Les Juifs sous la domination grecque

Les Juifs sous la domination grecque
Ernest Renan

Revue des Deux Mondes tome 116, 1893


LES JUIFS
SOUS
LA DOMINATION GRECQUE

LUTTE EN PALESTINE POUR L’HELLÉNISME. — ANTIOCHUS ÉPIPHANE. — PERSÉCUTION D’ANTIOCHUS. — L’ABOMINATION DE LA DÉSOLATION. — NÉCESSITÉ ÉVIDENTE DES RÉCOMPENSES D’OUTRE-TOMBE.


I

Vers 175 avant Jésus-Christ, la Victoire de l’hellénisme, dans tout le monde oriental de la Méditerranée, est un fait accompli. Seul, le judaïsme de Palestine résiste obstinément. Ici même, l’engouement des modes grecques est profond ; tous les élémens légers et mobiles, jeunes et intelligens se tournent vers le soleil qui va éclairer le monde. Mais un vieux parti, exclusivement admirateur de la Thora, hostile au rationalisme grec, se raidit plus que jamais. Nous verrons ce parti l’emporter et faire du peuple juif un unicum dans l’histoire. L’Egypte, la Phénicie, la Syrie, l’Asie-Mineure, l’Italie, même Carthage, l’Arménie et l’Assyrie, dans une assez forte proportion, s’hellénisèrent ; seule la Palestine opposa un non résolu à cette grande séduction. Elle continua à parler un idiome sémitique, à penser en sémitique. Elle ne participa à la science grecque que dans une mesure très restreinte. Elle ne sut rien de cette littérature qui faisait délirer toutes les parties éclairées de l’humanité ; elle ignora le canon suprême de la raison et de la beauté qui venait d’être fixé.

La vie grecque se composait de quelques pièces indispensables, d’une sorte de discipline extérieure exigeant des établissemens publics et, à certaines heures, une activité en commun, une éphébie pour la jeunesse, un théâtre pour les affaires publiques et la culture littéraire, des bains, un gymnase et un xyste pour les exercices du corps. Le soin de sa personne était l’essentiel de la vie d’un Grec. Certes la propreté et l’hygiène tiennent une place considérable dans la vie d’un Oriental qui se respecte (Juif de l’ancienne école ou musulman) ; mais la pédagogie grecque avait de bien autres exigences. Les luttes et les exercices factices de la gymnastique sont antipathiques aux Orientaux. Les nudités qu’entraînait la palestre grecque les choquaient. Ils y voyaient un acheminement à des vices contre lesquels, malheureusement, la Grèce ne prenait pas assez de précautions[1]. La circoncision était souvent, au gymnase, un objet de raillerie[2]. L’émulation que ces jeux entretenaient paraissait aux Israélites zélés une mauvaise chose, et autant d’enlevé au sentiment des gloires nationales[3].

La ville de Jérusalem se partageait ainsi en deux camps. Une moitié, affolée du désir d’imiter les usages grecs, ne négligeait rien pour gréciser ses allures, son costume, son langage. À ce parti grécomane, s’opposaient les gens pieux, à idées bornées, ceux qu’on appelait les hasidim, hostiles même à ce que la civilisation grecque avait d’excellent, n’écrivant qu’en hébreu ou en araméen et dans les cadres de l’ancienne littérature. Cette division profonde répondait à une autre, plus profonde encore. La majorité de la communauté juive était fervente ; mais il y avait aussi dans son sein beaucoup de tièdes, beaucoup de gens à peine juifs, ennemis de ce que le genre de vie selon la Thora avait d’étroit. Ce groupe indévot était une proie tout offerte à une propagande venant du dehors, surtout quand tous les courans du moment poussaient dans le même sens. Les hasidim, de leur côté, formaient une coterie, une « synagogue » tout à part[4].

La Thora exécutée comme une loi par une autorité civile juive devait faire quelque chose d’intolérable, et cela est tout simple, ce code étant une œuvre d’utopistes, de théoriciens d’une société idéale, non un droit coutumier formulé, réformé. On le vit bien sous les Asmonéens, quand le pouvoir de la nation appartint réellement à des Juifs. Au temps où nous sommes arrivés, il n’en était pas tout à fait ainsi ; mais peu s’en fallait. Les gouvernans perses et grecs se souciaient médiocrement des affaires de toutes ces communautés, si bien qu’elles devenaient des petits États tyranniques. Les choses se passaient comme dans les communautés de raïas de l’empire ottoman, où l’individu est sous le pouvoir absolu de son clergé. Un Juif pieux était donc régi par la Thora juive, admirable pour ses aspirations sociales, mais qui constituait à peu près le plus mauvais code qu’il y ait jamais eu. Cela faisait des situations impossibles. Il n’est pas surprenant que le droit grec, qui était, comme le droit romain, purement rationnel, offrît, selon plusieurs, pour sortir de ces impasses, une porte tout ouverte.

Ni les Lagides qui ne pratiquèrent jamais le compelle intrare pour l’hellénisme, ni Antiochus le Grand et son successeur, qui furent tolérans, n’essayèrent d’intervenir dans ce foyer brûlant, pour exercer une influence au profit de l’un ou l’autre des deux partis. Il n’en fut plus de même quand le trône vint à être occupé par Antiochus dit Épiphane[5], esprit brouillon, sans tenue, libéral par momens, violent toujours, et qui gâtait les meilleures causes par ses intempérances et son manque de jugement. Les Juifs, prévenus peut-être, lui trouvaient le visage hautain, l’air farouche, le cœur tellement dur que rien de ce qui touche l’homme, ni les femmes ni la religion, ne pouvait le fléchir. Selon eux, il n’était pétri que d’orgueil et de fraude[6]. Son manque de dignité, ses actes de polisson débauché n’auraient pas eu grande conséquence, s’il n’eût compromis son autorité en des entreprises sans issue, où les plus tristes déconvenues l’attendaient. Il aimait la Grèce, et il s’envisageait comme le représentant de l’esprit hellénique en Orient. Le Dieu qui était l’objet de ses prédilections et dont il se regardait comme obligé de promouvoir le culte était ce majestueux Jupiter Olympien[7], qu’on sert mieux par le calme de la raison que par des empressemens inconsidérés. Ce qu’il comprenait le moins, c’était le pays où il régnait, pays de profondes diversités politiques et religieuses, et où l’on ne pouvait établir une centralisation qu’en respectant hautement les cultes locaux qui étaient ici l’équivalent de ce que furent ailleurs municipalité et patrie. Il commit la faute la plus grave que puisse commettre un souverain, qui est de s’occuper de la religion de ses sujets.

Il était fort intelligent, généreux, porté au grand[8], et il fit d’Antioche un centre très brillant, bien que non comparable à Alexandrie pour les sciences et les lettres sérieuses. Il fut en quelque sorte le second fondateur de cette ville, qui jusque-là n’avait pas pris de grands développemens. Antioche devint un des points rayonnans les plus actifs de l’hellénisme. La tentation devait être forte de faire régner cette haute civilisation rationnelle sur des pays qui n’avaient connu jusque-là que des cultures inférieures, sur des religions qui portaient presque toutes une tare de superstition ou de fanatisme. On peut dire que, si Antiochus le Grand n’avait pas rattaché la Palestine à l’empire séleucide, l’entreprise d’Épiphane, se bornant alors à helléniser le nord de la Syrie, eût réussi. Mais le judaïsme présenta une opposition invincible. En l’attaquant, Épiphane s’attaqua à un roc. Il ne se contenta pas, en effet, de refréner les excès du fanatisme, de garantir la liberté des dissidens, de faire régner sur tous les cultes une loi civile égale. Il voulut vraiment supprimer le judaïsme, forcer les Juifs à des actes qu’ils tenaient pour idolâtriques[9]. On l’a comparé à Joseph II ; la comparaison n’est pas exacte ; car Joseph II ne fit que maintenir les droits de l’État laïque au milieu des prétentions exagérées de la théocratie. Épiphane fut véritablement un persécuteur, et, comme son caractère manquait d’équilibre, la résistance le poussa jusqu’à la folie. Ses contemporains, jouant sur son épithète royale, l’appelèrent Épimane. Il semble, en effet, qu’il arriva, par momens, à des accès de folie caractérisés.

C’est ici la première persécution dont la théocratie sortie des prophètes juifs fut l’objet. Antiochus obéit au même principe que les empereurs romains, souvent les meilleurs, moins excusable, en ce que le judaïsme était limité à un pays, tandis que le christianisme était un mal général qui minait l’empire. Ce feu roulant de plaintes réciproques entre l’État et l’Église ne cessera plus jusqu’à nos jours. Il y a contradiction, en effet, entre une société se prétendant fondée sur une révélation divine et la large société humaine ne connaissant que les liens du droit et de la raison. Marc-Aurèle, qui était un autre homme qu’Antiochus Épiphane, persécuta comme lui la théocratie. L’excuse de ces hommes considérables est que la théocratie, quand elle fut maîtresse, persécuta ses adversaires bien plus cruellement encore que ses adversaires ne l’avaient persécutée. Antiochus, avant d’arriver au trône, avait passé sa jeunesse à Rome comme otage. Peut-être puisa-t-il dans l’intimité des grandes familles romaines, où il s’était formé, cet absolu dans les idées et ce mépris des religions autres que les superstitions nationales, qui plus tard devait faire de l’empire romain le pire ennemi de toute théocratie.


II

Dès son avènement (175 avant J.-C), Antiochus se montra mal disposé pour les Juifs, au moins pour les Juifs piétistes ou hasidim. Tous les emplois étaient réservés aux Juifs libéraux, dont plusieurs, pour se rendre agréables au roi, renoncèrent à leur religion et se firent adorateurs de Jupiter Olympien. Ces apostasies furent nombreuses[10]. Le renégat devenait l’objet de toutes les faveurs ; les places, les emplois lucratifs étaient pour lui[11]. La circoncision restait, de son vieil état, un souvenir pénible, qui l’exposait dans les lieux publics à des observations désobligeantes. Il y remédiait par une opération douloureuse que Celse a décrite[12]. À partir de ce moment, le renégat prenait un air crâne, se promenait partout en costume grec, s’attachait à réaliser en tout le type d’un Grec accompli, n’avait que du mépris pour les usages mosaïques et pour ses coreligionnaires arriérés.

On conçoit l’horreur et la douleur que l’Hiérosolymite fidèle éprouvait à la vue d’un pareil être, souvent affublé de titres officiels et largement rétribué pour son apostasie. De jour en jour, l’épidémie d’hellénisme sévissait ; les modes d’Antioche se propageaient comme par enchantement ; dans la ville, la majorité était gagnée aux nouveautés[13]. L’avènement d’Antiochus, dont on connaissait probablement les idées, donna au parti grec une force invincible. Le grand-prètre Onias III était le chef de la résistance ; c’était un homme pieux et ferme, qui, sous Séleucus Philopator, avait défendu énergiquement le trésor du temple[14] ; son frère Jésus, qui, selon la mode des hellénisans, se faisait appeler Jason, était à la tête du parti grec. L’effort de ce parti consista dès lors à faire destituer Onias pour mettre en sa place Jason. Ce dernier fit au roi d’énormes promesses d’argent. Il s’engagea, en outre, à travailler de toutes ses forces à l’hellénisation de Jérusalem, en particulier à y faire bâtir un gymnase et une éphébie. Les habitans de Jérusalem devaient être inscrits comme Antiochéniens et considérés comme citoyens d’Antioche. Antiochus agréa ces propositions. Onias fut donc déposé et Jason mis en sa place[15]. L’hellénisation alors fut poussée à outrance. Le gymnase fut bâti ; la jeunesse y afflua ; on vit des prêtres abandonner leur service à l’autel pour aller s’exercer à la palestre. Ce fut une vraie fièvre d’innovation et de transformation ; chacun fut occupé à dissimuler sa circoncision, à se donner la tournure d’un Grec. Jamais la destinée d’Israël ne courut plus de dangers qu’à cette heure néfaste (vers 172 avant J.-C). Un effort de plus, la Bible hébraïque était perdue, la religion juive effacée pour jamais.

Jason ne se laissait arrêter par aucun scrupule. L’année où tombèrent les fêtes quinquennales de Melkarth à Tyr, il envoya un riche cadeau, pour faire montre de largeur et de générosité ; les porteurs de ce cadeau furent plus timorés que le grand-prêtre. Ils remirent l’argent ; mais ils s’arrangèrent de manière qu’il ne reçût pas un emploi directement liturgique.

Jason ne garda le pouvoir que trois ans. Un certain Onias, qui se faisait appeler Mènélas, et qui est parfois présenté comme frère de Jason[16], le supplanta (171), en promettant à Antiochus des sommes d’argent encore plus fortes. Pour payer cette espèce de tribut, il s’empara des trésors du temple et commit toutes sortes de crimes[17]. Le vieux grand-prêtre Onias III s’était retiré à Daphné, près d’Antioche ; c’était un homme droit et d’une grande indépendance de paroles ; Ménélas le fit assassiner. Ainsi périt le dernier grand-prêtre sadokite. Depuis le retour de la captivité de Babylone, on n’avait pas pris un seul grand-prêtre hors de la race de Séraïah.

Jason, quoique déposé, continuait ses menées. Ce fut entre ces deux scélérats une sorte de rivalité pour savoir qui ferait le plus de mal à son pays. On ne saisit pas bien le fil de toutes ces intrigues. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’en 170 Antiochus, revenant d’une de ses expéditions d’Egypte, entra dans Jérusalem, y fit couler des flots de sang, et, guidé dans ses méfaits par l’odieux Ménélas, pilla le temple, dont il emporta à Antioche les objets les plus précieux[18].

La situation était horrible ; tout sentiment de moralité paraissait détruit ; Dieu vraiment semblait avoir totalement détourné sa face de dessus son peuple. Et cependant, l’on vit pis encore. En 168, Antiochus fit en Égypte une nouvelle expédition brusquement arrêtée par le cercle de Popilius Laenas. Il reprit furieux la route du Nord ; toute sa rage tomba sur Jérusalem[19]. Peut-être les accointances, déjà sensibles, des Juifs conservateurs avec les Romains furent-elles la cause secrète de cette volte-face, inintelligible au premier coup d’oeil. Cette fois, c’est une abolition complète du judaïsme qu’il voulait. Le moyen d’exécution était clair et radical. Il consistait à chasser l’ancienne population, et à la remplacer par une colonie grecque ou hellénisante[20]. Rien n’était plus ordinaire à cette époque que de pareilles substitutions. Presque toutes les villes macédoniennes de Syrie devaient leur origine à un Veteres migrate coloni plus ou moins brutal. Nous verrons bientôt les Juifs pratiquer les mêmes procédés[21]quand ils seront les plus forts. Antiochus chargea un de ses agens fiscaux, nommé Apollonius, de l’exécution de ces mesures. Beaucoup de Juifs quittèrent la ville ; beaucoup restèrent et furent mis à mort ; leurs femmes et leurs enfans furent vendus comme esclaves. Le reste apostasia. Des païens furent amenés pour remplir les vides laissés par l’expulsion ou l’extermination de la population juive. Il y eut ainsi quelques mois et même quelques années où Jérusalem ne compta pas un seul habitant juif. Adonaï manquait outrageusement à sa parole ; toutes les promesses, toutes les prophéties étaient anéanties.

Les Syriens apparemment se fiaient peu à la nouvelle colonie qu’ils avaient amenée dans Jérusalem ; car ils firent raser les murs de la ville, qu’ils envisageaient comme un appui permanent laissé à la cause juive, et ils se firent construire, sur la colline opposée à Sion[22], une citadelle à part qu’ils appelèrent Akra, qui pût servir de fort à leur garnison et de refuge à la population hellénique, ainsi qu’aux renégats. Cette précaution ne fut pas inutile. Dans la longue lutte qui va suivre, Akra resta toujours entre les mains des Syriens ; elle ne sera conquise par les Juifs que dans vingt-six ans, en 141.

Le culte juif fut interrompu ; le sacrifice perpétuel, ou tamid, cessa. Le temple fut nécessairement transformé selon les besoins nouveaux. Le patron de la propagande syrienne était Jupiter Olympien. Jupiter Olympien fut substitué à Iahvé. L’ameublement intérieur du temple avait été pillé deux ans auparavant ; l’autel des parfums, le chandelier à sept branches, la table des pains de proposition étaient enlevés. On ne sait quelles transformations firent les païens dans le saint des saints ; les portes étaient fermées ; selon les habitudes helléniques, le grand autel devant le temple avait seul de l’importance. Là se passa un fait des plus graves. Une statue de Jupiter Olympien fut placée sur un soubassement ajouté derrière l’autel, si bien que c’était à elle que les sacrifices étaient offerts. Cette image fit aux Juifs une horreur indicible. Ils se rappelèrent la date où elle avait été érigée, le 15 kislev de l’an 145 des Séleucides, par conséquent en décembre 168 avant Jésus-Christ. Ils accumulèrent pour la désigner les mots les plus sales qu’ils purent ; ils l’appelèrent « la crotte malfaisante, » que les Grecs rendirent par βδελυχμία τῆς ἐρημώσεως, « l’abomination de la désolation, » selon le latin[23]. Le comble de l’horreur était, en effet, atteint. Iahvé était remplacé par son rival, qui, au seuil même de son temple, recevait, à sa place, la fumée des victimes. Jamais pareille abomination ne s’était vue. Nabuchodonosor avait détruit le sanctuaire ; cette fois c’était un Dieu étranger qui s’installait dans la demeure même de Iahvé et usurpait ses honneurs. O horreur !

De pareils autels à Jupiter Olympien furent élevés dans les villes juives des environs de Jérusalem. Iahvé fut poursuivi jusque dans son sanctuaire du Garizim. Là, ce fut le vocable de Zeus Xenios, qui prévalut. La population samaritaine offrit sans doute moins de résistance que la population juive ; on ne parle pas de martyrs samaritains à cette date[24].

En même temps que le culte grec était établi dans toute la Judée, le culte juif était sévèrement proscrit. La circoncision, l’observation du sabbat et des autres prescriptions juives étaient défendues sous peine de mort. La surveillance était des plus sévères. La guerre fut déclarée au livre, cause de tout le mal ; tous les exemplaires de la Thora qu’on put trouver furent détruits. Chaque mois, des inspecteurs passaient pour saisir les volumes de la Loi, pour voir si quelque cas nouveau de circoncision s’était produit. Aux bacchanales, tous étaient obligés de prendre part à la fête, couronnés de lierre[25]. L’interdiction légale du porc donnait lieu à mille taquineries. Les cours du temple devinrent le théâtre d’orgies ; les païens venaient s’y livrer à la débauche avec des courtisanes. On raconta des faits horribles, exagérés sans doute. Deux femmes furent amenées aux juges pour avoir circoncis leurs enfans ; on les leur suspendit aux mamelles ; les malheureuses furent ensuite précipitées du haut des murs. Des gens qui s’étaient retirés dans une caverne pour célébrer le sabbat se laissèrent enfumer plutôt que de faire un mouvement pour se défendre[26]. De nombreuses légendes de martyrs se formèrent. Le vieillard Éléazar qui se refuse à une fiction innocente pour sauver sa vie[27], la mère qui assiste au supplice de ses sept fils[28]et les encourage, sont le premier type de ces récits qui devaient faire la fortune du christianisme[29]. Les Actes des Martyrs, comme toutes les branches de la littérature chrétienne, ont leur racine en Israël.

L’ébranlement terrible qu’un état de choses aussi tragique dut causer dans la conscience du pauvre Israël se traduisit sans doute en prières ardentes, en élégies. La forme de l’élégie et de la prière, en Israël, c’était le psaume. Il se produisit donc sûrement des morceaux de ce genre, qui peut-être furent écrits[30]. Mais de pareils morceaux figurent-ils dans le recueil actuel des Psaumes ? C’est un des points sur lesquels il est le plus difficile de se prononcer. L’âme d’Israël n’était pas changée, mais la langue était changée, et nous croyons que des pièces composées au temps d’Antiochus ne seraient pas si difficiles à discerner des pièces classiques plus anciennes[31]. Le siècle n’était pas littéraire ; la langue était plate et abaissée. C’est dans l’ordre des sentimens et des opinions religieuses que les modifications les plus importantes se produisaient. Israël chassait sur ses vieilles ancres. Les anciennes positions n’étaient plus tenables. L’espèce d’horizon fermé qu’Israël avait eu jusque-là devant les yeux devait à tout prix être reculé. Des rêves d’infini, barrés par un mur, voilà ce qu’a fait jusqu’ici Israël. Le mur va tomber ; Israël va enseigner au monde l’immortalité qu’il a ignorée jusqu’ici et que même il n’a jamais dogmatiquement professée.


III

L’idée que la vertu doit être récompensée est la plus logique des idées qui composent l’esprit humain[32]. L’idée que la vertu est en effet récompensée est une affirmation hardie à laquelle l’Israélite se trouva mené par sa confiance absolue en la justice divine. Dieu veut le bien et le commande ; par conséquent, il le récompense. Il peut tout ; s’il abandonnait celui qui se conforme à sa volonté, il serait absurde, trompeur, auteur de l’iniquité.

Où a lieu cette récompense des justes, cette punition des méchans ? Une telle question n’aurait pas eu de sens pour l’ancien Sémite. Il n’y a pas pour l’homme d’autre vie que celle-ci. L’ancien Sémite repoussait comme chimériques toutes les formes sous lesquelles les autres peuples se représentaient la vie d’outre-tombe. Il était conduit à cela par un certain bon sens et aussi par l’image exaltée qu’il se faisait de la grandeur divine. Dieu seul est éternel ; l’homme ne vit que quelques années ; un homme immortel serait un dieu, un rival de Dieu, une impossibilité. L’homme ne prolonge un peu son existence éphémère que par ses enfans, ou, à défaut d’enfans, par un cippe (sem), qui maintient son nom dans la tribu.

Cette assertion que la vertu est récompensée ici-bas va se heurter tout d’abord à des objections insolubles. Cette assertion n’est pas vraie. Dans la réalité, en quelque âge du monde et quelque société qu’on se place, la justice distributive est fréquemment violée. Plus versés que les anciens dans les sciences sociales, nous pouvons aller plus loin et affirmer qu’il n’est pas possible qu’il en soit autrement. L’injustice est dans la nature même. Supposons la société aussi perfectionnée, la médecine aussi avancée qu’on voudra, il restera l’accident, qui n’est régi par aucune justice. Un homme meurt en voulant, par dévoûment, sauver son semblable, nul ne peut soutenir que la justice absolue du monde réel est en règle avec cet homme-là. Le vieil Israël essaya tous les sophismes pour sortir de cette impasse. Les temps très anciens se sauvaient par la justice collective. Les fils sont punis pour les crimes de leurs pères ; une société est punie pour les méfaits de quelques-uns de ses membres. Mais une telle justice est si défectueuse que les Israélites les plus orthodoxes finirent par y renoncer. Job déclare que l’homme violent, dont les enfans sont peu estimés, n’est pas puni en réalité, puisqu’il n’en sait rien dans le scheol ; c’est lui qui aurait dû voir sa propre ignominie. Ézéchiel abandonne complètement la théorie collectiviste et déclare que chacun n’est puni ou récompensé que pour ses propres actions. On se trouvait alors engagé dans des explications d’une extrême faiblesse.

Tantôt on niait le fait. Un psalmiste affirme que, dans sa longue vie, il n’a jamais vu le fils d’un homme juste chercher son pain[33]. D’autres fois, on distinguait. « C’est vrai, disaient les sages ; le juste est souvent pauvre ; mais mieux vaut le bonheur avec peu que la prospérité du méchant. Cette prospérité passe si vite ! .. » D’autres fois, on se rejetait sur les mystères de la conscience humaine, sur les péchés qu’on peut avoir commis sans le savoir. Dieu est un juge si sévère qu’il trouve de l’iniquité dans l’homme le plus vertueux en apparence. Restait la théorie de l’épreuve passagère. Dieu se plaît quelquefois à mettre ses serviteurs à l’épreuve ; mais il répare ensuite le mal qu’il leur a fait. On imagina tous les cas possibles. Job, homme parfaitement juste, est atteint de malheurs affreux ; mais Dieu lui rend au double toute sa prospérité passée : au lieu de trois mille chameaux, il en a six mille ; au lieu de sept fils, il en a quatorze ; il meurt à cent vingt ans, rassasié de jours. L’infortune de Tobie est encore plus imméritée, puisqu’elle l’atteint dans l’exercice d’une bonne action. Mais il n’a pas à se plaindre : il est guéri, il voit son fils bien marié, il éprouve la joie suprême, il voit la ruine de Ninive, l’ennemie de sa race ; il meurt dans un âge très avancé. Judith, après son acte héroïque, est récompensée par le bonheur de son peuple, par les honneurs qu’on lui rend ; elle vit aussi jusqu’à cent vingt ans.

Les vicissitudes de l’histoire d’Israël s’expliquaient de la même manière. Les calamités terribles qui l’atteignent viennent, sans doute, de ses péchés ; ce sont surtout les sévérités d’un père, qui châtie parce qu’il aime. L’avenir réserve à Israël, comme à Job, des compensations infinies. Le monde, qui appartient maintenant aux violens, lui appartiendra un jour ; les peuples qui le méprisent seront un jour à ses pieds.

Ces faibles raisonnemens calmèrent tant bien que mal, durant des siècles, la conscience inquiète d’Israël. On se contentait à peu de frais, quand il s’agissait de sauver l’honneur de Iahvé. Au fond, l’agitation de l’âme israélite était immense. L’histoire d’Israël est un effort de dix siècles pour arriver à l’idée des compensations ultérieures. Le prophète, représentant de Iahvé, est dans une lutte perpétuelle avec son Dieu, qui le compromet en des promesses qu’il ne tient pas. L’israélite pieux reproche sans cesse à Dieu de manquer à sa parole, de n’avoir de faveurs que pour ses ennemis. Quoi de plus scandaleux, en effet, si Israël était vraiment le peuple de Dieu, de le voir partout subordonné aux païens ? Toute la puissance de Iahvé était employée à tourner à leur profit le caprice des despotes païens, à leur procurer de bonnes places d’intendans chez les vainqueurs du monde. Voilà un jeu vraiment assez mesquin pour l’Éternel. Le pauvre Sirach est, à la lettre, aux abois. Un juste meurt après avoir été toujours malheureux… Il n’a que des réponses misérables : « Sait-on ce qui se passe au dernier moment ? Une heure de bonheur efface des années de souffrance ; le mal passé n’est que songe ; il n’existe plus. » Tout cela était faible assurément. Mais les temps étaient calmes ; on était riche et tranquille. Le Juif riche se regarde comme assez récompensé par la richesse ; volontiers il tient Dieu pour quitte de son paradis. Le riche n’a pas besoin d’une autre vie. Le judaïsme, d’ailleurs, au milieu de la vie attristée de l’antiquité, donnait tant de bonheur que l’on passait condamnation sur bien des obscurités.

Il n’en fut plus ainsi le jour où commença la persécution d’Antiochus. Ce jour-là, on vit les apostats récompensés et les fidèles mourir dans les plus atroces supplices pour ne pas renier la Loi. C’était vraiment par trop fort. Les explications, qui jusqu’alors avaient pu paraître un peu boiteuses devinrent tout bonnement ineptes. On continuait bien de répéter machinalement que tout cela arrivait à cause des péchés du peuple[34] . Mais c’était là une vraie rengaine. En y mettant la plus extrême bonne volonté, comment prétendre que ces justes-là avaient eu, dans la vie présente, leur récompense ? Entre le supplice et la mort, où trouver un joint pour placer leur paradis ? Le fils de Sirach lui-même eût été, en pareil cas, bien embarrassé pour placer son quart d’heure de récompense. Non, non, c’est impossible ! Le martyr n’est pas récompensé ici-bas. Il est récompensé, cela est indubitable ; donc il est récompensé dans une autre vie, dans un autre monde. Il y a une autre vie, un autre monde, où se réalisera le règne de Dieu. Les saints opprimés maintenant seront les rois de ce monde. Les martyrs qui auront contribué à le fonder ressusciteront. Les méchans sans doute ressusciteront aussi ; mais ce sera pour la vallée de Géhenne, où le ver ne meurt pas, le feu ne s’éteint pas[35]. Il y avait partage à cet égard ; selon plusieurs, le méchant ne ressuscitait pas ; sa punition, c’était le néant[36].

C’est par cette affirmation héroïque qu’Israël sortit vainqueur d’une situation sans issue. Jamais dogme ne se produisit d’une manière plus inéluctable. La croyance en la résurrection procède d’une façon si logique du développement des idées juives qu’il est tout à fait superflu d’y chercher une origine étrangère. La Perse croyait à la résurrection avant Israël, et il faut avouer que le ivre de Daniel, où figure pour la première fois le dogme juif, est rempli de traces de l’influence persane. Mais on ne se sauve pas par emprunt. Le martyr fut le véritable créateur de la croyance en la résurrection. Le voyant de Patmos n’imagine son règne de mille ans que pour les martyrs ; Daniel ne conçoit la nécessité de sa résurrection qu’à propos de martyrs. La date de cette croyance est ainsi en quelque sorte fixée. Jésus fils de Sirach, qui écrit quelques années avant la crise provoquée par Antiochus, n’en a aucune idée[37]. L’auteur de Daniel, qui écrit pendant la période d’angoisse, dit ce qui suit :

Et plusieurs de ceux qui dorment sous terre se réveilleront, ceux-ci pour la vie éternelle, ceux-là pour l’opprobre, pour l’ignominie éternelle[38].

Voilà qui est clair. Israël est parvenu au dernier aboutissant de son effort séculaire, le royaume de Dieu, synonyme de l’avenir, et la résurrection. Étranger à l’idée d’une âme distincte survivant au corps, Israël ne pouvait arriver au dogme de la survivance qu’en faisant revivre l’homme tout entier. Les âmes des justes[39]ne vont pas sans les corps des justes. L’unité de l’homme était ainsi mieux respectée qu’elle ne l’a été par beaucoup d’écoles prétendues spiritualistes. Et où ces âmes vont-elles goûter leur récompense ? Dans un paradis métaphysique que l’ennui rendrait presque aussi insupportable que l’enfer ? Non ; elles restent dans la vie, pour régner avec les saints, pour jouir du triomphe de la justice qu’elles ont amené, pour faire partie du royaume éternel, au sein d’une humanité régénérée.

Voilà l’idée qui a converti le monde. La foi à l’avenir a été fondée dans l’humanité par le peuple qui a le moins cru à l’immortalité de l’individu et qui a le plus résisté à leurrer la moralité par de faux billets sur une vie qui n’a pas de réalité[40].

Il ne faut pas se figurer l’avènement de pareille idée comme la proclamation d’un dogme faite par une autorité infaillible. Longtemps encore, ou pour mieux dire toujours, des Israélites resteront fidèles à la vieille école, ou considéreront la croyance à l’immortalité comme une croyance pieuse qu’on peut admettre ou ne pas admettre. Les sadducéens, sous ce rapport, seront véritablement dans la tradition. Israël continuera son miracle, qui est de produire des sages parfaits sans l’immortalité. Il y aura toujours des Juifs qui se trouveront récompensés, quand ils auront la richesse, l’aisance, les joies de la vie ; mais la logique voulait une satisfaction. Il n’était pas possible que le peuple qui a le plus dépensé d’activité désintéressée, qui a le plus contribué à répandre dans le monde l’idée de l’immortalité, restât étranger à ce que nous regardons comme un des postulats de la vie. La longévité, accompagnée de la richesse, qui suffit encore comme récompense au Second Isaïe[41], vont paraître quelque chose d’enfantin.

Car, ne nous y trompons pas, l’homme n’est conduit que par l’idée de l’avenir. Un peuple qui en masse abdiquerait toute foi à ce qui est au-delà de la mort s’abaisserait complètement. L’individu peut faire de très grandes choses sans croire à l’immortalité ; mais il faut qu’on y croie pour lui et autour de lui. Dans le mouvement d’une armée, en effet, il y a le courage personnel et l’entraînement général. La foi à la gloire, nos poursuites de l’idéal, sont une forme de la foi à l’immortalité ; elles font faire une foule de choses dont on ne touchera le prix qu’après la mort[42] ; toute noble vie est construite, pour une grande partie, sur des placemens d’outre-tombe. Or la loi à la gloire est compromise par les courtes vues sur l’histoire qui tendent à prévaloir de nos jours. Peu de personnes agissent en vue de l’éternité. Je l’avoue, j’ai des doutes graves sur l’immortalité individuelle ; et cependant j’agis presque constamment en visant des buts au-delà de la vie ; j’aime mon œuvre après moi ; il me semble que je vivrai bien plus alors qu’aujourd’hui. Mais ces sentimens deviennent rares. On veut jouir de sa gloire ; on la mange en herbe de son vivant ; on ne la recueillera pas en gerbe après la mort.

J’ai cherché à expliquer, dans mon histoire des Origines du christianisme[43], comment la foi juive à la résurrection et le dogme platonicien de l’immortalité de l’âme se combinèrent au IIe et au IIIe siècle du christianisme, d’une façon qui laissa toujours beaucoup de place à l’incohérence. En réalité, dans la foi d’un chrétien et de ce qu’on appelle un spiritualiste, le dogme platonicien est ce qui domine ; la résurrection des corps n’est plus qu’un embarras, qu’on rejette, comme un décor inutile, à la fin des temps. J’ai tâché de montrer à diverses reprises[44]comment, si nos idées a priori sur la justice ont quelque valeur, les idées juives de la résurrection ont plus de chance d’être vraies que les idées platoniciennes fondées sur une erreur, la séparabilité de l’âme. Ce n’est pas ici le lieu d’insister sur ce point. La conception juive a du moins un côté très philosophique ; elle suppose que l’homme n’est pas immortel par lui-même, que l’immortalité, si elle lui est destinée, ne vient pas de sa nature, essentiellement mortelle, qu’elle vient uniquement d’une grâce de Dieu, qui tient à honneur d’être juste[45]. C’est un miracle que Dieu se doit de faire, malgré la loi : Tout ce qui a commencé finira. » Si l’univers arrivé, dans des milliards de siècles, à sa pleine maturité, se prend à vouloir être juste pour les innombrables êtres qui auront vécu, c’est par un tour analogue que nous imaginons la reviviscence des individus ; et, comme un sommeil d’un milliard de siècles n’est pas plus long qu’un sommeil d’une heure, cela semblerait se passer à l’heure même de la mort. In momento, in ictu oculi.

Mais ces rêves nous emportent trop loin. Revenons à nos héroïques Israélites, qui se laissent tyranniser pour une loi dont toutes tes récompenses se réduisent à une longue vie. On ne saura jamais combien furent féconds ces jours sombres où Antiochus Épiphane préluda au rôle de Néron, et, en persécutant la religion, la consolida, y mit son sceau. Rien ne naît que dans la crise ; ce qui était latent et en puissance ne se dégage que sous la pression du coin de la nécessité. L’israélitisme, reposant sur cette doctrine immorale que l’homme à qui il arrive un malheur est coupable, est obligé de reculer et de dire le mot qu’il résistait tant à prononcer depuis des siècles : « la vie éternelle. » Le messianisme, l’apocalyptisme, retenus jusque-là dans leur croissance, vont maintenant marcher à pas de géans. Ce qui est fondé, en particulier, c’est le christianisme. Les deux idées fondamentales de Jésus, le royaume de Dieu et la résurrection, sont complètement formulées. L’esprit de martyre est créé. La mère et les sept fils vont faire le tour du monde et seront traités absolument comme des martyrs chrétiens. L’abomination de la désolation a porté la colère à son comble. Vivent les excès ! Vivent surtout les martyrs ! Ce sont eux qui tirent l’humanité de ses impasses, qui affirment quand elle ne sait comment sortir du doute, qui enseignent le vrai mot de la vie, la poursuite des fins abstraites, la vraie raison de l’immortalité.


ERNEST RENAN.


  1. II Macch., IV, 12.
  2. Saint Paul, p. 66 et suiv. ; Marc-Aurèle, 556.
  3. II Macch., IV, 15.
  4. I Macch., II, 42, édit. Fritzschc.
  5. Polybc, XXVI, 10.
  6. Dan., VIII, 23 et suiv. ; XI, 21 et suiv., 37.
  7. L’Olympieion d’Athènes était de lui. Polybe, XXVI, 10.
  8. Diod. Sic, XXIX, 32 ; XXXI, 16 ; Tite-Live, XLI, 20.
  9. Rex Antiochus demere superstitionem et mores Grœcorum dare adnisus, quominus teterrimam gentem in melius mutaret, Parthorum bello prohibitus est. (Tacite, Hist., V, 8.)
  10. I Macch., I, 14.
  11. Daniel, XI, 30-39 ; I Macch., II, 18.
  12. I Macch., I. 16. Cf. les Apôtres, p. 330.
  13. I Macch., I, 12-16.
  14. II Macch., III, 1 et suiv., IV, 1 et suiv.
  15. II Macch., IV, 7-10.
  16. Jos., Ant., XII, V, 1 ; cf. XV, III, 1 ; XIX, VI, 2.
  17. II Macch., IV, 27-50.
  18. I Macch., I, 20-24 ; H, 9 ; II Macch., V, 1-21 ; Jos., Ant., XII, V, 3 ; Contre Apion, II, 7.
  19. Daniel, II, 30-31.
  20. I Macch., I, 29-40 ; II Macch., V, 23-26 ; Jos., Ant., XII, V, 4. Comp. I Macch., I, 30-32, 38 ; II Macch., V, 24 ; Daniel, VII, 25 ; VIII, 11 et suiv. ; IX, 27 ; II, 31 et suiv. ; XII, 11.
  21. A Jaffa, à Gézer.
  22. Celle où est Nebi-Daoud, le prétendu Sion des topographes traditionnels.
  23. Daniel, IX, 27 ; XI, 31 ; XII, 11. Cf. VIII, 13 ; I Macch., I, 54-59 ; II Macch., VI, 2. Cf. Matth., XXIV, 15.
  24. Le passage I Macch., III, 10, semble même supposer que les Samaritains firent cause commune avec les Syriens contre les Juifs.
  25. II Macch., VI, 27.
  26. II Macch., VI, 4-11 ; Daniel, XI, 33 35.
  27. II Macch., VI, 18 et suiv.
  28. Ibidem, VII, 1 et suiv. Comp. ce qu’on appelle le IVe livre des Macchabées, Orig. du Christ., V, 303 et suiv. Sur les textes juifs, voir Zunz, Die gottesdiensilichen Vorträge der Juden, p. 124.
  29. Les invraisemblances sont les mêmes : Antiochus présidant aux supplices, etc.
  30. On en trouve des traces dans I Macch., I, 25 et suiv. ; 38 et suiv. ; II, 6 et suiv., 51 et suiv.
  31. Les psaumes XLIV, LXXIV, LXXIX, LXXXIII, surtout, conviennent parfaitement à ce temps ; mais, après tout, rien ne s’oppose à ce qu’ils soient plus anciens, ces anavim s’étant souvent trouvés dans des situations analogues. Ces psaumes sont de la plus belle langue classique, du style le plus relevé, souvent (LXXIV surtout) pleins d’obscurités et de fautes de copistes. Or la langue, à l’époque des Macchabées, était extrêmement abaissée et le génie poétique perdu ; le stylo est plat, prolixe à la façon araméenne, n’offrant jamais aucune difficulté quand l’auteur ne fait pas exprès de contourner sa pensée. On en peut juger par le livre de Daniel, par les pièces originales qu’on entrevoit derrière le premier livre des Macchabées, par les cantiques que la rhétorique de ce temps sème à tout propos et dont le ton est si faible. Notez surtout la fade prière, Daniel, IX, 4 et suiv. ; Comp. les cantiques du chap. III. Si l’époque des Macchabées avait produit des psaumes, ces psaumes formeraient un groupe reconnaissable dans l’un des cinq livres qui composent le recueil actuel, ou plutôt ils formeraient un recueil à part qu’on n’eut pas attribué à David. Le Psautier de Salomon, peu postérieur aux Macchabées, a-t-il pu jamais être confondu avec le psautier davidique ? Tout porte à croire que le recueil canonique des Psaumes était clos et même traduit en grec à l’époque des Macchabées. (Sirach, prol. et XLVII, 6 et suiv.) Il s’ajoutait encore des livres à la fin du volume biblique (Daniel, Ecclésiaste, Lamentations) ; mais le volume ancien ne se desserrait plus ; on n’osait plus y rien introduire. Le style de la traduction grecque des Psaumes est uniforme ; cette traduction est l’œuvre d’un même écrivain. Les psaumes macchabaïques, s’il y en avait, trancheraient sur le reste dans le grec comme dans l’hébreu. Le psaume qui paraît le plus macchabaïque, le psaume LXXIV, est cité dans le premier livre des Macchabées (ch. VII, 16-17), comme un vieux texte prophétique. Comparez l’allusion à Ps. XCII, 8, dans I Matth., IX, 23. Ajoutons que le Psautier de Salomon suppose le Psautier canonique clos et attribué tout entier à David.
  32. Le moyen âge l’exagéra naïvement. Les bêtes, n’ayant pas d’âme immortelle, doivent être récompensées ici-bas. Une petite biche, que des religieuses avaient stylée à saluer la Vierge, à se mettre à genoux sur un prie-Dieu, tourmentait beaucoup ces bonnes filles. Il est clair qu’il ne pouvait y avoir pour elle de paradis. Les religieuses, pour que sa piété ne restât pas sans récompense, la bourraient de confitures. Le lion qui a creusé la fosse pour le corps de saint Antoine, premier ermite, est payé de son travail par la rencontre d’un mouton, qu’il dévore. Car le lion, comme toute autre créature, mérite son salaire. L’homme est beaucoup moins bien traité ici-bas ; car il a la vie éternelle.
  33. Psaume XXXVII, p. 25.
  34. II Macch., VII, 18, 32-33, 38 ; Dan., IX, 4 et suiv.
  35. Voir Hist. du Peuple d’Isr., t. III, p. 493. Sirach, VII 17.
  36. II Macch., VII, 14. In resurrectione justorum. Voir Orig. du Christ., V, 276.
  37. Inutile d’ajouter qu’il n’y en a pas de trace auparavant. Le prétendu témoignage de Job repose sur une altération du texte.
  38. Dan., VII, 2, 13.
  39. II Macch., VII, 9, 11, 14, 23, 29, 36 ; XII, 43 et suiv. ; XIV, 46 ; Cant. des trois enfans, Dan., III, 86, πνεύματα καὶ ψυχαὶ δικαίων. Cf. Matth., XXVII, 52. Ce morceau faisait, selon moi, partie du livre de Daniel primitif.
  40. Il en est de même de la monogamie, qu’Israël a tant contribué à fonder ; et avec cela, Israël n’a jamais supprimé la polygamie.
  41. Voir Hist. du Peuple d’Isr., t. III, p. 494.
  42. Dummodo absolvar cinis.
  43. Tome II, p. 97-98 ; t. VII, p. 505-506.
  44. Vie de Jésus ; Dialogues philosophiques ; Examen de conscience philosophique.
  45. Des théologiens chrétiens ont soutenu également que l’immortalité n’est pas de l’essence de l’homme, qu’elle lui est accordée par un acte spécial de Dieu.