Les Mabinogion/Branwen, fille de Llyr

Traduction par Joseph Loth.
Fontemoing (tome 1p. 119-150).



BRANWEN[1], fille de Llyr




Voici la seconde branche du Mabinogi.


Bendigeit Vran[2] fils de Llyr[3], était roi couronné de toute cette île, dignité rehaussée encore

par la couronne de Llundein (Londres)[4]. Une après-midi, il se trouvait à Harddlech[5], en Ardudwy[6], qui lui servait de cour, assis au sommet du rocher au-dessus des flots de la mer, en compagnie de Manawyddan[7], fils de Llyr, son frère, de deux autres frères du côté de sa mère, Nissyen et Evnissyen, et, en outre, de beaucoup de nobles, comme il convenait autour d’un roi. Ces deux frères étaient fils d’Eurosswydd[8], mais ils étaient de la même mère que lui : Penardim, fille de Beli, fils de Mynogan[9]. L’un de ces jeunes gens était bon ; il mettait la paix au milieu de la famille quand on était le plus irrité : c’était Nissyen. L’autre mettait aux prises ses deux frères quand ils s’aimaient le plus. Pendant qu’ils étaient ainsi assis, ils aperçurent treize navires venant du sud d’Iwerddon (l’Irlande)[10] et se dirigeant de leur côté ; leur marche était facile, rapide ; le vent, soufflant en poupe, les rapprochait d’eux rapidement. « Je vois là-bas des navires, » s’écria le roi, « venant vite vers la terre ; commandez aux hommes de la cour de se vêtir, et d’aller voir quelles sont leurs intentions. » Les hommes se vêtirent et descendirent dans leur direction. Quand ils purent voir les navires de près, ils furent bien convaincus qu’ils n’en avaient jamais vu qui eussent l’air mieux équipés. De beaux étendards de paile flottaient au-dessus d’eux. Tout à coup un navire se détacha en avant des autres, et on vit se dresser au-dessus du pont un écu, l’umbo [11] en haut, en signe de paix. Les hommes de Bran avancèrent vers lui, de façon à pouvoir converser.

Les étrangers jetèrent des canots à la mer, se rapprochèrent du rivage et saluèrent le roi. Il les entendait du haut du rocher où il était assis, au-dessus de leurs têtes. « Dieu vous donne bien, » dit-il, « soyez les bienvenus. À qui appartiennent ces navires et quel en est le chef ? » ― « Seigneur, » répondirent-ils, « Matholwch [12], roi d’Iwerddon, est ici, et ces navires sont à lui. » ― « Que peut-il désirer ? Veut-il venir à terre ? » ― « Comme il vient en solliciteur auprès de toi, il n’ira pas, s’il n’obtient l’objet de son voyage. » ― « Quel est-il ? » ― « Il veut, seigneur, s’allier à toi : c’est pour demander Branwen, fille de Llyr, qu’il est venu. Si cela t’agrée, il établira entre l’île des Forts [13] et Iwerddon, un lien qui augmentera leur puissance. » ― « Eh bien, qu’il vienne à terre, et nous délibérerons à ce sujet. » Cette réponse fut portée à Matholwch. « Volontiers. » dit-il. Et il se rendit à terre. On lui fit bon accueil, et il y eut cette nuit-là un grand rassemblement formé par ses troupes et celles de la cour. Dès le lendemain on tint conseil, et il fut décidé qu’on donnerait Branwen à Matholwch. C’était une des trois premières dames de cette île [14], et la plus belle jeune fille du monde. On convint d’un rendez-vous à Aberffraw où Matholwch coucherait avec elle. On se mit en marche, et toutes les troupes se dirigèrent vers Aberffraw [15], Matholwch et les siens par mer, Bendigeit Vran et ses gens par terre.

À leur arrivée à Aberffraw, le banquet commença. Ils s’assirent, le roi de l’île des Forts et Manawyddan d’un côté, Matholwch de l’autre, et Branwen avec eux. Ce n’est pas dans une maison qu’ils étaient, mais sous des pavillons. Bendigeit Vran n’aurait jamais pu tenir dans une maison. On se mit à boire, et on continua, en causant, jusqu’au moment où il fut plus agréable de dormir que de boire. Ils allèrent se coucher. Cette nuit-là Matholwch et Branwen couchèrent ensemble. Le lendemain, tous les gens de la cour se levèrent ; les officiers commencèrent à s’occuper du partage des chevaux, de concert avec les valets ; ils les distribuèrent de tous côtés jusqu’à la mer. Sur ces entrefaites, un jour l’ennemi de la paix dont nous avons parlé plus haut, Evnyssyen[16], tomba sur le logis des chevaux de Matholwch, et demanda à qui ils appartenaient. « Ce sont les chevaux de Matholwch, roi d’Iwerddon, » fut-il répondu. « Que font-ils ici ? » dit-il. « C’est ici qu’est le roi d’Iwerddon ; il a couché avec ta sœur Branwen ; ces chevaux sont les siens. » ― « Et c’est ainsi qu’ils en ont agi avec une jeune fille comme elle, avec ma sœur à moi ! la donner sans ma permission ! Ils ne pouvaient me faire plus grand affront. » Aussitôt il fond sous les chevaux, leur coupe les lèvres au ras des dents, les oreilles au ras de la tête, la queue au ras du dos ; s’il ne trouvait pas prise sur les sourcils, il les rasait jusqu’à l’os. Il défigura ainsi les chevaux, au point qu’il était impossible d’en rien faire. La nouvelle en vint à Matholwch ; on lui rapporta que les chevaux étaient défigurés et gâtés à tel point, qu’on n’en pouvait plus tirer aucun parti. « Oui, seigneur, » dit un des hommes, « on t’a insulté ; c’est bien ce qu’on veut te faire. » ― « En vérité, » répondit-il, « je vous trouve étrange, s’ils voulaient m’outrager, qu’ils m’aient donné une pareille jeune fille, d’aussi haute condition, aussi aimée de sa nation. » ― « Seigneur, » dit un autre, « tu en vois la preuve ; il ne reste qu’une chose à faire, te rendre sur tes vaisseaux. »

À la suite de cet entretien, il se mit en devoir de partir sur ses navires. Bendigeit Vran, apprenant que Matholwch quittait la cour sans prendre congé, lui envoya demander pourquoi. Les messagers étaient Iddic, fils d’Anarawc [17], et Eveydd Hir. Ils arrivèrent jusqu’à lui, et lui demandèrent ce que signifiaient ses préparatifs, et pour quel motif il partait. « Assurément, » répondit-il, « si j’avais su, je ne serais pas venu ici. J’ai essuyé l’outrage le plus complet. Personne n’a eu à subir pire attaque que moi en ces lieux. Une chose, cependant, me surprend par dessus tout. » ― « Laquelle ? » dirent-ils. ― « Qu’on m’ait donné Branwen, une des trois premières dames de cette île, la fille du roi de l’île des Forts, que j’aie couché avec elle, et qu’ensuite on vienne m’outrager. Je suis étonné qu’on ne l’ait pas fait avant de me la donner. » — « Assurément, seigneur, ce n’est point par la volonté de celui qui possède cette cour, ni d’aucun de son conseil qu’on t’a fait cet affront. Et, si tu te trouves outragé, Bendigeit Vran est encore plus sensible que toi à cet affront et à ce mauvais tour. » — « Je le crois, mais il ne peut pas faire que je n’aie reçu cet outrage. » Ils s’en retournèrent, là-dessus, auprès de Bendigeit Vran, et lui rapportèrent la réponse de Matholwch. « Il n’y a pas moyen, » dit-il, « de l’empêcher de partir avec des dispositions hostiles, quand même je ne le permettrais pas. » — « Eh bien, seigneur, envoie encore des messagers après lui. » — « C’est ce que je vais faire. Levez-vous, Manawyddan fils de Llyr, Eveidd Hir, Unic Glew Ysgwydd[18], allez après lui, et dites-lui qu’il aura un cheval en bon état pour chacun de ceux qu’on lui a gâtés. Je lui donnerai en outre, en wynebwarth[19] (en compensation des verges d’argent aussi épaisses et aussi longues que lui, un plat d’or aussi large que son visage. Faites-lui savoir quelle espèce d’homme lui a fait cela, que je n’y suis pour rien, que le coupable est un frère à moi, du côté de ma mère, et qu’il ne m’est guère possible de me défaire de lui ni de le tuer. Qu’il vienne me voir ; je ferai la paix aux conditions qu’il tracera lui-même. » Les messagers se mirent à la recherche de Matholwch, lui rapportèrent ce discours d’une façon amicale. Après les avoir entendus, il dit : « Hommes, nous allons tenir conseil. » Il alla tenir conseil, et ils réfléchirent que s’ils rejetaient ces propositions, il en résulterait vraisemblablement pour eux plutôt de la honte encore qu’une réparation aussi importante. Il condescendit à accepter, et ils se rendirent à la cour en amis.

On leur prépara pavillons et tentes en guise de salles, et ils se mirent à table. Ils s’assirent dans le même ordre qu’au commencement du banquet, et Matholwch commença à s’entretenir avec Bendigeit Vran. Celui-ci trouva que sa conversation languissait, qu’il était triste, à cause sans doute de l’affront, tandis qu’auparavant il était constamment joyeux. Il pensa que le prince était si triste parce qu’il trouvait la réparation trop faible pour le tort qu’on lui avait fait. « Homme, » lui dit-il, « tu n’es pas aussi bon causeur cette nuit que les nuits précédentes. Si la réparation ne te semble pas suffisante, j’y ajouterai à ton gré ; et dès demain, on te payera tes chevaux. » — « Seigneur, » répondit-il, « Dieu te le rende. » — « Je parferai la réparation en te donnant un chaudron[20]dont voici la vertu : si on te tue un homme aujourd’hui, tu n’auras qu’à le jeter dedans pour que le lendemain il soit aussi bien que jamais, sauf qu’il n’aura plus la parole. » Matholwch le remercia, et en conçut très grande joie. Le lendemain on remplaça ses chevaux par d’autres, tant qu’il y eut des chevaux domptés. On alla ensuite dans un autre kymmwt[21], et on lui donna des poulains jusqu’à payement complet ; ce qui fit que ce kymmwt porta, à partir de là, le nom de Tal-ebolyon[22].

La nuit suivante, ils s’assirent en compagnie. « Seigneur, » dit Matholwch à Bendigeit, « d’où t’est venu le chaudron que tu m’as donné ? » — « Il m’est venu, » répondit-il, « d’un homme qui a été dans ton pays, mais je ne sais pas si c’est là qu’il l’a trouvé. » — « Qui était-ce ? » — « Llasar Llaesgyvnewit. Il est venu ici d’Iwerddon, avec Kymideu Kymeinvoll sa femme. Ils s’étaient échappés de la maison de fer, en Iwerddon, lorsqu’on l’avait chauffée à blanc sur eux. Je serais bien étonné si tu ne savais rien à ce sujet. » — « En effet, seigneur, et je vais te dire tout ce que je sais. Un jour que j’étais à la chasse en Iwerddon, sur le haut d’un tertre qui dominait un lac appelé Llynn y Peir (Le lac du Chaudron), j’en vis sortir un grand homme aux cheveux roux, portant un chaudron sur le dos. Il était d’une taille démesurée, et avait l’air d’un malfaiteur. Et s’il était grand, sa femme était encore deux fois plus grande que lui. Ils se dirigèrent vers moi et me saluèrent. « Quel voyage est le vôtre ? » leur dis-je. — « Voici, seigneur, » répondit-il. « Cette femme sera enceinte dans un mois et quinze jours. Celui qui naîtra d’elle, au bout d’un mois et demi sera un guerrier armé de toutes pièces, » — « Je me chargeai de pourvoir à leur entretien, et ils restèrent une année avec moi sans qu’on m’en fît des reproches. Mais, à partir de là, on me fit des difficultés à leur sujet. Avant la fin du quatrième mois, ils se firent eux-mêmes haïr en commettant sans retenue des excès dans le pays, en gênant et en causant des ennuis aux hommes et aux femmes nobles. À la suite de cela, mes vassaux se rassemblèrent et vinrent me sommer de me séparer d’eux en me donnant à choisir entre ces gens et eux-mêmes. Je laissai au pays le soin de décider de leur sort. Ils ne s’en seraient pas allés certainement de bon gré, et ce n’était pas non plus en combattant qu’ils auraient été forcés de partir. Dans cet embarras, mes vassaux décidèrent de construire une maison tout en fer. Quand elle fut prête, ils firent venir tout ce qu’il y avait en Irlande de forgerons possédant tenailles et marteaux, et firent accumuler tout autour du charbon jusqu’au sommet de la maison[23]. Ils passèrent en abondance nourriture et boisson à la femme, à l’homme et à ses enfants. Quand on les sut ivres, on commença à mettre le feu au charbon autour de la maison et à faire jouer les soufflets jusqu’à ce que tout fut chauffé à blanc. Eux tinrent conseil au milieu du sol de la chambre. L’homme, lui y resta jusqu’à ce que la paroi de fer fut blanche. La chaleur devenant intolérable, il donna un coup d’épaule à la paroi et sortit en la jetant dehors, suivi de sa femme. Personne autre qu’eux deux n’échappa. C’est alors, je suppose, qu’il traversa la mer et se rendit près de toi. » — « C’est alors, sans doute, qu’il vint ici et me donna le chaudron. » — « Comment les as-tu accueillis ? » — « Je les ai distribués de tous côtés sur mes domaines. Ils se multiplient et s’élèvent en tout lieu ; partout où ils sont, ils se fortifient en hommes et en armes les meilleurs qu’on ait vus. »

Ils poursuivirent leur entretien cette nuit-là, avec récréations artistiques et compotation, tant qu’il leur plut. Quand ils trouvèrent qu’il valait mieux dormir que de siéger plus longtemps, ils allèrent se coucher. Ils passèrent ainsi le temps du banquet dans la gaieté. Quand il fut terminé, Matholwch partit avec Branwen pour Iwerddon. Ils sortirent d’Aber Menei[24] avec leurs treize navires, et arrivèrent en Iwerddon, où on les accueillit avec de très grandes démonstrations de joie. Il ne venait pas un homme de marque ni une femme noble en Iwerddon faire visite à Branwen, qu’elle ne lui donnât un collier, une bague ou un bijou royal précieux, qui leur donnait un air princier quand ils sortaient. Elle passa ainsi l’année glorieusement, et réussit complètement à acquérir gloire et amitié. Il arriva alors qu’elle devint enceinte. Au bout du temps requis, il lui naquit un fils. On lui donna le nom de Gwern, fils de Matholwch, et on l’envoya élever chez les hommes les meilleurs d’Iwerddon.

La seconde année, il se fit tout à coup grand bruit en Iwerddon, au sujet de l’outrage qu’avait essuyé Matholwch en Kymry [25] (Galles), et du mauvais tour qu’on lui avait joué à propos de ses chevaux. Ses frères de lait et ses plus proches parents lui en firent ouvertement des reproches. Le tumulte devint tel en Iwerddon, qu’il ne pouvait espérer de repos s’il ne tirait vengeance de l’outrage. Voici la vengeance qu’ils décidèrent : il chasserait Branwen de sa chambre, l’enverrait cuire les aliments à la cour, et, tous les jours, le boucher, après avoir coupé la viande, irait à elle et lui donnerait un soufflet. Ce fut le châtiment qu’on imposa à Branwen. « Maintenant, seigneur, » dirent ses hommes à Matholwch, « fais empêcher les navires, les barques et les corwg [26] d’aller en Kymry ; tout ceux qui viendront de Kymry, emprisonne-les ; ne les laisse pas s’en retourner, de peur qu’on ne le sache. » Ils s’arrêtèrent à ce plan. Ils ne restèrent pas moins de trois années ainsi.

Pendant ce temps, Branwen éleva un étourneau sur le bord de son pétrin, lui apprit un langage, lui indiqua quelle espèce d’homme était son frère, et lui apporta une lettre exposant ses souffrances et le traitement injurieux qu’elle subissait[27]. Elle attacha la lettre à la naissance des ailes de l’oiseau, et l’envoya vers Kymry. L’oiseau se rendit dans cette île. Il trouva Bendigeit Vran à Caer Seint[28] en Arvon[29] qui se trouvait être cette fois sa cour de justice. Il descendit sur son épaule et hérissa ses plumes jusqu’à ce qu’on aperçut la lettre et qu’on reconnut qu’on avait affaire à un oiseau élevé dans une maison.

Bendigeit Vran prit la lettre et la lut. Sa douleur fut grande en apprenant les souffrances de Branwen, et il envoya sur-le-champ des messagers pour rassembler l’île tout entière. Il appela à lui toutes les forces des cent cinquante-quatre pays. Il se plaignit lui-même à eux des souffrances qu’on faisait subir à sa sœur, et tint conseil. On décida de faire une expédition en Iwerddon, et de laisser dans cette île sept hommes comme gouverneurs, et Cradawc [30] à leur tête ; c’étaient sept chevaliers. On les laissa en Edeirnon [31], et c’est à cause de cela qu’on appela la ville Seith Marchawc[32] (Sept Chevaliers). C’étaient : Cradawc, fils de Bran ; Eveidd Hir ; Unic Glew Ysgwydd ; Iddic, fils d’Anarawc Walltgrwn ; Ffodor, fils d’Ervyll ; Wlch Minascwrn ; Llashar [33], fils de Llaesar Llaesgywydd, et Pendaran Dyvet qui restait avec eux comme jeune valet. Ces sept hommes restèrent comme administrateurs pour veiller sur l’île ; Cradawc était à leur tête.

Bendigeit Vran et tous les soldats que nous avons indiqués mirent à la voile pour Iwerddon. Les flots n’étaient pas considérables alors ; il marcha à travers les bas-fonds. Il n’y avait que deux rivières appelées Lli et Archan. Depuis, les flots ont étendu leur empire. Bendigeit s’avança, portant sur son dos tout ce qu’il y avait de musiciens [34], et se rendit à la terre d’Iwerddon.

Les porchers de Matholwch, qui étaient sur le bord des eaux, retournèrent auprès de lui. « Seigneur, » dirent-ils, « porte-toi bien. » « Dieu vous donne bien, » répondit-il, « apportez-vous des nouvelles ? » « Oui, seigneur, des nouvelles surprenantes. Nous avons aperçu un bois sur les eaux, à un endroit où auparavant nous n’en avions jamais vu trace. » « Voilà une chose surprenante ; c’est tout ce que vous avez vu ? » « Nous avons vu encore, seigneur, une grande montagne à côté du bois, et cette montagne marchait ; sur la montagne un pic, et de chaque côté du pic un lac. Le bois, la montagne, tout était en marche [35]. » « Il n’y a personne ici à rien connaître à cela, si ce n’est Branwen ; interrogez-la. » Les messagers se rendirent auprès de Branwen. « Princesse, » dirent-ils, « qu’est-ce que tout cela, à ton avis ? » « Ce sont, » répondit-elle, « les hommes de l’île des Forts qui traversent l’eau pour venir ici après avoir appris mes souffrances et mon déshonneur. » ― « Qu’est-ce que ce bois qu’on a vu sur les flots ? » ― « Ce sont des vergues et des mâts de navires. » ― « Oh ! » dirent-ils, « et la montagne que l’on voyait à côté des navires ? » ― « C’est Bendigeit Vran, mon frère, marchant à gué. Il n’y avait pas de navire dans lequel il pût tenir. » ― « Et le pic élevé, et les lacs des deux côtés du pic ? » « C’est lui jetant sur cette île des regards irrités ; les deux lacs des deux côtés du pic sont ses yeux de chaque côté de son nez. »

On rassembla aussitôt tous les guerriers d’Iwerddon, tous les grands chefs, et ont tint conseil. « Seigneur, » dirent les nobles à Matholwch, « il n’y a d’autre plan possible que de reculer par delà la Llinon [36], rivière d’Irlande, de mettre la Llinon entre toi et lui, et de rompre le pont. Il y a au fond de la rivière une pierre aimantée qui ne permet à aucun navire ni vaisseau de la traverser. » Ils se retirèrent de l’autre côté de la rivière, et rompirent le pont. Bendigeit vint à terre et se rendit avec la flotte sur le bord de la rivière. « Seigneur, » lui dirent ses nobles, « tu connais le privilège de cette rivière : personne ne peut la traverser, et il n’y a pas de pont dessus. Quel est ton avis pour un pont ? » ― « Je n’en vois pas d’autre que celui-ci : Que celui qui est chef soit pont [37]. C’est moi qui serai le pont. » C’est alors, pour la première fois, que ce propos fut tenu, et aujourd’hui encore il sert de proverbe. Il se coucha par-dessus la rivière ; on jeta des claies sur lui, et les troupes traversèrent sur son corps. Au moment où il se relevait, les messagers de Matholwch vinrent le saluer et le complimenter de la part de leur maître, son parent par alliance, en l’assurant qu’il n’avait pas démérité de lui, en ce qui dépendait de sa volonté. « Matholwch, » ajoutèrent-ils, « donne le royaume d’Iwerddon à Gwern ton neveu, le fils de ta sœur ; il le lui offre en ta présence, en réparation du tort et des vexations qui ont été faites à Branwen ; tu pourvoiras à l’entretien de Matholwch où tu voudras, ici ou dans l’île des Forts. » « Si je ne puis moi-même, » répondit Bendigeit Vran, « m’emparer du royaume, il se peut que je délibère au sujet de vos propositions. Avant de m’avoir apporté d’autres propositions, ne cherchez pas à obtenir de moi une réponse. » ― « La réponse la plus satisfaisante que nous recevrons, nous te l’apporterons. Attends donc notre message. » « J’attendrai mais revenez assez vite. » Les messagers se rendirent auprès de Matholwch. « Seigneur, » lui dirent-ils, « prépare pour Bendigeit Vran une réponse qui soit plus satisfaisante. Il ne veut rien écouter de celle que nous lui avons apportée de ta part. » ― « Hommes, » dit Matholwch ; quel est votre avis ? » « Seigneur, » répondirent-ils, « nous n’en voyons qu’un. Jamais il n’a pu tenir dans une maison. Et bien ! fais une maison assez grande pour le recevoir lui et les hommes de l’île des Forts d’un côté, toi et ton armée de l’autre. Donne-lui ton royaume pour qu’il en dispose à son gré, et fais-lui hommage. En retour de l’honneur qu’on lui aura fait en bâtissant une maison capable de le contenir, ce qu’il n’a jamais eu, il fera la paix avec toi. » Les messagers retournèrent avec ce message auprès de Bendigeit Vran. Il se décida à accepter. Tout cela se fit par le conseil de Branwen, qui voulait éviter la ruine à un pays qui lui appartenait à elle aussi.

On se mit à exécuter les conditions du traité ; on bâtit une maison haute et vaste. Mais les Gwyddyl (les Irlandais) [38] imaginèrent un stratagème : ils établirent des supports des deux côtés de chacune des cent colonnes de la maison. Ils installèrent un sac de peau sur chaque saillie, et un homme armé dans chaque sac.

Evnyssyen entra avant la troupe de l’île des Forts, et jeta de tous côtés, dans la maison, des regards furieux et méchants. Il aperçut les sacs de peau le long des piliers. « Qu’y a-t-il dans ce sac-ci ? » dit-il à un Gwyddel.» — « De la farine, mon âme, » répondit-il. Il le tâta jusqu’à ce qu’il trouva la tête, et il serra jusqu’à ce qu’il sentit ses doigts se rencontrer dans la moelle à travers les os, et il le laissa. Il mit la main sur un autre, et demanda : « Qu’y a-t-il dans celui-ci. » « De la farine, » répondirent les Gwyddyl. Il se livra au même jeu avec chacun d’eux, jusqu’à ce qu’il ne resta plus de vivant des deux cents hommes qu’un seul. Il alla à ce dernier, et demanda : « Qu’y a-t-il ici ? » — « De la farine, » répondirent les Gwyddyl. Il le tâta jusqu’à ce qu’il eût trouvé la tête, et la lui serra comme aux autres. Il sentit une armure sur la tête de ce dernier, et ne le lâcha pas avant de l’avoir tué. Alors il chanta cet englyn [39] :

« Il y a dans ce sac farine particulière, des champions, des lutteurs, qui descendent dans le combat [40] : combat tout préparé en vue, des combattants. »

À ce moment les troupes entrèrent dans la maison. Les hommes de l’île d’Iwerddon allèrent d’un côté et ceux de l’île des Forts de l’autre. Aussitôt qu’ils furent assis, l’union entre eux se fit. La royauté fut offerte au fils de Matholwch. La paix conclue, Bendigeit Vran fit venir l’enfant ; l’enfant se rendit ensuite auprès de Manawyddan. Tous ceux qui le voyaient le prenaient en affection. Il était avec Manawyddan quand Nyssyen, fils d’Eurosswydd, l’appela auprès de lui. L’enfant alla vers lui gentiment. « Pourquoi, » s’écria Evnyssyen, « mon neveu, le fils de ma sueur, ne vient-il pas à moi ? Ne serait-il pas roi d’Irlande, que je serais heureux d’échanger des caresses avec lui. » « Volontiers, » dit Bendigeit Vran, « qu’il aille. » L’enfant alla à lui tout joyeux. « J’en atteste Dieu, » se dit Evnyssyen, « la famille ne s’attend guère au meurtre que je vais commettre en ce moment. » Il se leva, saisit l’enfant par les pieds, et, avant que personne de la famille ne pût l’arrêter, il lança l’enfant la tête la première dans le feu ardent.

Branwen, en voyant son fils au milieu des flammes, voulut, de l’endroit où elle était assise entre ses deux frères, s’élancer dans le feu ; mais Bendigeit Vran la saisit d’une main et prit son écu de l’autre. Chacun aussitôt de s’attaquer par toute la maison ; cette troupe dans la même maison produit le plus grand tumulte qu’on eût vu ; chacun saisit ses armes. Morddwyt Tyllyon [41] s’écrie alors : « Gwern gwngwch uiwch Vorddwyt Tyllion [42]  !

Chacun alors se jeta sur ses armes. Bendigeit Vran maintint Branwen entre son écu et son épaule. Les Gwyddyl se mirent à allumer du feu sous le chaudron de résurrection. On jeta les cadavres dedans jusqu’à ce qu’il fut plein. Le lendemain, ils se levèrent redevenus guerriers aussi redoutables que jamais, sauf qu’ils ne pouvaient pas parler. Evnyssyen voyant sur le sol les corps privés de renaissance des hommes de l’île des Forts se dit en lui-même : « Ô Dieu, malheur à moi d’avoir été la cause de cette destruction des hommes de l’île des Forts. Honte à moi, si je ne trouve pas un moyen de salut. » Il s’introduisit au milieu des cadavres des Gwyddyl. Deux Gwyddyl aux pieds nus vinrent à lui et, le prenant pour un des leurs, le jetèrent dans le chaudron. Il se distendit lui-même dans le chaudron au point que le chaudron éclata en quatre morceaux et que sa poitrine à lui se brisa. C’est à cela que les hommes de l’île durent tout le succès qu’ils obtinrent. Il se réduisit à ce que sept hommes purent s’échapper ; Bendigeit Vran fut blessé au pied d’un coup de lance empoisonnée. Voici les sept qui échappèrent : Pryderi, Manawyddan, Gliuieri Eil Taran [43], Talyessin [44], Ynawc, Grudyeu, fils de Muryel, Heilyn, fils de Gwyn Hen (le vieux). Bendigeit Vran ordonna qu’on lui coupât la tête. « Prenez ma tête, » leur dit-il ; « portez-la à Gwynn Vryn [45] à Llundein et enterrez-la en cet endroit le visage tourné vers la France. Vous serez longtemps en route. À Harddlech vous resterez sept ans à table, pendant que les oiseaux de Riannon chanteront pour vous. Ma tête sera pour vous une compagnie aussi agréable qu’aux meilleurs moments lorsqu’elle était sur mes épaules. À Gwales [46], en Penvro [47], vous passerez quatre-vingts ans. Jusqu’au moment où vous ouvrirez la porte qui donne sur Aber Henvelen [48], vers Kernyw, vous pourrez y séjourner et conserver la tête intacte. Mais ce sera impossible, dès que vous aurez ouvert la porte ; traversez droit devant vous. » Ils lui coupèrent la tête, et, l’emportant avec eux, partirent à travers le détroit tous les sept, sans compter Branwen[49].

Ils débarquèrent à Aber Alaw [50] en Talebolyon. Là ils s’assirent et se reposèrent. Branwen porta ses regards vers Iwerddon et sur l’île des Forts, sur ce qu’elle en pouvait apercevoir ; « Hélas, fils de Dieu, » s’écria-t-elle « maudite soit ma naissance ! Deux îles si belles détruites à cause de moi ! » Elle poussa un grand soupir et son cœur se brisa. On lui fit une tombe carrée et on l’enterra en cet endroit sur le bord de l’Alaw. Les sept hommes se dirigèrent vers Harddlech avec la tête. En chemin, ils rencontrèrent une troupe d’hommes et de femmes. « Avez-vous des nouvelles ? » dit Manawyddan. — « Pas d’autres, » répondirent-ils, « sinon que Caswallawn [51] fils de Beli a pris possession de l’île des Forts et qu’il est roi couronné à Lundein. » — « Qu’est-il arrivé, » dirent les sept, « à Caradawc, fils de Bran, et aux sept hommes qui ont été laissés avec lui dans cette île ? » « Kaswallawn les a attaqués et en a tué six ; le cœur de Caradawc s’est brisé de désespoir[52] lorsqu’il a vu l’épée tuer ses hommes sans savoir qui les frappait. C’était Kaswallawn qui avait revêtu un manteau enchanté, de sorte que personne ne le voyait les tuer : on n’apercevait que l’épée. Pour Caradawc, il ne voulait pas le tuer, parce que c’était son neveu, le fils de son cousin germain. Ce fut un des trois hommes dont le cœur se brisa de chagrin. Pendaran Dyvet qui était jeune valet avec les sept hommes s’est échappé dans un bois. » Ils se rendirent à Harddlech et s’y installèrent. Ils commencèrent à se pourvoir en abondance de nourriture et de boisson, et se mirent à manger et à boire. Trois oiseaux vinrent leur chanter certain chant auprès duquel étaient sans charme tous ceux qu’ils avaient entendus. Les oiseaux se tenaient au loin au-dessus de flots et ils les voyaient cependant aussi distinctement que s’ils avaient été avec eux. Ce repas dura sept ans ; au bout de la septième année, ils partirent pour Gwales [53] en Penvro. Ils y trouvèrent un endroit agréable, royal au-dessus des flots, et une grande salle. Deux des portes étaient ouvertes, mais la troisième étaient fermée, celle qui donnait sur Kernyw « Voilà, » dit Manawyddan, « la porte que nous ne devons pas ouvrir. » Ils y passèrent la nuit et au milieu de l’abondance et de la gaieté. Quoi qu’ils eussent vu de souffrances, quoi qu’ils en eussent éprouvé eux-mêmes, ils ne se rappelèrent rien, non plus qu’aucun chagrin au monde. Ils y passèrent quatre-vingt années de telle sorte qu’ils ne se rappelaient pas avoir eu un meilleur temps ni plus agréable dans toute leur vie. Ils n’étaient pas plus fatigués ; aucun d’eux ne s’apercevait que l’autre fût plus vieux de tout ce temps qu’au moment où ils étaient venus. La compagnie de la tête ne leur était pas plus pénible que pendant que Bendigeit Vran était en vie. C’est à cause des quatre-vingts années passées ainsi qu’on désigne ce temps sous le nom de Réception de la tête sacrée [54]. Le temps de l’expédition en Iwerddon s’appelle la réception de Branwen et de Matholwch. Mais voici ce que fit un jour Heilyn, fils de Gwynn. « Honte sur ma barbe, » s’écria-t-il, « si je n’ouvre pas cette porte pour savoir si ce qu’on dit est vrai. » Il ouvrit la porte et jeta ses regards sur Kernyw et Aber Henvelen. Aussitôt qu’il eut regardé, toutes les pertes qu’ils avaient faites, la mort de leurs parents et de leurs compagnons, tout le mal qui leur était arrivé leur revint en mémoire aussi clairement que si tout fût survenu à ce moment même, mais, par dessus tout, la perte de leur seigneur. À partir de ce moment, ils n’eurent pas de repos et partirent pour Llundein avec la tête.

Quelle qu’ait été la longueur de leur voyage, ils y arrivèrent et enterrèrent la tête dans Gwynn Vryn. Ce fut, quand on l’enterra, la troisième bonne cachette, et, quand on la découvrit, la troisième mauvaise découverte : aucun fléau ne pouvait en effet venir dans cette île, tant que la tête aurait été cachée en cet endroit. Voilà ce que dit l’histoire de leur aventure. Ce furent là les hommes qui revinrent d’Iwerddon.

En Iwerddon, il ne resta de vivant que cinq femmes enceintes, dans une grotte, dans le désert. Il naquit à la même époque à ces cinq femmes cinq fils. Elles les élevèrent jusqu’à ce qu’ils fussent de grands jeunes gens, qu’ils pensèrent aux femmes et les désirèrent. Alors chacun d’eux coucha avec la mère de l’autre. Ils gouvernèrent le pays, le peuplèrent et le divisèrent entre eux cinq : c’est de ce partage entre cinq que viennent les cinq divisions actuelles d’Iwerddon[55]. Ils examinèrent le terrain à l’endroit où avaient eu lieu les batailles ; il y trouvèrent tant d’or et d’argent qu’ils devinrent riches [56]. Voilà comment se termine cette branche du Mabinogi, traitant de la cause du soufflet donné à Branwen, le troisième des funestes soufflets donnés dans cette île ; de la réception de Bran quand il alla en Iwerddon avec les troupes des cent cinquante-quatre pays punir le soufflet de Branwen ; du souper à Harddlech pendant sept années ; du chant des oiseaux de Riannon, et de l’hospitalité de la tête comprenant quatre-vingt ans.


  1. Branwen. Il y a eu, disent les Triades, trois soufflets causés par la colère : celui que donna l’Irlandais Matholwch à Branwen, celui de Gwenhwyvach, à Gwenhwyvar, femme d’Arthur, ce qui amena la bataille de Camlan ; le soufflet de Golyddan Vardd, ou le barde, à Cadwaladyr le béni (Triades Mabin., p. 301, I. 16 ; la triade 51, Myv. arch., p. 392, fait donner le deuxième soufflet à Medrawt par Arthur. (Voy. la note à Arthur, dans le Mab, de Kulhwch et Olwen). Un poète de la fin du xive siècle, Yr Iustus Llwyd, fait une allusion aux noces de Branwen (Myv. arch., p. 367, col. 2). Dafydd ab Gwilym compare le teint d’une de ses maîtresses à celui de Bronwen, fille de Llyr. Lady Guest rapporte, d’après le Cambro-briton, II, p. 71, 1821, qu’on découvrit, en 1813, sur les bords de l’Alaw, en Anglesey, dans un endroit appelé Ynys Bronwen, ou l’île de Bronwen, sous un tumulus, une urne funéraire contenant des cendres et des ossements.
  2. Bran le béni doit son surnom, d’après les Triades, à ce qu’il apporta le premier la foi chrétienne aux Kymry, de Rome, où il avait passé sept années comme otage avec son fils Caradawc (Caratacos), pris par les Romains à la suite de la trahison d’Aregwedd Voeddawg. Les deux autres inspirés et bénis sont : Lleirwg ab Coel ab Cyllin, surnommé Lleuver mawr, grande lumière, qui bâtit la première église à Llandaf, et Cadwaladr le béni, qui accorda un refuge sur ses terres et sa protection aux chrétiens fuyant les Saxons (Myv. arch., p. 404, 35). Il est rangé aussi à côté de Prydain ab Aedd Mawr, et Dyfnwal Moelmut, parmi les trois fondateurs et législateurs du royaume de Bretagne (Ibid. ; p. 404, 36). Le Mabinogi de Branwen, plus bas, nous le montre ordonnant de lui couper la tête, et de la cacher dans la colline blanche, à Londres. Ce fut, disent les Triades, une des trois bonnes cachettes, avec les os de Gwerthevyr (cf. Nennius, Hist., 47 ; cf. Gaufrei de Monm., Hist., VI, 14) enfouis dans les principaux ports de l’île, et les dragons cachés par Lludd à Dinas Emreis (voy. le Mab. de Lludd et Llevelys). Ce fut une des trois mauvaises découvertes, quand on la découvrit. Ce fut Arthur qui la déterra, ne voulant devoir la défense de l’île qu’à sa valeur : il ne devait pas y avoir d’invasion tant qu’elle resterait cachée. Ce fut Gwrtheyrn qui, par amour pour la fille de Hengist, déterra les dragons et les os de Gwerthevyr (Triades Mabinog., p. 300). Bran est la tige d’une des trois grandes familles de saints ; Cunedda et Brychan sont les deux autres (Rees, Welsh saints, p. 77 ; Iolo mss., p. 100, p. 8, p. 40). Un poème des Iolo mss., p. 307, attribué à Rhys Goch, poète du xive siècle, fait cacher la tête de Bran dans le bois de Pharaon, ou Dinas Emrys, près Beddgelert, Carnarvonshire, et non les dragons. Son nom revient souvent chez les poètes (Livre Noir, ap. Skene, Four anc. books, p. 55 : dans le dialogue de Gwyn ab Nudd et de Guiddnev, un des interlocuteurs dit qu’il a été là où Bran fut tué). Taliesin prétend qu’il a été avec Bran en Iwerddon, et qu’il a vu tuer Morddwyd Tyllon, (Skene, 154, 27) ; Llywarch ab Llywelyn, poète du xiie siècle, compare Gruffudd ab Cynan à Bran, fils de Llyr, (Myv. arch., p. 205, col. 1). Bran, corbeau, est un nom fort commun chez tous les Celtes (On trouve sept ou huit Bran et des noms qui en sont dérivés dans le Cartul. de Redon).
  3. . Llyr Lledieith, ou au demi-langage, ou au langage à moitié étranger, est un personnage dont il est fréquemment question. D’après les Triades (Mab., II, p. 306, 9), c’est un des trois principaux prisonniers de l’île de Bretagne (Voir Kulhwch et Olwen, note à Mabon, fils de Modron). Il aurait été emprisonné avec sa famille par Euroswydd et les Romains. Les Iolo mss. lui font chasser les Romains du sud de l’île, les Gaëls du nord du pays de Galles, les Armoricains de Cornouailles (p. 83). On distingue plusieurs Llyr : Llyr Lledieith, Llyr Merini, et enfin Llyr, fils de Bleidyt, que Gaufrei de Monmouth a popularisé, surtout grâce à l’histoire de ses filles Gonorilla, Regan et Cordélia (Hist., II, 11 ; Brut. Tysilio, Myv. Arch. p. 440 et suiv.). L’histoire des enfants de Lir est une des trois histoires douloureuses chez les Irlandais (O’Curry. On the manners, II, p. 325). Llyr, chez les Gaëls comme chez les Bretons, signifie les flots, la mer. Était-ce le Neptune celtique ? Le passage cité plus haut, du Livre Noir, tendrait à le confirmer : « Bran, fils de Y Werydd, à la gloire étendue. » Y Werydd signifie l’Océan, et semble s’appliquer plus spécialement au canal de Saint-Georges.
  4. Voir le début du Mab, de Lludd et Llevelys.
  5. Harddlech, aujourd’hui Harllech, sur la côte, dans le Merionethshire. Suivant lady Guest, Harlech porterait aussi le nom de Twr Bronwen, ou la tour de Bronwen.
  6. Ardudwy était un cymwd faisant partie du cantrev de Dinodic en Arvon (Myv. arch., p. 735). Silvan Evans, dans son English-Welsh Dict., donne à l’article sea-side, à Ardudwy, le sens de bord de la mer.
  7. Voy. le Mabinogi qui porte son nom.
  8. Beaucoup d’écrivains gallois, lady Charlotte Guest notamment, ont identifié ce personnage avec le général romain Ostorius ; l’identification des deux noms est phonétiquement impossible. Voy. la note à Llyr.
  9. Beli le Grand, fils de Mynogan, aurait régné en Bretagne trente-neuf ou quarante ans. C’est le père de Lludd et de Caswallawn, dont on peut identifier le nom avec celui de Cassivellaunus. De la mort de Beli jusqu’à Llyr, dont le fils apporta la foi en Bretagne, il se serait écoulé cent vingt ans (Iolo mss. p. 37, 38 ; Brut Tysilio, Myv., p. 448, col. 1 ; Gaufrei de Monmouth, Hist., III, 20). Une triade lui attribue l’honneur d’avoir étouffé une conspiration contre la sûreté de l’île (Myv. arch., p. 401, 11). Taliesin le célèbre (Skene, Four ancient books of Wales, 204, 28) ; il lui attribue sept fils (ibid., 202, 9). Voy. le début du Mabinogi de Lludd et Llevelys.
  10. Iwerddon est aujourd’hui le nom gallois de l’Irlande. Il dérive de la même forme vieille celtique que le nom que les Irlandais eux-mêmes donnent à leur pays : nominatif Ériu, accus. Erinn.
  11. Mot à mot, le soc : swch, proprement soc de charrue et primitivement aussi probablement groin, comme l’irlandais socc. Dans l’épopée irlandaise le bouclier dans le combat mugit. V. J. Loth. Revue celt. 1911 : Le bouclier de Tristan.
  12. Voir la note à Branwen, et le Mabinogi de Math.
  13. Ynys y Kedyrn, « l’île des Forts. » Ce nom revient souvent dans les Mabinogion, et semble ailleurs d’un emploi assez rare. Suivant une triade (Myv. arch., p. 400, 1), l’île a porté trois noms : celui de Clas Merddin avant d’être habitée ; celui de Y vel ynys, « l’île de miel », après, et enfin, le nom de Ynys Prydein, après sa conquête par Prydain ab Aedd mawr. D’après une autre triade (Myv. arch., p. 388, 1), on lui donna, après sa colonisation par Bryt (Brutus), le nom d’Ynys Bryt.
  14. Les Triades ne la nomment pas parmi les dames célèbres de l’île.
  15. Aberffraw, au sud de l’île d’Anglesey, à l’embouchure d’une petite rivière comme l’indique le mot aber, « embouchure », a été au moins depuis le VIIIe siècle jusqu’à la chute de l’indépendance galloise, la résidence principale des rois de Gwynedd ou Nord-Galles. C’était le chef-lieu d’un cantrev du même nom. Mon, que les Anglais appellent Anglesey, avait une importance considérable surtout à cause de sa fertilité qui, au témoignage de Giraldus Cambrensis, l’avait fait surnommer la mère de la Cambrie.
  16. Evnys, en gallois, signifie hostile, ennemi, fâcheux.
  17. Il faut peut-être lire Anarawt, nom bien connu. Les Iolo mss., p. 258, mentionnent un roi de Gwynedd, ou Nord-Galles de ce nom. D’après une triade, c’est un des trois taleithiawc, « roi porte-diadème, » avec Cadell, roi de Dinevwr ou du Sud, et Mervin, roi de Mathraval ou Powys (Myv. arch, p. 405, col. 2). Les Annales Cambriae mentionnent la dévastation de Cereticiawn et de Ystrattui. (Ystrad Tywi) par Anarawt et les Saxons. Anarawt meurt en 915 ; d’après le Brut y Tywysogion, c’est un fils de Rodri ; il est qualifié de Rex Britonum (Monum. Hist. brit., p. 846, 847).
  18. Unic, « seul, unique ; » glew, « vaillant ; » ysgwydd, « épaule »
  19. 'Wyneb-werth, mot à mot prix du visage. Visage et honneur sont synonymes chez les Celtes (voy. Kulhwch et Olwen). La compensation s’appelait, en Irlande, log enech, « prix du visage ; » l’enech ruice ou outrage était proprement la rougeur du visage causée par un acte attentatoire à l’honneur de la famille ; enechgris, qui a un sens analogue, indique que le visage devient pâle ou blanc par suite d’une injure. La forme bretonne armoricaine de wynep-werth est, au ixe siècle, enep-uuert [h] (Cart. de Redon) ; mais ce mot avait chez nous un sens moins général : c’était le don offert par le mari à sa femme après la consommation du mariage, la compensation pour la virginité. Le mot actuel enebarz, « douaire », est le représentant moderne d’enep-werth. Comme l’a fait remarquer lady Guest, le Mabinogi est ici à peu près d’accord avec les lois ; la compensation pour un outrage fait au roi d’Aberffraw ou du Nord-Galles consistait en : cent vaches par cantrev, avec un taureau blanc aux oreilles rouges par cent vaches ; une verge d’or aussi longue que lui et aussi épaisse que son petit doigt ; un plat d’or aussi long que son visage et aussi épais que l’ongle d’un laboureur qui laboure depuis sept ans (Ancient Laws, I, p. 7). On a ici wyneb-warth ; il semble qu’il y ait là une tentative d’étymologie populaire : gwarth, en effet, en gallois, signifie honte, déshonneur.
  20. Voyez le Mabinogi de Kulhwch et Olwen ; voir plus haut la note à Pwyll Penn Annwvyn.
  21. Voy. la note au mot cantrev, p. 82.
  22. L’auteur y voit le mot tal, « payement, » et ebolyon, « poulains » (armor. ebeul). Chez un poète du xiie-xiiie siècle, Davydd Benvras, on trouve la forme Tal y bolion (Myv. arch., p. 222. col. 1. ) Talybolion ou Talebolion était un cymmwd du cantrev de Cemais on Mon (Anglesey), d’après Powell. La Myv. arch., range Cemais ou Cemmaes avec Talebolion parmi les Cymmwd du cantrev d’Aberffraw (Myv. arch., p. 735).
  23. Un épisode semblable se trouve dans le morceau épique irlandais, Mesca Ulad or The Intoxication of the Ultonians, Todd Lectures ser., vol. I, part. I. (J. Loth. Revue Celt., 1890, p. 345.)
  24. Aber Menai, l’embouchure de la Menai, ou du détroit entre l’île d’Anglesey et le continent. Aber Menai désigne la sortie sud du détroit.
  25. Kymry ou Kymru, et non Kymri, le pays de Galles. Le singulier est Kymro, qui suppose en vieux celtique Com-brox, pluriel Com-broges, « gens du même pays, compatriotes », nom que se sont donné, vers le VIIe siècle, les Bretons en lutte avec les Saxons. Kymry a compris non seulement le pays de Galles actuel, mais encore le nord de l’Angleterre breton jusqu’à la Clyde ; le nom de Cumberland en vient. Cette extension du pays des Kymry a amené les auteurs des romans français de la Table Ronde à placer en Nord-Galles des villes du nord de l’Angleterre, Longtown, par exemple (Longuetown), qui est située à l’extrémité septentrionale du Cumberland (Paulin Paris, Les Romans de la Table Ronde, I, p. 280). Sur Kymro et Kymry, v. J. Loth. Revue celt. XXX, p. 384.
  26. Le corwc ou corwg était un léger bateau en usage chez les pêcheurs de Galles, d’Écosse et d’Irlande. Il avait la forme ovale, était fait d’osier ou de baguettes entrelacées et recouvert de cuir, de peau de cheval ou de toile goudronnée. Assis au milieu, le pêcheur pouvait ramer d’une main et manier ses filets de l’autre. Arrivé à terre, il emportait son corwc sur son dos. Ce canot était en usage sur les rivières surtout (Richards, Welsh Dict. ). Le mot irlandais est curach.
  27. Dans le lai de Milun de Marie de France, Milun se sert d’un cygne pour le même ministère (éd. Warncke, p. 158).
  28. Ce nom désigne une ancienne forteresse romaine, près de la ville actuelle de Carnarvon. La rivière à l’embouchure de laquelle est située cette ville, porte le nom de Seint. Seint a été plus anciennement Segeint (Nennius ap. Petrie, Mon. hist. brit., p. 54), qui représente exactement le Segontium de l’époque romaine.
  29. Arvon, ou le territoire en face ou auprès de Mon (Mon, Anglesey) ; le mot est composé comme Arvor, territoire près de la mer. Arvon formait une des trois subdivisions de Gwynedd ou Nord-Galles ; les autres étaient Mon et Meirionydd (Merioneth). Arvon répond au Carnarvonshire actuel.
  30. Cradawc ou Caradawc = Caratâcos ; ce nom a été maladroitement changé, par les éditeurs, en Caractacus. On a confondu sans doute plusieurs personnages sous ce nom. Les chroniqueurs gallois n’ont pas manqué de l’identifier avec le Caratacus ou Caractacus de Tacite et de Dion Cassius, le fils de Cunobelinos, le brave et généreux chef des Silures, livré au Romains par la reine des Brigantes, Cartismandua (Tacite, Ann., XII, 33-7 ; Dion Cassius, IX, 20, 21). Dans les Triades, c’est un des trois monarques de l’île, choisis et établis par serment, avec Caswallawn ab Ludd ab Beli et Owen ab Macsen Wledig (Myv. arch., p. 402, 17 ; ab ou ap a le sens de map, fils). D’après une autre triade (ibid., p. 404, 34), c’est pour diriger la défense contre les Romains qu’on lui donna la royauté. C’est aussi un des trois braves de l’île avec Cynvelyn (Cunobelinos) et Arthur (ibid., p. 403) ; un des trois chefs de guerre avec Caswallawn, fils de Beli, et Gweirydd, fils de Cynvelyn (ibid., p. 403, 24). Il est livré aux Romains par Aregwedd Voeddawg, fille d’Avarwy ab Lludd, que les chroniqueurs ont identifiée avec Cartismandua (ibid., p. 403, 22). Une triade, qui est l’écho d’une tradition semblable à celle que nous a conservée notre Mabinogi, nous dit que c’est un des Cynweisiaid ou premiers serviteurs (cf. Taliesin ap. Skene, 156, 9) de l’île. Notez qu’ici comme ailleurs, lorsque Skene est cité sans autre référence que les chiffres suivant son nom, il s’agit des Four anc. Books of Wales, tome II) que les ) de l’île ; les autres sont Cawrdaf, fils de Caradawc Vreichvras, et Owain ab Macsen Wledig ; on les appelait ainsi parce qu’il n’y avait pas en Bretagne un homme qui ne se levât à leur appel et qui ne fût prêt à les suivre (ibid., p. 404, 41). Caradawc est le héros d’un curieux récit des Iolo mss., p. 185 et suiv. Il est roi d’Essyllwg, pays des Silures, et bat les Romains. Ceux-ci attribuant leur défaite à la constitution du pays qui est couvert de bois et de fourrés, il détruit les bois pour leur montrer qu’il ne doit le succès qu’à sa seule vaillance. Manawyddan ab Llyr bâtit, à l’intention des traîtres, une prison avec les os des Romains tués (voy. Kulhwch et Olwen, note à Caer Oeth et Anoeth. )
  31. Edeirnion, kymmwd du Cantrev y Barwn en Powys (Myv. arch., p. 35).
  32. 'Seith marchawc : seith a aussi le sens de saint ; aussi le sens de Saint Marchawc, pourrait bien être le sens véritable et ancien. Saint Marchoc a donné son nom à Lo-marec en Crach (Morbihan).
  33. Voy. Manawyddan, fils de Llyr
  34. Ce passage, singulier, si le texte n’est pas altéré, me semble éclairci par un poème de Iorwerth Beli, poète de la seconde moitié du XIVe siècle, à l’évêque de Bangor. Il se plaint à lui de ce qu’il néglige les poètes pour les musiciens. Il lui rapporte pour prouver la supériorité des poètes sur les musiciens, que Maelgwn, se rendant à. Caer Seion, emmena avec lui tout ce qu’il y avait de chanteurs et de musiciens (a oedd o gerdd arwest ar gerddorion), et qu’il força tous les gens de sa suite à nager pour atteindre Caer Seion. Les harpistes, dit le poète, ne valaient plus rien après cette épreuve, tandis que les poètes composaient tout aussi bien. (Myv. arch., p. 317, 318).
  35. Le récit épique irlandais. Togail Bruidne Dá Derga, présente un épisode semblable (J. Loth, Rev. celt., 1890, p. 347-348).
  36. C’est la Shannon ; en irlandais Sinon. D’après des expériences faites au collège de France, ll gallois (l sourd), au début de son articulation, donne le tracé de s. Il est remarquable aussi que des enfants, en Galles, jusqu’à l’âge de 2 à 3 ans, prononcent s au lieu de ll.
  37. Ce proverbe se trouve encore dans tous les recueils de proverbes gallois (A vo pen bid pont, Myv. arch., p 839, col. 1). Il y a trace d’une croyance semblable dans la littérature boudhique de l’Inde. Un chef de singes sauva sa troupe en lui faisant de son corps un pont (Henri Kern, Aus des Ind. und der Kelt. Sagenwelt, Rev celt., 1896, p, 295).
  38. Gwyddyl, singulier Gwyddel, est le nom que les Gallois donnent aux gens de race gaëlique (Irlandais, Écossais des hautes terres et habitants de l’île de Man). C’est le nom national de ces peuples, vieil irlandais Góidel, irl. moderne Gaedheal, qui se prononce à peu près comme Gael. On voit que ce nom n’a rien à faire avec celui de prétendus Galls qui auraient envahi la Gaule avant les non moins fabuleux Kymry.
  39. Englyn, épigramme, stance, un des trois principaux mètres gallois (V. Dosparth Edeyrn Davod aur, LXVI, LXVII). La Myv. arch., p. 331, col. 2, nous donne une version de deux Englyn, au lieu d’un, tirés eux aussi des Mabinogion, d’une autre source par conséquent. Le premier ne semble pas se rapporter directement à ce passage : « J’ai entendu une grue jeter des cris dans le marais, loin des maisons ; celui qu’on n’écoute pas peut se taire ( ?) »
  40. Il y a peut-être ici la même idée que dans le Gododin (Skene, Four, anc. books, II, p. 100, 26) : Pan esgynnei bawp, ti disgynnut. « Quand chacun montait à cheval, toi tu descendais », c’est-à-dire, quand on se retirait en hâte, quand on fuyait, toi, tu restais.
  41. Morddwyd, cuisse ; armoricain ; morzed ou morzad ; tyllion parait être un dérivé de twll, trou. Taliesin fait allusion à ce personnage : « J’ai été avec Bran en Iwerddon, j’ai vu tuer Morddwyt Tyllon (Skene, Four ancient books ; II, p. 275).
  42. V. les notes critiques. Gwern est le nom du fils de Mathollwch.
  43. Eil Taran, fils de Taran ; taran, tonnerre ; le dieu gaulois du tonnerre était Taranus.
  44. Taliessin ou Teliessin penbeirdd, Taliesin, chef des bardes. D’après Nennius, éd. Petrie, Monum. hist. brit., p. 75, Taliesin aurait vécu au VIe siècle. On ne sait de sa vie rien de certain. Dans un curieux poème du Livre noir, où il converse avec Ygnach, il dit qu’il vient de Caer Seon, près Carnarvon, se battre avec Itewon (les Juifs ?) et qu’il va à Caer Lew et Gwydyon. Ygnach l’appelle penhaw o’r gwyr, le premier des hommes (Skene, Four anc. books, p. 56, xxxv). Dans les poèmes donnés sous son nom et qui sont peut-être, à certains égards, les plus curieux de la littérature galloise, il célèbre surtout Urien, Elphin, Kynan, dont le premier au moins passe pour avoir été un roi des Bretons du nord. Il y est souvent question aussi de Gwydyon, roi de Gwynedd du Nord-Galles, personnage mystérieux, plutôt mythologique que réel. Il n’est pas sans intérêt de remarquer qu’il célèbre un héros irlandais, Conroi, fils de Daere. Si tous les poèmes mis sous son nom lui appartiennent, il est sûr qu’il a vécu eu milieu des Gaëls, ce qui confirmerait la légende d’après laquelle il aurait été esclave en Irlande. Pour plus de détails, voir sa vie annexée par lady Guest aux Mabinogion, III. Taliesin est un nom propre connu aussi on Armorique (Petrus dictus Taliesin, Cart. de Quimper, bibl. nat., 9892, fol. 23 v°, année 1325 ; Petrus Yvonis Talgesini, ibid., fol. 21 r°, 1331 ; Talgesin, ibid., fol. 79 r°, t. III, 14).
  45. ’Brynn, colline, armor. bren ; et gwynn, blanc, arm. anc. win, auj. gwen. Le féminin gallois est gwen (gwynn = vindos ; gwenn = vindā (Rhys, Lectures on Welsh Philology, 2ème éd., p 115). D’après lady Guest, ce serait la Tour de Londres. Un poète de la fin du XIIe siècle, Llywarch ab Llywelyn, plus connu sous le nom de Prydydd y Moch, en parle comme d’un lieu célèbre (Myv. arch., p. 200, col. 1).
  46. Gwales parait bien être Gresholm en Pembrokeshire (Rhys, Arthurian Legend, p. 269, 394, note).
  47. ’Penvro (mot à mot bout du pays). Le comté primitif de Pembroke (Pem-brog), paraît avoir correspondu à peu près à la hundred actuelle de Castlemartin, qui comprend deux des trois cymmwd dont se compose l’ancien cantref de Penvro, ceux de Penvro et de Maenor Byr (Manorbeer) : Cf. Egerton Phillimore Owen’s Pembrok. I, p. 153, note 3. Il y avait un autre Pembro en Cornwall : c’était le nom laïque de la paroisse de Saint-Breage.
  48. Aber Henvelen, ambassadeur. Les ms. portent Henveleu. Egerton Phillimore (Owen’s Pembrok. II, p. 410 note 42), suivant en cela John Rhys, l’identifie avec Clovelly, au nord du Devon : Clovelly pour clodd velly (gallois, clawdd (tranchée) ; hen serait l’article cornique en. Le cornique répondrait à la terminaison eu par ow ; hen est également invraisemblable pour en. Je n’ai pas hésité à lire Henvelen, à cause de deux textes où cette lecture est assurée. Taliesin (F. A. B. of Wales II, p. 153. 32) nous dit : J’ai chanté devant les enfants de Llyr à Ebyr (pluriel d’aber) Henvelen : la rime finale est en -en. De même Cynddelw, dans la seconde moitié du XIIe siècle nous parle des flots de Henvelen : Henvelen rime avec Maxen et Wryen Myv. Arch. 162. 1).
  49. Voir sur cet épisode, Introduction, p.65.
  50. Aber Alaw, embouchure de l’Alaw, rivière d’Anglesey.
  51. Caswallawn est identique comme forme au nom de l’époque romaine Cassivellaunus. Il est donné, dans les Triades, comme un des chefs luttant contre les Romains, comme un des chefs de guerre des Bretons ; les deux autres sont Gweirydd, fils de Cynvelyn et Caradawc ab Bran (Myv. arch., p. 403, 24). Il organise une expédition de soixante et un mille hommes pour aller enlever Flur, la fille de Mynach Gorr, à Mwrchan, prince gaulois ; il passe en Llydaw (Armorique), bat les Romains, reprend Flur et reste en Gwasgwyn, où ses descendants sont encore (Myv. arch., p. 402, col. 1 ; cf. Brut Tysilio, ibid., p. 449 et suiv. ; Gaufrei de Monmouth, Hist., III, 20 ; IV, 2, 3, 7, 9). C’est aussi un des trois amoureux de l’île ; il est, lui, amoureux de Flur ; les deux autres sont Trystan ab Tallwch, amant d’Essyllt, femme de March ab Meirchion, son oncle, et Kynon, amant de Morvudd fille d’Urien de Reged (Myv arch., p. 392, 53). C’est encore un des trois eurgrydd ou cordonniers-orfèvres, v. la note à Manawyddan, p.151. Le cheval de Caswallawn s’appelle Melynlas (jaune pâle), Livre noir, 10, v. 15.
  52. 'Notes critiques, à la page du texte 41 l.15
  53. Ce nom de Gwales représente l’anglo-saxon Wealas, Wales, nom sous lequel les Saxons désignaient les Bretons avec lesquels ils étaient en lutte. Les Germains ont appliqué en général cette dénomination à toutes les peuplades soumises à l’empire romain. Elle dérive de Volca, nom d’une population gauloise qui semble avoir joué un rôle très important dans les rapports des Celtes avec les Germains (Vieux-haut all., Walah = Volca) ; de Wales nous avons fait Galles (V. d’Arbois de Jubainville, Cours de littérature celtique, I. p. 11, d’après Gaston Paris). Ici Gwales désigne Gresholm (v. plus haut, note à Gwales).
  54. Réception ou hospitalité : v. Notes critiques.
  55. L’Irlande, anciennement, a été divisée en cinq parties Meath, Connacht, Ulster, Leinster et Munster (O’ Curry, On the manners, I, p. XCIX ; Joyce, a social history of Ireland, I. p. 36 et suiv. ).
  56. Comme les Scandinaves en Irlande, les Gallois fouillaient les tombeaux préhistoriques pour y trouver de l’or ; nous en avons la preuve, dans un document du XIIe siècle, le Livre noir de Carmarthen (Skene, F. a. b. II, p. 35, vers 5).