Les Honnêtetés littéraires/Édition Garnier/4

Œuvres complètes de VoltaireGarniertome 26 (p. 123-124).

QUATRIÈME HONNÊTETÉ.

Un autre gazetier joue dans la littérature le même rôle que l’écrivain des nouvelles ecclésiastiques a joué dans l’Église de Dieu : c’est l’abbé Desfontaines[1], chassé pour ses mœurs de cette Société de Jésus, chassée de France pour ses intrigues. Il met en vers des psaumes, et on ne lit point ses vers ; il meurt de faim, et il déchire pour vivre tous ceux qui se font lire, et il le déclare ; il est enfermé à Bicêtre, et il fait des feuilles à Bicêtre ; enfin il a un successeur aussi[2]. Ce successeur est l’Élisée de cet Élie, chassé comme lui des jésuites, mis à Bicêtre comme lui, passant de Bicêtre au For-l’Évêque et au Châtelet, couvert d’opprobres publics et secrets, osant écrire et n’osant se montrer. Le nom de Fréron est devenu une injure ; et cependant il aura aussi un successeur[3], dont les sots liront les feuilles en province pour se former l’esprit et le cœur[4].

  1. Voyez tome XXII, page 386 ; XXIII, 25, 31, 34.
  2. Fréron ; voyez tome XXIV, page 181.
  3. Voltaire a été prophète ; Fréron a eu un successeur dans l’abbé Geoffroy (Julien-Louis), né à Rennes en 1743, mort en 1814 ; à la mort de Fréron, il le remplaça dans la rédaction de l’Année littéraire. De 1800 à 1814, il a donné, dans le Journal des Débats, un grand nombre d’articles où il se montra toujours acharné contre Voltaire. (B.)
  4. Voyez la note 1, tome IX, page 138.