Les Métamorphoses (Apulée)/Traduction Bastien, 1787/I/Extrait du dictionnaire historique


EXTRAIT
DU
DICTIONNAIRE HISTORIQUE,

par une Société de Gens de Lettres.


Luce Apulée naquit à Madaure, en Afrique, d’une famille distinguée, et fit ses études à Carthage, à Athênes et à Rome. Il dépensa presque tout son bien à faire des voyages pour satisfaire sa curiosité, et perfectionner sa philosophie. De retour de ses courses, il plaida à Rome pour échapper à la misère. Il épousa ensuite une riche veuve qui répara ses affaires. Les parens de sa femme l’accusèrent de s’être servi de la magie pour avoir son cœur et sa bourse, et d’avoir fait mourir Pontianus, fils de cette dame ; mais il se lava de cette double accusation devant Claudius Maximus, proconsul d’Afrique, par une Apologie que nous avons encore, et que S. Augustin appelle un discours éloquent et fleuri. Vous vous étonnez, dit-il à ses juges, qu’une femme se soit remariée après treize ans de viduité ! étonnez-vous plutôt qu’elle ait tant attendu ; vous croyez qu’il a fallu de la magie pour qu’une veuve de son âge épousât un jeune homme ! c’est cette jeunesse qui prouve que la magie étoit superflue. Le temps a épargné peu d’ouvrages d’Apulée, quoiqu’il en eût beaucoup composé en vers et en prose ; le plus connu de ceux que nous avons est sa Métamorphose ou l’Ane d’or en onze livres. C’est une fiction allégorique pleine de leçons de morale cachées sous des plaisanteries ingénieuses. On y distingue sur-tout l’épisode touchant des amours de Psyché et de Cupidon, imité et développé par La Fontaine, dans son roman de ce nom. Ses autres productions roulent sur la philosophie Platonicienne, que l’auteur avoit embrassée. Nous avons parlé de son apologie, et nous l’avons louée, quoiqu’on y trouve quelquefois les déclamations d’un réthoricien, et les fausses idées d’un philosophe superstitieux.

Apulée étoit d’une jolie figure, savant, homme d’esprit. On a observé cependant qu’avec toutes ces qualités, et l’art magique qu’on lui supposoit, il ne put jamais parvenir à aucune magistrature. Ce ne fut pas par indifférence philosophique ; car il se faisoit un honneur d’avoir un emploi de prêtre, qui lui donnoit l’intendance des jeux publics, et il disputa vivement contre ceux qui s’opposoient à l’érection d’une statue dont les habitans d’Oëa voulurent l’honorer. Il dit cependant quelque part, qu’il auroit acheté, au prix de son patrimoine, le mépris de ce patrimoine. Son cœur étoit généreux ; il soulagea les indigens ; il secourut ses amis ; il reconnut les soins de ses maîtres ; il dota leurs filles ; et sa libéralité fut cause en partie de l’indigence dans laquelle il fut réduit pendant quelque temps. L’impertinente crédulité des Payens attribua à notre Philosophe une foule de miracles qu’ils osèrent comparer à ceux de Jésus-Christ. Les éditions françoises de l’Ane d’or de 1623, 1631 et 1648 sont recherchées à cause des figures[1], &c. &c.

  1. Toutes ces mêmes figures ont été gravées de nouveau pour cette présente édition ; en outre, pour la traduction, on l’a rétablie conforme à ces mêmes éditions où il n’y a pas eu de retranchemens, &c.