Les Gaietés/Le Lavement

Les GaietésAux dépens de la Compagnie (p. 6-10).


LE LAVEMENT,

chanson-parade.


Je suis Gilles, garçon zapothicaire chez M. Fleurant, qui demeure là zau coin vis-à-vis un cul-de-sac. On vint l’autre jour me demander un crystère pour mam’zelle Zirzabelle ; moi qui ai des vues propres sur cette demoiselle, j’apprête mon affaire ; je cours, je monte au sixième, j’arrive sur le derrière, et j’dis : Me v’là.



Salut, mam’zelle Zirzabelle ;
J’vous apporte un p’tit lav’ment ;
Ça vous r’f’ra l’tempérament.
Allons, tournez-vous, mam’zelle.
Ell’ m’répond avec dédain :
— Fi ! monsieur, pas tant d’raideur ;
Car zamais zapothicaire
Ne verra c’que, par pudeur,
Z’ne fais voir qu’à ma sèr’ mère.
— C’que vous m’dit’s là n’prouve rien ;
Vous mentiez drès étant p’tite,
Drès étant p’tite.


Et puis d’ailleurs, mam’zelle, c’est pour vot’ bien ce qu’on en fait ; vous avez une inflammation de bas-ventre : il faut laver ça, mam’zelle ; r’gardez, j’l’ai dressé exprès pour vous. Allons, prenez, prenez.


Ça vous f’ra du bien tout d’suite,
Ça vous f’ra du bien.

— Zil est par trop vrai qu’ça m’brûle ;
Qu’z’ai besoin d’rafraîchissans.

— D’vous coucher à contre-sens
D’vez-vous donc zavoir scrupule ?
— Puisqu’il l’faut, allons, me v’là ;
Mais, Zilles, surtout pas d’niche.
Ze n’puis l’voir comme j’suis là,
C’est vraiment ça qui me r’fiche.
— Tout c’qu’on f’ra s’ra pour vot’ bien ;
J’sis tout prêt, r’troussez-vous vite,
R’troussez-vous vite.


Pas tant de façons. Encore cette demi-aune de toile. Oh ! quel beau visage, s’il avait zun nez ! Cependant, z’il y a de l’enflure. Il faut zopérer un dégagement. Avalez-moi ça, mam’zelle, avalez-moi ça.


Ça vous f’ra du bien tout d’suite,
Ça vous f’ra du bien.

— Polisson, qu’allez-vous m’faire ?
Un lav’ment ne s’met pas là.
— À la cour, aujourd’hui, v’là
Comm’ les dam’s prenn’t un crystère.
— En c’cas, au zenr’ de la cour
Zil est zust’ que j’me conforme.
Dieu ! faudrait la bouch’ d’un four,
Tant l’instrument est énorme !
— C’est trop d’honneur, mais l’moyen
S’rait d’vous fair’ la bouch’ moins p’tite,
La bouch’ moins p’tite.


Allons, mam’zelle, élargissez les voies, et tandis que j’pousse, donnez un coup de main. Si ça passe vous êtes sauvée.


Ça vous f’ra du bien tout d’suite,
Ça vous f’ra du bien.

— Que vot’ s’ringl’ me paraît douce,
Mais z’redoute l’s accidens.
— Jusqu’au fond v’là que j’suis d’dans ;
N’craignez rien ; va comm’ j’te pousse :
N’vous tortillez pas si fort,
Ça dérang’rait mon affaire…
V’là qu’ça part. Ah ! sans m’fair’ tort,
C’que j’vous donn’ n’est pas d’l’eau claire…
— Tu m’inond’, oh ! sacré chien !
T’as poussé l’machin trop vite,
L’machin trop vite.


Oh ! mon ser Zilles, ze n’y étais pas encore. Cependant, ça m’a fait zun peu d’effet. Pour que ma guérison soit complète, redouble la dose, mon ser Zilles, redouble la dose.


Ça me f’ra du bien tout d’suite,
Ça me f’ra du bien.

J’la guéris, l’on peut bien l’croire,
Avec sept ou huit lav’mens :

À cell’-là qui dit que j’mens,
Que ma s’ringl’ prouve c’t’histoire.
Mettez la main sur vos yeux,
Puis, entre vos doigts, mesdames,
R’luquez bien l’machin curieux
Qui rend la santé zaux femmes :
La vôtre n’vaut-elle rien ?
Profitez d’mon grand mérite,
D’mon grand mérite.


Voyez, mesdames, décidez-vous ; faites comme mam’zelle Zirzabelle. Qu’est-ce qu’en veut ? huit, dix, douze ! ne boudez pas contre vot’ventre. J’suis tout prêt !


Ça vous f’ra du bien tout d’suite,
Ça vous f’ra du bien.