Les Livres d’étrennes, 1910

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Les Livres d’étrennes, 1910
Revue des Deux Mondes5e période, tome 60 (p. 930-946).
LES
LIVRES D'ÉTRENNES

A la vue de tous ces livres, dont beaucoup semblent plus brillans d’aspect que solides de fonds, on se prend tout d’abord à regretter ces volumes des vieux auteurs, d’un goût sobre et simple, d’une harmonie parfaite entre le format, le caractère du texte et la nature du contenu, presque toujours bien imprimés, que le temps avait en quelque sorte encore ennoblis et sacrés, instrumens d’étude, de distraction et de réconfort, où l’écho de la pensée de l’écrivain vibrant, à chaque page, se répercutait en nous, et qui, s’ils renfermaient quelques bois ou quelques eaux-fortes, n’empruntaient à leur parure qu’un élément de plus de force ou de grâce dans un cadre harmonieux et charmant. C’était un plaisir toujours renouvelé de les rouvrir après les avoir lus et, à les parcourir, on se sentait entraîné dans les sphères les plus hautes ou dans les plus douces rêveries. Ceux d’aujourd’hui prétendent à nous solliciter par l’image. Et pourtant, entre tant d’éphémères, il en est plus d’un qui sur notre histoire, notre passé, notre art, va nous apporter des données nouvelles, ou nous révéler des choses jusqu’alors ignorées : telles ces magnifiques éditions sur le Mont-Saint-Michel[1], la Renaissance française, — l’Architecture[2], — les Primitifs de la peinture française[3], — l’Histoire de la peinture classique[4], les Villes d’art célèbres[5], — les Galeries d’Europe[6], les Grands Artistes [7], toute cette rare collection enfin de la Librairie H. Laurens, véritable musée mondial, — qui se développe et s’enrichit de précieuses publications classées avec une méthode et réunies avec un goût parfaits, — plusieurs autres encore, dont chacune mériterait une étude moins superficielle que le rapide résumé qui peut en être donné à cette place.

D’abord le Mont-Saint-Michel, ville et château, abbaye et cathédrale, île-forteresse où l’entassement des maisons accrochées au roc trouvèrent un aussi sûr abri sous la tour de l’Église que derrière les contreforts de l’Avancée, invulnérable vaisseau aux flancs duquel vinrent se briser les invasions normandes comme s’y brisent les lames lointaines, navire symbolique que le flux et le reflux semblent faire voguer sur l’Océan, tandis que la majesté de sa nef légère et de son mât où veille l’Archange se perd dans l’infini du ciel et des flots. C’est le Mont « au péril de la mer. » Endigué, il perd ce qui en fait un type unique, sa majesté solitaire et hautaine, sa gloire de triompher des élémens et du temps dans son fier isolement maritime où il garde le trésor de l’esprit chevaleresque de notre race sous la protection de l’épée de saint Michel, qui montre à la France ses destinées.

« Durant la Guerre de Cent ans, le Mont-Saint-Michel est le boulevard de la France envahie contre l’Angleterre. Du Guesclin, qui commanda la capitainerie de Pontorson et du Mont-Saint-Michel à la fin du XIVe siècle, y cherchera un appui et un refuge. Enfin, dans les forêts de la Lorraine, à l’ombre du hêtre des fées, l’image de l’Archange resplendissant apparue à la bergère voyante réveillera la patrie française par le cœur de Jeanne d’Arc[8]. »

Comme le Mont fut à l’Ouest, le rempart de la Normandie, à l’Est, en Lorraine, le pays de Vaucouleurs deviendra à son tour le boulevard de la France contre les Anglais et les Bourguignons, la marche prédestinée où se reformera l’unité française.

L’histoire du Mont-Saint-Michel depuis l’époque du dieu solaire Tom Belen, les âges celtiques, la fondation de l’abbaye par saint Aubert au VIIe siècle, son rôle du VIIIe au XVe siècle, si considérable dans les fastes de la France, plus d’une fois décrits depuis dom Jean Huynes, ont éveillé la curiosité des érudits et des artistes. M. Paul Goût, successeur et continuateur de Corroyer, les deux grands architectes, à qui l’on doit la restauration du monument qui évêque puissamment les anciennes gloires nationales, nous en donne à son tour une monographie détaillée, une étude archéologique et synthétique, abondamment illustrée de gravures dans le texte, de planches hors texte, de reproductions d’aquarelles, de cartes et de plans, à la fois amusante et instructive. Ce qui manquait jusqu’ici sur cet ensemble incomparable de constructions religieuses, militaires et civiles, qui s’étagent en un amoncellement cyclopéen du haut en bas du rocher, c’était un travail complet groupant en une vue d’ensemble les recherches monographiques, des connaissances historiques et archéologiques sur le monastère et la ville. Le livre de M. Paul Goût, écrit d’après les sources originales et, notamment, d’après les manuscrits recueillis à la bibliothèque d’Avranches et à la bibliothèque Nationale, fortement étayé sur des connaissances techniques, vient à son heure : au moment où le budget des Beaux-Arts va être discuté et le sort du Mont remis en question, c’est la plus éloquente défense de cette œuvre admirable et unique de la nature et de l’art.

Entre Du Guesclin et Jeanne d’Arc se déroule la période la plus active et la plus féconde de l’art national en architecture, en sculpture et en peinture. Durant la guerre de Cent ans, la célèbre école d’art de Paris et de l’Ile-de-France avait dû essaimer dans les provinces, après s’être adonnée à l’étude de la nature et avoir créé une formule adoptée par les pays voisins, demeurés plus longtemps hiératiques et traditionnels. Au lendemain de cette lutte séculaire, ce fut une véritable renaissance du pays reconquis, et cette Renaissance française[9], qui précéda l’italienne, eut dans l’Architecture nationale son expression la plus complète et la plus éloquente.

« Sur tous les points de France, — écrit M. Marius Vachon, dans le savant et magnifique ouvrage sur les Grands Maîtres maçons, ou plutôt, comme on les appela longtemps, sur ces « maistres d’œuvres de maçonnerie, » qui ont couvert notre sol de tant de merveilles, — jusque dans les villes les plus modestes, les villages les plus obscurs, c’est une éclosion superbe, incomparable de monumens publics et privés, d’édifices religieux. En Normandie, le mouvement fut prodigieux. A Rouen, la vieille cathédrale se pare de son majestueux portail de la Calande, de l’avant-portail des Libraires, si élégant, de la tour de Saint-Romain ; le vaisseau colossal de l’abbatiale Saint-Ouen est achevé ; Pierre Robin rebâtit Saint-Maclou. » A Dieppe, et dans les environs, toutes les églises sont reconstruites, agrandies ou embellies. Dans la Champagne, comme à Orléans, à Tours, à Nantes, au Mans[10], à Reims[11], le nombre des édifices religieux construits ou restaurés n’est pas moins grand. On compte que dans toute la France du milieu du xv° siècle aux premières années du XVIe, 636 églises furent bâties[12], tandis que l’architecture civile n’a pas reçu une moindre impulsion. La plupart des grandes cités affirment leur indépendance et leur prospérité nouvelle par la construction d’hôtels de ville qu’elles tiennent à faire aussi beaux et imposans que leur permet leur richesse. Ainsi pour Compiègne, Troyes[13], La Rochelle, Amboise, Orléans, où l’Hôtel de ville orné d’un fier beffroi se complétera par l’érection en son « carroir » d’un pieux monument en l’honneur de Jeanne d’Arc.

Déjà au XIVe siècle, bien longtemps avant les expéditions de Charles VII en Italie, nos maîtres maçons-tailleurs de pierre, le « lathomus ou lathomos, » comme le désignent les documens d’archives du moyen âge, savaient bâtir des manoirs d’un aspect artistique aux intérieurs très luxueux : Pierrefonds, Coucy[14], Meung, Châteaudun abritaient derrière leurs hautes et sévères courtines de pures merveilles d’art. Vers 1218, Marie de France décrit ainsi les peintures qui décorent la chambre d’une grande dame :


La caumbre est painte, tout entiur :
Venus, la dieusse d’amur,
Fu très bien mis en la painture
Les trailz mustrez è la nature
Cument hum deit amur tenir,
Et lealment è bien servir.


De l’architecture du moyen âge à l’architecture de la Renaissance, il y a une filiation directe, ininterrompue, simultanéité et fusion des styles ogival et renaissance. Après les transformations opérées par des maîtres maçons d’une habileté et d’une ingéniosité extraordinaires, les châteaux rajeunis n’en donnent pas moins la sensation de l’architecture du passé, tant cette architecture est vivace, profonde et indéracinable dans l’imagination de tous.

« Quand au dict an 1527, fut commencé à abattre la Grosse Tour du Louvre, par commandement du Roi, pour applicquer le chasteau du Louvre à logis de plaisance, » le chroniqueur du Journal d’un bourgeois de Paris se fait, ainsi, l’écho des doléances et regrets populaires à ce sujet : « Toutesfois fut grand dommaige de la desmolir, car elle estoit très belle, haulte et forte et estoit appropriée à mettre prisonniers de grand renom[15]. »

Les maîtres maçons de la Renaissance maintiendront dans les nouveaux châteaux, de Madrid au Bois de Boulogne, à Pagny, à Chenonceau, le dispositif topographique et les aménagemens intérieurs du moyen âge. La construction des édifices religieux nouveaux, ou l’achèvement des anciens, présentera souvent plus que des réminiscences d’œuvres du passé. Sur une ossature tout entière ogivale aux ordonnances architecturales traditionnelles, ils jetteront un vêtement et une parure Renaissance. Saint-Hustache de Paris est le tour de force incomparable, le miracle accompli en ce sens, par le plus audacieux de ces artistes de génie, Rouland Le Roux, le célèbre maître maçon-tailleur de pierre rouennais[16], après avoir bâti le Palais de l’Échiquier, entreprend la construction du Bureau des finances, ensuite il achève le portail de la cathédrale ; Pierre Chambiges, l’architecte de Chantilly[17], élève l’Hôtel de Ville de Paris et le château de Saint-Germain-en-Laye ; Robert Grappin est nommé maître de l’œuvre de l’église Saint-Gervais et Saint-Protais à Gisors ; Colin Byart construit la tour du Nord de la cathédrale de Bourges. Combien d’autres créations glorieuses de maîtres maçons-tailleurs de pierre pourraient être citées en exemple de cette simultanéité de la pratique parfaite de l’architecture ancienne et de l’architecture nouvelle ? Après avoir montré, dans la première partie de son ouvrage, la spontanéité de l’architecture nationale et redressé bien des erreurs avec autant d’ardeur que de conviction, notamment la légende du panitalianisme, « qui a fait attribuer pendant longtemps tous les grands édifices français de la Renaissance aux deviseurs de plans italiens venus en France dans les fourgons de Charles VIII et de Louis XII, puis accueillis par François Ier, ou spontanément accourus pour faire des affaires dans notre pays, » M. Marius Vachon consacre toute la seconde partie aux monographies des grands maîtres maçons-tailleurs de pierre et à la description de leurs créations architecturales essentiellement françaises, et il conclut que : « Dans l’architecture de la Renaissance française tout, — idées formes et matériaux, esthétique et technique, — est de notre pays, est sorti de son cerveau, de son cœur, de son âme, a été mis en œuvre par ses artistes et ses ouvriers pour la satisfaction de son idéal constant et impérissable de grandeur et de beauté. »

Les artistes de cette Renaissance, architectes, sculpteurs, orfèvres, enlumineurs ou peintres, furent d’humbles artisans, quel qu’ait été leur génie. De même que pour les maîtres-maçons, la condition des peintres-selliers est celle de tous les gens de métier à Paris au XIIIe siècle. Quand les ouvriers de la sculpture et de la peinture ayant rompu avec les erremens traditionnels des cloîtres et s’étant formés en corporations, — ce que leur avait permis le mouvement des communes, — n’eurent plus les manuscrits ni les modèles gréco-byzantins des monastères, ils s’ingénièrent à imiter les objets où les êtres de leur entourage pour en façonner des statues, des peintures, ou des histoires, des enluminures ou ornemens. Les tâtonnemens durèrent un bon demi-siècle, de Philippe-Auguste à saint Louis. La liberté de chacun nous a valu le naturalisme et les plus admirables sculptures symboliques des cathédrales, quand les Italiens en étaient à Cimabuë. M. Emile Mâle, dans ses études sur l’Art religieux du XIIIe siècle et de la fin du moyen âge en France[18], a donné le sens de cette iconographie et de ses sources d’inspiration.

Le peintre-sellier qui a péniblement créé des thèmes nouveaux reconstitue une esthétique, renouvelle une technique. Sans doute la raideur un peu froide de ses figures tient à ses habitudes de sculpteur, à la complexité et à la diversité de ses aptitudes de métier.

C’est donc, contrairement à l’opinion commune, le XIII9 siècle qui connut les vrais Primitifs de l’art français. A partir de 1296, nous voyons les peintres-selliers prendre de l’importance. Ce n’est qu’en 1391 qu’un nommé Jean d’Orléans obtiendra l’autonomie définitive des peintres et leur séparation d’avec les selliers. À cette date, il y avait juste cent cinquante ans que les statuts des peintres-selliers avaient été rédigés par Etienne Boileau. Avec les statuts de Jean d’Orléans, nous entrons dans la seconde période gothique, celle qui nous vaudra Jehan Fouquet, le Maître de Moulins, et les illustres Avignonnais.

Au XVe siècle, la région du Rhône, restée dans la tradition, avait paru aux artistes la terre promise. Dès les commencemens du XVe siècle, on voit des peintres établis dans la contrée qui ne sont point les descendans directs des gens du siècle précédent, ni les continuateurs de Simone Memmi. Par l’Auvergne, la Touraine ou l’Anjou, — la Provence dépend des princes valois de cette maison, — la tradition artistique française s’infiltre dans le pays. Les ouvriers du Duc de Berry avaient travaillé à Riom, à Clermont-Ferrand ; leur influence gagna le bassin du Rhône.

« Il est maintenant acquis, a pu écrire M. Bouchot, que les inventions attribuées aux Van Eyck étaient connues des Parisiens, notamment de Jacques Cone en 1398. Il s’ensuit que les prétendues influences flamandes aperçues chez nos grands artistes de Bourges, de Tours, d’Avignon au XVe siècle sont en réalité les traditions françaises du XIVe siècle importées dans les Flandres et tout bonnement, conservées chez nous. »

Après les ouvrages de M. Georges Lafenestre sur les Primitifs à Bruges et à Paris et sur l’Exposition des Primitifs français, — du comte Paul Durrieu sur la Peinture à l’Exposition des Primitifs français, — qui tous deux concourent à rendre justice à l’originalité et à l’activité de vieux maîtres français, et qui ont apporté le résultat de longues recherches appuyées sur une solide érudition, la publication entreprise par M. Jean Guiffrey, la Peinture française I : les Primitifs[19], répond au désir des plus éminens critiques d’art, de voir reconstituer d’une façon suivie, après des siècles d’abandon et d’indifférence, les pages de ce premier chapitre des Annales de l’art français, avec ce qui en subsiste sur bois, sur toile, ou sur toute autre matière, et qu’il est souvent si difficile de reproduire d’après les originaux.

Dès le XIIIe siècle, une école de peinture distincte pour le style ayant fleuri au cœur même de la France, dans le domaine royal, et spécialement à Paris, le distingué conservateur du Musée du Louvre a voulu du grand naufrage de la vieille peinture de France grouper les épaves et réveiller la gloire de nos plus vieux artistes du moyen âge et de la Renaissance, de ceux que l’on a justement appelés les « peintres de vérité. » Parmi ces peintures murales, ces retables tableaux à sujets civils ou religieux, portraits d’origine française que l’on trouve encore dans les églises ou les palais, dans les galeries publiques ou privées, les éditeurs n’ont retenu que les œuvres qui n’ont pas subi l’influence des maîtres italiens attirés par François Ier. Beaucoup d’entre elles assurément sont déjà connues, mais la principale originalité du travail est de fournir un certain nombre de planches de détails reproduisant parfois en grandeur naturelle des fragmens particulièrement intéressans qui constituent des documens précieux pour la comparaison de ces vestiges vénérables de l’art délicat de nos vieux peintres avec d’autres œuvres. Ce sont, dans ce premier album : la Madone, le Calvaire, l’Adoration des Mages, du Musée du Bargello à Florence ; — le Couronnement de la Vierge d’Enguerrand Charonton, du Musée de Villeneuve-lès-Avignon, travail de plus d’un an, qui fut payé au peintre 120 florins, à peu près 4 000 fr. ; — les Scènes de la Vie de saint Bertin, attribuées à Simon Marmion, du Kaiser-Friedrich-Museum, de Berlin, — le Triptyque de la Résurrection de Lazare, du Musée des Offices à Florence, — la Pieta de l’École d’Avignon au Musée du Louvre, — le Couronnement de la Vierge, à la cathédrale de Carpentras, — l’Annonciation et le « Maître de Moulins, — l’Annonciation et le Saint Michel, du Musée d’Avignon. »

À cette période où l’architecture, la sculpture, l’art décoratif et nos Primitifs, dont les œuvres sont sans doute encore d’une raideur hiératique, d’une gaucherie naïve, mais d’une expression puissante, produisaient des chefs-d’œuvre, — qui sont les plus purs joyaux de l’art gothique dont la France fut le berceau et dont le règne de saint Louis vit le plus glorieux épanouissement, — succède l’époque de renouvellement de l’esprit humain que le XVe siècle vit se produire, celle où parurent de grands génies, comme Donatello[20], et Brunelleschi à Florence, Bellini à Venise, Mantegna[21], qui subit l’influence de Donatello, puis des Bellini, dont les dernières années préparent les splendeurs du Cinquecento, Hubert et Jean van Eyck en Flandre.

C’est à ce moment que M. Jean de Foville fait commencer l’Histoire de la peinture classique[22]. Toutefois, avant de retracer, en un volume et dans un clair et savant exposé, les phases de la peinture de 1430 à 1789, il a rappelé brièvement « l’œuvre des grands fresquistes italiens, qui, de Cimabuë à Masaccio, réveillèrent et illustrèrent l’art à Florence, à Pise, à Sienne, durant le siècle de Giotto et à l’aube du XVe, les héritiers affinés, sensitifs, idéalistes de Giotto et de Simone Martini, Fia Angelico surtout, le plus grand d’entre eux qui appartient encore tout entier au moyen âge. Autour de ce maître il faudrait grouper les Florentins comme les Bicci, les Siennois comme Sano di Pietro, et surtout Sassetta, — les Ombriens comme Ottaviano Nelli et Allegretto Nuzi, peintres de retables naïfs et touchans, Gentile de Fabriano, bref, tous ceux qui, dans la première moitié du XVe siècle, restent fidèles à la tradition du XIVe.

L’ouvrage de M. de Foville, l’un de nos critiques d’art les plus fins, qui vient de publier également dans la Collection des Grands Artistes, les Della Robbia[23], contient des illustrations en couleurs et des reproductions de 120 chefs-d’œuvre, dont chacun est décrit et analysé dans une notice à la fois simple et claire, élégante et sobre.

La production de ces grands maîtres, on pourra l’admirer plus en détail dans les ouvrages publiés, avec des planches en couleurs, par la même maison d’éditions : La Galerie des Offices[24], dont le texte est de M. Corrado Ricci, l’éminent et érudit Directeur des Antiquités et des Beaux-Arts d’Italie, — le Musée d’Amsterdam[25], par le Conservateur du Rijksmuseum, — les Vitraux du Moyen âge et de la Renaissance dans la Région Lyonnaise, par M. Lucien Bégule[26], — les Édifices religieux (Moyen âge et Renaissance)[27], par M. Amédée Boinet, — les Villes d’art célèbres : Troyes et Provins[28], par M. Lucien Morel-Payen, Clermont-Ferrand, Royat et le Puy-de-Dôme[29], par MM. Desdevises du Dezert et L. Bréhier.

Les Collections de l’Académie royale de peinture et de sculpture[30]forment, avec celles des rois de France, le fonds le plus important des œuvres du XVIIe et du XVIIIe siècle, dont se sont enrichis le Musée du Louvre, celui de Versailles, l’École des Beaux-Arts, et quelques autres musées de province. C’est dire toute l’importance de l’inventaire que publie M. André Fontaine, en indiquant le sort de chaque œuvre depuis sa réception à l’Académie.

Sous un autre aspect et dans un ensemble surtout anecdotique et satirique, présenté par M. Armand Dayot en une collection dont nous n’avons plus à faire l’éloge, nous pouvons suivre le Mouvement de la Renaissance en France, de Charles VIII à la mort de Louis XIII (de 1498 à 1643)[31], à travers les reproductions de dessins, tableaux, gravures, sculptures, documens de l’époque, qui en donnent un résumé complet des plus amusans et des plus instructifs.

Les Peintres populaires[32], de M. Ch. Moreau-Vauthier, études vivantes, colorées, où chaque biographie est accompagnée du portrait de l’artiste, nous le montrent dans son milieu familier, auprès de ses œuvres, dont quelques-unes des plus célèbres sont reproduites avec les derniers perfectionnemens de la gravure moderne.

L’historien par excellence de Venise, l’érudit et pénétrant critique d’art qui a passé sa vie à consulter ses archives, à étudier ses monumens et ses mœurs aux différens âges, qui a décrit les périodes les plus glorieuses de la Sérénissime République, — et l’année dernière publiait sur Carpaccio, sur le peintre de la Légende de sainte Ursule l’étude la plus complète et la plus exacte, M. Pompeo Molmenti, apprécie, dans son ouvrage, un autre grand artiste vénitien, Jean-Baptiste Tiepolo, sa vie, son œuvre, et son temps[33] : les deux maîtres qui représentent l’art vénitien à son aurore et à son couchant. Le talent du peintre de la Légende de sainte Ursule brille dans tout son éclat dans les dix premières années du Cinquecento, celui de Tiepolo au milieu du XVIIe siècle, à une époque qui est pour l’Italie une époque de décadence : déclin de la vie publique, corruption des mœurs, indigence des arts. L’un est comme l’antithèse de l’autre. « Celui-là est toute tranquillité ; celui-ci tout mouvement. Le premier est ingénu, le second licencieux. » Et cependant, ils se rapprochent sur ce point que tous deux savent unir en une admirable harmonie les qualités de l’École vénitienne, la sensualité païenne à la magnificence aristocratique.

C’est sur la période obscure des origines et de la formation de Tiepolo que les recherches érudites de M. Molmenti ont apporté la lumière. Après un long discrédit, la réhabilitation est venue pour Tiepolo. L’exposition de ses œuvres à l’occasion du deuxième centenaire de sa naissance, exposition ouverte à l’Académie de Venise, en mai 1898, et à Wurzbourg, — où ses fresques décorent le palais des princes-évêques, — avait établi l’injustice de cet oubli. Mieux encore que M. Ricci, qui avait déjà noté les leçons que Tiepolo a reçues et les influences qu’il a subies, M. Molmenti a montré en quelle estime doit être tenu celui que de son temps on appelait « le prince des peintres, » et il nous le fait voir sous un aspect tout nouveau. Les œuvres ne manquent pas pour cette étude. « Au déclin du XVIIe, dit le savant biographe, entre les souvenirs récens de gloire et de conquête et les présages de décadence, — flux et reflux éternels de l’histoire, — la vie à Venise n’est qu’une suite de violences et de contradictions qui se manifestent dans l’art et dans les mœurs. A la mort de Tintoret (1591), les successeurs du grand artiste sont incapables de continuer l’œuvre magnifique qui s’était déroulée sans interruption pendant deux siècles, des Madones de Jacques Bellini au Miracle de Saint-Marc de Jacques Tintoret. »

« Venise au XVIIe siècle est une île enchantée, une abbaye de Thélème, une grève rose au pays de Tempe ; la claire et folle cité des mascarades, des sérénades, des travestissemens, des divertissemens, des embarquemens pour Cythère.

« Au XVIIIe siècle tout ce qui a du temps et de l’argent à perdre accourt à Venise comme à la cité de l’univers où l’on s’amuse, Venise est la Cosmopolis du plaisir, Venise est le caravansérail de la fête. Et Venise est cette étrange hôtellerie de Candide où l’élève de Pangloss, dînant un soir en compagnie de six étrangers, s’aperçut à sa grande surprise que tous étaient rois : « Messieurs, leur dit-il, voilà une singulière plaisanterie. Pourquoi êtes-vous tous rois ? Pour moi, je vous avoue que ni moi, ni Martin nous ne le sommes[34]. »

Cependant Tiepolo s’efforce de ressusciter les temps splendides du XVIe siècle. Mais cette intime correspondance entre la vie extérieure et le génie de l’artiste, — qui est une des conditions nécessaires pour susciter les belles œuvres d’art et dont on peut retrouver et admirer l’image fidèle dans les Cènes où Paul Véronèse amuse les yeux des plus fastueux spectacles, étale avec un luxe incomparable les élégances de la vie, cette glorieuse magnificence des maîtres de la mer, des patriciens de la République offrant des banquets aux rois, — ne le soutenait plus. Malgré tout, triomphant des obstacles, il sut, dans une certaine mesure, rendre à l’art vénitien, après un sommeil deux fois séculaire, quelque chose de sa grandeur et de son éclat. M. Molmenti nous fait parcourir toutes les étapes de la vie de Tiepolo, nous introduit dans le milieu où se forma son talent, établit l’origine et la valeur de ses peintures dans les nombreux chapitres sur l’art vénitien au temps de l’artiste, sur son œuvre à Venise et en Vénétie, en Lombardie, en Allemagne, en Espagne ; il montre la nature et le caractère de son art, l’influence qu’il exerça en France, en Allemagne, en Autriche, en appuyant son commentaire sur la représentation des tableaux ou des fresques les plus célèbres, dans 254 planches, dont beaucoup jusqu’ici étaient restées inédites, et l’on ne sait ce que l’on doit le plus admirer de la solidité de son information ou de la sûreté de son jugement.

C’est également un très bel ouvrage d’art que La Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ[35]avec les soixante superbes reproductions d’après les chefs-d’œuvre de la peinture et de la sculpture accompagnées d’un savant commentaire liturgique, artistique et littéraire, par le P. Raymond Louis, MM. André Pératé et Amand Rastoul.

L’esthétique et l’histoire occupent, on le voit, la plus large place dans les publications de cette année. Nous possédons des réflexions d’un peintre sur un autre peintre, des biographies d’artistes qui ont disserté sur leur art. Aucun n’a produit un ouvrage définitif et qui puisse servir à tous, si ce n’est Léonard de Vinci. Le seul livre qui enseigne à bien peindre c’est son Traité de la Peinture[36]. M. Péladan, pour la première fois, en a fait une traduction en français sur le Codex Vaticanus (Urbinas) 1270, complétée par de nombreux fragmens tirés des manuscrits du maître, et accompagnée de commentaires.

La Table et le Repas à travers les siècles[37]disent aussi à leur manière les mœurs d’un temps et d’un peuple. De toutes les questions qui se rapportent à la civilisation domestique, l’histoire de la cuisine, qui a suivi les évolutions du goût, est une des plus curieuses. M. le vicomte Georges d’Avenel a montré naguère ici même quelle place l’alimentation a tenue au moyen âge et au XVIIe siècle, et comment elle est liée aux questions économiques et sociales. L’ouvrage de M. Armand Lebault a pour objet l’étude des mœurs gastronomiques des peuples depuis les origines de l’humanité jusqu’à nos jours. Une abondante illustration, choisie dans le domaine purement artistique ou archéologique, forme le meilleur commentaire de ce curieux ouvrage rempli de faits et d’anecdotes piquantes. On peut ajouter qu’il ne manque pas d’actualité au moment où l’on parle d’élever une statue à l’auteur de la Physiologie du goût, représentatif du Français qui savait manger et bien manger, tranquillement et sans être mené au rythme des tziganes, à Brillat-Savarin, auquel ne manquera jamais la reconnaissance des générations, puisqu’elle est ici celle de l’estomac.

Ceux qui veulent se mettre au courant des progrès accomplis dans le domaine de la science et qui se succèdent avec une telle rapidité que, d’une année à l’autre, on a peine à les suivre dans les recueils spéciaux, comme la Science au XXe siècle[38], voudront lire la Route de l’air[39]de M. Alphonse Berget, sorte d’introduction à l’étude de l’aéronautique, où se trouvent clairement et méthodiquement résumés, sur une question qui passionne le monde entier, les principes de la navigation aérienne sous ses deux formes les plus récentes : le dirigeable et l’aéroplane, l’aérostation par ballons libres étant en quelque sorte entrée dans l’histoire du passé. Tout en restant élémentaire, l’étude de M. Berget est complète : elle suffit à donner une idée exacte de l’état actuel de la locomotion aérienne et permettra aux jeunes gens d’apprécier toutes les tentatives nouvelles à mesure qu’elles se produiront dans cette science et cet art si français de l’aéronautique. Montgolfier n’en fut-il pas le créateur ? — la tentative du savant moine portugais Bartholomeu de Gusmao, le « Voador, » qui réussit un premier vol, le 8 août 1709, devant le roi Jean V de Portugal et toute la Cour assemblée, n’ayant pas eu de suite, — et l’aviation ne fut-elle pas pratiquée à l’intervalle de plus d’un siècle, par deux Français encore : Blanchard, Blériot, les premiers qui passèrent au-dessus du bras de mer entre l’Angleterre et le continent. Blanchard, le « Don Quichotte de la Manche, » avec un ballon sphérique traversa le Pas de Calais, le 7 janvier 1782, comme Blériot devait le franchir, le 25 juillet 1909, avec son aéroplane, véritable oiseau planeur.

M. Lucien Fournier, dans Télégraphes et Téléphones[40], résume dans son ensemble l’histoire de la télécommunication durant le siècle écoulé, de Chappe à M. Branly, — de la télégraphie aérienne par signaux à la télégraphie électrique, puis à la téléphonie, et enfin à la télégraphie sans fil, dont le rôle civilisateur et humanitaire est illimité dans l’avenir, puisque, grâce à elle, tous les navires qui sillonnent les mers seront en relation constante avec la terre et pourront naviguer avec moins d’insécurité. Cette découverte intéresse avant tout notre Marine de Guerre[41], — les dernières expériences faites sur la « Vérité » et la « Justice » l’ont prouvé, — nos marins, leur vie dans nos ports, sur nos escadres et dans nos divisions navales, dont M. A. Sauvaire Jourdan a tracé un tableau suggestif, agréablement coloré. Il a pris à tâche de faire mieux connaître la carrière maritime, en donnant une description détaillée des types distincts de notre flotte, un exposé de leur mise en œuvre dans les exercices préparatoires à l’utilisation contre l’ennemi et en faisant ressortir la grandeur de son rôle et sa noblesse, qui convient si bien à une nation comme la nôtre.

La télégraphie sans fil facilitera également des expéditions aussi aventureuses que celles dont M. le docteur Jean Charcot vient de rendre compte à la Sorbonne. Sa seconde campagne dans l’Antarctique sur le « Pourquoi pas ? »[42]complète celle du « Français » au Pôle Sud. Son journal de la deuxième expédition, suivi des rapports des membres de l’État-major, raconte les péripéties de la rude existence des explorateurs des régions polaires, des dangers courus par eux à la découverte de l’inconnu.

C’est encore une énigme troublante que nous offre l’origine des Races humaines[43]et la variété infinie de leurs caractères, — du Nègre bestial à la Blanche délicate, du monstre informe à la plus esthétique beauté, que n’arrivent pas à déformer ou à enlaidir les Modes féminines[44]les plus extravagantes de notre siècle.

En Chine. Choses vues, — de J.-R. Chitty[45], traduit de l’anglais avec les planches photographiques très variées, — contient des détails piquans sur la vie intime, artistique, littéraire et religieuse de l’Empire du Milieu.

Le livre de M. G. Millochau : de la Terre aux Astres[46], sera lu avec plaisir par ceux qui s’intéressent aux sublimes mystères de l’astronomie ; ils y trouveront simplement expliqués les mouvemens des corps célestes, leur position relative dans L’ensemble de l’Univers, dont l’ordre n’est pas moins parfait dans l’infiniment grand que dans les infiniment petits. Sur ceux-ci, les phénomènes de la Vie des insectes observés par M. Fabre[47], pour se passer sur la terre et sous nos yeux, n’exciteront pas moins la curiosité et la méditation.

Après avoir lu la Route de l’air, les amateurs de livres où l’élément scientifique se mêle à l’étude de la nature, dans le monde imaginaire qui n’est désormais plus guère séparé du monde réel, tous deux, à de certains points, se touchant de si près qu’ils paraissent se confondre, les amateurs de livres qui donnent des enseignemens présentés avec savoir et agrément, ne sauraient les trouver dans de meilleurs ouvrages, dans des récits plus attachans que ceux de M. Paul d’Ivoi : l’Aéroplane fantôme[48], le Fulgur[49]de Paul de Semant, les Hommes de l’air[50], de M. Hugues Le Roux, les Aventuriers de l’air[51]de M. Louis Boussenard, les Conquérans de l’air[52]de M. Georges de Lys, l’Alerte[53]du commandant Danrit, les Derniers Flibustiers[54]de M. E. Salgari, le Secret de l’Indien[55]de M. Léon Berthaut, tous ces romans où le conteur conduit son héros, à travers l’espace, dans les péripéties les plus dramatiques.

Mais si l’on veut se tenir au courant des voyages de découverte, de tout ce qui intéresse les progrès de la géographie, la colonisation, les peuples de tous les pays, il faut toujours revenir au Tour du Monde[56], où l’on trouvera, cette année, les souvenirs relatifs à Sophia, une jeune Capitale qui grandit[57], de M. L. Cauchy, une visite au Monténégro et en Albanie[58], de M. le baron Jehan de Witte, Sites délaissés d’Orient[59], du comte J. de Kergorlay, et les relations de M. Charles Berchon, du commandant Lunet de Lajonquière, de M. P. Privat-Deschanel, Six mois à Cuba[60] ; de Saigon à Singapour[61] ; en Australie[62].

Ceux qui aiment les récits de chasses réglées et d’aventures où l’on mène grand bruit à la poursuite de bêtes méthodiquement traquées pourront suivre le président Roosevelt dans ses Chasses en Afrique[63] ; — franchir l’Est africain anglais, en parcourant Grand gibier et Terres inconnues[64], de M. de Bary et son ami M. J. Lefebvre, qui, tous deux ont chassé les grands fauves et se sont heurtés à des tribus hostiles, à des anthropophages, ce qui, en attendant que Latham en Californie, tue les buffalos du haut de son aéroplane, est le comble du succès en ce genre. Quatre-vingts gravures d’après des instantanés illustrent leur narration. Ils ne sont pas les seuls dans ce sport. Après avoir parcouru la Nouvelle-Zélande et l’Australie, et s’être engagé, à la suite de Stanley, dans les ténèbres de l’Afrique Australe[65], M. Herbert Ward, qui y vécut plusieurs années, en a rapporté une collection de types : pirates de la brousse, trafiquans de chair humaine, chasseurs d’ivoire, pygmées perchés sur les arbres, gnomes humains aux origines mystérieuses, des scènes effroyables de cannibalisme représentées dans des croquis saisissans. M. A. Radclyffe Dugmore, qui fut lui aussi un grand tueur de fauves, au lieu de les massacrer, se contente aujourd’hui de s’approcher d’eux à quelques mètres de distance, afin de prendre leur portrait, de jour et de nuit, au rapide éclair du magnésium. De cette forme nouvelle et inattendue de la chasse, — non moins dangereuse que l’autre, — il nous donne les vivans trophées dans les innombrables clichés qui nous permettent d’admirer les Grands fauves de l’Afrique[66], dans toute leur puissance et leur liberté.

Quoique les romans d’aventures et de voyages, vrais ou inventés, fassent quelque tort aux récits d’imagination, où la moralité n’exclut pas l’agrément, et dont quelques-uns sont relevés par le charme du style, nous n’avons pas besoin de faire ressortir, parmi ces derniers, — à côté de la même série qui comprend ceux de MM. Bourget et Bazin, publiés par la maison Mame, — la Petite Mademoiselle[67], de M. Henry Bordeaux, — Légendes de Noël, Contes historiques[68], de M. G. Lenotre, — la Fiancée de Brumaire[69]de M. Jean Drault ; — Frivole, par M. Jacques des Gachons, — La Marseillaise[70], de M. H. de Charlieu ; — l’Enfant de la Mine[71], de Mme Augusta Lalouche, — les Romans de la Jeunesse[72], choix de contes de Pech, H. de Brisay, L. Stevenson, A. Perronnet ; — le Petit jockey de Lauzun[73], de J. Chancel, avec les illustrations de R. de la Nézière, — les Enfans de la Rochette[74], les Œuvres choisies de Brizeux[75]l’Enfant vainqueur[76], de M. Ernest Daudet. Dans cette littérature spéciale qui, par l’organe de ses revues, le Saint Nicolas[77], le Journal de la Jeunesse[78], Mon Journal[79], s’adresse aux jeunes lecteurs, où tout a sa place, la légende, l’histoire et la fantaisie, qui réunit tous les contrastes, citons encore Petit Poète et Grand Roi[80]de M. Charles Géniaux ; le Charmeur de serpens[81], de L. Rousselet ; — la Famille Kerdalec au Soudan[82], de M. F. Decourt ; — les Douze filles de la reine Mab[83], de Jérôme Doucet ; — la Petite Marquise[84], de Mme Cremnitz ; — les Contes populaires de la vieille Russie[85], du contre-amiral d’Abnour ; — les Plus beaux contes de tous les pays[86]réunis par Mme Hourticq ; — Ma Petite belle-sœur[87], de Roger Dombre, Au Pair[88], par H. Celarié.

Parmi les récits qui auront toujours les suffrages de la jeunesse, il faudrait nommer tous ceux que publie le Magasin d’éducation[89], fidèle au programme de son fondateur, et qui en continue d’autant mieux la tradition que ce sont toujours les mêmes auteurs que l’on y retrouve, Stahl, Th. Bentzon, Jules Verne, se survivant dans leur œuvre, quand celle-ci ne se poursuit pas alors même qu’ils ne sont plus. On retrouvera cette année le créateur de l’adaptation étrangère dans ces œuvres depuis si longtemps appréciées : Les Patins d’argent. l’Histoire d’une famille américaine, les Quatre peurs de notre général[90], Jules Verne, lui aussi, dans le Secret de Wilhelm Storitz[91]. Comme nouveauté, signalons : En droite ligne[92], par M. Pierre Perrault.

Une mention spéciale doit être réservée aux publications de la Bibliothèque Larousse, à l’Histoire de France illustrée[93], aujourd’hui complète en deux magnifiques volumes d’une belle impression, remarquable par le choix et l’exécution des gravures, des planches et des cartes en couleurs, à la jolie collection de chefs-d’œuvre de la littérature française, illustrée de belles gravures, et qui vient de s’enrichir de quatre volumes : Œuvres choisies de Bossuet[94], — Anthologie des écrivains du XVIIe siècle, poésie et prose[95], — Œuvres choisies de Chateaubriand, — la Chartreuse de Parme, de Stendhal[96]. En tête des albums à la fois les mieux illustrés, des récits préférés, on ne saurait manquer de signaler Clown[97], où Vimar n’a jamais déployé plus de verve dans ses compositions d’une individualité si tranchée, — les célèbres Contes de fées[98], de Mme d’Aulnoy et de Mme Leprince de Beaumont, avec les dessins pittoresques de M. Henry Morin.

Pour ceux qui aiment les choses militaires, que de souvenirs évoquera l’Epopée française[99]de M. Georges d’Esparbès, qui se déroule à travers les règnes de nos plus grands rois, puis durant la Révolution, l’Empire, la Restauration. Et dans la magnifique et glorieuse Épopée impériale[100], s’il est un héros qui se détache entre tous, qui la domine de toute sa puissance et de toute sa gloire, c’est Napoléon lui-même, dont M. Jules Mazé retrace les principaux faits, les triomphes et les revers, depuis l’enfance en Corse jusqu’au martyre de Sainte-Hélène. C’est encore Lui, toujours Lui, dont la grande et impassible figure apparaît à chaque page de l’album de MM. Montorgueil et Job, sur Bonaparte, — en attendant Napoléon, — et qui manquait à la belle collection historique de la Librairie Boivin.

C’est bien l’homme de la Destinée, elle lui a dit ses secrets :


Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,


Et l’on ne pouvait mieux marquer les phases successives de ces commencemens du plus grand des capitaines, que ne l’ont fait l’écrivain et le peintre, en une union étroite, dans ce récit animé d’un bout à l’autre d’un souffle de patriotisme, où passent un frisson d’enthousiasme au bruit de la mitraille, le rayon de la gloire, les sourires de la fortune, l’étincelle d’une épée qui flamboie, dans les illustrations en couleurs ou monochromes de Job, d’une fantaisie charmante, d’un caractère simple, noble et grave, et toujours si bien approprié au texte.

Dans cette course triomphale de quelques mois où, comme l’a dit Albert Vandal, « il avait fallu Marengo pour compléter Brumaire, » ce sont surtout les actes d’héroïsme qui servent de motifs à ces planches destinées à frapper les jeunes imaginations, dont l’enthousiasme suivra Bonaparte, comme elles ont déjà suivi naguère François Ier, Henri IV, Louis XI, le Roy Soleil, Richelieu, et La Tour d’Auvergne, dans tours irrésistibles élans.


Egregios cumulare libros, præclara supellex,
Ast unum utilius volvere sæpe librurn.


J. BERTRAND.

  1. Armand Colin.
  2. Flammarion.
  3. Librairie centrale d’art et d’architecture.
  4. H. Laurens.
  5. H. Laurens.
  6. H. Laurens.
  7. H. Laurens.
  8. Edouard Schuré, Revue du 1er août 1890.
  9. Ernest Flammarion.
  10. H. Laurens.
  11. H. Laurens.
  12. Camille Enlart, Manuel d’archéologie française, t. II.
  13. H. Laurens.
  14. H. Laurens.
  15. Marius Vachon.
  16. H. Laurens.
  17. H. Laurens.
  18. Armand Colins.
  19. Librairie centrale d’art et d’architecture.
  20. Plon.
  21. Hachette.
  22. H. Laurens.
  23. H. Laurens.
  24. H. Laurens.
  25. H. Laurens.
  26. H. Laurens.
  27. H. Laurens.
  28. H. Laurens.
  29. H. Laurens.
  30. H. Laurens.
  31. Ernest Flammarion.
  32. Hachette.
  33. Hachette.
  34. Philippe Monnier, 1 v. Perrin et Cie.
  35. André Marty.
  36. Ch. Delagrave.
  37. Lucien Laveur.
  38. Ch. Delagrave.
  39. Hachette.
  40. Félix Juven.
  41. Librairie Vuibert.
  42. Flammarion.
  43. Hachette.
  44. Flammarion.
  45. Vuibert.
  46. Ch. Delagrave.
  47. Ch. Delagrave.
  48. Boivin.
  49. Flammarion.
  50. Félix Juven.
  51. Jules Tallandier.
  52. Alfred Mame.
  53. Flammarion.
  54. Ch. Delagrave.
  55. Mame.
  56. Hachette.
  57. Hachette.
  58. Hachette.
  59. Hachette.
  60. Hachette.
  61. Hachette.
  62. Hachette.
  63. Hachette.
  64. Plon.
  65. Plon.
  66. Hachette.
  67. Roger et F. Chernoviz.
  68. Félix Juven.
  69. Mame.
  70. Hachette.
  71. Ch. Delagrave.
  72. Félix Juven.
  73. Ch. Delagrave.
  74. Ch. Delagrave.
  75. Ch. Delagrave.
  76. Roger et Chernoviz.
  77. Delagrave.
  78. Hachette.
  79. Hachette.
  80. Hachette.
  81. Hachette.
  82. Vuibert.
  83. Hachette.
  84. Félix Juven.
  85. Ch. Delagrave.
  86. Hachette.
  87. Armand Colin.
  88. Armand Colin.
  89. Hetzel.
  90. Hetzel.
  91. Hetzel.
  92. Hetzel.
  93. Larousse.
  94. Larousse.
  95. Larousse.
  96. Larousse.
  97. H. Laurens.
  98. H. Laurens.
  99. Delagrave.
  100. Alfred Mame.