Les Gaietés/Le Convoi de Manuel

Les GaietésAux dépens de la Compagnie (p. 160-162).


LE CONVOI DE MANUEL[1].

LETTRE DU MINISTRE AU VICOMTE DE FOUCAULT.


Air de la Vallée de Barcelonnette.


Écoute, Foucault[2], mon ami,
Écoute ma prière :
Ton empoigné s’est endormi
L’âme tranquille et fière (bis) ;

Ne fais pas la chose à demi,
Vas encore empoigner sa bière ;
Aux armes !
Foucault,
Il nous faut
Des torrents de gendarmes !

Tu sais bien que nos jeunes gens
D’une espèce de culte
Honorent les indépendants
Qu’à Montrouge on insulte ;
Mais de peur qu’amis et parents
L’escortent sans aucun tumulte,
Aux armes, etc.

Ouvre les yeux, et tu verras,
Étrange forfaiture,
Des milliers de ces scélérats
Empoigner la voiture.
Vite, en avant, n’entends-tu pas
Le nigaud Franchet qui murmure[3] ?
Aux armes, etc.

Si les Français sont trop prudens,
Instruis bien tes sicaires ;
Dis-leur d’être plus insolens
Qu’ils ne l’étaient naguères ;

Dis-leur qu’il faut, il en est temps,
Rougir les jaunes bandoulières.
Aux armes, etc.

Sans égard pour la France en deuil
Donne l’ordre à tes crânes
D’arracher le char du cercueil
À ces mortels profanes ;
Afin d’abaisser leur orgueil,
Attèles-y plutôt des ânes…
Aux armes, etc.

Gardons-nous bien d’être indulgens,
De crainte de déboire ;
Que toujours les honnêtes gens
Soient notre bête noire ;
Que les jésuites, nos régens,
De tout voir sabrer aient la gloire.
Aux armes, etc.

Ainsi donc, mon ami Foucault,
Du nerf et de l’audace.
Bien plus qu’un La Rochefoucault
Il faut être tenace ;
Et si le Français parle haut,
Que son sang rougisse la place !
Aux armes !
Foucault,
Il nous faut
Des torrents de gendarmes.



  1. 1827. Voir Vaulabelle.
  2. Le colonel vicomte de Foucault qui, à la tête de trente gendarmes, avait empoigné Manuel, expulsé de la Chambre des Députés (4 mars 1823).
  3. Franchet-Desperey, directeur-général de la police.