Les Honnêtetés littéraires/Édition Garnier/6

Œuvres complètes de VoltaireGarniertome 26 (p. 124-125).

SIXIÈME HONNÊTETÉ.

Un homme de province[1] sollicite une place dans un corps respectable d’une capitale, et l’obtient ; et pour tout remerciement, il dit à ses confrères qu’eux et tous ceux qui aspirent à l’être sont des extravagants, des ennemis de l’État et de la religion, et même des gens sans goût, qui ne lisent point ses cantiques.

Mon correspondant ne me dit point dans quel pays s’est passée cette aventure. Je soupçonne que c’est en Amérique. Il ajoute que ce discours du récipiendaire produisit quelques mauvaises plaisanteries, qu’il faut pardonner aux intéressés. Heureux ceux qui, lorsqu’ils sont outragés, se contentent de rire ! Vous savez, mon cher lecteur, que le public est alerte sur les fautes des gens de lettres comme sur l’orgueil, l’avarice, et les petites paillardises qu’on a quelquefois reprochées aux moines. Plus un état exige de circonspection, plus les faiblesses sont remarquées ; et si les moines ont fait vœu de chasteté, d’humilité, et de pauvreté, les gens de lettres semblent avoir fait vœu de raison.

  1. J.-J. Lefranc de Pompignan ; voyez tome XXIV, page 111.