Les Jeunes Filles (Verhaeren)

Les Blés mouvantsGeorges Crès et Cie (p. 146-148).
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LES JEUNES FILLES


 
Allez, venez,
Rejoignez-vous ou quittez-vous,
Allez, venez et revenez,
Sans perdre haleine,
Mille chemins couvrent la plaine.

Allez, venez,
Au long des jours de la semaine,

De clos en clos, de prés en prés,
Allez, venez et revenez.
Mais le dimanche,
Quand votre corps paré ceindra ses cottes blanches,
Rejoignez-vous,
Vous les fraîches et belles filles,
Au carrefour des trois charmilles.
De beaux garçons
Y passeront,
Et l’ombre y choit sur les gazons.
Allez, venez,
Pour y mener
Sous les charmilles
De longs et sinueux quadrilles.

Allez, venez et quittez-vous,
La danse est pleine de remous,
De surprises, de fuites et de feintes,
Mais ne dansez jamais qu’en serrant votre cœur

Contre le cœur de vos danseurs.
Peut-être, un jour, en une étreinte,
Surprendrez-vous
Quel cœur jaloux
Sera celui de votre époux.

En attendant, allez, venez,
Au long des clos, au long des prés,
Tenant vos seaux de lait pendus à vos poings fermes ;
Déjà l’heure est nocturne, et les troupeaux dorés
Un à un sont rentrés,
Avec des beuglements, dans la paix de la ferme.
Allez, venez, et puis dormez.