Les Misérables (1908)/Tome 3/Livre 2/07

Œuvres complètes de Victor Hugo. [volume XI] [Section A.] Roman, tome IV. Les Misérables (édition 1908). Deuxième partie  : Cosette. Troisième partie : Marius.
Texte établi par Gustave SimonImprimerie Nationale ; Ollendorff (p. 319).

VII

règle : ne recevoir personne que le soir.


Tel était M. Luc-Esprit Gillenormand, lequel n’avait point perdu ses cheveux, plutôt gris que blancs, et était toujours coiffé en oreilles de chien. En somme, et avec tout cela, vénérable.

Il tenait du dix-huitième siècle : frivole et grand.

Dans les premières années de la restauration, M. Gillenormand, qui était encore jeune, — il n’avait que soixante-quatorze ans en 1814, — avait habité le faubourg Saint-Germain, rue Servandoni, près Saint-Sulpice. Il ne s’était retiré au Marais qu’en sortant du monde, bien après ses quatrevingts ans sonnés.

Et en sortant du monde, il s’était muré dans ses habitudes. La principale, et où il était invariable, c’était de tenir sa porte absolument fermée le jour, et de ne jamais recevoir qui que ce soit, pour quelque affaire que ce fût, que le soir. Il dînait à cinq heures, puis sa porte était ouverte. C’était la mode de son siècle, et il n’en voulait point démordre. — Le jour est canaille, disait-il, et ne mérite qu’un volet fermé. Les gens comme il faut allument leur esprit quand le zénith allume ses étoiles. — Et il se barricadait pour tout le monde, fût-ce pour le roi. Vieille élégance de son temps.