont pas tardé à se manifester. Les progrès dans l’étude de la langue ont marché de pair avec l’assimilation à nos mœurs et à nos usages. Si bien que, dans l’espace de quelques mois, on a réussi à façonner des sujets dont l’intelligence et la tenue ne laissent rien à désirer et qui font bonne figure parmi les plus distingués de nos concitoyens.

J’ai eu la satisfaction de le constater dans une visite que j’ai eu récemment l’occasion de faire rue Ampère. Ce résultat fait le plus grand honneur à M. Goldscheider, dont l’activité, l’administration éclairée et les hautes connaissances méritent les plus grands éloges et la gratitude des intelligences à l’instruction desquelles il s’est voué, — on peut le dire sans aucune exagération, — corps et âme.

Mais il ne suffit pas d’avoir démontré la possibilité de créer une grande œuvre, il faut faire mieux : il faut la réaliser. Puisque la tentative a réussi, — au-delà de toutes les espérances, — avec nos protégés du Cambodge, pourquoi ne pas étendre au reste de l’Indo-Chine française, et peut-être aussi à d’autres pays soumis à notre protectorat, le bénéfice d’un enseignement dont l’efficacité n’est plus à démontrer ?

Heureux et fier d’un succès qui a dépassé les prévisions les plus, optimistes, le sous-secrétariat d’état des colonies est disposé à entrer résolument dans une voie qui lui permettra, dans un espace de temps relativement court, — tout en réalisant des économies sur le budget, — et sans porter aucune atteinte à notre sécurité, de créer un personnel de fonctionnaires indigènes destinés, au début, à coopérer avec nos administrateurs détachés de la métropole, pour arriver par la suite à se substituer graduellement à eux dans tous les services où cette substitution aura été reconnue possible.

A l’extension de l’établissement de la rue Ampère se trouve ainsi intimement lié tout un plan de réorganisation, — mieux encore, de rénovation politique et administrative dont les avantages sautent aux yeux !

Économie de temps. Il ne faut pas moins de dix ans, en effet, pour faire un bon fonctionnaire colonial ; or deux années, trois au plus du régime inauguré rue Ampère, suffiront pour former des collaborateurs indigènes capables de rendre les plus grands services.

Économie d’argent, attendu que le jeune indigène, de retour dans son pays, son stage terminé, recevra un traitement inférieur de moitié, voire même des deux tiers, à la solde de son collègue détaché de la métropole. Au bout d’un petit nombre d’années de services, il se trouvera ainsi avoir reconstitué, au profit de la colonie, le capital absorbé par les frais de son éducation à Paris. Ce n’est pas tout : la consolidation de notre empire colonial ne réclame point seulement une consommation de fonctionnaires. Pour servir ses intérêts en Orient et en extrême Orient, la France a besoin de pionniers vigoureux qui étendent en toute direction notre influence économique. Il lui faut surtout et avant tout des négocians et des industriels.

Les jeunes Français redoutent de longs exils. Insuffisamment préparés, il faut avoir le courage de le reconnaître, peu versés dans la pratique des langues étrangères, entravés par une loi militaire rigoureuse, découragés souvent aussi par les difficultés d’acclimatement auxquelles est en proie l’Européen sous le climat débilitant ! des tropiques, ils hésitent à partir ; — et c’est la semence étrangère qui vient trop souvent, hélas ! remplir le sillon péniblement creusé par nos armes.

Puisque la métropole ne suffit pas à pourvoir de cadres français les travailleurs de ses colonies, pourquoi ne pas demander aux colonies de constituer elles-mêmes et de recruter dans l’élite de leur population cet état-major nécessaire ? Il appartiendra à l’école cambodgienne, agrandie et pourvue de moyens d’action plus puissans, d’instituer à l’usage de cette catégorie de pensionnaires un enseignement approprié au but spécial qu’il s’agit d’atteindre.

Quelques esprits chagrins se demanderont peut-être, avec quelque apparence de raison, si les sujets que l’on aura ainsi appelés à la vie occidentale ne constitueront pas plus tard un danger pour notre propre sécurité. N’est-il pas à redouter, disent-ils, que les pupilles, émancipés par nous, ne retournent contre leurs protecteurs les armes qu’ils auront eu la naïveté de mettre entre leurs mains ?

Ces craintes sont chimériques. Il suffit pour s’en convaincre de constater ce qui s’est passé avec les hôtes actuels de la rue Ampère. Au moment de leur départ de Phnôm-Penh, le Cambodge était fort troublé. Des tentatives d’insurrection dont nos soldats eussent été les premières victimes semblaient imminentes, et les jeunes émigrans avaient fort à faire pour repousser les préventions que leurs proches avaient contre la France. Au contact de ce foyer de lumière qu’on appelle Paris, ébloui par son éclat et sa puissance, rien n’est resté de ces préventions dans l’esprit de nos jeunes Cambodgiens. A la réserve soupçonneuse des premiers jours a fait place un courant sympathique qui va grandissant[3]. J’en ai été remué dans la visite que je leur fis. Il me semblait avoir devant moi de véritables Français imbus des nécessités de nos intérêts modernes, et qui bientôt allaient être appelés à une porte d’apostolat, celui d’étendre au loin notre influence dans l’ordre moral aussi bien que dans le domaine économique.

Deux ans ont suffi pour déterminer ce changement dans des natures indolentes que beaucoup de personnes supposaient obstinément fermées à toute idée de progrès. Le résultat est merveilleux, mais, s’il ne se crée pas sans retard, à Paris, une vaste institution où tout ce qui touche à l’instruction, à l’éducation de la jeunesse coloniale se trouve réuni, c’est que le gouvernement français sera, très au-dessous de la tâche qui lui est dévolue, par suite de l’accroissement aussi inattendu que considérable de ses possessions d’outre-mer.

Ainsi que, dans une récente conférence, le disait M. J. Harmand, consul-général de France à Calcutta, « rappelons-nous que, si nous avons perdu successivement nos colonies, c’est parce que, nos forces et nos ressources se trouvant absorbées dans les luttes de continent, nous n’avons jamais, pendant nos périodes de paix, accordé à nos pays d’outre-mer l’attention qu’ils méritaient ; que, regardant toujours ces établissemens lointains comme secondaires dans notre politique générale, nous avons négligé de leur donner, quand nous le pouvions, une organisation assez puissante pour leur permettre de résister victorieusement el d’eux-mêmes aux attaques d’un ennemi européen. »

A l’heure présente, deux de nos colonies et un pays de protectorat[4] contribuent à l’entretien de l’école de la rue Ampère. Le gouverneur de la Cochinchine a profité du passage de la deuxième mission cambodgienne pour lui adjoindre un jeune interprète des langues annamite et cambodgienne, qui avait demandé à compléter son instruction en France. L’élan est donné, il n’y a qu’à l’accélérer.

En exécution d’une promesse faite avant son départ pour Tana-narive, M. Le Myre de Vilers, de son côté, s’est préoccupé, dès son arrivée à Madagascar, de l’envoi à l’école d’un certain nombre de jeunes fonctionnaires hovas. Il est bon de remettre en mémoire ces bonnes dispositions au vaillant représentant de la France à la cour d’Emyrne.

Dans un rapport adressé à M. le sous-secrétaire d’état aux colonies, le commandant du Soudan français réclamait instamment l’adoption d’une mesure analogue en faveur de fils de chefs influens de la région du Niger, appelés, d’après l’opinion du lieutenant-colonel Gallieni, à devenir d’incomparables agens de pénétration dans ce continent noir, demeuré si longtemps et si obstinément fermé à nos explorateurs. Ce serait continuer sous une autre forme ce qui se fît autrefois. Le général Faidherbe, pendant son gouvernement au Sénégal, ne manqua pas d’y créer des écoles d’enfans indigènes. Elles prospéraient, les négrillons s’y montraient intelligens et dociles, lorsque son successeur, aussitôt débarqué à Saint-Louis, se hâta de les fermer. A cela rien d’étonnant ; mais ce qui peut surprendre et flatter notre amour-propre national, c’est que de nos jours encore, dans un village perdu de l’Afrique, l’on soit brusquement abordé par un nègre à tête blanche et qui vous dira, avec une fatuité comique : « Bonjour, capitaine ! » C’est un élève des écoles créées par l’honorable général.

Mais pour fonder, dira-t-on, un établissement qui puisse recevoir un grand nombre d’élèves, il faudra beaucoup d’argent, et alors, en raison de la pénurie de nos finances, cette fondation menacera d’être indéfiniment ajournée. Je ne vois pas que la question financière soit un obstacle, puisqu’elle sera tranchée par la participation de toutes les colonies au budget de l’institution. La métropole ne doit en ceci être contrainte à aucun sacrifice d’argent. Les dépenses seront divisées entre toutes nos possessions, établies proportionnellement selon le nombre des boursiers que chacune d’elles entretiendra à Paris, et les dépenses de l’instruction dans un budget colonial n’ont jamais été lourdes ni jamais discutées.


EDMOND PLAUCHUT.

  1. Le Révérend Père Montalembert, par M. H. Castonnet des Fosses (Annales de l’extrême Orient et de l’Afrique, mai 1886).
  2. Comme complément de leur première année d’études, on a organisé à leur intention un voyage de vacances dans l’Est. Le 17 août 1886, ils prenaient, en compagnie de leur directeur et de leur professeur surveillant, le train à destination de la Suisse. Les Jeunes Cambodgiens ont ainsi visité Baie, Zurich, Lucarne et Berne-puis ils sont rentrés en France, et ils ont successivement fait halte à Belfort, Montbéliard, Besançon, Vesoul, Chaumont, Clairvaux et Troyes.
    Le succès du voyage accompli l’année précédente devait amener la direction à profiter des vacances de 1887 pour faire une grande excursion de quarante-six jours dans le centre minier et métallurgique de la France (le Creusot, Saint-Etienne, Lyon,) en Savoie et dans la Suisse romande. Le retour s’est effectué par Dijon et Fontainebleau, où les jeunes voyageurs ont fait un séjour de huit jours pour explorer la forêt et visiter le palais.
  3. Grâce aux correspondances échangées par les élèves avec leurs familles, la réputation de l’école cambodgienne est déjà si bien établie au Cambodge que plusieurs des fils du roi Norodom ont fait des démarches actives pour être envoyés à Paris.
  4. La Cochinchine, le Cambodge et le Sénégal. — L’Ouest africain est représenté par un fils adoptif du roi Tofa, de Porto-Novo.