Librairie nouvelle (p. 22-23).
Un nouvel instrument de musique

Un nouvel instrument de musique.


Un musicien que tout Paris connaissait, il y a quinze ou vingt ans, vient me trouver un matin, portant sous son bras un objet soigneusement enveloppé dans du papier : — « Je l’ai trouvé ! je l’ai trouvé ! s’écrie-t-il comme Archimède, en entrant chez moi. J’étais depuis longtemps à la piste de cette découverte, qui ne peut manquer de produire dans l’art une immense révolution. Vois cet instrument, une simple boîte de fer-blanc percée de trous et fixée au bout d’une corde ; je vais la faire tourner vivement comme une fronde, et tu entendras quelque chose de merveilleux. Tiens, écoute : Hou ! hou ! hou ! Une telle imitation du vent enfonce cruellement les fameuses gammes chromatiques de la Pastorale de Beethoven. C’est la nature prise sur le fait ! C’est beau, et c’est nouveau ! Il serait de mauvais goût de faire ici de la modestie. Beethoven était dans le faux, il faut le reconnaître, et je suis dans le vrai. Oh ! mon cher, quelle découverte ! et quel article tu vas m’écrire là-dessus dans le Journal des Débats ! Cela te fera un honneur extraordinaire ; on te traduira dans toutes les langues. Que je suis content, va, mon vieux ! Et crois-le bien, c’est autant pour toi que pour moi. Cependant, je l’avouerai, je désire employer le premier mon instrument ; je le réserve pour une ouverture que j’ai commencée et dont le titre sera:l’Île d’Éole ; tu m’en diras des nouvelles. Après cela, libre à toi d’user de ma découverte pour tes symphonies. Je ne suis pas de ces gens qui sacrifieraient le présent et l’avenir de la musique à leur intérêt personnel, non ; tout pour l’art, c’est ma devise. »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .