Les Machabées de la Nouvelle-France/Chapitre cinquième

Imprimerie de Léger Brousseau (p. 70-95).


CHAPITRE CINQUIÈME


Les enfants de Charles LeMoyne. — Intérieur d’une famille canadienne il y a deux cents ans. — Éducation des frères LeMoyne. — Leurs premiers faits d’armes à la Baie d’Hudson. — Un canot d’écorce contre un navire de guerre. — Expédition contre les Tsonnontouans. — Beaux témoignages rendus aux frères LeMoyne.


Charles LeMoyne laissa onze fils et deux filles. Dix d’entre les premiers méritèrent, par un courage et un dévouement admirables, l’honneur de marquer au premier rang parmi les grands citoyens de leur pays. Plusieurs d’entre eux acquirent même une réputation européenne, et la France est fière de compter d’Iberville au nombre de ses plus célèbres marins. Trois moururent au champ d’honneur, et quatre devinrent gouverneurs de villes ou de provinces. Voici leurs noms : Charles, baron de Longueuil et chevalier de l’ordre de Saint-Louis, né en 1656 et décédé à Montréal en 1729 ; Jacques, sieur de Saint-Hélène, capitaine dans une compagnie de marine, né en 1659, et blessé mortellement sous les murs de Québec en 1690 ; Pierre, sieur d’Iberville, capitaine de vaisseau du Roi né en 1661 et mort de la fièvre jaune à la Havane en 1706 ; Paul, sieur de Maricourt, capitaine d’une compagnie de la marine, né en 1663 et mort à Montréal en 1704 ; François, sieur de Bienville, 1er, officier dans les troupes de la marine, né en 1666, et tué par les Iroquois à Repentigny en 1691 ; Joseph, sieur de Sérigny, né en 1668, qui fut le compagnon digne et fidèle d’Iberville, devint capitaine de vaisseau et mourut gouverneur de Rochefort en 1734 ; Louis, sieur de Châteauguay, garde de marine, né en 1676, tué à 18 ans par les Anglais à la Baie d’Hudson au siège du fort Nelson, en 1694 ; Jean-Baptiste, sieur de Bienville II, qui prit ce titre après la mort de son frère François, né en 1680, gouverneur de la Louisiane, de 1723 à 1726, mort à Paris à quatre-vingt-huit ans en 1768, sans laisser de postérité ; Gabriel, sieur d’Assigny, né en 1681, mort des fièvres jaunes à Saint-Domingue en 1701 ; Antoine, sieur de Châteauguay II, capitaine dans une compagnie de la marine à la Louisiane, lieutenant du roi, chevalier de Saint-Louis et enfin gouverneur de l’Île royale, mort à Rochefort en 1747. Catherine-Jeanne, née en 1673, épousa en 1694, à Québec, M. Pierre Payau, Seigneur de Noyan, capitaine dans les troupes de la marine et chevalier de Saint-Louis. Marie-Anne, née en 1678, se maria, en 1699, avec le capitaine Jean Bouillet, sieur de la Chassaigne, qui devint gouverneur des Trois-Rivières et de Montréal.

Notre intention n’est pas d’écrire ici la biographie séparée de chacun des frères LeMoyne ; nous nous contenterons de suivre, par ordre de dates, la marche des événements auxquels ils prirent une part si active. Nous éviterons ainsi beaucoup de confusion et de redites. D’ailleurs, comme leur histoire est intimement liée à celle de la Nouvelle-France, pendant cinquante ans après 1680, et que leur ambition était de se trouver partout où il y avait de glorieuses estocades à donner ou à recevoir ; nous aurons souvent l’occasion de rencontrer plusieurs d’entre eux dans les mêmes expéditions et les mêmes combats.

En lisant l’histoire de leur temps, que de fois il nous est arrivé de songer aux mâles impressions qui durent frapper l’âme des jeunes LeMoyne, dès leur plus tendre jeunesse. C’était à l’époque des luttes et les plus acharnées que la barbarie aux abois livrait à la civilisation dans l’Amérique du Nord. Chaque colon était alors tenu d’être brave et soldat, et devait rivaliser d’adresse, de ruse et d’intrépidité avec les ennemis implacables qu’il avait chaque jour à combattre.

Au lieu des contes bleus, des ineptes commérages et des cancans de notre fade vie bourgeoise qui, la plupart du temps, frappent l’oreille de nos enfants, les récits vrais de combats récents, les exemples les plus nobles et les plus propres à développer le courage, bercèrent l’enfance des jeunes LeMoyne.

Il me semble assister à une réunion des membres de cette famille, le soir, dans l’une des rares maisons de la ville naissante de Montréal. M. LeMoyne, au milieu de ses onze fils et de ses deux filles, comme un patriarche des temps bibliques domine, par sa haute taille et par son attitude fière, cette jeune famille pleine de sève qui l’entoure avec respect. Il vient d’arriver d’une expédition guerrière ou d’une ambassade, non moins dangereuse, chez les Iroquois. Il tient son dernier fils sur ses genoux, tandis que les aînés sont assis à quelque distance, à côté de leur mère, imposante comme une dame romaine ; et tous écoutent cette voix ferme, habituée au commandement dans la bataille, et qui roule sonore sous les hauts plafonds de la chambre. Il raconte les péripéties du voyage, la longue marche à travers les bois sans fin, les fatigues, les dangers de la route, les tiraillements de la faim, quelque course furibonde à la poursuite d’un orignal, des surexcitations, des misères de toutes sortes. Soudain, son œil s’anime, sa voix devient plus brève et ses paroles plus précipitées et plus vibrantes ; il expose les préliminaires du combat, les émotions de l’engagement, l’enivrement de la lutte corps à corps avec des sauvages, la fuite précipitée de l’ennemi, l’exaltation de la victoire.

Et tous, pour ainsi dire, boivent ses paroles. Au récit des dangers que son époux a courus et sur lesquels il glisse, pourtant assez légèrement, madame LeMoyne, dont l’âme affectionnée devine toute l’étendue de ces périls, a senti plus d’une fois son cœur se serrer ; mais sa figure calme n’en a rien laissé paraître. Elle comprend que chacune des paroles du chef de la famille est une leçon donnée à ses jeunes fils dont elle a déjà le droit d’être fière, et que chaque trait de bravoure que le père laisse tomber dans l’âme de ses enfants est cette noble semence qui produit des héros et qui est destinée, sans doute, à faire sonner bien haut, par la suite, ce nom respecté de LeMoyne qu’elle a appris à vénérer depuis le jour où elle a acquis le droit de le porter.

Ces beaux exemples que les frères LeMoyne avaient continuellement sous les yeux produisirent de très-bonne heure les plus heureux fruits, et à l’âge où nos jeunes gens sortent aujourd’hui du collège, les fils de Charles LeMoyne servaient depuis déjà plusieurs années le roi, soit dans la marine, soit dans l’armée. Les deux aînés devaient être au nombre de ceux auxquels l’Intendant Talon faisait allusion lorsqu’il écrivait à Colbert, le 2 novembre 1671 : — « Les jeunes gens du Canada se jettent… surtout dans la marine, de sorte que si cette inclination se nourrit un peu, il y a lieu d’espérer que ce pays deviendra une pépinière de navigateurs, de pêcheurs, de matelots, ayant naturellement de la disposition à ces emplois.

L’aîné des frères LeMoyne, M. de Longueuil, passa tout jeune en France fut élevé près du maréchal d’Hunières, et se brisa au dur métier de soldat dans la campagne de Flandre où il sut se distinguer. Dès l’âge de quatorze ans d’Iberville commençait son apprentissage de marin sur un vaisseau qui appartenait à son père. Et puis il fit, comme garde marine, plusieurs voyages en France, sous d’habiles navigateurs. À peine avait-il vingt-deux ans lorsque le gouverneur, M. de LaBarre, en 1683, le chargeait pour le roi de dépêches dans lesquelles il était dit : « Je vous envoie M. d’Iberville, jeune homme qui entend fort bien la mer, sait cette rivière admirablement, a amené et ramené déjà plusieurs navires en France, vous suppliant de faire enseigne de marine… »

C’est à cette époque que, sur la représentation de l’intendant de Meules au roi, que les enfants des gentilshommes canadiens, malgré leur aptitude pour la guerre, n’avaient pas d’occasions d’entrer dans le service régulier, Louis XIV ordonna que, chaque année, deux jeunes canadiens seraient admis dans les gardes de la marine, et pourraient ainsi se faire une profession du métier des armes.

Le second fils de Charles LeMoyne, Jacques de Saint-Hélène et ses frères d’Iberville, de Maricourt, de Sérigny, de Bienville, d’Assigny et de Châteauguay débutèrent ainsi comme gardes-marine.

Les premiers faits d’armes importants que l’histoire attribue aux aînés des frères LeMoyne, prennent place dans l’expédition que le chevalier de Troyes conduisit en 1686, contre les postes anglais de la Baie d’Hudson. Sainte-Hélène avait alors vingt-sept ans, d’Iberville vingt-cinq, et Maricourt n’était âgé que de vingt-trois ans. Tous trois se couvrirent de gloire à ce début sérieux dans la carrière des armes.

Depuis quelque temps déjà, les Anglais faisaient la traite des fourrures à la Baie d’Hudson qui appartenait pour lors à la France, et y avaient même construit plusieurs forts pour la facilité de leur commerce. Le marquis de Denonville, alors gouverneur du Canada, reçut de la cour de France instruction de déloger les Anglais de cette contrée où ils s’installaient ainsi en maîtres, et choisit le chevalier de Troyes, capitaine des troupes, arrivé de France l’année précédente, pour organiser et conduire cette expédition lointaine et pleine de fatigues, de misères et de périls. Cette entreprise hardie devant se faire par terre, il fallait, pour la mener à bonne fin, des hommes accoutumés à la marche, rompus aux fatigues de la vie des bois, exercés à conduire des canots, capables de résister aux rigueurs de l’hiver, et habitués à faire la petite guerre ; ce dont on avait surtout besoin en cette occasion, c’étaient des coureurs de bois, des canadiens en un mot. Aussi en choisit-on soixante-dix parmi les plus éprouvés et leur donna t-on pour chefs trois de leurs compatriotes, bons officiers, brisés à la guerre des sauvages, et accoutumés aux voyages de terre et de mer ; nous voulons, parler de Sainte-Hélène, d’Iberville et de Maricourt. Trente soldats, commandés par le chevalier de Troyes, et MM. Duchesnil et Catalogne, furent adjoints à cette petite troupe d’enfants du pays.

Ces quatre-vingt-dix hommes déterminés partirent de Montréal au mois de mars 1686, remontèrent la rivière des Outaouais jusqu’à la hauteur des terres pour descendre jusqu’au fond de la baie James. Avant d’arriver au premier poste anglais, ils avaient deux cents lieues à faire dans la partie la plus difficile du pays.

La première partie du chemin se fit à la raquette, et les bagages, les vivres et les munitions furent portés à force de bras sur des traîneaux sauvages appelés tabaganes. Dans les premiers jours d’avril, les voyageurs parvinrent au Long-Saut où ils construisirent des canots d’écorce pour achever de remonter l’Outaouais. Avec des fatigues et des privations incroyables, ils atteignirent le lac Témiscamingue, passèrent par de petites rivières et arrivèrent au grand lac d’Abbittibi, après avoir fait plusieurs portages, opération difficile et des plus fatigantes. À l’entrée du lac fut bâti un petit fort de pieux, à la garde duquel on laissa trois canadiens ; après quoi les hardis aventuriers descendirent vers la baie James qu’ils aperçurent enfin le vingt juin, après trois mois de pénible voyage. « Il fallait être canadien, dit Bacqueville de la Potherie, pour endurer les incommodités d’une pareille traverse. »

À l’entrée de la rivière Saint-Louis ou Monsoni, sur l’île de Haye, s’élevait le fort Saint-Louis aussi appelé Monsipi. Il était bâti de pieux et flanqué de quatre bastions revêtus de terre ; au milieu s’élevait un blockhaus de quarante pieds en carré, et d’autant de hauteur, et surmonté d’une plateforme portant quatre pièces de canon.

Arrivés en face du fort, dont les défenseurs sont bien loin de s’attendre à une aussi désagréable visite, Français et Canadiens se ruent à l’assaut avec l’impétuosité de gens qui n’auraient pas fait deux cents lieues de chemin. D’Iberville et Sainte-Hélène, avec six compagnons résolus, escaladent les palissades et sautent en dedans des retranchements, tandis que MM. de Troyes et de Maricourt enfoncent la porte principale à coups de bélier. Et tous, poussant l’effroyable cri de guerre des sauvages, se précipitent à l’assaut du blockhaus. La porte de la route cède un instant sous les coups furieux du bélier, et d’Iberville, emporté par son courage, bondit à l’intérieur, son fusil d’une main et l’épée de l’autre. Mais à peine est-il entré que les anglais parviennent à refermer la porte, et d’Iberville se trouve seul, dans une obscurité profonde et entouré d’ennemis. Il lâche son coup de feu au milieu du groupe grouillant et hurlant sur lequel il tombe ensuite avec son épée. Certain de ne pas perdre ses coups, il ferraille de la belle manière et frappe d’estoc et de taille sur les assiégés qui n’osent riposter de peur de se blesser les uns les autres. Enfin, la porte s’effondre sous les efforts réunis des assaillants qui arrivent au secours de leur compagnon. Amis et ennemis, les uns poussant les autres l’épée dans les reins, grimpant jusqu’à la plate-forme où les nôtres assomment le canonnier sur une pièce qu’il va décharger, tandis que les seize autres assiégés demandent quartier en mettant bas les armes.

N’ayant pas un nombre d’hommes suffisant pour le défendre, les chefs de l’expédition démolissent le fort, et, après avoir réparé une chaloupe trouvée au fort et l’avoir armée de canons, ils partent avec leur petite troupe pour aller s’emparer du fort Rupert, situé à quarante lieues de Monsipi, à l’est de la baie James. Après avoir suivi le bord de la mer, ils arrivent près du fort Rupert dans la nuit du premier juillet. M. de Sainte-Hélène, en allant le reconnaître, aperçoit un vaisseau mouillé en face du fort. On décide qu’il faut commencer par s’emparer du navire, et cette entreprise est confiée à d’Iberville et à Maricourt. Tous deux s’embarquent dans un canot d’écorce avec neuf hardis compagnons, et voilà ces onze braves partis pour s’emparer d’un vaisseau de guerre. La pirogue glisse silencieusement sur les eaux et accoste le navire ; d’Iberville et Maricourt grimpent sur les flancs du vaisseau, et sautent par dessus le bastingage. Le matelot de quart jette un cri à demi étouffé par la surprise et par les flots de sang qu’un grand coup d’épée lui arrache de la gorge avec la vie. C’est d’Iberville qui n’a pas trouvé de meilleur argument pour l’empêcher de donner l’alarme, et qui se met à frapper aussitôt sur le pont pour y appeler les autres hommes de l’équipage. À mesure que ces derniers, attirés par le bruit, sortent de l’écoutille, un coup bien appliqué les assomme sur place. Épouvantés, les autres demandent grâce, et d’Iberville reste maître du vaisseau à bord duquel se trouvait le gouverneur que les Anglais venaient d’envoyer à la Baie d’Hudson.

Pendant ce temps, le chevalier de Troyes escaladait le fort qui se rendait sans coup férir, et en faisait sauter la redoute et démolir les palissades. Après quoi le vaisseau commandé par d’Iberville faisait voile pour Monsipi avec les prisonniers, tandis que M. de Troyes, prenant la route de terre, revenait au même endroit avec ses soldats.

Le fort Kitchitchouane, d’Albany, situé à trente lieues de Monsipi et à l’ouest de la baie, restait encore à prendre ; mais on ignorait l’endroit précis où il se trouvait. Quelques coups de canon qu’on y tirait à l’occasion de certaine fête attirèrent heureusement l’attention des nôtres qui se dirigèrent vers le lieu d’où venait le bruit ; pendant que d’Iberville longeait la côte avec sa prise, de Sainte-Hélène avançait par terre. Arrivés en face du fort avec sa suite, M. de Troyes envoya des parlementaires au commandant de la place, Henry Sergent. Comme celui-ci refusait de se rendre, on profita de la nuit pour débarquer quelques pièces de canon que l’on plaça en batterie sur une éminence, et avec le jour on ouvrit le feu sous le fort. À peine quelques boulets avaient-ils été lancés sur la place, qu’elle se rendait sans que les assiégés eussent brûlé une seule cartouche pour se défendre. Les Anglais avaient leurs grands magasins en ce lieu où les nôtres trouvèrent pour cinquante mille écus de pelleterie.

Après quelques jours d’un repos qu’ils avaient bien mérité et dont le besoin se faisait sentir, le chevalier de Troyes repartait pour Montréal, le dix août, après avoir conduit à bonne fin une expédition qui lui faisait le plus grand honneur. Malheureusement ce brave officier devait mourir du scorbut l’année suivante au fort de Niagara.

Quant à d’Iberville, il resta quelque temps sur les lieux pour y rétablir les affaires de la compagnie du Nord ; et puis, ayant envoyé les prisonniers anglais en France, ainsi que les pelleteries enlevées aux ennemis, et laissant le commandement du poste à son frère Maricourt, il se rendit par terre à Montréal.

L’année suivante, 1688, nous retrouvons M. LeMoyne de Sainte-Hélène dans une grande expédition que M. Denonville entreprit contre les Iroquois-Tsonnontouans qui avaient encore une fois fait preuve de leur perfidie ordinaire. M. de Callières commandait l’avant-garde formée de trois compagnies composées de français nés dans le pays. Ces troupes étaient soutenues à droite par trois cents sauvages chrétiens commandés par M. de Sainte-Hélène ; à gauche venait un autre corps de sauvages, tandis que le gouverneur suivait les troupes du roi et les milices du pays. M. de Longueuil faisait aussi partie de la petite armée. Les Tsonnontouans ouvrirent le feu les premiers et mirent en fuite quelques Outaouais ; mais les sauvages tinrent bon avec M. de Saint-Hélène jusqu’à ce que le corps de bataille fut venu à leur secours. M. de Denonville, que l’extrême chaleur avait forcé de jeter son habit, s’élança vaillamment à l’attaque d’un coteau que commandait un petit fort de pieux ; mais ses soldats furent tellement surpris par l’attaque subite et les cris des Iroquois, qu’un grand nombre d’entre eux lâchèrent pied. Le général parvint à rassembler les fuyards et les ramena si vivement au feu qu’ils culbutèrent les Iroquois qui prirent la fuite après avoir jeté leurs couvertures pour courir plus à l’aise.

« Les canadiens, » dit le père Charlevoix, « se battirent avec leur bravoure ordinaire ; mais les soldats se firent peu d’honneur dans cette campagne. »

Les Iroquois avaient été encore une fois humiliés. La famine les ayant visités à la suite de la destruction complète de leur bourgade, les Tsonnontouans qui comptaient auparavant dix mille âmes et huit à neuf cents guerriers, furent réduits à la moitié de ce nombre.

Au retour de cette expédition, M. de Denonville écrivait à la cour : « Les sieurs de la Durantaye, Granville, Dupuis, Berthier, La Vallière, Longueuil, qui ont très-bien servi, seraient de très-bons capitaines. Je ne saurais vous dire assez combien Granville et Longueuil, à chacun desquels j’avais donné quatre compagnies à commander, se sont distingués par dessus les autres. Vous avez donné au dernier une lieutenance qu’il a acceptée avec plaisir ; il est l’aîné des sept frères de la famille LeMoyne, que le roi a anoblie pour les services que feu leur père a rendus en ce pays. C’est une famille, avec celle des Leber, beau-frère du dit LeMoyne, que je ne saurais trop louer, et qui mérite le plus d’être distingué par la bonne conduite et la bonne éducation des enfants qui sont tous honnêtes gens. À l’entreprise du Nord, il y avait trois frères LeMoyne, qui eurent part à tout ce qui s’est fait de bien sous M. de Troyes. »

Dans une autre lettre que M. de Denonville écrivait pour obtenir l’élargissement de prisonniers iroquois détenus à Marseille, il est aussi fort avantageusement parlé du jeune LeMoyne de Sérigny qui était alors cadet à Rochefort. Le gouverneur suggère au ministre de renvoyer les prisonniers sous la garde de M. de Sérigny qui « parlait la langue iroquoise avec facilité et traiterait ceux que l’on confierait à sa garde bien mieux qu’ils ne l’avaient été par ceux qui les avaient conduits en France. »