Les Gaietés/L’Incrédulité des Femmes

Les GaietésAux dépens de la Compagnie (p. 67-68).


L’INCRÉDULITÉ DES FEMMES.



Ah ! madame, qu’allez-vous croire ?
Dès l’abord mon coursier s’abat.
Quand vous me cédez la victoire,
Je tombe et suis hors de combat.
Mais cet accident qui m’arrive
Pour ma tendresse parle bien :
C’est l’effet d’une ardeur trop vive.
— Non, non, monsieur, je n’en crois rien.


Si mon air défait vous indigne,
Songez que c’est votre vertu
Qui, par sa résistance insigne,
M’a donné cet air abattu.
Naguère, mon cœur tout de flamme,
Avait bien un autre maintien ;
Vous l’avez dû sentir, madame ?
— Non, non, monsieur, je n’en crois rien.

Je ne suis ni lâche ni traître ;
Voyez, et jugez entre nous
Si j’ai tout ce qu’il faut pour être
Tout ce qu’on doit être avec vous.
Envers moi loin d’être économe,
Nature m’a traité fort bien :
Daignez donc me croire honnête homme.
— Non, non, monsieur, je n’en crois rien.

Mais l’Amour arrive à mon aide…
Plus de plainte, plus d’air moqueur ;
Je pousse un argument plus raide
Qui pénètre au fond de ton cœur.
Crois que je suis tendre et sincère,
Que tu ne dois douter de rien,
Crois enfin que j’ai tout pour plaire.
— Ah ! mon ami, je le sens bien.