Les Gaietés/La Romance de mademoiselle Justine

Les GaietésAux dépens de la Compagnie (p. 3-5).

CHANSONS ÉROTIQUES



« Beaucoup de mes refrains égrillards couraient le monde. Ils avaient d’autant plus de succès qu’ils se rapprochaient davantage des chansons de Collé. »
BÉRANGER,
Ma biographie, à la date de 1813.




LA ROMANCE DE MADEMOISELLE JUSTINE.


Air : D’un époux chéri, la tendresse. (Adolphe et Clara).


L’autre jour la tendre Justine
Chantait, en courant le gibier,
Les amours du vaillant Ogier,
Qui va combattre en Palestine ;
Par ces mots cent fois répétés,

 
Elle interrompait sa romance :
« Montez chez moi, messieurs, montez ;
« J’ai des appas, messieurs, tâtez ;
« Venez, nous ferons connaissance.
« J’aurai beaucoup de complaisance,
« Beaucoup, beaucoup de complaisance. »

Par respect pour sa noble dame,
Disait Justine en roucoulant,
De la France Ogier s’exilant,
Au désespoir livre son âme ;
Sa dame par ses cruautés,
Le contraint à fuir sa présence :
« Montez chez moi, etc. »

J’adore, hélas ! ma suzeraine,
S’écrie Ogier, versant des pleurs ;
J’ai fait triompher ses couleurs
Sans la voir sensible à ma peine.
Sous ses yeux chers et redoutés
Mourir était mon espérance…
« Montez chez moi, etc. »

Mais je pars, ô dame chérie !
J’accomplis un ordre inhumain ;
Pour avoir baisé votre main
Vous m’exilez de ma patrie !
De tant de soupirs rejetés
Qu’un soupir soit la récompense…
« Montez chez moi, etc. »


Il s’embarque, et plein de sa flamme
Ogier périt dans l’Orient.
Chaque nuit un spectre effrayant
Vient baiser la main de sa dame.
De vos amants, jeunes beautés,
Ne rebutez pas la constance.
« Montez chez moi, messieurs, montez ;
« J’ai des appas, messieurs, tâtez ;
« Venez, nous ferons connaissance.
« J’aurai beaucoup de complaisance,
« Beaucoup, beaucoup de complaisance. »