Les Livres d’étrennes, 1911

Les Livres d’étrennes, 1911
Revue des Deux Mondes6e période, tome 6 (p. 931-946).
LES LIVRES D’ÉTRENNES

Si l’on devait juger de l’esprit d’un pays par ce qu’il aime et recherche, on verrait que le nôtre, malgré les apparences, est resté fidèle à son même idéal de noblesse et de beauté, qu’il a gardé sa foi pour tout ce qui a fait sa grandeur et sa force dans le passé et l’élève, au-dessus des intérêts pratiques et mesquins, de cet élan généreux qui lui a toujours valu et lui vaut l’admiration et la jalousie. C’est à son goût assurément que répond le libre choix des éditeurs de ces publications nouvelles où sont résumées l’histoire de notre France. les plus belles manifestations de son génie, de son art, de sa science et de sa littérature, de ses inventions et de ses découvertes depuis les origines jusqu’à nos jours, des Primitifs et du Moyen âge à l’époque contemporaine, vaste domaine en quelque sorte enchanté où l’on peut cueillir les plus beaux récits, les plus beaux faits qui aient germé dans les régions sereines de la pensée.

Le culte de ses traditions nous vaut, dans une même année, l’édition complète de l’Histoire de France de M. Ernest La visse et la Jeanne d’Arc de M. Gabriel Hanotanx. C’est à la librairie Hachette qu’en revient l’honneur, et, tout en poursuivant l’achèvement de ces deux monumens d’érudition, l’Histoire de l’Art dans l’Antiquité et le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, elle continue d’augmenter nos richesses d’art.

Les plus belles gravures françaises du XVIIIe siècle[1]évoquent avec toutes ses grâces, ses élégances et ses raffinemens, l’esprit d’un temps où l’on était pressé de jouir dans un séduisant décor. Les estampes exécutées à cette époque, sont, pour la plupart, des modèles d’esprit et de délicatesse, comme celles des Nanteuil, des Edelinck, des Audran, au siècle de Louis XIV, sont des modèles de sévère beauté et surpassent les gravures de toutes les écoles, dans le genre de l’histoire et du portrait, par la vigueur de la touche et la science de l’effet, la suavité de l’exécution, le style sobre et ferme.

Le XVIIIe siècle,comme le XVIIe, mais dans un mode différent, est l’époque de l’extrême efflorescence de la gravure. Il n’est pas de période plus glorieuse dans l’histoire de l’estampe. Les grandes planches décoratives de Charles-Nicolas Cochin, Freudeberg et de Moreau le Jeune, les dessins pleins de vie des Saint-Aubin, des Ponce, des Martini, des Helman, des Dequevauviller, les compositions d’après Houcher, Fragonard, Lawrence, Baudouin, Trinquesse, Aubry, Eisen, Borel, Greuze, les vignettes de Philippe Choffard, toutes ces productions donnent assurément l’idée d’une société très libre dans sa morale, non certes la plus solidement ordonnée, mais la plus élégante, la plus brillante, la plus humaine, la plus ouverte qui fut jamais aux séductions délicates de l’art comme aux audaces généreuses de l’esprit, modèle de la politesse, du bon goût, au milieu de toutes les douceurs de la vie facile. Les estampes du XVIIIe siècle sont innombrables, mais, sur dix mille gravures peut-être dont on pourrait dresser la liste, — et dont les épreuves répétées sont le plus souvent grossières, les contrefaçons sèches et maladroites, dont les retirages en couleur pour dissimuler la fatigue des cuivres, présentent aussi peu d’intérêt pour l’amateur que pour l’historien de l’art, — deux ou trois cents à peine peuvent suffire à caractériser le génie de l’époque. C’est cette anthologie gracieuse entre toutes que contient ce recueil vraiment unique en son genre.

De leur visite aux collections publiques de l’Europe entière ainsi qu’aux fameuses collections de lady Lovelace, du baron Edmond de Rothschild, du prince Kotchoubey. De M. Guy Campbell, MM. Lawrence et Dighton n’ont retenu que les pièces capitales de la gravure du XVIIIe siècle, les pièces d’une délicatesse raffinée, d’une exécution technique irréprochable, d’après les dessins des plus savans compositeurs d’alors. Un retrouvera, entre autres reproductions magnifiques, la série complète des estampes du célèbre et rarissime recueil attribué à Restif de la Bretonne, le Monument du costume ; on aura là réunis les chefs-d’œuvre de l’estampe galante : le Billet doux, de Nicolas de Launay, son délicieux Heureux moment et Qu’en dit l’abbé ? tons trois d’après Lawrence, ses fameux Hasards heureux de l’escarpolette, d’après Fragonard, et de son frère Robert, les Touchans adieux, d’après Moreau le Jeune ; de Moreau le Jeune et Simonet, d’après Baudouin, ce Coucher de la mariée que Diderot attaqua dans une de ses plus mordantes diatribes, Au moins soyez discret, Comptez sur mes sermens, du même ; l’Amour frivole, d’après Boucher ; le Jour, la Nuit, d’après Eisen ; le Lever, le Boudoir, la Visite inattendue, le Souper fin, le Coucher, le Vrai bonheur, et tant d’autres petites merveilles, qui nous retracent avec un goût parfait la vie galante, les costumes, les appartemens, les bibelots et les meubles d’une aristocratie raffinée, nous font pénétrer dans l’intimité de ces jolies femmes pudiquement provocantes, ou nonchalamment étendues, avec des poses gracieuses et révélatrices, dans leur abandon plein de promesses : compositions exquises dont les hardiesses spirituellement atténuées et les nudités correctes et gracieuses ou modérément voilées n’ont jamais blessé personne. Quant à l’exécution, elle répond à la fois aux progrès actuels de l’art des fac-similé, où l’estampe s’est rajeunie en retrouvant, aux rayons du soleil, une vigueur et un éclat nouveaux, et aux exigences des amateurs, qui veulent être exactement renseignés, comme des nombreux collectionneurs qui décorent leurs murs ou remplissent leurs cartons de ces images charmantes entre toutes.

Toutes ces planches, d’une technique irréprochable, sont accompagnées d’un avant-propos historique, de copieux index et d’un catalogue raisonné, avec le détail de leurs différens états, des pièces reproduites, la description des estampes, les indications de dates, tirages originaux, l’indication des collections qui les renferment. Ce texte, véritable document d’érudition, a été revu avec le plus grand soin par M. Seymour de Ricci.

Il y avait bien longtemps déjà qu’en France l’Estampe, le portrait et la gravure étaient parvenus à la perfection quand, vers le milieu du XVIIIe siècle, la vieille Angleterre, demeurée si longtemps en arrière pour la culture des arts, allait, sous George III, secouer sa torpeur grâce à l’influence des Joshua Reynolds, des Lawrence, des Romney, des Hoppner et d’une foule d’élèves, qui, suivant l’exemple des maîtres, tendront vers le même idéal de beauté saine et de grâce. C’est alors qu’à côté du grand art et du portrait à l’huile largement traité prendra place l’art moins grandiose, mais très pur et très charmant du pastel qui, autant et mieux que les gazettes et les pamphlets, synthétise une périodique unique de la vie de société et fait comprendre une époque. Les Russell et les Gardner, sans pouvoir être comparés à La Tour, à Perronneau, à Chardin, ni prétendre rivaliser avec eux, créeront des œuvres très différentes des leurs, mais d’une grande originalité : ils rendront le charme des grandes dames et des actrices, ils seront les poètes de l’enfance. {{M.|R. R. M.-Sée}, dans son résumé des Pastels anglais [2](entre 1750 et 1830), s’est proposé de donner une idée générale de ce groupe d’artistes, dont les plus célèbres seulement sont bien connus en France, mais dont beaucoup d’autres méritent d’être appréciés. À côté des maîtres comme Ozias Humphrey, Cotes, Downman, voici Pierre Romney, Gainsborough et Lawrence. Chinnery, Benwell, Locke, Pack et Catherine Read, Albinia, comtesse de Buckinghamshire, ainsi que lady Diana Beauclerck et le marquis de Townshend étaient capables d’œuvres charmantes ; les académiciens John Constable, Cosway, Cipriani, Hamilton, Kauffmann, John Opie et William Peters s’exercèrent tous avec succès dans l’art du pastel.

Aujourd’hui que les Anglo-Saxons goûtent de plus en plus notre XVIIIe siècle, M. R. R. M.-Sée a pensé qu’il sied de remémorer par un juste retour le mérite de talens délicats qui ont illustré leur pays. C’est grâce à sa persévérance et à celle de M. Robert Dell, on s’en souvient, qu’une exposition, éminemment représentative de l’art anglais du XVIIIe siècle, a été organisée naguère à Paris. On a pu y voir des œuvres exquises au pastel, au crayon, à la gouache, dont quelques-unes sont reproduites dans ce livre. {{M.|R. R. M.-Sée} s’est aidé pour le faire des documens que l’éminent et érudit C. Williamson a pu rassembler en écrivant les mémoires de certains de ces peintres, trop oubliés ou passés de mode, et qu’à son tour il a prétendu remettre à leur véritable place en présentant l’œuvre de ces pastellistes, si délicieusement illustrée, dans ces exactes reproductions, en noir et en couleurs. On peut placer à côté de cet album le Meuble et la Décoration en Angleterre de 1680 à 1800 [3]où l’Angleterre produisit des pièces de haut style, celles des Chippendale et des Sheraton, celles des frères Adam et d’Hepplewhite, auxquelles les ébénistes contemporains demandent parfois, encore aujourd’hui, leurs modèles. Les planches et les gravures contenues dans cet ouvrage constituent un véritable musée du meuble anglais.

On a souvent comparé le génie français au génie grec et fait ressortir les qualités d’harmonie et d’équilibre, de charme et de goût qui rapprochent nos artistes du XVIIIe siècle dus Athéniens de la grande époque, dans leur commun idéal d’égayer et d’embellir la vie, par le spectacle de tout ce qui pont plaire aux yeux et divertir la pensée de même que les dessins et les figures des vases de la Grèce nous initient à ses mœurs. Dans ce domaine de l’imagination et de l’art que nous allons parcourir, quelle admirable voie s’est ouverte sur le monde antique, ininterrompue et sacrée, reliant le présent au passé que charrue découverte semble rapprocher davantage.

Avec l’Histoire de l’art dans l’Antiquité [4], qui, au même titre que l’Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, de Maspéro, fait honneur à l’érudition française et restera un des monumens les plus considérables de ce temps-ci, nous remontons aux sources mêmes de l’art, en Égypte, Chaldée, Assyrie, Phénicie, Judée, Asie Mineure, Perse et Grèce. La tâche de nous décrire cette terre classique du Beau ne pouvait être confiée à un archéologue plus érudit, à un écrivain plus compétent que M. Georges Perrot en collaboration avec M. Chipiez. Après les trois volumes où se trouvent décrits l’Art Mycénien dans la Grèce primitive, le Temple dans la Grèce de l’Épopée, la Sculpture dans la Grèce archaïque, ce nouveau volume, le neuvième de ce riche et savant ouvrage, est entièrement consacré, dans la Grèce archaïque également, à l’étude de la glyptique, de la numismatique et de la céramique, à l’art de graver des images sur les gemmes, les cachets et les monnaies, d’orner et de peindre des vases d’argile : amphores, hydries, lécythes, cratères, ou de façonner des figurines dans le bronze.

Sur les monnaies grecques, leurs matières et les procédés de fabrication, leurs noms, les types, les marques et les légendes, sur les poteries noires, le Dessin des animaux [5], et les vases monochromes à reliefs, le façonnage et l’épigraphie, les formes, les couleurs, les caractères généraux de la céramique ionienne, ou des colonies ioniennes en Égypte, à Daphnæ et Naucratis ; de la poterie rhodienne, des coupes de Cyrène, ou de la prédominance du type corinthien dont l’introduction à Rhodes a dû commencer bien avant que parvinssent les premiers vases attiques à figures noires, comme sur ceux des autres vases péloponésiens d’Argos, de Sicyone, d’Égine, les détails rares et précieux abondent.

L’induction que l’on peut tirer des fouilles se trouve confirmée par l’histoire. Par la qualité de leurs produits, les ateliers d’Athènes ont tenu le premier rang, mais pour la quantité des argiles façonnés sur le tour et cuits à la flamme, les ateliers de Corinthe n’ont pas eu de rivaux.

Quant à la peinture grecque, de ce qu’elle fut pendant les siècles qui s’écoulèrent entre l’invasion dorienne et les commencemens de l’Empire romain, en l’absence totale du témoignage des monumens mêmes de cet art, ce n’est guère que d’après la décoration des vases peints, les plaques funéraires ou votives d’argile, les sarcophages en terre cuite, du genre de ceux que la nécropole de Clazomène a fournis aux musées d’Europe, d’après les gravures en pierres fines, et celles exécutées sur les coins des monnaies, qu’on peut se faire une idée de la diversité des sujets. Certaines peintures de vases, qui imitaient jusqu’à la couleur, et reproduisaient l’effet et l’aspect d’ensemble, peuvent donc nous servir à comprendre et interpréter les témoignages des auteurs anciens qui se rapportent aux tableaux de Polygnote, de ses devanciers Boularchos, Eumares d’Athènes, et Cimon de Cleones, ses contemporains Micon et Pamenos, comme ses successeurs Parrhasios et Zeuxis. Dans les fouilles mêmes, comme celles d’Olympie et de Delphes, nulle part on n’a vu apparaître les traces du décor que le pinceau avait jadis étendu sur les champs qui lui avaient été ménagés par l’architecte [6]. Quand on a perdu de vue les ruines des édifices de la Grèce mycénienne, il faut, pour retrouver de la peinture murale, prendre le chemin de l’Italie et visiter les caveaux des nécropoles étrusques, puis descendre jusqu’au siècle d’Auguste, étudier les fresques qui décorent à Home, sur le Palatin, la maison de Livie, et surtout, près de Naples [7], celles qui ont dû leur conservation aux épaisses couches de cendres que le Vésuve a répandues sur les villes qu’il a recouvertes comme Pompéi [8] en l’an 79 après J.-C. Des tableaux peints sur bois, pas un n’est arrivé jusqu’à nous. Ils n’ont pas eu, pour les défendre contre toutes les chances de destruction, les sûres retraites des tombes de la vallée du Nil, aujourd’hui menacées par les barrages établis, et la merveilleuse sécheresse du sable qui les recouvre ; ils n’ont pas eu la même fortune que les tablettes qui, collées sur les caisses de momies, nous ont gardé les portraits des hommes et des femmes de l’Égypte ptolémaïque et romaine.

Ce n’est pas seulement en politique que les Anglais sont heureux et triomphans. En art et en littérature, ils ne sont pas moins favorisés en France et l’entente est complète. Les noms de Shakspeare et de Dickens y remplissent le théâtre et la librairie où le public et les éditeurs français ont apporté à ces deux représentans du génie anglo-saxon leur tribut d’admiration. Tandis qu’on mettait à la scène M. Pickwick et David Copperfield, paraissaient des éditions d’un grand luxe, c’étaient, chez Hachette, les Papiers posthumes du Pickwick-Club [9]avec les illustrations, en couleurs très pittoresques et très vivantes, très comiques et d’une originalité si marquée de Cecil Aldin, — Les Joyeuses Commères de Windsor[10], avec des dessins amusans et variés d’une incroyable verve et d’une composition très habile de Hugh Thomson.

Les aventures de M. Pickwick, le récit si comique de ses voyages autour de Londres, dans le dessein de connaître l’humanité et de la faire connaître au Club qu’il a fondé et qui porte son nom, resteront comme le modèle de l’humour et du flegme anglais, et, de ce côté-ci de la Manche, tout autant que de l’autre, le lecteur s’amusera toujours aux fantaisies nées de cette verve infiniment pittoresque et bouffonne, qui l’entraîne dans les milieux les plus étranges à travers les visions les plus fantastiques, aux inventions nées de cette imagination si vive et si lucide qu’elle anime sans effort les objets inanimés, et, sous une apparence de bonhomie, découvre la mesquinerie des ambitions des hommes et la vanité des grandeurs de ce monde. Dans son héroïsme grotesque, le chef de Pickwick-Club est sympathique pour son énergie physique, sa bonne humeur, son optimisme et sa séduction qui, durant la plus aventurière expédition en compagnie de ses plus fidèles disciples, Winkle le sportsman. Snodgrass le poète, Tupman dont le principal étal, en dépit de son âge, est l’état d’amoureux, de Sam Weller, ce Scapin bavard et familier, audacieux et fidèle, lui permettent de triompher à son honneur, sinon sans dommages, de toutes les difficultés et des embûches, même de celle que lui tend sa gouvernante, Mme Bardelle, qui voudrait le forcer à l’épouser. Les tableaux les plus variés animent les étapes de ce long et difficile voyage. Il n’est pas un trait de la vie anglaise qu’ils ne nous montrent au cours du chemin : voici l’aimable et violent M. Waidle, au teint de brique, sa sœur toujours jeune de cœur, romanesque et sensible, sa vieille et brave femme de mère. C’est dans l’hospitalière maison de M. Wardle que M. Pickwick et ses amis vont passer les fêtes de Christmas, assister à la célébration du mariage de Bella, tandis que les jours, où l’on boit et on mange en abondance, s’écoulent confortablement, à la satisfaction des hôtes et des joyeux convives, et que les nuits sont bonnes. Certaines scènes, d’une gravité bouffonne, en diligence, à l’hôtel du Taureau à Rochester, dans d’innombrables auberges, aux noces de M. Trundle sont irrésistibles. Ici, c’est l’atroce misère sous les brouillards de Londres, la fumée des usines, le tribunal, la prison. Jusqu’à des histoires de revenans. il y a de tout dans ce mélange bien anglais, comme celui qu’on voit dans leurs plus opulens magasins.

Pour rendre par le crayon et le pinceau ces types si bien observés, merveilleusement approfondis et si représentatifs de la société anglaise, M. Cecil Aldin était bien l’artiste qu’il fallait, le trait un peu appuyé répond à la plaisanterie parfois un peu lourde de Dickens et souligne son intention, et ses dessins laissent une impression ineffaçable. On retrouve sous son pinceau les personnages, tels que Dickens les a fait vivre avec son talent de caricaturiste, toute cette galerie d’originaux, fripons et fort braves gens, avec leurs vices et leurs vertus. On y revoit, avec les détails exacts et frappans, toutes les parties et toutes les couleurs du tableau évoqué par ce prestigieux créateur, et rien n’est plus savoureux s pour nous Français surtout, que l’originalité, la nationalité de cette imagerie anglaise ou l’ironie révèle les petits travers de la race et du caractère anglais dont le fond est le manque de bonheur.

De Dickens également, paraît chez Flammarion une non moins riche édition de M. Pickwick [11], traduit par M. Georges Duval, ornée des fines et très amusantes aquarelles de Frank Reynolds, où la variété, la maîtrise et l’éclat donnent à chacune de ces compositions la valeur d’un véritable tableau de genre.

C’est enfin chez le même éditeur, et par le même traducteur, le Marchand de Venise[12] où sir James D. Linton, avec le talent que l’on sait et dans la manière et l’esprit de l’école anglaise, a donné de très habiles et très délicates interprétations de Shylock, de Jessica et de Lancelot, de Portia et de Nerissa, d’Antonio et de Bassanio, de Gratiano et de Lorenzo. Il y a dans ces planches une très heureuse recherche de style et de mise en scène. Inspirée de la médiocre nouvelle de Pecorone de ser Giovani Fiorentino, qui sent son moyen âge de la manière la plus déplaisante et la plus barbare. la pièce de Shakspeare, lumineuse comme les toiles de Veronèse et du Titien, est la peinture de ce que la magnifique Venise a jamais eu de plus noble, de plus gai et de plus poétique.

Dickens est plus que jamais à la mode à la veille du centième anniversaire de sa naissance, parce qu’il a toujours pris garde de froisser les âmes délicates, parce qu’il n’y a pas d’écrivain qui sache mieux toucher et attendrir, que les larmes qu’il verse sont vraies et que la compassion est leur source unique. S’il reste le plus railleur, le plus comique et le plus bouffon des auteurs anglais, ayant gardé de sa misérable enfance une certaine vulgarité, et si sa plaisanterie n’est pas toujours de choix, du moins il a cru et fait sentir qu’il n’y a de vraie joie que dans les émotions du cœur, que l’humanité, la pitié, le pardon sont ce qu’il y a de plus beau dans l’homme. Cette imagination étrange cette bonté morale et ce besoin de sympathie sont encore et demeureront les raisons de son succès et de sa popularité.

Au moment où le sort de la Perse se débat entre la Russie et l’Angleterre, tandis que cette lutte risque de ruiner ce qui reste des antiques monumens dans ce pays en état d’anarchie, il est superflu d’attirer l’attention sur cet ouvrage précieux de M. René d’Allemagne, Trois mois de voyage en Perse[13], qui trouve un regain d’actualité que n’a pas cherché le savant érudit et lettré. Depuis plusieurs mois, il parcourt une région où se sont croisées les civilisations les plus anciennes, où se sont heurtés tous les peuples. Qui n’a présente à l’esprit l’incomparable description qu’a donnée ici même des hauts plateaux de l’Iran Pierre Loti, abordant au seuil des solitudes sur la rive brûlante de ce golfe Persique où l’air empli de fièvre est à peine respirable, partant de là pour cette marche pénible le long de cette muraille tantôt bleue, tantôt rose qui semble nous suivre, et franchissant le rebord de cette Perse qui gît à 2 ou 3 000 mètres d’altitude sur les immenses plateaux d’Asie, pour faire cette chevauchée « par les sentiers mauvais dans le vent âpre et froid des solitudes extrêmes à travers les plateaux d’Asie les plus élevés et les plus vastes du monde, ’qui furent les berceaux des humanités et sont devenus aujourd’hui des déserts ? Qui n’entend encore son appel enchanteur : « Qui veut venir avec moi voir la saison des roses à Ispahan ? »

Pierre Loti avait traversé la Perse du Sud au Nord pour remonter vers Ispahan. C’est du Nord-Est à l’Ouest que M. René d’Allemagne, parti de la région du Khorassan, a exploré en zigzag jusqu’au pays des Bakhtiaris à l’Ouest d’Ispahan. Tout le long de la route, il note sans cesse ses observations, collectionne et photographie, relève des traits de mœurs des souvenirs historiques, amassant une quantité énorme de matériaux précieux. L’ouvrage en 4 volumes contient à la fois un récit de voyage infiniment varié et vivant, une étude d’ensemble de la Perse, sur la vie, l’état économique, administratif et religieux, avec un piquant chapitre sur les femmes persanes et une étude étendue sur l’art. Architecture et mobilier, céramique et verrerie, damasquinerie, tapis, broderies, brocarts, et velours, livres à miniatures et reliures apparaissent aux yeux éblouis en une suite de reproductions dont la profusion — plus de 1 000 clichés dans le texte, 245 planches hors texte, dont 35 en couleurs, — sont des modèles de phototypîe.

Le Moyen Âge [14] de M. Armand Dayot, qui a mené à bonne fin son œuvre de reconstitution historique, complète l’Histoire de France par l’image, dont nous avons parlé au cours de la publication des dix albums précédens. C’est le dernier de cette brillante série. — illustrée, au prix de recherches infinies, dans les vieux manuscrits, les documens rares, — qui va de l’invasion romaine des premiers siècles jusqu’à l’invasion allemande de 1870, du siège de Paris, à la Commune et dont nous n’avons pas à faire l’éloge après l’avoir fait à maintes reprises.

L’étude la plus instructive que l’on puisse faire de notre beau pays par le texte, les cartes en noir et en couleurs et par l’image qui en est à chaque page le plus vivant commentaire, on la trouvera dans la France, Géographie illustrée [15] de M. P. Jousset. L’ouvrage, qui formera deux volumes, sera le pendant de la France illustrée [16], publiée récemment avec tant de succès dans la même collection. Les cartes constituent un véritable allas spécialement fait pour l’ouvrage. Par sa figuration, sa documentation cartographique, c’est, en même temps qu’une œuvre originale, un guide sûr et agréable. C’est aussi une véritable et surprenante révélation des beautés de notre pays qu’on ne connaît pas assez, et dont une illustration abondante et choisie, 871 reproductions photographiques, 28 planches hors texte, les unes et les autres d’une exécution parfaite, nous montre les sites et les monumens les plus intéressans. Le tome premier qui vient de paraître, consacré au Massif Central, aux bords de la Loire, à la Bretagne, aux Pyrénées, au littoral de la Méditerranée, est un livre d’étrennes aussi attrayant qu’instructif. La Belgique illustrée [17]par M. Dumont-Wilden est un ouvrage établi dans les mêmes conditions avec le même luxe, 570 reproductions photographiques et une trentaine de cartes.

L’Histoire monumentale de la France [18] contient de nombreuses monographies de ses plus curieux édifices.

On vit en France dans une atmosphère d’art. Il n’y a guère de ville qui n’ait son musée, son église, ses antiques demeures, ses manoirs ou ses châteaux ornés de tableaux ou de sculptures. En les faisant connaître dans ces collections variées et d’une exécution si soignée, qui s’enrichissent en une seule année, les Grands édifices de la France [19], du Mont Saint-Michel [20], du château d’Anet [21]. des cathédrales de Lyon [22], de Bourges [23], d’AIbi[24], de l’Église du Brou [25] ; — les Villes d’art célèbres [26], d’Athènes [27] et de Naples et son golfe [28], de Londres [29], et de Dresde [30] ; — les Grands Artistes [31] de Mantegna [32]. Cellini [33], Botticelli [34], les Primitifs français [35], Téniers [36] ; — les Richesses d’art de la Ville de Paris [37], du volume sur les Musées municipaux [38] ; — les Grandes Institutions de la France [39], de l’ouvrage si bien compris et si solide de M. Camille Enlart, le Musée de sculpture comparée du Trocadéro [40], — les Manuels d’histoire de l’art [41], de l’Architecture [42] ; — les Musées et collections de France [43], le Musée de Tours [44] : les Grands Musées [45], le Musée de Saint-Pétersbourg [46], aucun éditeur n’aura plus et mieux contribué que l’éditeur Henri Laurens à propager le goût de l’art qui, en préparant à une étude plus sérieuse et plus approfondie des belles œuvres, a aussi un côté pratique, puisqu’on se généralisant il apporte à nos artisans et dessinateurs des ressources, à nos industries essentiellement françaises des modèles toujours aussi recherchés, et contribue à lui conserver la faveur sur les marchés d’Europe où nos produits de luxe gardent une supériorité incontestée.

À l’histoire de l’Art se rattache la nouvelle série des Galeries d’Europe [47] et des Maîtres contemporains [48] qui déroule sous nos yeux les chefs-d’œuvre des peintres de tous les temps et d’aujourd’hui. — le deuxième volume de la Peinture française II : les Primitifs [49] qui, ainsi que nous l’avons dit quand a paru le premier fascicule, répond au désir des plus éminens critiques de voir reconstituer le premier chapitre des Annales de l’Art français. Fra Angelico [50], Titien [51]. Rubens [52], dont, à l’occasion du Centenaire de Théophile Gautier, on reproduit le poème sur le passage du Thermodon [53], avec les six cartons gravés par Lucas Vosterman : l’Architecture baroque en Italie [54], album avec 313 reproductions présentées par M. Corrado Ricci. Mais si l’on veut compléter toutes ces études d’art et connaître en entier l’œuvre de tous les artistes, de tous les temps et de toutes les écoles, peintres, sculpteurs, graveurs et dessinateurs, il faut les étudier dans l’excellent Dictionnaire des peintres et sculpteurs [55] aussi savant que précis publié par un groupe de spécialistes sous la direction de M. Bénézit.

Un livre bien fait pour frapper l’imagination de la jeunesse et beaucoup lui apprendre est celui de MM. Daniel Bellet et Will Darvillé sur les Plus grandes Entreprises du monde [56]. Ils ont établi une comparaison éloquente entre certaines œuvres cyclopéennes de l’antiquité et nos grands travaux modernes ; ils énumèrent et exaltent les conquêtes de l’homme sur la nature ; ils étudient les grandes Œuvres de l’humanité, les productions du génie industriel.

Dans la situation présente, après tout ce qu’on apprend de la révolution chinoise, il suffira d’attirer l’attention sur la dernière impératrice-douairière de Chine, Tseu-Hi [57], femme astucieuse et cruelle, mais vraiment grande par l’intelligence, la décision et la volonté, qui, de 1855 à 1908, à travers plusieurs règnes successifs, marqués par les troubles les plus graves : la révolte des Tai Ping, la campagne anglo-française, le soulèvement des Boxers, disposa des destinées de l’Empire du Milieu. Le récit très animé et vivant que nous font, de cette époque agitée, les historiens anglais Bland et Blackhouse, est dominé par la figure hautaine de Tseu-Hi, la « vieille Bouddha » qui résume dans sa vie, pour un peuple de 400 millions d’âmes, plus d’un demi-siècle d’histoire.

Le Japon fleuri [58] de M. Walter Tyndale repose de toutes ces scènes de guerre, de conspiration et de carnage. Mieux que toutes les peintures japonaises, ses aquarelles nous font connaître les paysages de Moji, de Kobé, de Kyôtô, de Shôji, de Kofou, Hakoné, Nikkô, Tokyo, Atami. Aussi poétiques que ces doux noms, on les voit surgir-sous le rayonnement de la lumière et dans la transparence de l’atmosphère, où flambent ses couleurs éclatantes, et vibrent ses ombres qui s’opposent et se mêlent dans une exquise harmonie. La sensation exacte du Japon, de ses jardins égayés d’azalées et de chrysanthèmes, de ses lacs idylliques, de ses étangs où nagent les fleurs de lotus et d’iris sur la verdure des eaux, de ses sombres forêts que domine la cime sacrée du Foujiyama, des abords des temples de Bouddha, du sanctuaire d’Inari et autres sanctuaires villageois et rustiques, dont l’aspect rappelle ceux de notre Bretagne, on l’éprouvera en admirant les 24 planches en couleurs, d’après les aquarelles de M. Walter Tyndale. Le choix des sujets, la variété du sentiment et la merveilleuse intensité et justesse de coloris avec lesquelles il les a rendus sont d’un artiste. Tout lui est une occasion, au cours de ses promenades, de célébrer les formes et les couleurs. On ne peut se lasser de regarder ses peintures en écoutant ses captivans récits.

L’étude la plus instructive qu’on puisse faire de la Conquête de l’Algérie[59], de la longue et difficile expédition qui nous valut notre plus belle colonie, on la trouvera dans le récit animé où M. Jules Mazé, l’auteur de tant de livres excellens, fait revivre d’une façon saisissante nos soldats d’Afrique et leurs chefs dans ces expéditions incessantes et cette lutte chevaleresque où la valeur trouvait à toute minute à s’exercer contre ; d’intrépides adversaires. Ces soldats et ces chefs n’étaient-ils pas les descendans et les dignes émules des derniers combattans de la Campagne de Russie[60], des guerriers de la Grande Armée, de ceux qu’a immortalisés le récit de Ségur et dont le principal héros repose aux Invalides[61].

Dans Trente Siècles de guerre navale[62], l’imagination s’ajoute à la réalité et joue son rôle pour relier par la trame légère du roman les divers épisodes historiques que M. G. Clerc-Rampal évêque et résume d’après les témoignages les plus autorisés. C’est un véritable traité d’archéologie navale depuis la galère de Ramsès III jusqu’aux cuirassés, aux dreadnoughts et aux « Danton » d’aujourd’hui et même à ceux de demain.

Parmi les œuvres d’imagination qui sont entrées dans la circulation générale des œuvres de l’humanité et qui ne vieilliront point par cette bonne raison qu’elles sont trop vieilles et qu’elles tiennent à l’épopée, la jeune génération appréciera, dans cette Collection des Grandes œuvres les quelques scènes les plus fameuses tirées de l’Iliade[63], et traduites élégamment quoique fidèlement à son usage, puisqu’elle n’apprend plus le grec et qu’il n’y aura bientôt plus que les jeunes filles qui liront le latin. Une simple, solide et précise introduction de M, T. de Wyzewa les mettra au courant de l’œuvre d’Homère et de la question homérique et, par les vingt-quatre épisodes illustrés par Clément-Goutier, ils pourront juger de cette épopée immortelle. C’est également à M. T. de Wyzewa que l’on doit l’édition de Gargantua [64], avec les illustrations en couleurs de Louis Morin.

En attendant que les jeunes gens puissent lire dans la langue de nos aïeux, dans le vieux français si souple aux mots naïfs, aux tours vifs et gracieux les Chansons de geste, Mlle Marie Bulls nous apporte sous le titre de Contes héroïques de la douce France, un abrégé de deux rapsodies que colportaient trouvères et ménestrels, les deux poèmes touchans et gracieux de Flore et Blanchefleur et de Berthe aux grands pieds [65] et Roland, le vaillant paladin [66], le premier composé au milieu, le second à la fin du XIIIe siècle.

Aussi longtemps que les belles qualités de la langue française seront appréciées ailleurs que sur les boites à bonbons, on recommencera les éditions de Saint-Simon [67], de Voltaire [68]de Beaumarchais [69], Stendhal (le Rouge et le Noir[70].

Dans les romans, contes moraux et honnêtes qui auront toujours la faveur de la jeunesse, il faut signaler ceux de la librairie Hetzel qui réunit, cette année, en un volume de choix Trois romans pour tous [71], aussi variés de ton que relevés par le charme du style et agréables à lire : l’Histoire d’un enfant que P.-J. Stahl, avec son goût délicat et son tact si sûr, a tirée du Petit Chose d’Alphonse Daudet. Romain Kalbris, d’Hector Malot et l’Île au trésor, de Stevenson ; — Au delà des mers [72], où l’on a également groupé trois récits empruntés aux scènes de la vie de collège d’André Laurie. Citons encore le Voltigeur hollandais [73], ce fameux navire enchanté, qui au XVIIIe siècle sillonnait les côtes des Pays-Bas et semait la terreur sur son passage ; la Revanche d’Absalon [74], d’Albert Cim ; — Loin des yeux, près du Cœur [75], de Pierre Maël ; Grognards et conscrits [76], par Georges de Lys, nouvelles militaires d’un enthousiasme et d’un élan entraînans, qui vont de l’épopée napoléonienne à nos jours, et qui feront vibrer le patriotisme de tous les lecteurs, Eugénie Grandet [77], le célèbre roman de Balzac. — N’ayons garde d’oublier enfin, de M. Jacques des Gachons, la Mare aux gosses [78], de M. Joseph Ageorges, les Contes du moulin brûlé [79], le Bonheur de Simone, de M. Georges Beaume [80] ; Jehan le Meneur de loups [81], de Jean Floride et, dans la littérature générale des recueils hebdomadaires ou des journaux illustrés, le Saint Nicolas [82], le Journal de la jeunesse [83] et Mon Journal [84]. Mentionnons, de Jérôme Doucet, les Fils de François Ier [85], le Petit roi du masque noir [86], les Sondeurs d’abîme [87].

Ceux qui aiment les romans d’aventures trouveront à se satisfaire dans les Voleurs de foudre [88], par Paul d’Ivoi, — les Aviateurs des Andes[89], de Marc Janin, — Au-dessus du continent noir [90], du capitaine Danrit, — le Record du Tour du monde [91], de Léon Berthaut, avec les dessins de Robida, — le Dominateur de la Malaisie [92]. Ceux qui préfèrent les Vieilles chansons pourront goûter le charme délicieusement suranné des mélodies de nos pères dans le recueil Vieilles chansons, Pour les cœurs sensibles [93], illustré d’un pinceau gracieux par M. Brissaud, — le voyage au Pays des Chansons [94] de Georges Montorgueil, avec les brillantes aquarelles de Job.

Mais quelle œuvre d’imagination pourrait être comparée à ce qui est, à ce qui se découvre aujourd’hui ?

Dans cette voie illimitée de toutes parts, puisqu’elle a non plus seulement le monde inexploré, mais le ciel pour domaine, où l’on risque à chaque minute sa vie, la France a conquis et garde la première place. Le rêve d’évoluer comme les oiseaux dans l’atmosphère, nos aviateurs l’ont réalisé. Dans le substantiel et savant ouvrage où il a résumé l’historique de l’Aérostation et de l’Aviation [95] M. Max de Nansouty cite ces prophétiques paroles, prononcées en 1870 par le savant anglais Glaisher, directeur du Bureau météorologique de Greenwich : « Il n’y a point de frontière dans le règne de l’idée, et les conquêtes de l’esprit humain appartiennent à tous les peuples du monde. Cependant chaque nation civilisée est appelée à donner son contingent dans la grande œuvre de l’étude de la nature et à choisir les branches qui appartiennent à son génie. C’est la France qui a donné au monde les ballons. C’est à la France qu’il appartient de développer la conquête de Charles et de Mongolfier. »

Elle n’a pas failli à sa mission, et l’aurore du XXe siècle aura vu ses dirigeables évoluer dans le ciel, puis, à l’exemple des frères de Wright, s’envoler dans l’espace et descendre des nues ses aéroplanes qui, plus lourds que l’air, auront pris audacieusement sur lui leur point d’appui, pour s’élever dans un merveilleux coup d’aile au-dessus de la mer et de l’horizon et venir atterrir comme l’intrépide Louis Blériot dans le pays même, voisin et ami, où se réalisait ce qui semblait irréalisable. Par quelle voie est-on arrivé à rendre possible l’illusion, on l’apprendra dans ce savant travail, à la portée de tous, illustré de 750 gravures, où l’auteur arrive à la description actuelle des ballons libres et de leur gréement, des parachutes des dirigeables, des aéroplanes, de leur matériel, de leurs accessoires. On y trouve l’exposé des grands records d’aéroplanes, des meetings d’aviation, des circuits qui ont passionné le monde entier, comme celui du vaillant André Beaumont (l’enseigne de vaisseau J. Conneau) : Mes trois grandes courses[96], dont on trouvera le récit entraînant et émouvant, fait par l’aviateur lui-même.

Le triomphe de In navigation aérienne[97], un autre héros de l’air, le comte Henry de la Vaulx l’a célébré à son tour dans un livre enthousiaste, précis et complet, et le regretté colonel Renard, prématurément enlevé à la science et à la France, un précurseur, un de ceux qui ont le plus contribué à créer la navigation aérienne dirigeable, et qui, il y a vingt-cinq ans seulement, ne pouvait encore émettre que des souhaits en sa faveur, pourrait, — au terme de cette année qui vit vraiment éclore l’aviation militaire, — voir aujourd’hui constituée cette escadre volante à laquelle, avec Dupuy de Lôme, avec Giffard et avec les frères Tissandier, il a tant contribué. Son frère, le commandant Paul Renard, qui fut son collaborateur, expose les principes de l’Aéronautique[98] et son évolution. Les prouesses de nos officiers aviateurs et des pilotes aériens ne se comptent plus. Depuis les premiers vols accomplis en 1908, quel chemin parcouru : le premier meeting de Reims, le circuit de l’Est, pour aboutir au rôle de l’aéroplane pendant les dernières manœuvres ! Il a fait ses preuves. Par le nombre et la valeur de cet état-major héroïque, autant que par son organisation, notre armée aérienne est la première de toutes. Étant de celles où le péril compte le moins, ses expériences feront franchir à l’aéroplane, quand on aura résolu le problème si ardemment recherché de la stabilité, les phases meurtrières du progrès et des incertitudes. Déjà, on a pu le constater à Tripoli, avant d’être un moyen de conquête, il est un engin de destruction. Mais deviendra-t-il jamais le moyen de transport en commun que rêvent ses adeptes ? Dans les perspectives infinies que la science ouvre au génie de l’homme, avec la puissance que tiennent en réserve de nouveaux gaz comme l’hélium, on ne saurait dire qu’il n’y parviendra pas. que non ascendant ? est devenu leur devise. Ils la justifieront.


J. Bertrand.
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